Pour un temps sois peu, de Laurène Marx, mis en scène par Lena Paugam, Théâtre du fil de l’eau, Festival Paris l'été
  © Kévin Lebrun   article de Nicolas Brizault Oui, un très bon sujet, la transsexualité, ses doutes, ses peurs, ses dangers, tout ce qu’on ignore très souvent. Ce texte de Laurène Marx est une commande du collectif Lyncéus « C’était mieux après ». Il a reçu le prix ARTCENA pour l’aide à la création en novembre 2020. Pour un temps sois peu est un texte-combat, une autobiographie sauvage et douloureuse de Laurène Marx révélant doutes, terreurs, incertitudes. Tout autant qu’abandons, incompréhensions, attaques. Un système médical apparemment froid et autocentré, au compte en banque autocentré plutôt. Sujet qui interpelle bien sûr, on souhaite écouter, voir, comprendre. Mais le mystère reste entier, la magie même : on pense être resté trois heures devant un spectacle qui ne dure qu’une heure et quarante très étendues minutes. Une seule envie s’échappe de cette douloureuse soirée, mise en scène par Lena Paugam : celle de lire le livre de Laurène Marx. L’intérêt n’y sera peut-être pas anéanti par l’absence de mise en scène, accolée à un jeu plus que douteux. Du rien sur du rien en boucle. Comme si les vagues allant et venant dans Pour un temps sois peu avaient dû être présentées d’une seule et même façon. Du vite, des cris et les yeux noirs, avec une touche de rouge à lèvres à un moment donné. Une hystérie redondante et sans recherche. Les dix premières minutes touchent et attrapent, une puissance semble naître tout près de ce petit canal de l’Ourcq, dix minutes frappant un reste de sensations caniculaires à l’arrière du Théâtre du Fil de l’eau. La transsexualité se raconte et ce ton surpuissant fonctionne bien, les spectateurs se prenant en pleine face les premiers « Et toi ? ». Sauf que la mise en scène ne change pas d’un brin, même si de temps en temps on tartine de grands mots au sol ou sur les murs. Messages à l’eau fraîche épongés trois fois ou plus, parce que lorsqu’on trouve un geste qui pourrait paraître puissant, pourquoi s’en séparer, plutôt que de chercher un peu « autre chose », expression compliquée et sans doute incompréhensible ? Cette pseudo mise en scène rassure parfois, on pense que la fin s’approche. Non. Et là c’est le texte qui en rajoute. On appelle ça des répétitions, on prend la même chose et on recommence. La fin est cependant une véritable surprise. Le silence. Quel bonheur !   © Kévin Lebrun   Pour un temps sois peu, de Laurène Marx Mise en scène de Lena Paugam Interprétation : Hélène Rencurel Création sonore : Antoine Layère Accompagnement chorégraphique : Bastien Lefèvre     Les 19 & 20 juillet  à 19 h Durée 1 h 40     Théâtre du fil de l’eau En face du Théâtre du Fil de l’eau 20 rue Delizy 93500 Pantin   Festival Paris l’été 106 rue Brancion 75015 Paris 01 44 94 98 00 www.parislete.fr   Ce texte a reçu le prix ARTCENA pour l’aide à la création en novembre 2020 et a été publié en juin 2021 aux Editions théâtrales dans la collection « Lyncéus Festival ».      Read More →
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Flesh, de Sophie Linsmaux et Aurélio Mergola, mis en scène par Sophie Linsmaux et Aurélio Mergola, Gymnase du Lycée Mistral, Festival d’Avignon In
  © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Flesh est un peu un objet théâtral non identifié, qui relève d’ailleurs davantage de la performance que du théâtre en tant que tel, notamment en raison de l’absence de véritable dramaturgie et de la quasi inexistence de la parole (une chanson tout de même dans le 4ème opus et un prénom crié ad nauseam dans le 3ème). Empêchés de présenter No one en 2020, les deux auteurs, metteurs en scène et comédiens belges présentent en cette 76ème édition du In quatre nouvelles pièces courtes, qui tiennent dans un format total de 85 minutes, dans un espace scénique aux dimensions assez réduites, et dont les transitions se font au moyen d’un rideau noir savamment éclairé qui encadre en carré les changements de décors. Se succèdent des univers réalistes forts différents, mais qui vont tous engager avec intensité les corps des personnages, ou plutôt leur chair si l’on veut rester fidèle au titre général du spectacle, car le titre est en anglais, comme ceux de chaque pièce et le nom de la compagnie (Still Life). So what ? Flesh débute avec And Yet, qui se déroule à l’hôpital. Un fils (probablement) va visiter son père mourant. La moitié de la pièce constitue en la préparation « physique » de la visite, qui se passe en effet efficacement de paroles : répondant aux injonctions gestuelles d’une aide-soignante, le jeune homme voit se succéder moult ablutions au gel hydroalcoolique avant et après avoir enfilé combinaison, masque chirurgical, lunettes de protection, gants dont l’étanchéité avec les manches est assurée par du gros scotch transparent. La scène est très comique car elle résonne évidemment avec les actions nouvellement apprises et répétées depuis deux ans par chacun de nous, gestuelles pour une part devenues automatiques et qui ont perdu leur étrangeté initiale. La paradoxale humanité de certains gestes des soignants (une main délicate sur l’épaule d’un patient qui dort pourtant) alliée à la mécanisation qui prend imparfaitement le relais (personne ne vient jamais immédiatement quand on actionne la fameuse sonnette accrochée au lit du patient lorsque le moniteur s’affole et que le visiteur panique) sent (affreusement) le vécu… Mais quand le besoin de toucher, entourer les corps aimés, se voit entravé par les branchements et autres obligations, la seule solution est de passer outre les règles et faire corps avec l’être à protéger et inverser s’il faut l’ordre des choses en prenant son père dans les bras. La première pièce en fait une démonstration tristement réussie. Flesh se poursuit avec Kathy and John, les prénoms d’un couple en passe de célébrer un événement dans son appartement bobo. Du champagne est débouché, des petits fours sortis et un cadeau approché par l’homme dont le visage est entouré de bandelettes. A-t-il été victime d’un accident ou à l’initiative d’une opération de chirurgie esthétique ? La seconde hypothèse semble la bonne. Il offre à sa compagne la primeur de sa transformation avec une paire de ciseaux pour qu’elle découvre aux sens propre et figuré son nouveau visage. L’apparence « Bogdanov » l’effraye alors qu’elle semble convenir à l’intéressé. Mais le remodelage est fragile et quelques gestes imprudents suffisent à le défigurer totalement, en faisant passer une situation hyper-réaliste à un moment quasi fantastique, tandis que cela évoque au spectateur aussi bien le côté tragique d’Elephant man (Lynch) que l’extravagance de La piel que habito (Almodovar). Love Room, troisième pièce de Flesh prend place dans un local de réalité virtuelle où une jeune femme, sous l’œil blasé de l’employé, choisit le programme Titanic. La comédienne Muriel Legrand réalise une performance impressionnante, qui ne peut évidemment parler qu’à ceux ayant vu le film et se souvenant des quatre scènes (cultes), ce qui était le cas de tous les spectateurs du gymnase du Lycée Mistral. La solitude mentale qui irrigue et clôt cette partie est d’une violence inouïe, car c’est la seule pièce où il n’y aura aucun rapport tactile, les besoins de la chair ne pouvant s’exprimer que virtuellement donc, dans une scène d’amour d’anthologie avec le parquet à défaut d’un Leonardo DiCaprio en chair et en os… Enfin, Embrace, dernier « épisode » de Flesh est encore plus cruel que les précédents. Des frères et sœurs se retrouvent devant le portrait de leur défunte mère dans son café ringard et vont se déchirer comme on pouvait le deviner dès les premières secondes pour une raison moins évidente : le partage des cendres, qui se fait lui aussi au sens propre et figuré. La violence passe par les regards puis par les corps jusqu’à ce qu’un espoir de solidarité familiale, humaine tout simplement, transparaisse dans les dernières secondes, face à la vie peut-être qui va surgir. Est-ce que l’ensemble fait théâtre ? Ce n’est pas certain. Mais il serait dommage de bouder la créativité et l’inventivité des deux auteurs à partir de situations dont la banalité quotidienne est mise en scène avec une précision confondante. Les performances par ailleurs très narratives interrogent, surprennent et provoquent des éclats de rires irrépressibles qui sont indéniablement cathartiques. N’est-ce pas notamment cela que l’on vient chercher dans les arts de la scène ?   © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon   Flesh, de Sophie Linsmaux et Aurélio Mergola Mise en scène : Sophie Linsmaux, Aurelio Mergola Scénario : Sophie Linsmaux, Aurelio Mergola, Thomas van Zuylen Mise en espace et en mouvement : Sophie Leso Scénographie : Aurélie Deloche assisté de Rudi Bovy, Sophie Hazebrouck Accessoires : Noémie Vanheste Costumes : Camille Collin Lumière : Guillaume Toussaint Fromentin Son : Eric Ronsse Voix off : Stéphane Pirard Masques et marionnettes : Joachim Jannin Stagiaire scénographie : Farouk Abdoulaye Couturière : Cinzia Derom   Avec :  Muriel Legrand, Sophie Linsmaux, Aurelio Mergola, Jonas Wertz   Durée 1 h 25 Jusqu’au 25 juillet, 18 h   Gymnase du Lycée Mistral 20 boulevard Raspail 84 000 Avignon   Tournée en 2022-2023 : Festival de Liège les 13 et 15 février 2023 Théâtre les Tanneurs de Bruxelles du 18 au 22 avril 2023    Read More →
