Hamlet, d’Ambroise Thomas, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, Opéra national de Paris - Opéra Bastille
    © Bernd Uhlig / OnP   ƒƒ article de  Emmanuelle Saulnier-Cassia   Etre Hamlet ou ne pas être Hamlet est évidemment la question au théâtre comme à l’opéra. Grâce à la vision proposée par le metteur en scène Krzysztof Warlikowski, Ludovic Tézier fera désormais partie de la confrérie des princes du Danemark, après notamment Thomas Hampson (que l’on retrouvera bientôt au même endroit dans Nixon in China) qui a sorti cet opéra en cinq actes de 1868 de  l’oubli (avec notamment la production exceptionnelle au Châtelet en 2000 avec Natalie Dessay, José Van Dam…), lequel s’était joué pour la dernière fois à l’Opéra de Paris (alors Académie impériale de musique de Paris) en 1938 (!) et en dernier lieu à Paris à l’Opéra-comique (en 2018 avec Stéphane Degout et Sabine Devieilhe). Il est souvent noté et regretté que l’opéra diffère du texte de Shakespeare, et en particulier de manière radicale quant à son épilogue. Il faut rappeler que c’est parce qu’il n’est pas tiré directement de la pièce du dramaturge anglais, mais de la pièce de Dumas et Meurice (ce qui se ressent dans de nombreux passages, notamment dans le regard du premier sur les femmes si différent de celui de Shakespeare), qui effectivement font vivre Hamlet. L’opéra se veut même encore moins mortifère que l’adaptation théâtrale française, puisque la Reine, au lieu de s’empoisonner, est envoyée au couvent. Il ne s’agit pas pour autant de happy ends ou d’une version vraiment édulcorée du drame d’origine, la vie pouvant être bien plus tragique que la mort violente, surtout dans l’esprit warlikowskivien. Dépression et ambiance psychiatrique sont en effet au programme, ce qui a un impact direct sur la direction d’acteurs et la perception de l’œuvre que le metteur en scène polonais a travaillé dans ses moindres recoins, ayant mis en scène la pièce d’origine à Avignon en 2001. Dès   lors, si LudovicTézier est   éblouissant   vocalement (et surpasse le baryton précité dans certaines scène clefs, telle le chant bachique), il lui est imposé sur le plan du jeu de camper un Hamlet à la fois dépressif et puéril, qui rend l’incarnation de cette figure mythique, pas forcément captivante d’emblée, ce qui est une opinion évidemment toute personnelle, plutôt à rebours des premières critiques parues, mais fugace. Apathique et se traînant dans son  gilet de laine camel dans le prélude situé « 20 ans après » par le metteur en scène polonais; jouant plus tard à la voiture télécommandée, ce Hamlet n’a ni la noblesse habituelle du haut personnage, ni la folie démonstrative que l’on attend sans  doute. C’est toutefois un parti pris qui se tient et qui finit par fonctionner, notamment parce qu’il est tout à fait pertinent de souligner les dimensions psychanalytiques de la pièce, tellement novatrices avant l’heure, c’est-à-dire avant Freud. Mais cela se traduit peut-être   donc à l’excès dans la direction d’acteurs, également en ce qui concerne Ophélie en pré-ado assez sage, petit carré blond et uniforme de collégienne, qui lève les yeux au ciel pour faire connaître son agacement. Et pourquoi n’est-elle jamais séparée de son filet d’oranges ?  Si la symbolique de ce fruit est couramment assimilée à la fécondité, pourquoi les distribuer en lieu et place des fleurs dans la scène avec les   paysans (transformés en internés) ? L’agilité vocale et la présence de Lisette Oropesa (notamment dans la fameuse scène de la folie de l’Acte IV) rendent ces interrogations toutefois bien secondaires. La dimension œdipienne  est  également particulièrement appuyée dans différentes mises en situation, notamment la reine mère qui se couche avec son fils sur son lit et dans le transfert-transmission du  costume d’Hamlet (identique en noir à celui de son père) dans la scène finale. Gertrude très bien chantée par Eve-Maud Hubeaux (parfois un peu abrupte dans les graves quand elle passe au parlé), est aussi convaincante dans sa scène déchirante de la culpabilité (du récitatif puis duo de l’Acte II), que scotchée dans un fauteuil roulant devant un film en noir et blanc à la télévision dans la prolepse de l’ouverture et dans la scène finale. La figure du roi assassiné en clown blanc envoûtant Clive Bayley), costume pailleté, maquillage et ongles noirs, vient bousculer les codes du spectre du roi du Danemark et surprend, même si à la réflexion ce clown triste qui connut son apogée dans la période de création de l’opéra est une idée intéressante. De même que celle de l’univers psychiatrique progressivement dévorant où des respirations  humoristiques allègent toutefois la charge (les danses en tutus et masques bariolés), où les blouses blanches disputent aux monumentales structures métalliques grillagées comme un lieu de haute sécurité, dispositif scénique habituel chez Krzysztof Warlikowski. Ce dernier réutilise également le mobilier de la baignoire (voir par exemple L’Affaire Makropoulos à Bastille en 2013) dans laquelle Ophélie se suicide (ce qui est aussi cohérent avec l’image de l’ado désespérée). Ainsi, même si l’on s’interroge sur certains choix (et quelques coupes dans la partition), cette mise en scène intelligente ne méritait nullement les huées d’une grande partie du public le soir de première, qui a en revanche ovationné la distribution qui n’offre, il est vrai, aucune faiblesse (excellent Jean Teitgen en Claudius, délicat Julien Behr en Laërte, irréprochables Frédéric Caton, Julien Henric, Philippe Rouillon, Alejandro Balniñas Vieities et Maciej Kwasnikowski) et que des ravissements sur cette œuvre parfois musicalement un peu monotone mais impeccablement dirigée par Pierre Dumoussaud.   © Elisa Haberer / OnP   Hamlet de Ambroise Thomas Livret : Michel Florentin Carré et Jules Paul Barbier d’après Alexandre Dumas et François Paul Meurice (d’après William Shakespeare) Direction musicale :  Pierre Dumoussaud Mise en scène :  Krzysztof Warlikowski Décors et costumes : Małgorzata Szczęśnia Lumières : Felice Ross Vidéo : Denis Guéguin Chorégraphie : Claude Bardouil Dramaturgie  : Christian Longchamp Chef des chœurs : Alessandro Di Stefano Avec : Ludovic  Tézier, Lisette  Oropesa / Brenda  Rae, Jean  Teitgen, Ève-Maud Hubeaux, Julien Behr, Clive Bayley, Frédéric Caton, Julien Henric, Philippe Rouillon, Alejandro Balinas Vieites, Maciej Kwasnikowski   Durée 3h30 (dont un entracte de 40 minutes) Jusqu’au 9 avril 2023, à 19h30   Opéra national de Paris – Opéra Bastille Place de la Bastille, 72012 Paris Réservation : www.operadeparis.fr      Read More →
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Le Moine noir, d’après Anton Tchekhov, texte et mise en scène de Kirill Serebrennikov, Théâtre du Châtelet / Théâtre de Ville hors les murs
© Christophe Raynaud de Lage     ƒƒƒ article de Sylvie Boursier Comme les variations d’un motif musical Kirill Serebrennikov déplie sous trois angles l’histoire du moine noir, éternel retour d’un pacte faustien avec l’au-delà durant une nuit des longs couteaux de damnés dans la cour d’honneur. Il fera date et marquera l’histoire d’Avignon. Soit un écrivain surmené qui se met au vert chez un ami jardinier, fondu de botanique, vivant avec sa fille Tania. Là il développe des hallucinations et voit apparaître un moine noir qui exacerbe chez lui le besoin de dépassement et le mépris de la vie ordinaire. Andreï Kovrine, c’est son nom, va se brûler les ailes dans ce dialogue avec l’ange ou plutôt le diable, tel Icare ivre d’orgueil ; considéré comme dément, il est soigné et devient un homme plus qu’ordinaire, désabusé. Son amertume et son fiel finiront par détruire sa vie en même temps que celle de Tania, qu’il vient d’épouser et celle de son beau-père l’obsédé d’horticulture. Le metteur en scène déploie sa composition tel un rondeau, chaque tableau reprend les refrains du précédent tout en ajoutant des pans nouveaux au récit choral. Les phrases emblématiques reprises totalement ou partiellement à la fin de chaque séquence et lors de l’épilogue confèrent à sa scénographie une structure en cercle. Des immenses formes rondes couvrent le mur d’enceinte du plateau, planètes mystérieuses, trous noirs de