© Ema Martins
ƒƒƒ article de Hoël Le Corre
Cela pourrait être un jeu, entre des bourreaux rigolards et un bouc-émissaire consentant. Cela pourrait presque mettre en valeur cet adolescent à part, capable de montrer un courage admirable, s’il n’était pas aussi périlleux. Mais on comprend tout de suite qu’Adam représente la cible facile, pour ce groupe d’adolescents pris dans le tourbillon de l’inconscience et du harcèlement. Et, dès les premières minutes, la tension s’installe: le « jeu » mortifère a déjà dérapé, Adam en est la victime. Et pour les trois autres personnages présents, Léa, John et Cathy, il s’agit alors de se mettre d’accord sur la version des faits… C’était sans compter sur Phil (interprété par un Maxime Boutéraon aussi glaçant que charismatique…) , garçon taiseux, mystérieux et dont la domination s’étend sur tous ses camardes, qui prétend les «sortir de la merde » en inventant une histoire d’enlèvement qui les dédouane.
Commence alors une tension qui ne nous lâchera plus jusqu’à la fin de la pièce. Le mécanisme de la dissimulation se met en marche et les personnages se retrouvent en proie à la panique, la culpabilité. Entre sang-froid et mauvaise conscience, entre acceptation et rébellion, nos protagonistes dessinent l’éventail des réactions face au pire, face à une mort dont ils sont responsables. Comment dès lors, assumer et sauver son humanité ? Peut-on en sortir indemne ? Quelle détermination peut-on garder face à la force du groupe, quand ce groupe va à l’encontre de ses convictions?
Marie Mahé a su adapter ADN pour passer de 11 à 5 personnages et elle réussit à s’emparer de la langue lapidaire et fulgurante de Denis Kelly, en évitant le piège de la psychologie, mais demandant plutôt à ses comédien.ne.s de faire fuser les mots, pour rendre compte de la violence des décisions, de l’urgence de la situation. C’est diablement efficace et on est tenu en haleine, suspendus aux lèvres de chacun.e d’entre elleux, car à tout moment, la situation est susceptible de basculer. A moins que la peur, la soumission au pouvoir de l’un d’entre eux ne permette jamais à l’engrenage fatal de s’arrêter. Ici, pas de fioritures de mise en scène, les mots et les réactions corporelles des comédien.ne.s ont toute la place de se déployer dans cet espace vide, occupé seulement par un banc. Les autres endroits sont suggérés suffisamment puissamment pour que le décor quotidien de ce groupe « d’amis » devienne concret. La référence au sang sur les mains et au rouge de la violence renforce le propos de la pièce sans illustrer outre mesure. Jusqu’au choix de la musique qui nous évoque l’intériorité des personnages face à la complexité de la situation. Bref, ce huis-clos passionne, captive et résonne malheureusement énormément avec l’actualité…
© Ema Martins
ADN, de Denis Kelly,
Mise en scène : Marie Mahé
Avec : Maxime Boutéraon, Léa Luce Busato, Marie Mahé, Tigran
Mekhitarian en alternance avec Achille Reggiani
Scénographie: Marie Mahé, Isabelle Simon
Costumes: Marie Mahé
Lumière : Édith Biscaro
Artiste-peintre : Ymanol Perset
Du 2 au 19 mars 2023
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30
Durée : 1h15
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Réservations: 01 43 28 36 36
www.la-tempete.fr
comment closed