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La Tempesta, de Shakespeare, mis en scène par Alessandro Serra, Opéra Grand Avignon, Festival d’Avignon In
  © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Un bruit sourd gronde et s’amplifie sur la scène de l’Opéra d’Avignon. La tempête évidemment qui va déployer toute sa puissance permise par la magie d’Ariel. Un voile noir, telle la voile d’un bateau ou un immense linceul morbide pouvant engloutir tous les naufragés, s’agite et se soulève dans les hauts cintres et laisse paraître une danseuse comme ballotée par les bourrasques. Ce premier tableau de toute beauté est à l’image de ce qui suivra dans cette nouvelle adaptation shakespearienne du metteur en scène italien Alessandro Serra : un exercice esthétique dont la perfection ne laisse toutefois et regrettablement pas assez de place à l’émotion. La Tempête est comme nous l’avons déjà écrit dans ces colonnes à propos de la mise en scène la plus récente de Peter Brook aux Bouffes du Nord (Tempest project), « l’une des pièces les plus énigmatiques de Shakespeare, très difficile à mettre en scène, pas seulement en raison de sa dimension féérique, mais peut-être plus encore en raison des différents niveaux de compréhension de son texte, ou de ses différentes entrées. » Alessandro Serra a voulu tout maîtriser de sa Tempesta présentée en italien. Lumières, son, costumes et évidemment mise en scène. Manquent les décors, parce qu’il n’y en a (quasiment) pas, à part le voile noir d’ouverture dont se drape Ariel quelques secondes et une planche de bois. La dominante sombre et le travail sur les lumières rappellent son précédent Shakespeare (Macbettu) présenté aux Bouffes du Nord. Les accessoires se résument aux plats d’une table de banquet (celui du mariage) et à des masques superbement travaillés. La Tempesta se veut donc épurée, ce qui ne pose pas problème, tout en étant très précieuse, pour ne pas dire maniériste dans les costumes (superbes) et le jeu d’une grande partie de la distribution. La bouffonnerie à la mode commedia dell’arte des deux ivrognes Trinculo et Stefano, n’y change rien, non plus que la monstruosité modérément convaincante de Caliban à la voix éraillée (qui joue néanmoins très bien) ou la rudesse et raideurs (excessives) de Prospero. Il manque le souffle humain, y compris dans la relation qui ne peut pas vraiment exister de cette nature entre Ariel et Prospero mais qui ont néanmoins des liens d’une particulière complexité ; mais aussi entre les amoureux Miranda et Ferdinand où la passion manque, en dépit d’un Gloria enjoué, mais tellement court qu’il ne peut réchauffer les cœurs. La sobriété brookienne dont Alessandro Serra se réclame (sachant que Brook a créé aux moins quatre versions de La Tempête) doit nécessairement être compensée en quelques sortes par une dimension sensible qui touche le spectateur dans ses intuitions et convictions les plus profondes face à ses jeux de dupes et ces manipulations pour le pouvoir, en laissant parler les ferveurs des personnages et se créer une complicité entre eux. La langue italienne aurait pu être un outil utile pour conduire vers cette proximité, notamment dans le prolongement de la scène de discussion molto forte en italien de déshabillage dans les « coulisses ». Or c’est le contraire qui se produit : une forme de distance entre les comédiens et entre eux et le public, lequel s’il rit à la blague sur les Galeries Lafayette dont il aurait pu se passer, ne peut se laisser aller à de l’empathie avec aucun des personnages et perd la dimension la plus politique de la pièce. Il reste que les tableaux sont superbes, et que les spectateurs vierges de toute mise en scène de cette dernière pièce de Shakespeare ont tout de même de la chance d’assister à un tel spectacle ou brume et lumières se font concurrence, comme entrent en compétition dans le texte les enjeux de la réalité politique et la dimension magique qui entretient l’illusion que tout est bien qui finit bien.   © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon   La Tempesta, de Shakespeare Traduction, adaptation, mise en scène, scénographie, costumes, son et lumière : Alessandro Serra Assistanat lumière : Stefano Bardelli Assistanat son : Alessandro Saviozzi Assistanat costumes : Francesca Novati Masques : Tiziano Fario Traduction en français pour les surtitres : Max Perdeilhan   Avec :  Fabio Barone, Andrea Castellano, Vincenzo Del Prete, Massimiliano Donato, Paolo Madonna, Jared McNeill, Chiara Michelini, Maria Irene Minelli, Valerio Pietrovita, Massimiliano Poli, Marco Sgrosso, Bruno Stori   Durée 1 h 40 Jusqu’au 23 juillet, 18 h     Grand Opéra Avignon Place de l’horloge 84 000 Avignon   Tournée italienne en 2022-2023 : Teatro Romolo Valli de Reggio Emilia Théâtre Gabriello Chiabrera de Savone, Teatro Strehler de Milan En France : MA Scène nationale de Montbéliard le 25 avril 2023      Read More →
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Le Septième jour, d’après Yu Hua, adapté et mis en scène par Meng Jinghui, Cloître des Carmes, Festival d’Avignon In   
      © Christophe Raynaud de Lage   ƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia     En 2019, à l’Opéra Confluence, les spectateurs partaient par rangées bien avant la fin des 3 heures de représentation, exaspérés par le volume sonore de La Maison de thé, adaptation d’une pièce de Lao She, agacés par l’agressivité de l’adresse des comédiens au public, par une scénographie que certains ont qualifié d’arrière-garde plutôt que d’avant-garde et la vulgarité de nombreuses scènes. Ce rappel est nécessaire à la fois pour mesurer l’attente et la méfiance éventuelle en cette 76ème édition du Festival du public avignonnais et de la présente chroniqueuse en particulier qui ne partage toutefois pas toutes les critiques susmentionnées et avait apprécié tant la découverte de ce texte courageux dénonçant les travers de la révolution et l’audace de le monter aujourd’hui pour pointer les mêmes dérives. Le groupe rock Nova Heart était en harmonie (certes aux décibels élevées) avec le gigantisme de la Grande roue très allégorique de la puissance écrasante du pouvoir sur le peuple. Ces dernières précisions trop sommairement indiquées n’ont d’autre but que d’informer des a priori non négatifs à l’approche de cette première représentation dans le Cloître des Carmes du nouveau spectacle de Meng Jinghui.   Le Septième jour est cette fois une adaptation d’un livre éponyme de Yu Hua, écrivain contemporain bardé de prix, et dont ce livre publié en Chine en 2013 a été traduit en français l’année suivante (publié chez Actes sud). L’adaptation est présentée sur un plateau qui n’a pas le gigantisme du précédent spectacle de Ming Jinghui, dans un format à peine moins long, puisque les 2h10 annoncées dans la feuille de salle sont largement dépassées, et avec des éléments de décor d’une grande modestie par rapport aux quatre jours de montage qu’avait nécessité la roue de La Maison de thé.   