la matière diffractée à l’infini, signes de l’au-delà ou hallucinations de l’écrivain, tout est possible. Le motif du ciel d’où d’étranges créatures peuvent apparaître, de la lune avec le fantôme d’Hécate déesse des nuits maléfiques, irrigue l’ensemble du spectacle comme dans le magnifique film de Lars von Trier, Melancholia, où la lucidité de l’héroïne lui permettait d’entrevoir le désenchantement du monde personnifié par une planète fonçant sur la terre. Ni tout à fait identiques, ni tout à fait différents, les trois Kovrine (Filip Avdeev, Odin Biron, Mirco Kreibich, tous prodigieux), se relaient et incarnent trois figures du même personnage. Dans le premier motif, le registre est clairement dramatique et même comique avec la logorrhée du jardinier, l’enflure verbale d’un Kovrine totalement obnubilé par sa rancœur et sa haine de la médiocrité, bref le genre de personnage à qui on a envie de clouer le bec. On ressent ensuite la montée tragique avec des questions existentielles portées par le héros : qu’est-ce que le génie, l’expérience mystique ? Comment vivre ? De quels renoncements la normalité est-elle le nom ? Il y a des moments de grâce où le temps est suspendu, comme cet instant qui voit Philipp Avdeev s’avancer face public, entièrement nu et couvert de cendres tel le Job de la Bible. On pense bien évidemment aux Damnés d’Ivo van Hove lorsque le rejeton dégénéré des Essenbeck   sombrait dans la folie sur cette même scène de la cour. La volonté de puissance à l’état pur dévaste tout sur son passage. L’épilogue est plus que glaçant, les moines noirs ont définitivement pris possession du plateau et règnent en maîtres. On n’oubliera jamais leur ballet satanique durant une chorégraphie d’anthologie. La musique qui accentue le songe, le rêve et déclenche la folie ainsi que le chant concourent à une polyphonie totale, les comédiens, chanteurs, danseurs sont à l’unisson. De multiples commentaires pourraient être faits sur cette mise en scène eu égard à sa richesse. L’essentiel est l’état hypnotique dans lequel elle nous plonge pendant deux heures et quarante minutes. A un moment donné on pourrait presque apercevoir la silhouette de Gérard Philippe dans le Cid ou Antoine Vitez répétant son Soulier de Satin et ça, ce n’est pas donné à tout le monde, respect M. Serebrennikov. Après tout, dit Le Moine Noir, il suffit d’écouter les fantômes pour qu’ils existent et la scène rend visible les invisibles.   © Christophe Raynaud de Lage   Le Moine noir, d’après Anton Tchekhov, écrit par Kirill Serebrennikov Mis en scène : Kirill Serebrennikov Collaboration à la mise en scène et chorégraphie : Ivan Estegneev, Evgeny Kulagin Musique :  Jēkabs Nīmanis Direction musicale : Uschi Krosch Arrangements musicaux : Andrei Poliakov Dramaturgie : Joachim Lux Lumière : Sergey Kuchar Vidéo : Alan Mandelshtam Avec Filipp Avdeev, Odin Biron, Bernd Grawert, Mirco Kreibich, Viktoria Miroschnichenko, Gabriela Maria Schmeide, Gurgen Tsaturyan et les chanteurs Genadijus Bergorulko, Pavel Gogadze, Friedo Henken,  Sergey Pisarev , Azamat Tsaliti , Alexander Tremmel ,  Vitalijs Stankevich ainsi que  les danseurs Tillmann Becker, Arseniy Gordeev, Andrey Ostapenko, Laran, Ilia Manylov, Andreï Petrushenkov, Ivan Sachkov, Daniel Vliek     Du 16 au 19 mars 2023 à 20h, dimanche 15h    Théâtre du Châtelet Place du Châtelet 75001 Paris   Réservation : théâtredelaville-paris.com / Chatelet.com Représentation vue au Festival d’Avignon 2023   Le Moine noir de Kirill Serebrennikov d’après Tchekhov, éditions Actes sud 2021        Read More →
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Le Massacre du Printemps, écriture et mise en scène d’Elsa Granat, au Théâtre 13/Bibliothèque
© Franck Guillemain   ƒƒ article de Hoël Le Corre Une femme enceinte endormie sur un transat, une pelouse synthétique qui évoque les beaux jours, les restes d’un anniversaire jonchant le sol ; une atmosphère paisible, un avenir heureux, un moment doux comme une sieste au soleil après un moment festif… Si ce n’était le titre du spectacle, on pourrait croire à cette douceur qui se dégage de cette ouverture. Pas de tergiversations inutiles, ni grandiloquentes, Elsa Granat n’y va pas par quatre-chemins, elle s’engouffre directement dans la brèche : à peine commence-t-elle à parler à cet enfant à venir, qu’elle évoque en creux, l’absence de la grand-mère qu’il aurait dû avoir… Et c’est parti pour un voyage fantasmagorique dans l’esprit de cette future maman. Elle se remémore cette période terrible où la jeune femme tout juste sortie de l’adolescence à perdu sa maman d’un cancer foudroyant, avant d’apprendre quelques semaines après que son père souffrait aussi de cette maladie. En nous invitant à l’intérieur de ses souvenirs, Elsa Granat vise juste, et puissamment, car plutôt que le déroulement réel des faits, c’est son ressenti d’alors qu’elle nous partage, c’est via le prisme de cette adolescente que l’autrice-metteuse en scène rejoue le traumatisme de la perte de ses parents. Excellente et efficace idée de nous faire entrer à l’intérieur de son cerveau et de ses émotions, cela permet d’éloigner à la fois le pathos et l’inutile besoin de vraisemblance. Au contraire, le dialogue improbable entre la femme, l’adolescente et la « vieille femme qui s’est pris 60 ans dans la gueule » avec ces cataclysmes, nous mène sensiblement au cœur de ce parcours du combattant qu’est l’accompagnement d’un parent vers la mort, et le deuil qui lui succède. Se déploient alors une succession de scènes qui peut paraître décousue et peut légèrement déconcerter, mais c’est là aussi toute la force de cette pièce, en écho avec tout ce qui traverse en même temps quelqu’un qui vit tout ça : le temps s’étire ou se rétracte, les fantasmes se mêlent de délires, les espoirs s’entrechoquent avec les malheurs et les choses infimes du quotidien sont tantôt relativisées ou au contraire prennent une importance inattendues face à l’infinie universalité de la mort. Cela amène de très beaux monologues portés par une Mahaut Leconte attachante et émouvante tant dans sa jeunesse que dans sa tristesse. En plus du cheminement intérieur vécu par cette jeune femme, Le massacre du printemps met également en lumière l’entourage médical qui l’accompagne désormais au jour le jour, la prenant en charge ou au contraire, semblant l’abandonner à elle-même. Tout comme dans la nouvelle création de la compagnie  King Lear Syndrom, Elsa Granat explore ce « camp d’en face », ce personnel soignant, fait des infirmières, médecins, spécialistes. Toute la complexité des relations patients-soignants-accompagnants dans la médecine occidentale est illustrée ici : les blouses blanches sont tout à la fois les adversaires, les intrus dans une vie censée être à l’abri de la maladie, ceux qui n’en font jamais assez, qui annoncent les mauvaises nouvelles, qui sont impuissants, autant que les alliés, les sachants, les expérimentés, les sauveurs parfois. L’espace mental dans lequel nous sommes nous les montrent par le prisme de celle qui accompagne le malade : l’humour permet de les déformer à l’envie et de les rendre savoureusement bouc-émissaires. La scène du tête-à-tête fantasmé avec l’oncologue est criante de vérité et d’émotion ! Et l’intelligence  et l’humanité d’Esla Granat la pousse à donner en retour un droit de parole au personnel médical, avec pertinence et acuité. C’est réussi : l’empathie prend des deux côtés. Finalement, il faudra bien, après avoir affronté la maladie, même après la défaite face à elle, trouver le moyen de s’en sortir, et même de reconstruire, de continuer à vivre, avec cette cicatrice impensable. A l’intérieur de soi, et aidé de l’entourage, il faudra trouver les forces.  Ainsi, en forme d’hymne à la vie, résumé dans la phrase « mademoiselle, on ne meurt pas avec sa mère ». Le massacre du printemps nous rappelle que si le deuil clos une chose, il nous amène également au seuil d’une nouvelle vie…   Le massacre du printemps, texte et mise en scène d’ Elsa Granat Dramaturgie : Laure Grisinger Avec : Antony Cochin, Elsa Granat, Clara Guipont, Laurent Huon, Mahaut Leconte, Hélène Rencurel et Gisèle Antheaume Lumière : Véra Martins Son Antony Cochin et Enzo Bodo Costumes : Marion Moinet Régie son   : John M.Warts   Avec la participation des musiciennes et musiciens amateurs de l’Harmonie des Deux Rives (Paris 13e), sous la direction d’Anthony Ropp : Isabelle Audfraye, Jean-Sébastien Bante, Thibault Barre Villeneuve, Laure Beaumont, Didier Beutier, Catherine Blaye, Christian Boulissière, Marc Bredif, Joris Bricout, Delphine Bugner, Elina Chantreau, Clarisse Chatelard,Patrick Chocat, Clarisse Dave, Jules De Floras, Yoanne Dubernet, Victor Dubois, Mélanie Gros, Alice Hamelin, Yuna Hangouët, Lenka Ihnatova, Alban Jousse, Muriel Kaiser, Jean-Marc Lacave, Véronique Laudouar, Pascal Marselli, Bénédicte Mousset, Maya Nouvel, Fred Pech, Denis Pennequin, Pierre Pontier, Jeanne Bleuenn Renault, Quentin Savalle, Sylvie Soulé, Pierre Venel, Andrea Vielhaber, Patrice Willi, Michel Jeunet.   Du 9 au 25 mars 2023 Du lundi au vendredi à 20h Le samedi à 18h Durée : 1h35   Théâtre 13 / Bibliothèque 30 rue du Chevaleret 75013 Paris   Réservations : 01 45 88 62 22 www.theatre13.com    Read More →
