© Simon Gosselin
ƒƒƒ article de Hoël Le Corre
Entre réflexions sociétales et récits intimes et collectifs, la Compagnie les Mille Printemps n’en est plus à son coup d’essai pour s’atteler aux sujets de société qui font mouche. Après le féminisme avec Mon Olympe et la transition écologique dans Yourte, cette troupe, aussi engagée que raconteuse d’histoires, déploie la question de l’âgisme. Avec Biques, Gabrielle Chalmont-Cavache s’interroge sur la place des personnes âgées et propose l’intergénérationnel comme clef de voûte du vivre-ensemble.
Le décor est posé d’entrée : des aides-soignantes nous installent en salle, veillant à ce qu’on ne trébuche pas, proposant de nous aider à retirer nos manteaux, prenant de nos nouvelles. Nous voici intégré.e.s à l’Ehpad des Magnolias, à Mondac, bourgade fictive de Charente-Maritime, sans demander notre reste. Après tout, décide-t-on vraiment de plein gré de s’installer en maison de retraite ? Nous assistons alors à la fête de départ en retraite de la doyenne des infirmières, 40 ans de carrière dans le même établissement. « Ça ne se fait plus », précise-t-elle, entre fierté et émotion. Et le ton est donné : malgré un sujet qui pourrait être sombre et quelque peu déprimant, il sera traité avec enthousiasme, espoir et espièglerie ! Les couleurs, d’ailleurs, nous resterons en tête bien après les saluts. Toutefois, et c’est là la réussite de Biques, ce ton enjoué ne masquera pas l’âpreté de la situation ni les problématiques auxquelles sont confrontés les personnels soignants, les résidents et les familles, au contraire, le contraste sert de révélateur et de porte-parole.
Ainsi, le temps du spectacle, nous suivons des bouts de vies de plusieurs femmes qui, par la force des choses, se croisent dans la salle commune des Magnolias : certaines y travaillent, d’autres y vivent, d’autres visitent. Elles ont toutes leurs histoires personnelles, professionnelles, familiales, et bien que d’âges totalement différents, allant de 17 à 94 ans et plus, elles vont devoir aller au-delà des différences et des injonctions auxquelles la société les assignent, du fait de leur genre et de leur âge justement. Au-delà même de leurs propres préjugés, elles vont se découvrir et unir leurs forces pour sauver l’établissement que le Maire souhaite voir partir en périphérie de la ville, loin de tout regard et de tout accès. Et des forces, elles vont en révéler, chacune avec son parcours et ses facultés, chacune avec ses failles et ses convictions… Les neuf comédiennes, d’âge différents – et notons que cela fait du bien de voir des profils si variés sur scène ! – s’en donnent à cœur joie, et leur énergie est communicative ! Elles incarnent tour à tour deux personnages chacune : un qui semble assez proche de leur véritable âge, et l’autre sous les traits d’une personne âgée (inspirée de personnes réelles). Le travail du corps, pour incarner la vieillesse notamment, est juste et réussi. Et c’est tout aussi savoureux quand elles font valser les clichés et tissent les corps agiles à ceux vieillissants, faisant tomber les barrières avec une pointe d’irrévérence. Et en effet, toujours avec sensibilité, générosité et sincérité, elles n’hésitent pas également à se servir également du second degré, exagérant les traits, accentuant l’humour, pour révéler finalement des vérités profondes. Alors, on rit, on s’émeut, on vibre avec elles, et on finirait presque par leur donner nos voix aux prochaines élections, mais ça, c’est une autre histoire !
© Simon Gosselin
Biques, par la Compagnie Les Mille Printemps
Mise en scène : Gabrielle Chalmont-Cavache
Texte : Gabrielle Chalmont-Cavache et Marie-Pierre Nalbandian
Avec : Claire Bouanich, Sarah Coulaud, Louise Fafa, Lawa Fauquet,
Marie-Pascale Grenier, Carole Leblanc, Maud Martel, Taïdir Ouazine et Jeanne Ruff
Collaboration à l’écriture : Marina Tomé
Création lumière : Emma Schler
Scénographie : Lise Mazeaud
Conception vidéo : Jonathan Schupak
Création musicale : Balthazar Ruff
Chorégraphie : Marion Gallet assistée de Louise Fafa
Costumes : Sarah Coulaud
Du 7 au 24 mars 23
Du lundi au vendredi à 20h
Le samedi à 18 h
Durée : 1 h 40
Théâtre 13 / Glacière
103A boulevard Auguste-Blanqui
75013 Paris
Réservations : 01 45 88 62 22
www.theatre13.com
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