Le Septième jour est l’histoire de Yang Fei, un homme ordinaire, plutôt pauvre, qui vient de mourir dans une explosion et qui attend son tour au crématorium où il a été convoqué à une heure précise, mais comme il n’est pas très pressé de partir en fumée, il retarde son arrivée et en même temps s’offusque (violemment, cassant tout ce qui est à sa portée) de reculer du 3ème au 64ème rang dans la file d’attente, passant notamment après le maire de la ville, qui a le choix entre les bois les plus précieux pour son urne funéraire. Le Septième jour entendrait-il de dénoncer une inégalité sociale entre les riches et les pauvres ? Ce serait sans doute sa seule tentative en matière de droits fondamentaux, car pour le reste, les femmes, les homosexuels, le propos est loin d’être progressiste. A grand renfort de vulgarité qui ne choque plus le bourgeois mais l’ennuie, de gesticulations qui ne tiennent pas le spectateur en éveil mais le lasse, de cris qui ne le réveillent plus mais finissent au contraire par l’endormir, Le Septième jour ne convainc pas. Chaque jour s’égrène lentement, péniblement, laborieusement avec les histoires d’autres défunts, les rencontres avec l’ancienne et d’épouse et les réminiscences de leur séparation, la maladie du père, etc. Le premier tableau du premier jour, avec des comédiens tout de blanc vêtus ne commençait pas si mal, avec des éléments de décor dont on devinait (à tort) qu’il en serait fait quelque chose (bouteilles d’alcool à Cour, foule de squelettes en fond de scène), une utilisation de l’espace qui pourrait d’avérer intéressante (le niveau supérieur du Cloître) tout comme la scène du frigo devenant (probablement) la baignoire où l’ex femme du narrateur s’est tailladée les veines. Las, il n’en fut rien.  Si les masques de zombis sont censés symboliser les âmes errantes, les jets de bière, le dégoût de l’existence, la peinture rouge sang, la mort et la machine à broyer qui se met en branle dans la dernière scène la vacuité de nos existences, nous ne pouvions plus rien espérer de ce faux dadaïsme (revendiqué), ni rien découvrir de nouveau dramaturgiquement parlant sur l’absurdité de notre existence.   © Christophe Raynaud de Lage   Le Septième jour   Texte : Yu Hua Traduction du chinois : Pascale Wei Guinot Adaptation et mise en scène : Meng Jinghui Musique : Hua Shan, Wang Chuang Scénographie : Zhang Wu Lumière : Wang Qi Son Zhang Xinnan Costumes : Yu Lei Assistanat à la mise en scène : Li Huayi   Avec : Chen Minghao, Han Shuo, Huang Xiangli, Mei Ting, Sun Yucheng, Wang Zihang, Xiao Dingchen   Durée 2h30   Le Septième jour Cloître des Carmes Place des Carmes – Avignon Jusqu’au 25 juillet, 22h (relâche le 21)          Read More →
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En transit, adapté de Anna Seghers, création et mise en scène d’Amir Reza Koohestani, Gymnase du Lycée Mistral, Avignon, Festival In
    © Magali Dougados   Article de Sylvie Boursier Transit d’Anne Seghers est un récit à la première personne d’un anonyme qui, en 1940, s’échappe d’un camp de concentration, se réfugie à Marseille, cherche à fuir dans un pays d’accueil. Le roman montre les multiples procédures kafkaïennes auxquelles il est confronté, recherche de documents, permis de séjour, visa d’entrée… Et le tout dans un pays avec cette impression d’être face à un mur, dans un dédale administratif inextricable comme un monstre froid qui achève ses victimes à coup de mensonges, faux semblants, atermoiements, contrôles, vérifications, attentes, anxiété. En 2018, alors qu’il se rend à Santiago du Chili, Amir Reza Koohestani, le metteur en scène est arrêté à l’aéroport de Munich sous prétexte d’une durée de séjour dépassée et d’un visa périmé. On le maintient dans un no man’s land, dénommé salle d’attente. Son passeport est confisqué et il ne sait s’il sera renvoyé en Iran ou s’il pourra gagner le Chili. Il ressent le besoin de traiter par le théâtre l’angoisse qui fut la sienne et il choisit de le faire par une uchronie, un récit croisé entre les personnages d’Anne Seghers et sa propre expérience de relégué en transit. Un sujet passionnant dont on attendait beaucoup. La pièce se centre sur la confrontation entre policiers des frontières et ces multiples anonymes parqués en zone de transit avec une série de dialogues de sourds où il est question de vrais-faux papiers, de cautions, de garants, de certificats de moralité, d’arrangements, de stylos réglementaires. Au bout d’un moment ça devient tellement technique qu’on se noie. La mise en scène est statique ; les quatre comédiennes, qui ne sont pas en cause, n’expriment aucune empathie, aucun sentiment, elles restent d’une opacité totale, atones, on a l’impression qu’elles n’ont pas de corps. On peut comprendre ce parti pris qui montre comment un système administratif anonymise les individus. Mais pourquoi un tel systématisme du début à la fin ? Le spectateur perd le fil du récit et du coup se désintéresse des enjeux du spectacle, par ailleurs ô combien tragiques ! Pour ajouter à la confusion, les actrices changent de rôle à vue sans modification de jeu. Une réfugiée peut devenir agent des frontières puis à nouveau candidate au départ, personnage du roman d’Anna Seghers ou Amir Reza Koohestani lui-même. Je n’ai pas compris l’histoire qu’on voulait me raconter, avec l’impression pénible de rester à quai, dans une zone de transit justement.   © Magali Dougados   En transit, librement inspiré d’Anna Seghers Création : Amir Reza Koohestani, Massoumeh Lahidji, Keyvan Sarreshteh Mise en scène : Amir Reza Koohestani Traduction : Massoumeh Lahidji Scénographie, lumière : Éric Soyer Musique : Benjamin Vicq Costumes : Marie Artamonoff Avec : Danae Dario, Agathe Lecomte, Khazar Masoumi, Mahin Sadri   Du 7 au 14 juillet à 18 h  Durée : 1 h 20   Lycée Mistral, Festival In 84 100 Avignon     Tournée : Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris, du 5 novembre au 1er décembre Le Maillon, Strasbourg, du 25 au 27 janvier 2023 Théâtre national de Bretagne, Rennes, du 7 au 10 mars 2023 CDN Orléans / Centre-Val de Loire, les 15 et 16 mars 2023        Read More →
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Dans ce jardin qu’on aimait, d’après Pascal Quignard, adapté et mis en scène par Marie Vialle, Cloître des Célestins, Festival d’Avignon In
      © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia       Cela commence par le chant des cigales, se poursuit par le son des gouttes d’eau dans l’arrosoir, puis la diversité des chants savants des oiseaux avant de finir par les tonalités inattendues de la cornemuse et la plainte mélancolique du violoncelle.   Tout comme Monsieur de Sainte-Colombe dans Tous les matins du monde, le pasteur américain Simeon Pease Cheney dans Dans ce jardin qu’on aimait inconsolable de la perte de sa femme, morte en couches, va se réfugier dans les sons de la nature et de la musique pour à la fois rester dans le souvenir de la femme aimée et survivre au deuil en s’imprégnant d’elle dans chaque composant ou évocation de ce jardin qu’elle chérissait.   La proximité des deux romans (le premier publié en 1991 et le second en 2017) de Pascal Quignard est étonnante dans leur évocation de l’écoute attentive du monde, recommandée à ceux qui ont « des oreilles pour écouter ».   Dans ce jardin qu’on aimait est une réflexion méditative à travers l’histoire vraie d’un homme qui a fait lui-même le propre récit de son expérience sensorielle dans un ouvrage intitulé Wood notes wild lequel a inspiré le romancier français. Si Olivier Messiaen est cité à juste titre, puisqu’il écrivit des compositions à partir de chants d’oiseaux (voir notamment Réveil des oiseaux en hommage à l’ornithologue Jacques Delamain) un siècle après Cheney, on pense inévitablement également à Thoreau, qui fut son contemporain et concitoyen, lequel certes ne composa pas de partition, mais décrivit dans Walden la solitude volontaire et assumée de sa vie au plus proche de la nature le conduisant également à une écoute de ses sons et frémissements d’une finesse remarquable. Thoreau en a tiré des enseignements économiques et politiques, Simeon Pease Cheney une expérience métaphysique. Il est dit qu’il s’est éloigné de Dieu pour se rapprocher de la nature, mais cela est presque un non-sens tant son deuil et ce qu’il en fit furent une expérience mystique. S’il quitta certes sa charge, c’est pour mieux se rapprocher de ce qui fait l’essence du monde.   La douleur extrême et indépassable de son deuil le plonge dans un premier temps dans une telle tristesse qu’il ne peut accueillir la joie de la naissance de sa fille  Rosemund et qu’il va rejeter parce qu’il la rend sans doute inconsciemment responsable du décès de sa mère, et parce que plus elle grandit, plus elle la lui rappelle. Un désir incestueux irrépressible arrivant à son acmé quand elle atteint le même âge que celui du décès de la défunte, le père rejette sa fille pour mieux les préserver tous les deux ou plutôt tous les trois.   