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Biques, par la Compagnie Les Mille Printemps, texte de Gabrielle Chalmont-Cavache et Marie-Pierre Nalbandian, au Théâtre 13/Glacière
  © Simon Gosselin   ƒƒƒ article de Hoël Le Corre Entre réflexions sociétales et récits intimes et collectifs, la Compagnie les Mille Printemps n’en est plus à son coup d’essai pour s’atteler aux sujets de société qui font mouche. Après le féminisme avec Mon Olympe et la transition écologique dans Yourte, cette troupe, aussi engagée que raconteuse d’histoires, déploie la question de l’âgisme. Avec Biques, Gabrielle Chalmont-Cavache  s’interroge sur la place des personnes âgées et propose l’intergénérationnel comme clef de voûte du vivre-ensemble. Le décor est posé d’entrée : des aides-soignantes nous installent en salle, veillant à ce qu’on ne trébuche pas, proposant de nous aider à retirer nos manteaux, prenant de nos nouvelles. Nous voici intégré.e.s à l’Ehpad des Magnolias, à Mondac, bourgade fictive de Charente-Maritime, sans demander notre reste. Après tout, décide-t-on vraiment de plein gré de s’installer en maison de retraite ? Nous assistons alors à la fête de départ en retraite de la doyenne des infirmières, 40 ans de carrière dans le même établissement. « Ça ne se fait plus », précise-t-elle, entre fierté et émotion. Et le ton est donné : malgré un sujet qui pourrait être sombre et quelque peu déprimant, il sera traité avec enthousiasme, espoir et espièglerie ! Les couleurs, d’ailleurs, nous resterons en tête bien après les saluts. Toutefois, et c’est là la réussite de Biques, ce ton enjoué ne masquera pas l’âpreté de la situation ni les problématiques auxquelles sont confrontés les  personnels soignants, les  résidents et les familles, au contraire, le contraste sert de révélateur et de porte-parole. Ainsi, le temps du spectacle, nous suivons des bouts de vies de plusieurs femmes qui, par la force des choses, se croisent dans la salle commune des Magnolias : certaines y travaillent, d’autres y vivent, d’autres visitent. Elles ont toutes leurs histoires personnelles, professionnelles, familiales, et bien que d’âges totalement différents, allant de 17 à 94 ans et plus, elles vont devoir aller au-delà des différences et des injonctions auxquelles la société les assignent, du fait de leur genre et de leur âge justement. Au-delà même de leurs propres préjugés, elles vont se découvrir et unir leurs forces pour sauver l’établissement que le Maire souhaite voir partir en périphérie de la ville, loin de tout regard et de tout accès. Et des forces, ​elles vont en révéler, chacune avec son parcours et ses facultés, chacune avec ses failles et ses convictions… Les neuf comédiennes, d’âge différents – et notons que cela fait du bien de voir des profils si variés sur scène ! – s’en donnent à cœur joie, et leur énergie est communicative ! Elles incarnent tour à tour deux personnages chacune : un qui semble assez proche de leur véritable âge, et l’autre sous les traits d’une personne âgée (inspirée de personnes réelles). Le travail du corps, pour incarner la vieillesse notamment, est juste et réussi. Et c’est tout aussi savoureux quand elles font valser les clichés et tissent les corps agiles à ceux vieillissants, faisant tomber les barrières avec une pointe d’irrévérence. Et en effet, toujours avec sensibilité, générosité et sincérité, elles n’hésitent pas également à se servir également du second degré, exagérant les traits, accentuant l’humour, pour révéler finalement des vérités profondes. Alors, on rit, on s’émeut, on vibre avec elles, et on finirait presque par leur donner nos voix aux prochaines élections, mais ça, c’est une autre histoire !   © Simon Gosselin   Biques, par la Compagnie Les Mille Printemps Mise en scène : Gabrielle Chalmont-Cavache Texte : Gabrielle Chalmont-Cavache et Marie-Pierre Nalbandian Avec : Claire Bouanich, Sarah Coulaud, Louise Fafa, Lawa Fauquet, Marie-Pascale Grenier, Carole Leblanc, Maud Martel, Taïdir Ouazine et Jeanne Ruff Collaboration à l’écriture : Marina Tomé Création lumière  : Emma Schler Scénographie : Lise Mazeaud Conception vidéo : Jonathan Schupak Création musicale :  Balthazar Ruff Chorégraphie : Marion Gallet assistée de Louise Fafa Costumes : Sarah Coulaud   Du 7 au 24 mars 23 Du lundi au vendredi à 20h Le samedi à 18 h Durée : 1 h 40   Théâtre 13 / Glacière 103A boulevard Auguste-Blanqui 75013 Paris   Réservations : 01 45 88 62 22 www.theatre13.com ​    Read More →
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J’aurais mieux fait d’utiliser une hache, création du Collectif Mind the Gap, au Théâtre Montfort
   ©Marie Charbonnier   ff Article de Denis sanglard Connaissez-vous le « slasher movie » ? Film d’horreur comprenant un tueur toujours masqué, ou au choix défiguré, une bande de jeune ados dézinguée à l’arme blanche, particulièrement la nuit. Appliquant ça au théâtre dans la plus pure tradition du feu Grand-Guignol, le collectif orléanais Mind the Gap sème la terreur au Théâtre Montfort. Enfin presque, c’est surtout la mécanique et le procédés de fabrication qui sont mis à nu ici. Création en deux parties jubilatoires, un jeu de massacre saignant à point où l’on hurle, de peur comme de rire. Première partie, une fiction radiophonique, il est donc recommandé ici de fermer les yeux pour que nous gagne lentement et surement l’effroi. Les acteurs réalisent en direct et au micro dialogues et bruitages, usant d’objets et de matières divers et variés, du parapluie à la bande magnétique, peau de chamois et eau … Si donc on ne voit rien que ce fourbis qui encombre le plateau, on imagine aisément et nous voilà plongé dans un camps de scouts, aussi terrorisés et affolés que les spectateurs par la disparition d’un des leurs et le silence d’une nuit déchirée de bruits hostiles, de pas feutrés et d’une contines sifflotée -allez savoir pourquoi elles sont toujours en ces circonstances sifflotées- « dans la troupe, il n’y pas de jambe de bois… » On ne saura rien de la fin de cette histoire chuchotée, distillée comme un poison, mais la création réussie de cette atmosphère hostile et glaçante suffit à nous faire comprendre que tout ça risque de mal finir. La seconde partie se passe dans une cuisine, une jeune fille coupe des carottes, cherche son chat. Le téléphone sonne, personne au bout du fil. La jeune fille raccroche. Le téléphone sonne de nouveau, c’est un homme qui appelle. La jeune fille raccroche. L’homme rappelle… Avant de surgir, visage masqué, brandissant un poignard. Le sang gicle, la jeune fille meurt horriblement. Mais ce qui pourrait s’arrêter là, n’être qu’une banale scène de crime inspirée du film Scream, fait l’objet d’une répétition avec de multiples variantes où le processus de fabrication prend le pas sur la scène elle-même, dans un déchaînement démonstratif de plus en plus fou et hilarant du mécanisme quasi artisanal qui conduit à l’horreur. Litres de sang par seau, musique anxiogène, bruitage étrange, lumière vacillante, voix, le jeu stéréotypé de l’actrice et la silhouette de l’assassin. La scène en elle-même disparaît au profit du hors-champs, des artifices dénoncés, des accessoiristes de plus en plus présent dans cette cuisine étroite, dans une surenchère progressive d’effets qui dénonce et désamorce la fabrique de l’horreur, ce processus malin qui enferme le spectateur dans un cauchemar dont au final il se repaît. On a beau savoir qu’il y a un truc, que c’est pour du faux, on s’attend avec espoir et appréhension au pire qui ne manque pas d’arriver et c’est le même sursaut de frayeur à chaque fois, le même plaisir coupable. Le collectif Mind the Gap joue habilement sur cette attente des spectateurs, cette sidération pas si innocente que ça. C’est de notre fascination irrépressible et trouble pour l’horreur, faits-divers ou fictions qu’il est question ici et dont il se joue avec un esprit effilé et tranchant. Effet cathartique de la monstruosité révélée comme le théâtre depuis ses origines en fit une règle et que le Grand-Guignol exploita sciemment en exploitant les faits divers les plus sordides ? Surement. La réponse n’est pas dans cette cuisine sanglante où l’innommable le dispute au rire, mais dans l’esprit de chacun des spectateurs renvoyés à ces propres ambiguïtés et contradictions devant sa fascination pour le pire. Et ça, ça fiche vraiment la trouille.   ©Marie Charbonnier   J’aurais mieux fait d’utiliser une hache, conception du Collectif Mind the Gap Mise en scène et interprétation : Thomas Cabel, Julia de Reyke, Solenn Louër, Anthony Lozano et Coline Pilet Dramaturgie : Léa Tarral Création sonore : Estelle Lembert Création lumière : Quzntin Maudet Scénographie/costumes : Clémence Delille   Jusqu’au 18 mars, à 19h30   Théâtre Le Monfort 106 rue Brancion 75015 Paris   Réservations : 01 56 08 33 38 www.lemonfort.fr        Read More →
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Leçons de Ténèbres de Betty Tchomanga au Théâtre de Vanves dans le cadre du Festival ARTDANTHE
    © Pascale Cholette   ƒƒ article de Nicolas Thevenot   On est pris d’un doute, sous l’emprise d’une souvenance. Ce carré qui régit la scénographie composée d’alignements de chaises de jardin en plastique blanc, ces   êtres   fantomatiques   avançant   en   ligne   droite, recouverts   de   longs manteaux blancs, encapuchonnés, sans visage, d’un même élan qui semble les entrainer au-delà d’eux-mêmes, de leur volonté, fœtus propulsés d’un coin à l’autre, portés   par   d’entêtantes   et   enivrantes   percussions,   n’y   aurait-il   pas comme un air de Beckett ? comme une reprise du fameux Quad, qu’il créa pour la télévision    ? Peut-être le terme de reprise ou même de citation est-il impropre pour qualifier le travail d’incorporation de Betty Tchomanga dans ces Leçons de Ténèbres qui scrutent et investissent l’histoire coloniale. Comme il s’est agi notamment d’économie, la traite des esclaves, comme il est question de vaudou, religion et pratique syncrétique d’un rapport au monde inclusifs des autres   forces qui le peuplent, absorbant   tout   ce   qu’il   rencontre, le   terme d’emprunt, qui résonne aussi avec empreinte, est probablement plus juste. Il y a dans le titre retenu par Betty Tchomanga la même logique à l’œuvre. Les Leçons   de   Ténèbres   évoquant   en   premier   lieu   certaines   compositions musicales liturgiques occidentales du XVIIème siècle, Betty   Tchomanga en redéploye le sens, en le déterritorialisant, s’attachant en   sept   chapitres, scandés telles sept leçons, à performer une   traversée   des   apparences, orchestrant l’irruption   d’un   visible   qui   nous   était invisibilisé jusque-là. Ces Leçons des Ténèbres, envers du siècle des Lumières, ou plus correctement leur   angle mort, opèrent   une   économie   des   signes, les   détournant, les retournant, comme ces gants blancs, comme ces chaises que l’on associerait volontiers   aux   mondanités de notre   monde   contemporain, garden   parties, mariages, cérémonies du paraître en tout genre, ici assemblée glaçante des absents, des défunts, des corps chosifiés par la violence de la colonisation. Le quatuor de danseuses-performeuses est ébranlé par les coups de l’histoire, leurs   corps   pareils   à   des   roseaux   malmenés   par   le   vent   mauvais   de l’exploitation, embarqués dans la cale d’une histoire refoulée. Si la danse est une   puissance   du mouvement, elle   prend   ici   la   mesure   des   mouvements souterrains qui structurent sans que l’on y prête attention la tectonique des blessures héritées. Lignes de faille. Lignes brisées. Les corps sont traversés de gestes irrépressibles comme habités, mais il faut aussi entendre par là l’écho de cette traversée   primordiale, manœuvrant les corps noirs à fond de cale d’un continent à l’autre. S’emparant du vaudou, Betty Tchomanga agite les fantômes, certes, et pourtant jamais ne le réduit à l’exotisme de l’étrangeté, qui est un autre mot pour   retrancher l’étranger, l’autre, qui serait, cet exotisme, ce   folklore, une autre forme et une perpétuation de l’histoire coloniale. Elle pare l’écueil par une prise physique du réel débouchant sur un geste performatif capable de réinterroger avec efficacité, hors les mots, l’indicible en mêlant figuration des signes et vitalité des êtres qui les portent et les mettent en tension. Cette mise en jeu s’apparentant d’ailleurs à une mise en joue. La magie de ces Leçons de Ténèbres       est   de   ne   pas   créer   d’illusion   mais   d’affronter   le   réel   dans   la matière, d’y   percevoir   avec   clairvoyance   les   soubresauts   des   souffrances enfouies, de   dénicher   la   survivance   du   sens   dénié   dans   les   corps   écartelés d’aujourd’hui, de révéler le douloureux rictus d’une incarnation s’exprimant par ses interprètes à leur corps défendant. Sans état d’âme. Je n’oublierai pas, sur le rebord de la fosse à l’eau noire comme l’oubli, ces corps retournés au sol, face contre le ciel, offerts au viol de l’équipage nous dit une   voix-off, telle   l’énigmatique   résurgence   dans   l’articulation   des   corps   de leur   usage antérieur, dos   cambré, allure d’insecte, têtes   à l’envers, visage distordu, déformé et nié par ce renversement même. Alors que le trouble et la féconde étrangeté s’exhalent de ces Leçons de Ténèbres, reprenant tel un leitmotiv la figure du Quad beckettien, quadrature du cercle dont la solution est impossible à trouver comme cette histoire qui ne saurait trouver de résolution, ce sont les mots d’Aimé Césaire qui me reviennent, trouant le champ de la poésie comme Betty Tchomanga fracturant celui de la danse: « Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car une mer de douleurs n’est pas un proscenium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse.. ».   © Pascale Cholette   Leçons de Ténèbres, chorégraphie de Betty Tchomanga Avec : Amparo   Gonzalez   Sola, Léonard Jean-Baptiste,  Betty   Tchomanga   et Balkis Mercier Berger en alternance avec Zoé Jaffry Assistante à la création : Emma Tricard Lumière : Eduardo Abdala Espace : Eduardo Abdala, Émilie Godreuil et Betty Tchomanga Son : Stéphane Monteiro Composition musicale : Mackenzy Bergile, Folly Azaman, StéphanMonteiro et Betty Tchomanga Costumes : Betty   Tchomanga   en   collaboration   avec   Marino   Marchand (Confection perles : Love Aziakou, Jacqueline Houessinon) Régie générale et plateau : Emilie Godreuil Regard extérieur : Dalila Khatir Travail vocal : Dalila Khatir et Viviane Marc Technicien plateau : Bruno Roudaut Voix enregistrées : Folly Azaman et Fortuné Agossa Durée: 1h20 vu le samedi 11 mars à 19h00 Théâtre de Vanves (salle Panopée) Théâtre de Vanves 12 Rue Sadi Carnot 92170 Vanves réservations : 01.41.33.93.70 https://www.theatre-vanves.fr ​        Read More →
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Wasted (Fracassé.e.s), de Kae Tempest, mise en scène de Martin Jobert, au Nouveau Théâtre de l’Atalante