Ils se retrouvent des années plus tard, après les chemins de vie accomplis par chacun. Le retour aux sources pour Rosemund qui ne peut plus entendre ni les bruits de la ville parmi les villes (New-York), ni les sons pourtant harmonieux du piano qui l’a fait vivre (en donnant des leçons). Elle revient vers son père volontairement. Elle revient au jardin résolument. Elle revient à l’essentiel, à son origine, à une forme de pureté sensorielle et d’appêtit créateur avec son géniteur, échangeant et multipliant les expériences et études ornithologiques.   Marie Vialle porte la puissance de cette histoire, qu’elle s’est appropriée aussi bien comme metteuse en scène que comédienne, avec une sensibilité extrême, dans un dépouillement scénographique approprié. Dans le décor naturel de ce Cloître magique des Célestins où la végétalisation s’impose naturellement dans les interstices de ses pierres et piliers multi-centenaires et la puissance de ses deux platanes légendaires, tout ajout pouvait sembler superflu : un sol minéral, des tissus pastel comme des voiles, telles les branches souples de certains arbres ou roseaux qui plient mais ne rompent pas, jeux des caprices de la nature, et notamment du mistral qui soufflait par moments avec rage et à propos sur le plateau. Quel don du ciel quand le Dionysos de la 76ème édition du Festival envoya une rafale au moment où l’écorché vif Yann Boudaud disait que le vent s’engouffre, quand les akènes des branches violemment secouées tombaient tandis que Boudaud/Cheney frappait brutalement toutes les parties de son corps le punissant de son insupportable sensation de voir sa fille vivante.   La pièce s’achève sur le violoncelle, connu par être l’instrument à la fois le plus proche de la voix humaine et le plus charnel, un instrument que l’on enlace, entoure, étreint, tant est si bien que le corps naturellement dénudé ne fait plus qu’un avec l’instrument quand les lumières du plateau s’éteignent doucement.   On sort du Cloître dans un état un peu second, avant de devoir affronter l’effervescence de la place des Corps-Saints qui impose sa réalité, on scrute une fois atteintes les rues plus calmes un pépiement ou un bruissement, mais il faudra attendre patiemment les premiers gazouillis discrets apportés par l’aurore, laisser resurgir les prouesses poétiques de Marie Vialle de la veille et accepter la beauté du monde.   © Christophe Raynaud de Lage   Dans ce jardin qu’on aimait D’après Pascal Quignard   Conception et mise en scène : Marie Vialle Collaboration à la mise en scène : Eric Didry Adaptation : David Tuaillon et Marie Vialle Scénographie et costumes : Yvett Rotscheid Son : Nicolas Barillot Lumière : Joël Hourbeigt Travail vocal et musical : Dalila Khatir   Avec : Yann Boudaud, Marie Vialle   Durée 1h30   Dans ce jardin qu’on aimait Cloître des Célestins Place des Corps-Saints – Avignon Jusqu’au 16 juillet, 22h   Tournée en 2022-23 : Aix-en-Provence (Le Bois de l’Aune), Toulon (Châteauvallon), Nice (TNS), Paris (Théâtre de la Bastille), Toulouse (Théâtre Garonne), Lyon (Théâtre des Célestins), Châlons-en-Champagne (La Comète)    Read More →
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Alabama Song, de Gilles Leroy, mis en scène par Guillaume Barbot, La Manufacture-Patinoire, Festival d’Avignon Off
  © Aeldarrig & Benjamin Lebreton   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Alabama Song offre sous une forme de théâtre-concert extrêmement structurée et entraînante, une plongée dans la vie de Zelda Fitzgerald, de de son couple tumultueux avec Scott et surtout du musèlement de ses dons créateurs. Zelda a été une muse pour Scott, alors qu’elle avait tout pour qu’il soit (aussi) son Pygmalion. Gilles Leroy a écrit une histoire romancée de Zelda, née en Alabama, fille d’un juge et la petite-fille d’un sénateur, qui lui a valu le prix Goncourt en 2007. Guillaume Barbot a adapté le roman sous une forme musicale réussie, réunissant autour de Lola Naymark trois musiciens talentueux qui savent aussi donner la réplique. Lola Naymark captive d’emblée. On dit de certains artistes ou personnalités qu’elles sont solaires. La comédienne est, elle, lunaire. Le visage pale sous une douche de lumière, qui dès les premières secondes de la pièce respire la fragilité et l’émotivité, captive d’emblée. Elle joue le tourment et la folie admirablement. Là où elle est la moins convaincante, c’est dans les moments chorégraphiés, ce qui est malheureusement regrettable en raison non seulement de l’obsession de Zelda pour la danse et de la contextualisation de l’histoire, en pleines années folles. Mais cela a peu d’importance tant le reste de son jeu est convaincant, véritablement habitée (jusque dans les saluts durant lesquels son émotion très vive est encore palpable) par son rôle de femme à la fois libre et prisonnière, animée d’une énergie vitale et créatrice hors du commun, et censurée par son mari qu’elle admire mais qui ne supporte ni son talent, ni sa (relative) indépendance, même si les deux lui servent de matière littéraire. Car Scott Fitzgerald non seulement s’inspire de sa vie avec celle qu’il a rencontrée alors qu’elle avait 18 ans et épousée deux ans plus tard, que de ses propres écrits, qu’il va piller pour ne pas dire plagier, ne se contentant pas de l’aide inestimable de relecture et donc de perfectionnement qu’elle va lui prodiguer. Si Scott avait autant besoin de Zelda que Zelda avait besoin de Scott, leur relation déséquilibrée additionnée aux premiers succès littéraires et à l’argent aussi vite dépensé que gagné, les conduira dans une spirale d’alcoolisme et de violence pour lui et de schizophrénie pour elle, certainement largement alimentée par une carence affective et un déficit d’attention charnelle de son époux qui la conduira à aller la chercher dans les bras d’un ou plusieurs autres. Non content de la décourager sur le plan littéraire, qui l’obligera à se cacher pour écrire et à se réfugier aussi dans la peinture où elle fait moins concurrence, Scott la privera de ses droits sur leur unique fille et la fera interner dans des établissements psychiatriques divers, subissant des traitements qui l’ont autant détruite qu’apaisée. Lola Naymark incarne cette folle aventure personnelle et intime, dans une scénographie et mise en scène absolument remarquables. Un chemin circulaire et surélevé de bois sombre, comme celui des montagnes russes la folie, qui est également le plancher forcément bancal de ses rendez-vous psychiatriques et le support de ses écrits tourmentés, où l’inversion des couleurs fait sens (écriture blanche sur « page » noire). Il sert également d’écrin aux musiciens qui n’accompagnent pas le spectacle mais le font, en resituant l’ambiance sonore des années folles, mais aussi en incarnant les crises du couple avec Thibault Perriard (Scott) jouant de la batterie comme avec sa vie, Louis Caratini enchaînant au piano des mélodies, pleines des promesses d’amour serein et épanoui d’un aviateur certes de passage, mais qui donnera à Zelda de l’amour physique une autre idée que celle qu’elle a expérimentée rarement mais violemment dans les bras de son époux. Il n’est pas étonnant d’apprendre que Pierre-Marie Braye-Weppe est un élève de Didier Lockwood tant il excelle au violon et complète idéalement le trio musical. Alabama Song est le portrait d’une femme et d’une époque, mais qui en dépit de leur spécificité, pourrait parfaitement être celui d’autres femmes contemporaines, y compris au temps de #MeToo qui ne résout pas tout. Une héroïne tragique qui a péri de manière tragique, dans les flammes de sa cellule psychiatrique. La noirceur apparente de l’argument ne doit pas décourager d’aller voir Alabama Song qui est à la fois un bel hommage à cette femme exceptionnelle et magnifique et un très beau moment de jazz.   © Aeldarrig & Benjamin Lebreton   Alabama Song, de Gilles Leroy Mise en scène : Guillaume Barbot Scénographie : Benjamin Lebreton Lumières : Nicolas Faucheux assisté d’Aurore Beck Costumes : Benjamin Moreau Conception musicale collective, direction Pierre-Marie Braye-Weppe Son : Nicolas Barillot assisté de Camille Audergon Regard chorégraphique : Bastien Lefèvre Assistanat à la mise en scène : Stéphane Temkine Regard dramaturgique : Agathe Peyrard Régie son : Camille Audergon, Vincent Chabo   Avec : Lola Naymark et les musiciens-acteurs Pierre-Marie Braye-Weppe, Louis Caratini, Thibault Perriard     Durée 1 h 15 (2 h 15 en tout si utilisation de la navette du théâtre) Jusqu’au 26 juillet, 9 h 40 (si départ avec la navette de la Manufacture), relâche le 20 juillet   Alabama Song La Manufacture (Patinoire) 84 000 Avignon www.lamanufacture.org    Read More →