© Paul Delvaux   f Article de Denis Sanglard Trois jeunes adultes enterrent l’un des leurs et la mort de Toni est une déflagration pour ces trois. Que se seraient-ils devenus s’il n’était pas mort ? Et qu’ont-ils faits depuis leur 15 ans ? La réponse est cinglante, rien. Rien n’est advenu, l’impression réelle d’être passé à côté de leurs rêves et quoiqu’installés, ou presque, s’enliser dans les faux semblants et la vacuité d’un quotidien morne, aussi mornes que leurs amours sans illusion. Alors en cette nuit de commémoration, prendre une dernière ligne de coke, se défoncer et tirer un trait définitif sur tout ça, partir peut-être. Loin. Changer tout. Repartir à zéro. Mais en sont-ils capable ? Kae Tempest, poétesse, dramaturge et figure du spoken word, signe un texte lumineux sur une jeunesse désenchantée, aux idéaux fracassés par la réalité, un monde qui change mais sans eux, restés à la traîne et à l’écart d’eux-mêmes. Un texte sans complaisance où la nostalgie à le goût amer de l’échec. Mais un regard bienveillant sur ces perdants qui ne seront jamais magnifiques. Lucides sur leur condition ou de mauvaise foi, enferrés dans le mensonge de ce qui n’a a jamais été et qu’ils ont cru possible. Ridicules, parfois, pathétiques aussi, mais sans jugement Kae Tempest dresse le portrait d’une génération perdue, paumée soudain devenue brutalement adulte sans être armée pour la triste banalité de leur destin.  Ecriture volontairement sans ornementation mais d’une précision redoutable pour exprimer ça, cette indicible sentiment de médiocrité ressentie, d’échec avoué et de culpabilité. Fragments de vies minuscules mais d’une désespérante et déchirante humanité. C’est à Londres mais ce pourrait être partout ailleurs, la question étant la même : qu’est-ce qu’être adulte aujourd’hui sinon « le deuil de nos anciens futur glorieux ». Heureuse mise en scène qui ne cherche nullement le spectaculaire mais colle au texte dans sa simplicité même. Tout tient dans la direction de ses acteurs qui empoignent avec un naturel confondant leur personnage et leur logorrhée de plus en plus cocaïnée, entre exaltation et abattement. La cocaïne n’est que paillette ici, poudre aux yeux pour que scintille un bref instant, avant la descente brutale, cette vie sans aspérités. Il n’y a rien qui ne fasse obstacle à ce qui est exprimé ici, nul effet, rien qui ne soit appuyé. Et ils sont formidables de justesse ces trois-là, Simon Cohen, Tristan Pellegrino et Kim Verschueren, qui se débattent pour s’extraire sans illusion quand au résultat, d’une chienne de vie. Offrant avec subtilité à leur personnage écorché, profondeur, contradiction et complexité. On peut juste regretter l’inclusion de monologues en anglais qui n’apportent rien, ou du moins n’en comprend-on pas l’utilité, rompant brutalement le maillage serré de cette mise en scène intelligente et maîtrisée et parfaitement tenue dans sa sobriété. D’autant plus que la traduction française est en soi une réussite. C’est d’autant plus dommageable que pour ceux qui connaissent le flow particulier de Kae Tempest lors de ces prestations, la comparaison peut être cruelle.   © Paul Delvaux   Wasted (Fracassé.e.s), texte de Kae Tempest Traduction : Gabriel Dufay et Oona Spengler Mise en scène : Martin Jobert Avec Simon Cohen, Tristan Pellegrino, Kim Verschueren Assistant à la mise en scène : Fabien Chapeira Musique : Raphaël Mars Conception décors : Louis Heiliger Construction décors : Louis Heiliger, Nicolas Jobert, Jean-Jacques Colas   Du 13 au 18 mars 2023 à 19h   Nouveau Théâtre de l’Atalante 10 place Charles Dullin 75018 Paris Réservations : reservation@theatre-latalante.com    Read More →
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Dans la solitude des champs de coton, texte de Bernard-Marie Koltès, mis en scène de Kristian Frédéric, à la MAC de Créteil
    © Soo Lee ƒ article de Hoël Le Corre Un décor sombre, de roche, de cendres, de boue, de fumée, de poussière, une ambiance sonore tissée de cris, d’aboiements, de nappes sourdes et inquiétantes. Nous sommes littéralement dans les mots de Koltès, plongés dans « une heure et à lieu indéfinissables», au milieu « de grognements d’animaux dont on n’aperçoit même pas la queue». La scénographie d’Enki Bilal   nous   entraine   directement   et   fatalement   au   cœur   des ténèbres, et son univers postapocalyptique entre en résonnance avec cette  sombre allégorie du commerce, du désir et des rapports entre les hommes « aux heures et aux lieux que ni la loi, ni l’électricité n’ont investis». Une fois le décor posé, de façon assez insistante, car la pièce met du temps  à   vraiment   démarrer,   la   confrontation   entre   les   deux protagonistes que tout oppose, ou presque, peut commencer. Le client, interprété par le charismatique Ivan Morane, est mystérieux, tout de noir vêtu, la peau marquée de tatouages, la voix rocailleuse et la démarche de celle des   animaux   qui   rampent   inéluctablement   vers   leur   victime. L’acheteur, Xavier Galais, semble venir de nulle part, dépenaillé dans son costume clair, oscillant de la peur à l’emportement, éclatant parfois de rires aussi étonnants autant que glaçants. Entre ces deux-là, la joute verbale se fait   incisive   et   on   ne   sait   jamais   vraiment   qui   aura   le   dessus.   Le texte magnifique de Bernard-Marie Koltès, plein de circonvolutions, se fait très bien entendre, avec toutefois quelques approximations (peut-être du au stress de la première ?). Kristian Frédéric, on le sent, est traversé par cette langue, et sa mise en scène s’attache à la mettre en valeur, prenant le temps de se développer et   de   se   refermer   inéluctablement   autour   des   âmes   de ces   deux personnages. Mais c’est aussi ce qui donne à la pièce un rythme lancinant, parfois lent, dans lequel les comédiens semblent un peu dépassés et où le public se lasse par moment, avant des jaillissements plus fulgurants. Au final, la tension est là, mais la mise en scène est quelque peu redondante, notamment sans doute, du fait de l’emprisonnement du Client, le pied gauche coincé dans une chaussure attachée à un rail, qui ne lui permet que   de   sempiternels   aller-retours.   Il   cherche   alors   les mouvements de son âme dans un jeu qui nous parait trop appuyé, fait d’éclats étranges. Au final, cette version esthétiquement puissante a tendance à s’essouffler et la tension qu’elle fait pourtant bien émerger peine à convaincre sur la longueur.   © Soo Lee   Dans la solitude des champs de coton, de Bernard-Marie Koltès Mise en scène :  Kristian Frédéric Avec :  Xavier Gallais, Ivan Morane Avec   l’aimable   participation   de :  Tchéky   Karyo, voix   et   chant Avec les voix de : Dominique Arnaud, Uliana Bazylska, Baratunde Ba Muhoya, Yacine   Benhachenhou, Léo   Berodiaux, Elisabeth Brulas, Maud Chautard, Baptiste Cerutti, Alessandra Domenici, Wenxin Dai, Fatim Doiuf, Loua Elashlimi, Maeleg Fouquet, Cilandra  Fraissard,  Jonathan  Guillouet, Tanya  Harczi, Kim eongwoon, Diane   Justin, Mohammad   Kalosh, Alexander Kirichenko, Marika   Kozlowska, Thomas   Landbo, Pablo Lechapelier, Hissein   Mahamoud, Marie-Chantal Manset, Alexandra Marcovici, Raquel Martin, Armin Messager, Pauline Migeon, Simon Mienandi, Gustavo Orso, Mayté Perea, Cyrielle Ponmat. Les fantômes de cette traversée : Alberto Giacometti, Cindy Sherma, Pierre Soulages, Christian Marie Dominique Liberté Boltanski, Grégory  Crewdson, Francis   Bacon, Arthur   Rimbaud, Jean Genet, Dante Alighieri, Hiram Abi, Francis Ford Coppola, David Cronenberg, Martin Scorsese, Steven Spielberg, Jean Bouise, Roger Planchon et les Eléphants D’Afrique.   Création Décor et Costumes  : Enki Bilal Création Lumière :  Yannick Anché Création Sonore et Musicale : Hervé Rigaud Assistante à la mise en scène :  Alessandra Domenici Assistant décor : Philippe Miesch Assistante aux costumes : Louise Snoek Traducteur Araméen : Père Youssef Chédid Régisseur lumière & Direction technique :  Yannick Anché Régisseur son & plateau : Etienne Bluteau . Du 9 au 11 mars 2023 à 20h Durée : 2h   MAC de Créteil Pl. Salvador Allende ​94000 Créteil Réservations : 01 45 13 19 19 mac@maccreteil.com   A retrouver : Théâtre de la Ville – Espace Cardin : du 14 au 29 mars 2023    Read More →
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Tom na fazenda (Tom à la ferme), texte de Marc Bouchard, mise en scène de Rodrigo Portella, au Théâtre Paris-Villette
  © Victor Novaes   fff article de Denis Sanglard Le loup et le lièvre. Tom dévasté par la mort de son compagnon se rend aux funérailles. C’est au plus profond de la campagne, dans une ferme isolée. La mère, ignore tout de ce fils aimé parti très tôt à la ville, ignore son homosexualité, puise dans les évangiles un sens à toute chose. En Tom elle ne voit qu’un ami qu’elle accueille dans le souvenir de son fils. Désespérée aussi de ne pas voir Sarah, la fiancée que Guillaume s’était inventé. Et il y a Francis, le frère, être fruste, viril et violent, qui brutalisant Tom, lui enjoint de se taire sur la relation exacte qu’ils entretenaient. Pour le bien de sa mère et l’honneur de la famille, le maintien de la tradition et de la terre, le mensonge s’installe. Une relation des plus ambigüe entre Francis et Tom s’enracine lentement, l’étau de violence psychologique et physique de Francis sur Tom et la révélation de la vérité mène à la tragédie. Parce qu’un un lièvre peut aussi devenir un loup. C’est une création aride, faite de boue, de chair, de sang, de sueur et de larmes. Sur ce plateau vide et boueux, s’affrontent deux hommes dans une relation charnelle, érotique, sadomasochiste, d’une violence et d’une sensualité enchaînées l’une à l’autre sans que rien ne puisse les défaire. Rodrigo Portella signe un huis-clos étouffant, incandescent, porté par quatre acteurs prodigieux. Les sentiments sont aussi âcres et rougeoyant que cette boue qui leur colle à la peau et les relie à la terre. Il y a, oui, quelque chose de tellurique et de primaire, dans sa brutalité nue et rêche où l’homme dans la haine sans compassion de l’autre et de la différence devient un animal, un loup pour le lièvre. L’homophobie dans sa monstruosité absolue explose ici dans toute sa barbarie. Francis torture Tom mais n’est-ce pas lui-même, dans la détestation de ce qu’il est, au nom des principes qu’il défend, qu’il broie ? Et Tom, qu’éprouve-t-il dans la soumission à ce traitement effroyable qui le voit malgré tout, un soir, demander à dormir avec Francis ? Lequel accepte et c’est un instant incongru et bouleversant de douceur… Etrange et perverse oscillation des sentiments que traduit chaque scène jouant de cette pendulation constante, bientôt affolée, maintenant le spectateur dans l’effroi de l’incertitude et de l’ignorance de ce qui peut advenir. Une scène magistrale et inattendue résume ça, cette danse, la cumbia si sensuelle qui voit ces deux-là s’enlacer et s’étreindre, où chaque caresse se mue bientôt en coups. Un corps à corps viril et sensuel comme une parade amoureuse et la promesse d’un acte sexuel et d’une jouissance qui se refuse où l’homme se cabre devant sa peur et ses contradictions. Et frappe. C’est d’une âpre beauté sans apprêt et, oui, c’est à pleurer. Cette tragédie est portée par l’interprétation incandescente d’Armando Babaioff et Gustavo Rodrigues qui transcendent chacun leur personnage et leur offre une vérité troublante, insondable, autant d’humanité blessée que de féroce bestialité. Démontrant que tout ça, par contamination, peut être dangereusement réversible. Quand le lièvre devient loup… Et d’avoir contextualisé et crée cette pièce au Brésil, pendant la mandature de Bolsonaro, pays qui détient le records de meurtres homophobes, où le patriarcat, la propriété et la religion excusent et autorisent en toute impunité toutes exactions envers les minorités ne donne que plus de poids à cette création qui nous cingle salement.   © Victor Novaes     Tom na Fazenda (tom à la ferme), de Michel Marc Bouchard Traduction : Armando Babaioff Mise en scène : Rodrigo Portella Avec Armando Babaioff, Soraya Ravenle, Gustavo Rodrigues, Camilla Nhary Scénographie : Aurora dos Campos Lumières : Tomás Ribas Costumes : Bruno Perlatto Musique : Marcello H Chorégraphie : Toni Rodrigues   Du 9 au 31 mars à 20h Le vendredi à 19h, le dimanche à 15h30 Relâche le lundi   Théâtre Paris-Villette 211 avenue Jean Jaurès 75019 Paris   Réservations : 01 40 03 72 23  Read More →
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D’où venons-nous, où allons-nous, doit on prévoir des sandwichs ? Ecriture, mise en scène et interprétation de Luce Gaston, à la Nouvelle-Seine
      © Monsieur Gac fff article de Denis Sanglard D’où venons-nous, où allons-nous, doit on prévoir des sandwichs ? Question existentielle à laquelle Luce Gaston, retenez bien ce nom, tente de répondre. En fait non, elle répond… sauf sans doute pour les sandwichs. Mais qu’importe, Luce Gaston dresse un portrait au vitriol de la domination masculine, car si la femme est l’avenir de l’homme, c’est franchement râpé. Reprenons, cette création parle d’amour donc de sexe donc de politique. C’est un fait historique, tout ça est lié, collé-serré, l’un n’allant pas sans l’autre. Et côté Histoire Luce Gaston, qui en connaît un rayon et en peut en remontrer à certains, remonte aux origines ; de Neandertal à Sapiens, rien vraiment n’a changé. Les droits de l’homme ne concernent que les hommes, l’autre moitié de l’humanité, les femmes, n’existent pas. Ou, à la limite et au choix, maman ou putain. Et ce n’est pas Simone de Beauvoir qui nous dira le contraire, citée ici comme caution du sérieux de la chose. Et des citations, il y en a, de Sénèque à Ronsard, de Richelieu à Freud. La liste est longue des affirmations péremptoires de ceux qui de la femme ont une piètre opinion, jugement définitif et ravageur, pour des siècles et des siècles de domination. Rien que de très normal, « c’est dans l’air du temps ». Bref, Luce Gaston refait allégrement l’historique de la condition féminine, rappelant que chaque chose acquise de haute lutte reste fragile, soumis au moindre changement de régime. Simone encore… Et aujourd’hui, au regard du passé ? aujourd’hui, pas mieux. Et si #meetoo rabat les cartes, rien encore n’est acquis… Et le désir, et l’amour dans tout ça ? voilà le nerf de la guerre et le cœur battant de ce seul en scène que Luce Gaston mène au pas de charge avec un humour ravageur et une énergie qui jamais ne faille. Un regard aigu et lucide sur les relations hommes-femmes à l’heure des addictions au porno, des speed-dating et des sites de rencontres qui voit apparaître au bout de trois textos la photo de son sexe pour amorce et signature, du male gaze, des féminicides… paradoxe et absurdité d’une société de consommation caractérisée par le manque et la désillusion.  Manque d’amour et de compassion, solitude. Alors entre les rappels historiques, philosophiques aussi, Luce Gaston glisse sketchs acides et faux jingles, mâtiné d’un habillage sonore irrésistible, pour « un état des lieux de l’amour en milieux hostile ». Ecriture fine et ciselée, plume corrosive trempée dans l’acide, teintée parfois de poésie, au service d’un regard écorché par tant de violence envers son sexe, et d’une grande acuité sur notre société contemporaine, une causticité ne cédant jamais à la facilité, encore moins à la vulgarité. Spectacle féministe, interrogation subtile et grinçante sur ce qu’est être femme aujourd’hui, certes, mais pas que. Car il est question aussi d’homosexualité, de genre, de toutes les victimes d’un patriarcat rance et triomphant turlupiné par la chose qu’on voudrait ne pas voir et qu’on exploite dûment. Alors oui, on rit beaucoup, aux éclats, de tant de vérités assénés avec autant d’intelligence, de style que de talent. On rit, mais des claques on en prend aussi, salement. Et sans être masochiste, ça fait un bien fou. Alors, doit-on prévoir les sandwichs ? Et pour ceux qui n’auraient pas eu le bonheur de découvrir cette création, Luce Gaston officie de temps à autre au cabaret Le Secret, invité régulière, voire sociétaire, de monsieur K. Occasion de rencontrer ce bel oiseau rare à l’univers à nul autre pareil, aussi explosif que raffiné où le rire le dispute à l’émotion.   © Monsieur Gac     D’où venons-nous, où allons-nous, doit on prévoir des sandwichs ? Ecriture, mise en scène et interprétation, Luce Gaston Dramaturgie et direction d’actrice : Xavier Legat Musique : Julie Gasnier et Katel Show-case vu le 7 mars 2023 à La Nouvelle-Seine, 3 quai de Montebello, 75005 Paris  Read More →
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ADN, de Denis Kelly, mise en scène de Marie Mahé, au Théâtre de la Tempête / Cartoucherie