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Boléro, chorégraphie d'Angelin Preljocaj, musique de Maurice Ravel, Le Louvre - cour Lefuel, Festival Paris l’été
  © Quentin Chevrier   ƒƒ article de Nicolas Brizault Tout d’abord le bonheur un peu perfide de pouvoir se promener dans quelques salles ouvertes du Louvre, un mardi, en plein été, des salles quasi vides où les visiteurs tournoient autour de splendides sculptures antiques : le torse de Milet, Les Trois Grâces ou la Dame d’Auxerre se la coulant douce pendant cette jolie soirée toute calme. « Tiens, du monde un mardi soir, mais que font-ils là ? Dehors !!! » Alors nous avons sagement obéit aux ordres de ces jolies petites merveilles marmoréennes de l’Aile Denon pour rejoindre très sagement aussi… une cour habituellement interdite au public, la Cour Lefuel, et assister à une autre merveille, plus récente certes puisque créée en 2018, le Boléro d’Angelin Preljocaj. Revenons à cette cour magique, à cette rampe toute simple, en forme de fer à cheval, c’est dire, que les chevaux empruntaient pour se rendre à la Salle du Manège. Au milieu, une fontaine, bassin où ces chevaux se désaltéraient…  Une scène « créée » au milieu, dans laquelle nous nous installons, tout prêts, tout autour, dispos. L’organisation est redondante, les équipes du Louvre multiples. Et nous très sages. On entend des gens qui disent que c’est long. Tiens ?? Vraiment ?? Puis les lumières s’éteignent et comme un « enfin » est murmuré, tout doucement oui, mais pour de vrai… Et là, le Boléro, treize danseurs et danseuses. Créé par hasard presque en 2018, pendant le travail sur Gravité, créé le 20 septembre 2018, dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon. Ils et elles descendent cet escalier incroyable, s’insinuent, grimpent sur cette scène noire, pieds nus. On voit les traces de leurs pas, poussière transportée, abandonnée, effacée par cette suite époustouflante de gestes, mouvements, échanges entre eux et nous, envie immense de dire « eux et nous ». Oui, le Boléro, Angelin Preljocaj, et surtout le plaisir incroyable d’être si près de cette équipe, la chance de voir l’effort autant que les regards, les veines battre presque, la sueur poudrée éventuellement. On est pris, emportés, on ressent. Et le bonheur est incommensurable. Nous sommes près d’eux. On ne se souvenait pas que la beauté, le mouvement, le rythme, la douleur, existaient, en même temps, construits, pour nous. Ces cercles mouvants, hommes, femmes, des rondes rebondissantes, décalées, de l’amour pourquoi pas, il fait beau ! Impression de voir de tous les côtés, d’avoir été là pendant les séances de travail, impression de les connaître, les reconnaître tous et toutes. On voit une cheville bandée, un t-shirt presque différent des autres. On part, on monte, la musique fait ce qu’elle veut, elle accueille, attire ces danseurs sur elle, en elle, et terrasse ces patients tout autour, ce public, sur les trois côtés de la scène noire. La vie en quelque sorte. Le Boléro s’impose, tourne, se renforce. La fascination est évidente. Les corps s’échafaudent, se rejoignent, se soutiennent sur un cercle invisible et jaillissant, les échanges entre danseurs, danseuses, leur travail tout bêtement est là, sous nos yeux. Le whaou ! est général. On a vu les visages comme non épuisés des danseurs, on a vu leur bonheur, ont-ils vu le notre ? Nous marchons à un mètre au-dessus du sol en sortant, face à la rive gauche illuminée, avec encore des petites traces de ciel bleu, ici où là, même s’il est tard déjà. Très jolie façon de plonger dans le Festival Paris l’été. Merci !   ©   Boléro, chorégraphie d’Angelin Preljocaj Pièce pour 13 danseurs Musiques : Maurice Ravel, Johann Sebastian Bach, Iannis Xenakis, Dimitri Chostakovitch, Daft Punk, Philip Glass, 79D Assistant, adjoint à la direction artistique : Youri Aharon Van den Bosch Choréologue : Dany Lévêque Danseurs Baptiste Coissieu, Leonardo Cremaschi, Marius Delcourt, Léa De Natale, Antoine Dubois, Clara Freschel, Isabel García López,Véronique Giasson, Florette Jager, Laurent Le Gall, Théa Martin, Víctor Martínez Cáliz, Nuriya Nagimova   Extrait de Gravité, créé le 20 septembre 2018, dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon Une coproduction du musée du Louvre et du Festival Paris l’été     Lundi 11 et mardi 12 juillet 2022 à 21 h et 22 h Durée 1 h (visite libre dans certaines salles du musée et 30mn de performance)     Le Louvre – Cour Lefuel 99, rue de Rivoli 75001 Paris   Festival Paris l’Eté Billetterie : 15 rue Brancion 75015 Paris 01 44 94 98 00 parislete.fr      Read More →
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Leurs enfants après eux, d’après Nicolas Mathieu, adaptation et mise en scène Hugo Roux, théâtre 11, Avignon festival off
  © Jean Louis Duzert   ƒƒƒ article de Sylvie Boursier Leurs enfants après eux, c’est l’histoire d’une vallée dans l’est en 1992 quand tout ferme. Durant quatre étés, on suit deux jeunes avec leurs amis et leurs proches, quatre années de vie dans cette France profonde des villes moyennes et petits bleds qui aime Nirvana, Cyndi Lauper, Johny Halliday, les canons de Navarrone et le Picon bière. Ils veulent partir, foutre le camp d’ici mais n’ont aucun moyen de le faire. Alors ils se prêtent les vieilles bécanes de leurs pères, s’éclatent au feu d’artifice et regardent le foot. On voit la lente désagrégation des familles, les pères qui ne reconnaissent plus leurs enfants et vice versa, les femmes usées à 20 ans, ça sent la clope, les gaz d’échappement, la rage contenue et le désespoir comme dans la chanson de Jacques Brel « chez ces gens-là, on ne s’en va pas, Monsieur, on s’en va pas. » Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu prix Goncourt 2018 est un roman naturaliste, dans la veine de Zola. L’auteur a un talent d’observation étonnant, le sens du détail, de l’annotation qui fait mouche ce qui donne à son écriture un grand réalisme. Son regard est sans espoir, même la culture ou l’éducation ne peuvent rien, le choix d’ancrer l’action pendant quatre étés montre bien le peu d’importance qu’à l’école sur ces jeunes. Hugo Roux, le metteur en scène, ressent une profonde révolte sociale qu’il exprime en adaptant de grands textes littéraires, Bruckner, Wedekind et ici Nicolas Mathieu. Les 430 pages de texte se transforment en 1 h 50 de théâtre avec trente personnages et sept comédiens. A quand les raisins de la colère de Steinbeck ? Son adaptation nous tient en haleine de bout en bout et respecte l’écriture de l’auteur. On est suspendu à l’enchaînement rapide de petites séquences dialoguées alternant avec des adresses face public. La langue de Nicolas Mathieu est factuelle, pauvre en émotions, dépourvue de toute métaphore lors des échanges sur le vif comme si les personnages étaient détachés du cours de leur vie, ne rêvaient plus, sans aucune analyse. Les monologues ou commentaires adressés au public sont au contraire d’une grande profondeur et témoignent d’une hybridation entre oralité et langue littéraire « le problème d’une vie sans alcool c’est le temps, survivre à cette noyade des rapports, cette boue des autres …] Patrick boit en athlète, cette soif n’a pas d’autre fin que le cimetière ». Apres une scène d’exposition sur une sorte de terrain vague ouvert et herbeux avec l’ensemble des protagonistes, l’intrigue se resserre autour de deux familles celles d’Anthony et de Hacine, l’espace du plateau se remplit de murs, de parpaings comme pour figurer l’enfermement progressif de ces jeunes qui prendront la suite de leurs aînés, seront manutentionnaires chez Darty ou caissiers à Franprix, et leurs enfants après eux.  On est dans l’Assommoir avec la lente plongée du père dans l’alcool et la dépression de la mère jouée par Lauriane Mitchell. Il faut l’écouter dans un rare moment de répit, à la piscine, comme étrangère à son propre corps avec les rayons de soleil éclairant son visage happé par le vide. Dans l’autre famille, d’origine algérienne le père est devenu mutique, ruminant sa défaite depuis la fermeture de l’usine. Même l’amour est sans espoir. Dans la salle bourrée à craquer, des jeunes en majorité qui rient par moments, de gène, d’émotion ? Car franchement, il n’y a pas de quoi rire. Les comédiens assument tous les rôles avec une grande maturité de jeu et le sens du collectif. Edouard Sulpice dans le rôle d’Antony est bouleversant d’humanité, tout en retenue, il faut soutenir son regard à la fin lorsqu’il conclut « cette empreinte que la vallée avait laissé dans sa chair. L’effroyable douceur d’appartenir. » Allez les voir de toute urgence !!   © Jean Louis Duzert   Leurs enfants après eux, d’après Nicolas Mathieu, adaptation et mise en scène d’Hugo Roux Lumière : Hugo Fleurance Costumes : Alex Costantino Scénographie : Juliette Desproges Son : Camille Vitté Jeu : Tristan Cottin, Soufian Khalil, Jeanne Masson, Adil Mekki, Lauriane Mitchell, Eva Ramos, Edouard Sulpice   Du 7 au 29 juillet à 22h15 Relâche les mardis 12, 19 et 26 juillet Durée 1 h 50     Théâtre 11 11 bd Raspail, Avignon festival off Réservation : 04 84 51 20 10 contact@11avignon.com   Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu éditions Actes sud, 2018    Read More →
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Il Viaggio, Dante, opéra de Pascal Dusapin, mise en scène et chorégraphie de Claus Guth, Grand Théâtre de Provence / Festival International d’Art Lyrique d’Aix en Provence
  © Monika Rittershaus f article de Toulouse Première mondiale présentée au Festival d’Art Lyrique d’Aix en Provence, le compositeur contemporain Pascal Dusapin et son librettiste Frédéric Boyer proposent une première réécriture pour l’opéra du mythe de Dante aux enfers. Véritable plongée dans l’entonnoir des enfers, tous deux se penchent sur ce chef d’oeuvre de la littérature italienne pour y déployer la notion de voyage, de quête initiatique, intérieure et spirituelle, en proposant un “opératorio en sept tableaux” (pour reprendre les mots du compositeur français) qui travers les paysages et les cercles dantesque propres aux puissances chtoniennes. La mise en scène de Claus Guth propose d’adapter cette fable et ce personnage mythique à celui d’un homme blanc d’aujourd’hui, de situation sociale avantageuse et d’âge mûr, traversant dans sa vie une crise existentielle. La perte de la femme qu’il aime l’entraine dans une dépression et lors d’un accident de voiture, il semble traverser une EMI (Expérience de Mort Imminente) qui le place à la frontière de la vie et lui ouvre les portes des enfers, pour vivre comme le décrit Timothée Picard un “road movie intérieur”. Il est néanmoins regrettable que le metteur en scène allemand Claus Guth emprunte, si ce n’est plagie, la majorité de son esthétique et de sa mise en scène à David Lynch, sans avoir pour autant la force et la finesse de regard du cinéaste. À ce stade, il est difficile de parler de citations ou de simples références lynchéennes… Et la toute première image du spectacle, où un narrateur en costard sort d’un rideau de velours et s’approche d’un micro pour tenir un discours en italien (miroir exact d’une des scènes de Mulholand Drive), ouvre une kyrielle de déjà-vu. Quoi qu’il en soit, on découvre dans ce spectacle une scénographie magnifique signée Etienne Pluss, jouant sur des superpositions de cadrages, des découvertes, des ouvertures de rideaux, des passages d’un espace à un autre, des traversées de miroirs etc… À cela s’ajoutent différentes vidéos qui viennent patiner le décors, donnent des textures étonnantes, et permettent de diffracter le temps avec l’utilisation de nombreux flash-backs, bienvenus pour consolider et étayer la dramaturgie du spectacle. Entre espace-temps très concret et non lieux, décors et vidéos opèrent à merveille dans ce voyage aux enfers. Ce qui est dommage, et qui vient briser cette esthétique vaporeuse et faite de mystère, c’est bien l’interprétation et la représentation des personnages qu’on nous expose. Au-delà de jouer des archétypes, qui évidemment font la force des mythes et des légendes, on tombe souvent dans les clichés. On se demande alors, et cela tient surtout au livret, quel grand intérêt y a-t-il à reprendre de si grand récits si c’est pour répéter éternellement les mêmes figures, qui portent en elles, en outre, un discours moralisateur malvenu et étouffé par le poids de la chrétienté, sans même oser la tentative de déplacer les lignes et les lectures. Dans la mise en scène, on bascule aussi souvent dans les clichés de la folie, de la féminité (représentée encore par une femme en talon et robe rouges, qui fume langoureusement une cigarette), de l’innocence qui côtoie l’étrange (quand on regarde ces  deux fillettes jumelles qui se coiffent lentement en répétant les même gestes – autre référence cinématographique à Kubrick dans son film The Shining ?). En somme, une grande sensation de déjà-vu semble hanter les enfers de Dante. Ni la direction d’acteur, ni l’interprétation des chanteurs, ne permettent d’accrocher et de plonger dans ces images d’Épinal qui manquent douloureusement d’audace. Pour ce qui est de la musique, ce que propose Pascal Dusapin est grandiose et favorise fort heureusement ce voyage intérieur. C’est la véritable force du spectacle. À la baguette, Kent Nagano maîtrise à merveille la direction de cet univers sonore aux couleurs étonnantes. On saluera également la performance de Jennifer France dont la partition n’a rien de facile et tient un enchaînement de notes suraiguës du début à la fin. Une autre mention pour la qualité du chœur de l’Opéra de Lyon et pour son écriture de toute beauté composée par Dusapin.   © Monika Rittershaus   Il Viaggio, Dante opéra de Pascal Dusapin Composition : Pascal Dusapin Direction musicale : Kent Nagano Mise en scène et Chorégraphie : Claus Guth Décors : Étienne Pluss Costumes : Gesine Völlm Lumière : Fabrice Kebour Vidéo : Rocafilm Dramaturgie : Yvonne Gebauer Dispositif électroacoustique : Thierry Coduys Assistant à la direction musicale : Volker Krafft Chefs de chant : Alfredo Abbati, Yoan Hereau Collaboration aux mouvements : Evie Poaros Assistante à la mise en scène : Aglaja Nicolet Assistante aux décors : Clémence de Vergnette Assistante aux costumes : Madeline Cramard   Avec : Jean-Sébastien Bou (Dante), Evan Hughes (Virgilio), Christel Loetzsch (Giovane Dante), Jennifer France (Beatrice), Maria Carla Pino Cury (Lucia), Dominique Visse (Voce dei dannati), Giacomo Prestia (Narratore) Danseuses et danseurs : Evie Poaros, Gal Fefferman, Marion Plantey, Alexander Fend, Nikos Fragkou, Hannah Dewor, Uri Burger, Victor Villarreal Figurantes et figurants : Lucy Allen, Shana Allen, Hadrien Vinent-Garro, Jacqueline Cornille, Nicolas Chatel, Laurent Quintard Chœur de l’Opéra de Lyon Chef de chœur : Richard Wilberforce Orchestre de l’Opéra de Lyon Du 3 au 12 juillet 2021 à 20 heures   Grand Théâtre de Provence / Festival International d’Art Lyrique d’Aix en Provence 380 Avenue Max Juvénal, 13100 Aix en Provence Téléphone 08 20 922 923 https://festival-aix.com/fr    Read More →
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Le Nid de cendres, de Simon Falguières, La Fabrica, Festival d’Avignon In   
  © Christophe Renaud de Lage   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia On pourrait commencer par additionner les chiffres et les superlatifs : 13h de spectacle (en comptant les entractes), composé de 7 pièces, parties ou chants (Le Chant de l’abandonné, Le Chant de l’endormie, Le Chant de l’aveugle, Le Chant traversé, Le Chant du véritable abandonné, Le Chant de la réunion, Le Chant d’Auguste), soit le spectacle le plus long de la 76ème édition du Festival dont la gestation et l’aboutissement a duré 7 ans, 17 comédiens assurant 60 personnages, 200 costumes, sur le plateau de la Fabrica aussi grand que celui de la Cour d’honneur du Palais des Papes. Mais est-ce que cela importe ? Le Nid de cendres du jeune auteur et metteur en scène Simon Falguières est bien comme son sous-titre l’indique une « Épopée théâtrale » qui entraîne son public dans une odyssée, une aventure, une expérience, qui est un don du Dieu du théâtre pour tout spectateur ayant la chance d’être présent. Le Nid de cendres est la narration d’un monde coupé en deux : celui des hommes qui fuient la révolte et la destruction de leur monde pour entrer dans l’errance et dans un nouveau monde dévasté et celui des contes, qui n’est pas sans drames. Peut-on passer de l’un à l’autre, réunir