    © Ema Martins   ƒƒƒ  article de Hoël Le Corre   Cela pourrait être un jeu, entre des bourreaux rigolards et un bouc-émissaire consentant. Cela pourrait   presque mettre en valeur cet adolescent à part, capable de montrer un courage admirable, s’il n’était pas aussi périlleux. Mais on comprend tout de suite qu’Adam représente la cible facile, pour ce groupe d’adolescents pris dans le tourbillon de l’inconscience et du harcèlement. Et, dès les premières minutes, la tension s’installe: le « jeu » mortifère a déjà dérapé, Adam en est la victime. Et pour les trois autres personnages présents, Léa, John et Cathy, il s’agit alors de se mettre d’accord sur la version des faits… C’était sans compter sur Phil   (interprété par un Maxime Boutéraon aussi glaçant que  charismatique…) , garçon taiseux, mystérieux et dont la domination s’étend sur tous ses camardes, qui prétend les «sortir de la merde » en inventant une histoire d’enlèvement qui les dédouane. Commence alors une tension qui ne nous lâchera plus jusqu’à la fin de la pièce. Le   mécanisme de la dissimulation se met en marche et les personnages se retrouvent en proie à la panique, la culpabilité. Entre sang-froid et mauvaise conscience, entre acceptation et rébellion, nos protagonistes dessinent l’éventail des réactions face au pire, face à une mort dont ils sont responsables. Comment dès lors, assumer et sauver son humanité ? Peut-on   en   sortir   indemne     ? Quelle détermination   peut-on garder face à la force du groupe, quand ce groupe va à l’encontre de ses convictions? Marie Mahé a su adapter ADN pour passer de 11 à 5 personnages et elle réussit à s’emparer de la langue lapidaire et fulgurante de Denis Kelly, en évitant   le   piège   de   la   psychologie,   mais   demandant   plutôt   à   ses comédien.ne.s de faire fuser les mots, pour rendre compte de la violence des décisions, de l’urgence de la situation. C’est diablement efficace et on est tenu en haleine, suspendus aux lèvres de chacun.e d’entre elleux, car à tout moment, la situation est susceptible de basculer. A moins que la peur, la soumission au pouvoir de l’un d’entre eux ne permette jamais à l’engrenage fatal de s’arrêter.  Ici, pas de fioritures de mise en scène, les mots et les réactions corporelles des comédien.ne.s ont toute la place de se déployer dans cet espace vide, occupé   seulement   par   un   banc.   Les   autres   endroits   sont   suggérés suffisamment puissamment pour que le décor quotidien de ce groupe « d’amis » devienne concret. La référence au sang sur les mains et au rouge de la violence renforce le propos de la pièce sans illustrer outre mesure. Jusqu’au choix de la musique qui nous évoque l’intériorité des personnages face à la complexité de la situation. Bref, ce huis-clos passionne, captive et résonne malheureusement énormément   avec l’actualité…   © Ema Martins   ADN, de Denis Kelly, Mise en scène :  Marie Mahé Avec : Maxime Boutéraon, Léa Luce Busato, Marie Mahé, Tigran Mekhitarian en alternance avec Achille Reggiani Scénographie:  Marie Mahé, Isabelle Simon Costumes: Marie Mahé Lumière : Édith Biscaro Artiste-peintre : Ymanol Perset   Du 2 au 19 mars 2023 Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30 Durée : 1h15   Théâtre de la Tempête Cartoucherie Théâtre de la Tempête Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris   Réservations: 01 43 28 36 36 www.la-tempete.fr    Read More →
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Créanciers, d’August Strindberg, adaptation et mise en scène de Philippe Calvario au Théâtre de L’Epée de Bois – Cartoucherie   
  © Pascal Gély   ƒƒ  Article de Sylvie Boursier   Créance de sang, la ronde, le cinéma a amplement utilisé le motif de la triangulation amoureuse quand le passé est comptable jusqu’au centime près des débits et crédits de chacun. Dans Créanciers, deux hommes aiment   la   même   femme,  Tekla ; Gus   a   été   son   premier   mari,   son pygmalion ; Al le second a parachevé l’œuvre du premier en facilitant la reconnaissance sociale de sa muse. Mais l’épouse reprend sa liberté, divorce de Gus et n’entend pas se laisser enfermer dans la jalousie maladive  de son nouveau conjoint. Gus rongé par le ressentiment vient réclamer sa créance d’amour et va manipuler Al pour la recouvrer Duos alternés, unité   de   temps et de lieu, Philippe Calvario condense l’intrigue dans un huit clos   hitchcockien, une partie de billard à 3 bandes avec une direction d’acteurs au cordeau. Ruptures, stratégies, rebondissements la scène prend des allures d’échiquier fatal, les cartes du second mari étant pipées. Benjamin Baroche juché sur une chaise souffle le chaud le froid, malin comme un singe, persécuteur ou sauveur face à Al qui se décompose à petits feux. Le metteur en scène mise tout sur le jeu des comédiens, pari réussi ; lui-même touche juste dans le rôle ingrat de l’époux   masochiste, hormis   quelques   gémissements inutiles de la première scène.   Tekla apparait dans le second duo, Julie Debazac déboule littéralement, hollywoodienne Grace Kelly de  Fenêtre sur cour, active, vivante, pleine d’humour et d’initiatives quand son mari est paralysé par le doute. Elle assume ses désirs amoureux et artistiques, veut tout et ne lâche rien. « J’ai besoin d’une femme qui irait n’importe où et ferait n’importe quoi » disait Jeff le héros d’Hitchcock dans son fauteuil roulant. Vaste tache ! Comme dans le triangle de Karpman, chacun occupe tour à tour la place de sauveur, victime ou bourreau et se retrouve aux portes de la folie. Ces hommes aiment les femmes d’un amour névrotique, fusionnel ; quand elles s’affranchissent du statut de femme-objet auquel ils voudraient les renvoyer,  ils  les  considèrent  comme ingrates  et se vautrent  dans  un machisme   cache   misère   de   leurs   fragilités   narcissiques,   grandeur   et misère de la dépossession ! La leçon de Strindberg ne laisse aucun espoir,Philippe Calvario montre l’avènement de cette pulsion de mort théorisée par Freud et nous offre une soirée en enfer pavé de duos comiques. La boule de billard prend son élan chez Hitchcock et percute sa cible chez Strindberg, regardez les hommes tomber à l’Epée de Bois ! ​ © Pascal Gély   Créanciers d’August Strindberg Adaptation et mise en scène : Philippe Calvario Lumières : Bertrand Couderc Costumes : Coline Ploquin Son : Eric neveux   Durée du spectacle : 1h 30   Du 02 au 19 mars 2023 du jeudi au samedi à 19h, samedi et dimanche à 14h30   Théâtre de l’Epée de Bois Cartoucherie route du champ de manœuvre 75012 Paris   Réservation : 01 48 08 39 72 wwwepeedebois.com   Les Créanciers d’August Strindberg, éditions L’Avant-Scène, juin 2018.    Read More →
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Behind the light, mise en scène de Cristina Morganti et Gloria Paris, au Théâtre de la Ville / Les Abbesses
      © Antonella Carrara   ff article de Denis Sanglard   Ça commence par une grosse colère où Cristiana Morganti exaspérée se lâche, exprime un ras-le-bol inattendu, avant de repartir en coulisse… et de revenir tout sourire, tout ça n’était qu’un joke, dit-elle. Journal intime de son confinement pendant la COVID, Behind the light est un joyeux pêle-mêle, un heureux puzzle, celui d’une danseuse soudainement désœuvrée, bientôt et vite en crise, dont les projets s’annulent les uns après les autres, à quoi s’ajoute une vie intime soudain bousculée par la pandémie et sombrant dans le chaos. Comment avec tout ça qui s’accumule et semble ne plus avoir de fin, trouver la lumière ? Après lecture rapide de son journal intime exposant les faits, inventaire des emmerdes en escadrille accumulées pendant la pandémie, la suite voit Cristiana Morganti tout essayer pour continuer à avancer malgré-tout, faire un bilan, poursuivre ses projets, en commençant par perdre ses 8 kilos en trop. Entre yoga, développement personnel, cris de rage dans la campagne, conversation par vidéo, consultation de tuto pour training et zumba endiablée, Cristiana Morganti se confie, se livre sans pudeur, avec cette autodérision, cet humour franc qui la caractérise. Et danse, danse sans rien cacher des difficultés liés à son âge, de ses fragilités mises à nu par cette pandémie. Arthrose et douleur continue. Doute aussi devant un avenir incertain, compromis par le confinement. On remonte également le temps, la COVID