l’un et l’autre ? Le Nid de cendres comme son grand frère Ma jeunesse exaltée d’Olivier Py, auquel il rend un hommage discret par la présence de servantes (lumière sur haut pied qui reste allumée quand le théâtre est fermé) en écho à son spectacle éponyme, est une déclaration d’amour au théâtre et fait vivre au public une sorte de communion théâtrale. On entre dans Le Nid de cendres immédiatement, sans effort, d’abord pris par la main par la belle Sarah dans sa grande robe de velours rouge (formidable Camille Constantin da Silva) qui vient (notamment car chaque comédien joue au moins 3 rôles) assurer les prologues et toutes les transitions, amusant par ailleurs beaucoup le public par ses recommandations et sa satisfaction, après comptage, de le voir encore présent et à l’heure après chaque interruption. « C’est du masochisme ou ça leur fait du bien » demande-t-elle à son père ? « Un peu les deux » sans doute. Ce n’est pas faux… Tous ces compagnons et compagnes d’épopée méritent d’être cités, car ils contribuent tant par leurs individualités marquées que par leur évidente énergie collective à cet esprit de compagnie qui semble évident jusque dans les saluts. John Arnold est vraiment un roi de conte de fée, superbe dans sa magnificence comme dans sa déchéance, et un chef de troupe de théâtre itinérant (« Le théâtre des campagnes ») bienveillant, sans être trop paternaliste, acharné au travail, et soucieux des détails, évoquant Molière, jusque dans le nom d’Argan qui lui a été attribué. Charly Fournier campe un président (Hollande) devenu cartomancienne irrésistible, assurant un autre joli rôle tout de blanc vêtu, du Temps, dont l’idée n’a pas été assez exploitée ou insuffisamment utilisée au long des 13 heures de spectacle. Mathias Zakhar joue à merveille M. Badile, diablotin souvent, inquiétant parfois, doublé d’un valet simplet irrésistible. Lorenzo Lefebvre est un Gabriel solaire (avec des faux airs de Chéreau par moments très étonnants) jusque dans son déclin face à ce mal aimé de frère qu’il a lui-même contribué à faire nommer Brock, un « nom de clown », un clown triste devenant tyran, personnalité à fleur de peau que Charlie Fabert incarne idéalement. Frédéric Dockes offre un touchant Didi, Elise Douyère une émouvante Etoile, Mathilde Charbonneau est exaspérante à souhait en Reine blasée et cruelle et en Bélise impatiente et autoritaire. Tous les rôles de vraies héroïnes de contes ou du quotidien sont jouées par des comédiennes sensibles et délicates, telles Anne Duverneuil en Sophie, Victoire Goupil en Oerine, Pia Lagrange en princesse Anne, Charlaine Nezan en Louison et Manon Rey en Julie. Simon Falguière lui-même s’offre comme les autres comédiens plusieurs rôle dont celui de l’énigmatique comptable qui n’a pas de nom (qui pourrait être un M. K en hommage au nom de la compagnie) Stanislas Perrin est le géant-Jean, un époux et père inquiet et fiévreux, mais qui saura dans la générosité et la discrétion protéger ses deux êtres les plus chers. Son histoire personnelle est une illustration de l’universalité des drames intimes que subissent les humains tout au long de leurs propres odyssées, et auquel chacun apporte les réponses qu’il peut. La scénographie d’Emmanuel Clolus et la mise en scène sont d’une fluidité et d’une richesse extraordinaires, sous ses faux airs de théâtre de tréteaux et donnent à cette épopée des aspects de féérie, y compris quand elle peut être qualifiée de désenchantée, oxymore pleine de sens dans cette traversée entre des mondes, dans lesquels on a l’impression d’errer. Ce qui est très étonnant c’est que cette pièce largement conçue lors de rendez-vous annuels estivaux dans un jardin charentais, donne maintes fois l’impression d’être jouée en extérieur. La dimension du plateau de la Fabrica et la hauteur sous ses cintres y contribue probablement, mais c’est évidemment surtout la magie de son scénographe qui permet au spectateur cette sensation d’immersion. Quant au reste, c’est-à-dire le récit, il suffira de dire que le vieux théâtre sera sauvé, dans un monde certes dévasté, mais promesse d’une jeunesse qui reprend les choses en mains et ne le laissera pas s’écrouler.   © Christophe Renaud de Lage   Le Nid de cendres, de Simon Falguières Texte et mise en scène : Simon Falguières Dramaturgie : Julie Peigné Scénographie : Emmanuel Clolus Lumière : Léandre Gans Son : Valentin Portron Costumes : Lucile Charvet, Clotilde Lerendu Accessoires : Alice Delarue Assistanat à la mise en scène : Ludovic Lacroix   Avec : John Arnold, Clémence Bertho, Layla Boudjenah, Antonin Chalon, Mathilde Charbonneaux, Camille Constantin Da Silva, Frédéric Dockès, Élise Douyère, Anne Duverneuil, Charlie Fabert, Simon Falguières, Charly Fournier, Victoire Goupil, Pia Lagrange, Lorenzo Lefebvre, Charlaine Nezan, Stanislas Perrin, Manon Rey, Mathias Zakhar   Durée 13 h (dont entractes et pauses) Jusqu’au 17 juillet, 11 h   La Fabrica Avignon     Tournée en 2022-2023 : Théâtre des Amandiers de Nanterre Théâtre de la Cité de Toulouse      Read More →
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Entretien avec Léna Bréban qui présente RENVERSANTE au Festival OFF d’Avignon à Présence Pasteur à 10 h jusqu’au 23 juillet.
© Jean Couturier Entretien réalisé par Jean Couturier Pendant les différents confinements, le spectacle vivant a été empêché, certaines initiatives hors cadre comme ce Cabaret sous les balcons, (interventions dans les Ephad de Grand Chalon) de Léna Bréban ont été récompensées. Elle a reçu du Syndicat Professionnel de la critique de théâtre, de musique et de danse lors de son 58ème Palmarès, une mention spéciale initiative. Pour cette comédienne autrice et metteuse en scène, ce n’était que le début d’une pluie de récompenses pour ses différentes créations. Sa mise en scène de Comme il vous plaira au Théâtre de la Pépinière qui a marqué cette fin de saison, a reçu quatre Molières 2022 et le Prix Laurent-Terzieff (meilleur spectacle présente dans un théâtre privé) pour le 59ème palmarès du Syndicat Professionnel de la critique de théâtre, de musique et de danse. Compte tenu de son parcours, elle reçoit également le Prix nouveau talent Théâtre de la SACD. Elle décide de mettre en scène et d’adapter pour les salles de classes des collèges Renversante, un texte de Florence Hinckel qui traite (intelligemment, en renversant les rôles) de la domination masculine à tous les niveaux de notre société. Par ailleurs, elle a mis en scène son adaptation du roman d’Hector Malot Sans Famille, pour les comédiens de la Comédie Française, au Vieux Colombier fin 2021.   Que retenez-vous de ces six importants et dingues derniers mois ?   Je suis passé par toutes les couleurs de l’arc en ciel, j’ai travaillé comme une dingue, c’était passionnant, j’ai créé des relations avec plein d’acteurs différents. Cela a formé un tout, j’avais l’impression d’être à tous les endroits du théâtre en même temps, le théâtre privé, à la Comédie Française et dans les collèges pour jouer Renversante. C’était hyper joyeux de vivre sa passion pleinement, je n’ai pas eu le temps d’avoir peur, j’étais dans le travail tout le temps. Ces prix sont extrêmement gratifiant, c’est comme si j’avais raconté une histoire et tout le monde était content de l’écouter, c’est fou.   Vous avez 26 ans de carrière à la fois comme adaptatrice, metteuse en scène et comédienne, quels sont les moments charnières de rencontre de cette vie d’artistes qui vous ont amené à ces six derniers mois ?   Le théâtre de l’Unité d’Hervé de Lafond et Jacques Livchine, parce que je pense chaque jour à leurs rapports au public. C’est un endroit de contact avec les gens, du rapport au vivant au moment présent, de ne pas être avec un quatrième mur. De partager un moment avec les gens, (dans les écoles, les Ephad), c’est très important. Ensuite sur la force des textes et la façon d’aborder de les aborder, Alain Françon, Charles Tordjman et Jean-Louis Benoit sur la notion de rythme. J’ai compris qu’on avait le droit de diriger avec autant de précision et d’exigence. Puis il y a eu le travail d’adaptation du texte d’Hector Malot avec Alexandre Zambeaux.   Et l’avenir quel est-il?   J’aimerai écrire toute seule,  de raconter une histoire, je ne sais pas si j’y arriverai. Je vais prendre du temps et continuer à jouer Renversante et reprendre en alternance un des rôles sur le Shakespeare à la rentrée de novembre à Paris, avec cinquante une date de tournée. Je mets en scène l’année prochaine un spectacle sur Colette, une biographie de Colette en music-hall avec une artiste de burlesque de mes amies. Jean Couturier      Read More →