était propice à l’exercice, dans une séquence opératique ou Cristina Morganti, apprenti danseuse, fatiguée et le mollet douloureux, désirant se soustraire à son enseignement se fait morigéner par son professeur. Courte séquence réitérée mais qui en dit long sur la discipline indispensable d’un art exigeant qui vous dévore et vous constitue. Tout ici est prétexte à danser, exprimer les hauts et les bas d’une danseuse à la peine, quelque peu déroutée. Danser sur un air baroque ou même au son d’un sèche-cheveux, séquence quelque peu surréaliste, la danse de Cristiana Morganti est ici un plus qu’exutoire, l’expression de toute une vie, et d’un moment singulier, y puisant là sa source pour trouver justement les ressources et la lumière quand celle-ci fait défaut. Une danse merveilleusement déliée, comme toujours et fortement expressive, ponctuée de commentaires aussi caustiques que sarcastiques, autodérision affirmée, exprimant une vérité intime. Avec ça, un sens de l’image formidable et de la formule définitive. Et Pina Bausch ? la question revient, inévitable, qu’elle anticipe, coutumière de l’exercice comme obligé. Mais comme on secoue ses cheveux, geste pinabauschien par excellence, Cristiana Morganti en est désormais libérée, et dans son passé de danseuse du Tanztheater, lien irréfragable, a trouvé là désormais, et au final, une formidable liberté plus qu’un carcan. Séquence hilarante qui la voit détailler toute la caractéristique de la danse de Pina Baush, de la matrice des mouvements de bras au soutien-gorge, du micro avec fil à la cigarette, des robes fluides et des haut-talons, à la musique, tant singuliers qu’il lui serait impossible aujourd’hui, exprime-t-elle, de danser sans être marqué au fer rouge quoiqu’elle fasse et malgré elle par cet héritage. A moins de faire tout le contraire mais là aussi, certains y chercheront toujours des réminiscences… Preuve est faite ici et de manière éclatante qu’il n’en est rien. Si on reconnait une certaine façon de faire, de se mouvoir, d’aborder le plateau, cela n’appartient désormais qu’à Cristiana Morganti qui, jetant dans les coulisses ses escarpins, se permet même certains clins d’œil, comme un hommage à Pina Bausch ou une adresse complice au public, dans l’esquisse d’un geste emprunté au Sacre du printemps inoubliable, où le léger mouvement de la main d’une danse serpentine entêtante à nulle autre pareille.   © Ilaria Constanzo   Behind the light, mise en scène de Cristina Morganti et Gloria Paris Lumière : Laurent P. Berger Vidéo : Connie Prantera Assistante répétition : Elena Copelli Régie son & vidéo : Alessandro Di Fraia Régie lumière : Matteo Mattioli Chorégraphie, dramaturgie et interprétation : Cristiana Morganti   Du 6 au 11 mars 2023 à 20h   Théâtre des Abbesses 31 rue des Abbesses 75018 Paris   Réservations : O1 42 74 22 77 www.theatredelaville-paris.com   Une journée avec Cristiana Morganti Samedi 11 mars, Les Abbesses 11h atelier pour tous 14h rencontre 16h concert pour Pina, Lajos Sarkozy Jr et son orchestre tzigane 17h45 cycle de films  Read More →
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On ne paie pas ! On ne paie pas ! de Dario Fo et Franca Rame, mise en scène de Bernard Levy, au Théâtre de la Tempête
    © Pascale Cholette   fff article de Denis Sanglard La faim justifiant les moyens, nécessité faisant loi, Antonia, comme toutes les ménagères du quartier, devant la flambée des prix injustifiée décide de ne rien payer, de rafler ce qu’elle peut sans passer par la caisse du supermarché. Pâté de luxe pour chien ou millet pour les oiseaux, têtes de lapins congelés, qu’importe, aujourd’hui le cabas est plein, déborde. Mais où cacher le butin quand les gendarmes engagent une course poursuite, perquisitionnent votre domicile ? Quand votre mari, ouvrier de gauche et probe, ne veut pas entendre parler de vol ? Dario Fo et Franca Rame signent un vaudeville, une satire politique jubilatoire où la farce énorme et le rire tonitruant dénoncent vertement la crise économique frappant en premier lieu le quart-monde. Ecrite en 1974 sur fond de luttes ouvrières, réécrite en 2008 lors de la crise des subprimes, cette pièce n’a rien perdue de son mordant et de sa férocité, de son acuité, plus actuelle que jamais. Une mécanique comique implacable poussée au paroxysme, jusqu’à l’absurde et d’une inventivité folle qu’une écriture brillante et au cordeau exhausse davantage encore. Schéma classique : un mensonge en entraînant un autre, bientôt tout s’enraye et déraille jusqu’à la folie, l’irrationnel en toute logique. Les portes tremblent et les répliques claquent pour un propos politique brûlant, résolument engagé, à gauche toute. Ce n’est pas la lutte finale mais cela y ressemble et tant pis si les lendemains déchantent, en attendant le grand soir c’est le temps de la débrouille à l’heure du dîner. Derrière le rire franc, libératoire, exutoire, c’est une humanité en souffrance, victime d’un patronat cynique, du capitalisme triomphant et de politiques volontairement aveugles qui est dénoncé au vitriol. Dario Fo et Franca Rame signent un brûlot militant où la comédie aussi énorme soit elle ne cache nullement une critique virulente de notre société de consommation et des rapports de classe où les perdants sont toujours les ouvriers, les petits et les obscurs.  Rien de dire que ça nous pète joyeusement à la gueule ! Avec ça, un féminisme volontiers affiché où les femmes ici ont le beau rôle devant des hommes dépassés par les évènements et par celles-là même qui ont engagées la lutte à leur corps défendant (et ce n’est là pas une métaphore…). Ici, la ménagère est l’avenir de l’homme, c’est certain. Parce que la faiblesse et l’ignorance des maris, elles savent. C’est jouissif, oui et Bernard Levy trouve le ton absolument juste et insuffle un rythme d’enfer qui jamais ne faiblit. Mise en scène explosive qui ne craint pas le burlesque, en fait un superbe atout, mais qui jamais ne déborde du cadre stricte de la pièce et de son écriture. C’est fichtrement inventif, toujours, sur une crête fragile quand au ressort comique mais qui jamais ne tombe dans l’outrance absolue. Oui c’est gros, c’est énorme parfois mais ça passe crème, respectant toujours au plus près les situations insensées qui s’emballent crescendo dans une mécanique irrésistible, infernale et ne perdant pour autant pas de vue son sujet ô combien sensible. On rit sans barguigner mais sans rien perdre de la virulence, de l’actualité du propos.  Et dans ce décor de guingois, à l’image de la vie de ses personnages, les acteurs, le corps fébrile en avant, lequel a son importance ici, sont au diapason, qui de leur partition originale font un feu d’artifice où crépitent, fusent et font mouche les répliques à se tordre. Et avec ça humains, terriblement humains, miroirs tendus de notre impuissance et de nos utopies à la peine. Même la gendarmerie ici a du vague à l’âme, c’est dire. C’est cet équilibre réussi entre la satire et cette humanité désespérée, en révolte, mâtinée de poésie rude, il y en a oui, ce mouvement de pendule entre un réalisme social et la farce qui permet et excuse tout, qui donne à l’ensemble de cette création son prix unique, toute sa valeur ajoutée, en fait une diable de réussite et, en ces temps difficultueux de crise ouverte non larvée, le rend plus que nécessaire, voire indispensable.   © Pascale Cholette   On ne paie pas ! On ne paie pas !  Texte de Dario Fo et Franca Rame Traduction, adaptation : Toni Cecchinato, Nicole Colchat Mise en scène : Bernard Levy Avec : Flore Babled, Elie Chapus, Eddie Chignara, Grégoire Lagrange, Jean-Philippe Salério, Anne-Elodie Sorlin Collaboration artistique : Jean-Luc Vincent Scénographie : Damien Caille-Perret Lumières : Christian Pinaud Costumes : Claudia Jenatsch Son : Jean de Almeida Maquillage : Catherine Saint-Sever Accessoires : Roberta Chiarito Régie générale : Thierry Lacroix Construction décor : Atelier MC2 : Grenoble   Du 3 au 18 mars 2023 Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h   Théâtre de la Tempête Cartoucherie Route du champ de manœuvre 75012 Paris Réservations : 01 43 28 36 36 www.la-tempête.fr    Read More →
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