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Via Injabulo, chorégraphie VIA KATLEHONG, Marco da Silva Ferreira et Amala Dianor à la Cour Minérale - Avignon Université, Festival In d’Avignon
 førm Inførms © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon   ƒƒƒ article de Toulouse Via Katlehong, joyeuse et vivifiante compagnie de danse d’Afrique du Sud, passe commande à deux chorégraphes que sont Marco da Silva Ferreira et Amala Dianor, afin d’orchestrer deux pièces présentées pour une soirée mémorable. On trouve dans ce spectacle la plus belle expérience et émotion qu’un spectateur puisse recevoir : la fureur de vivre. Cette compagnie chapeautée par Buru Mohlabane et Steven Faleni est la référence en matière de pantsula. Danse contestataire née des tensions sociales au moment de l’apartheid, ce registre est aujourd’hui utilisé par la compagnie (nombreuse fois récompensée) comme un outil d’expression et d’émancipation adressée à la jeunesse populaire des quartiers pauvres regroupée dans les townships d’Afrique du Sud . Le mot « pantsula » signifie se dandiner comme un canard. Pour les amateurs et amatrices de cette danse, vous allez adorer ce spectacle. Pour celles et ceux qui la découvrent, il y a de forte chance que ce soit un immense et magnifique choc esthétique. Ces huit danseurs crient la vie, la liberté et l’inclusion. Leur corps, dont la différence de carrure, de forme ou de style donnent la définition de la singularité, font l’expérience d’un métissage explosif. Leur joie d’être là et de danser, leur générosité de partage avec le public, débordent de la scène. C’est alors que nos neurones miroirs entrent en transe. On se met à gesticuler frénétiquement sur notre sage siège de spectateur, et bien qu’au début de la représentation certains festivaliers nous murmurent à l’oreille de bien vouloir moins gigoter car tout le banc commence à trembler (comme cela s’est passé), ils basculent très vite dans cette frénésie communicative qui fait un bien fou à l’âme. La première partie du spectacle se nomme førm Inførms. Le chorégraphe portugais Marco da Silva Ferreira y explore une grammaire qui vient jouer des articulations en cascade et qu’il aime nommer « les squelettes ». En effet, on y voit des gestuelles angulaires, osseuses et saccadées qui viennent embrasser la carcasse. La musique de Jonathan Uliel Saldanha, faisant chatoyer les projecteurs, ne cesse de s’emballer et transpire le parfum de la fête. Pour la deuxième pièce de la soirée intitulée Emaphakathini, le chorégraphe Amala Dianor vient tirer chez chacun des interprètes une histoire personnelle. On sent d’autant plus les personnes singulières que sont ces formidables artistes dans la vie et qui rayonnent au plateau. Après un ballet d’entrée en scène, accompagnés de leurs glacières portatives, les danseurs ne cessent d’établir des adresses directes avec le public pour exprimer et partager ce qu’ils sont au plus profond d’eux même, ce qui les font bouger et se mouvoir. La danse est ici hautement émancipatrice. L’énergie collective que les interprètes déploient est hors-norme. Sur-investis à trois mille pour cent, ils exécutent des pas d’une complexité redoutable, virtuoses par leur rapidité, à base de footstep, de tap dance et de gumboot (danse percussive qui fait frapper les mains sur tout ce qu’elles trouvent). Ils s’encouragent, se sifflent, paradent, se toisent, se moquent, parlent un peu, rigolent beaucoup. Leur art devient un mode de vie, une manière lumineuse et si magnifiquement affirmée d’être au monde.   Emaphakathini © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon   Via Injabulo Direction de la compagnie Via Katlehong  Buru Mohlabane, Steven Faleni   førm Inførms, chorégraphie de Marco da Silva Ferreira Musique : Jonathan Uliel Saldanha Lumière : Cárin Geada Costumes : Dark Dindie styling concept   Emaphakathini, chorégraphie d’Amala Dianor Lumière : Cárin Geada Costumes : Julia Burnham Régie générale : Alexander Farmer   Avec Thulisile Binda, Julia Burnham, Katleho Lekhula, Lungile Mahlangu, Tshepo Mohlabane, Kgadi Motsoane, Thato Qofela, Abel Vilakazi   Du 10 au 17 juillet 2022 à 22 h   Cour Minérale – Avignon Université / Festival In d’Avignon Entrée 74 rue Louis Pasteur 84000 Avignon Téléphone + 33 (0)4 90 14 14 14 https://festival-avignon.com/      Read More →
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Sans tambour, de Samuel Achache, Cloître des Carmes, Festival d’Avignon In
  © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Il se passe de drôles de choses dans les cloîtres d’Avignon. Des murs sont défoncés à coups de massue ou de talons, des cris orgasmiques retentissent, un piano (factice) tombe du ciel. Dans Sans tambour tout s’effondre, aux sens propre et figuré. Tout s’effondre autour d’eux, de nous, en eux, en nous. Un malaise conjugal (joué par l’original duo de Sarah Le Picard et Lionel Dray) vire à la dispute qui reflète les décalages profonds qui peuvent s’immiscer progressivement et silencieusement entre deux êtres. Comme avec le 45 tours, brandi par l’excellent Léo-Antonin Lutinier qui prend en charge de manière fantaisiste la direction musicale. Lorsque l’on change la vitesse du vinyle, il ne joue plus la musique que l’on attend ; lorsqu’il est rayé, il répète inlassablement la même rengaine qui n’est plus audible. Une métaphore pour le récit (dramatique bien que comique) qui va se dérouler devant nos yeux. Le travail de Samuel Achache est difficilement classable. Il a ses inconditionnels de spectacle en spectacle et notamment depuis sa pièce musicale Crocodile trompeur / Didon et Enée conçue avec Jeanne Candel, adaptant librement l’opéra de Purcell. Il séduit nécessairement là où il passe, car d’une certaine manière il brosse le spectateur dans le sens du poil. Sans tambour ne fait pas exception. Un cocktail gagnant : de la grande musique, de l’humour, de la poésie, des drames intimes qui sentent le vécu ou qui parlent à chacun (sans doute). Autour d’arrangements collectifs de lieder de Schumann (tirés précisément de Liederkreiss op. 39, Frauenliebe und Leben Op. 42, Myrthen op. 25, Dichterliebe op. 48, Liederkreiss op. 24), sous la direction musicale de Florent Hubert qui a déjà collaboré avec Samuel Achache sur Crocodile trompeur mais aussi sur Orfeo – Je suis mort en Arcadie, le spectateur rit de bon cœur aux gesticulations des musiciens-comédiens-chanteurs, aux dialogues acides, aux références à Buster Keaton (échelle, piano, démolition de la maison), aux costumes kitsch (le jogging Adidas agrémenté d’une chemise improbable, de chaussettes roses et souliers Louis XIV), à l’idée de cet hospice des amoureux qui fait plonger ses « patients » dans leurs tonneaux de larmes pour mieux les guérir, même si l’on sait que c’est largement vain. Il sourit aussi à quelques images poétiques ou attendrissantes (évoquant la fin du désir et les effets que produisent les chagrins d’amour). Toutefois, les blagues potaches ne sont pas toutes drôles, le comique de répétition peut lasser un peu, les mélodies très souvent interrompues ou malmenées laissent sur leur faim parfois. Que reste-t-il après, après une histoire, après une séparation ? Le(s) souvenir(s) réels ou inventés. Puis les réminiscences. Comment (se) reconstruire, repartir, ensuite ? Sans tambour l’air de rien, pose ces questions, et laisse plus de traces que sa légèreté aurait pu laisser croire d’emblée.     © Christophe Raynaud de Lage     Sans tambour, de Samuel Achache Mise en scène : Samuel Achache Direction musicale : Florent Hubert Collaboration à la dramaturgie : Sarah Le Picard, Lucile Rose Scénographie : Lisa Navarro Lumière : César Godefroy Costumes : Pauline Kieffer Assistanat costumes et accessoires : Eloïse Simonis   Avec :  Gulrim Choï, Lionel Dray, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert, Sébastien Innocenti, Sarah Le Picard, Léo-Antonin Lutinier, Agathe Peyrat, Ève Risser   Durée 1 h 20 Jusqu’au 13 juillet, à 15 h   Cloître des Carmes 84000 Avignon   Tournée en 2022-2023 : Meudon, Narbonne, Saint-Denis, Nancy, Pau, Lorient, Cergy-Pontoise, Paris (Théâtre des Bouffes du Nord), Luxembourg, La Roche-sur-Yon, Caen    Read More →
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