Kono atari no dokoka, de Michikazu Matsune et Martine Pisani, Collection Lambert, Festival d’Avignon In
     © Christophe Raynaud de Lage   ƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia  Quelque part ici. A la collection Lambert. Au Japon ? En Autriche ? Kono atari no dokoka – Quelque part ici. Un beau titre pour parler de « ce qui reste de la danse une fois le spectacle terminé », qui est un hommage à l’une des pièces de la chorégraphe française. Le propos est en fait la transmission. Une question ô combien à la fois épineuse et tarte à la crème. Que d’écrits, de conférences, de films (en dernier lieu le magnifique Dancing Pina de Florian Heinzen-Ziob) y ont été consacrés. Rien qu’en Avignon, Anne Teresa de Keersmaeker a été invitée à répondre à cette question dans un Café des idées organisé au Cloître Saint-Louis. Le performeur japonais-autrichien Michikazu Matsune a voulu ajouter sa pierre à cette réflexion inépuisable en prenant appui sur les relations nouées avec Martine Pisani en 2007, qui semble aussi une volonté de lui rendre hommage sans en avoir l’air. Ils sont ensemble au plateau. Elle assise sur une chaise en bois car immobilisée par une sclérose en plaque depuis de nombreuses années. Lui tantôt assis à ses côtés, debout, endormi ou agité. La question de la transmission n’est donc pas qu’une question théorique pour la chorégraphe, mais aussi très pratique, qui passe par les impasses du corps et du langage. Ils sont rejoints par moments par le compagnon de Martine Pisani, Théo Koojiman, peintre et performeur néerlandais, mais aussi danseur et son assistant depuis la création de sa compagnie à Marseille. La pièce prend la forme d’une conférence un peu décalée qui commence par la projection d’un texte entièrement en japonais, dont on a la traduction grâce à sa lecture en français par Martine Pisani à la fin du spectacle. La vraie-faux interview se déroule d’une manière très humoristique (à l’image des titres improbables des spectacles de M. Pisani) et la brièveté des réponses de la chorégraphe dépasse celle des haïkus qu’elle affectionne autant que les peintures ou autres singularités artistiques japonaises. Une seule vidéo de danse est projetée, la seule vidéo qui existe visiblement de Martine Pisani dans son studio. On aurait pu penser qu’elle susciterait de nombreuses digressions dansées de la part de Michikazu Matsune, à l’exception de quelques petits, et bons, duos parodiques (de celui avec Sabine Macher) avec Théo Kooijman. D’autres projections sont proposées, des photos d’enfance du danseur né à Kobé, dont on ne comprend pas bien l’intérêt (pas plus que le récit de ses insomnies plus tôt) et quelques haïkus (de Issa, Shiki, Basho). Et des anecdotes permettant de placer des noms qui ont compté en Avignon (Merce Cunningham, Claude Régy…) ou ailleurs (vidéo hilarante de Philippe Découflé au Jeux Olympiques de 1992 car illisible sous un prétexte de coût des droits d’auteur). Au-delà de l’hommage et de l’humour, le spectacle créé un peu d’insatisfaction pour le spectateur qui pensait faire des découvertes et qui a presque l’impression d’assister à un petit jeu entre amis ou canular rafraichissant. C’est touchant incontestablement, mais frustrant tout autant.     Kono atari no dokoka de Michikazu Matsune et Martine Pisani Vidéo : Michikazu Matsune En anglais, japonais, français et allemand Avec Theo Kooijman, Michikazu Matsune, Martine Pisani Conception Michikazu Matsune en dialogue avec Martine Pisani Basé sur les premières œuvres de Martine Pisani Lumière Ludovic Rivière Vidéo Michikazu Matsune, Maximillian Pramatarov Conseil artistique Miwa Negoro, Ludovic Rivière, Anne Lenglet Régie vidéo Anne Lenglet Traduction pour le surtitrage Marion Schwartz   Durée 1h10   Collection Lambert 5 rue Violette 84000 Avignon www.festival-avignon.com      Read More →
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Asylum, chorégraphie de Rami Be’er, Kibboutz Contemporary Dance Company, Lycée Jacque Decour, Festival Paris L’été
  © Eyal Hirsch ff article de Denis sanglard Le corps comme cartographie d’un territoire en conflit et de ses conséquences. Territoire politique, sociale et intime – c’est du pareil au même – aux frontières poreuses, aux aspirations contradictoires. Entre volonté de domination, d’oppression, et aspiration à la liberté absolue au risque de l’exil. Et dans cet exil, ce nouveau territoire inconnu, trouver sa place, son foyer, sans jamais perdre son identité, et se confronter à la discrimination. Voilà grossièrement résumé, Asylum du chorégraphie israélien Rami Be’er.  Qui donne peu de clef de compréhension et dont la chorégraphie nerveuse ne s’appesantit jamais sur son sujet. Au son d’une comptine israélienne, Uga Uga (« nous tournons en rond jusqu’à trouver notre place »), les dix-sept danseurs entre abstraction et expressionisme, gestes mécaniques réitérés, avec une énergie sans faille, entrent dans une zone de conflit, de turbulences où le collectif, d’emblée, est soumis aux lois d’un seul, hurlant au porte-voix ses ordres, réduisant l’ensemble à un seul matricule, 1227. De cette masse contrainte, traitée comme telle, de très belles échappées, solo, duo et trio comme autant d’ouvertures sur un avenir possible, une aspiration rêvée sur un ailleurs, un exil ou un refuge. Refuge ou asile que peut être le couple pris dans la tourmente. Mais toujours, même au sein de ces instants de grâce fragile, demeure une tension interne, source d’une violence encore possible pouvant éclater et fracasser cette accalmie. Et ces fulgurances, ces coagulations sont brèves qui voit chacun très vite rentrer dans le rang, revenir au groupe, à la fusion collective. Fascinant ici il est vrai est le travail sur la composition des ensembles où les corps sont désarticulés, déhanchés, de biais le plus souvent, les jambes arqués, les genoux pliés, mais toujours d’une rigueur impeccable dans l’unité et l’occupation de l’espace. Les mouvements passant d’une grande amplitude au geste le plus fin et subtil, le visage toujours expressif où revient comme un leitmotiv un long cri, de rage ou de douleur. Mais quelque chose pêche ici. Pour un sujet aussi sensible que celui-là, aussi dur sinon violent, l’exil et ses conséquences les moins avouables comme ses espoirs les plus ténus, cette chorégraphie offre peu de raucité, tant la technique l’emporte et offre au final peu de place à l’émotion. Il y a bien quelque chose de viscéral et d’explosif, de sensible, mais policé, corseté par cette chorégraphie qui laisse peu de place à l’épanchement, à la fragilité malgré l’engagement total des danseurs et la sincérité du propos. On rêve alors  à quelque chose de plus âpre, de plus âcre qui pourrait nous bouleverser au lieu de rester tout au bord de quelque chose qui n’advient pas. Oui, c’est parfait il est vrai, peut-être trop.   © Eyal Hirsch   Asylum, chorégraphie de Rami Be’er Directeur artistique : Rami Be’er Univers musical : Rami Be’er, Alex Claude Costumes : Rami Be’er, Lilach Hatzbani Directeur répétitions et assistant directeur artistique : Nitza Gombo Assistant univers musical : Eyal Dadon Danseurs : Abrams Ayala, Beckerman Eden, Bessoudo Lea, Camarneiro Francisco, Civitarese Luigi, Cuoccio Francesco, Finkelstein Hadar, Garlo Nicholas, Gray Ward Grace, Kim Sujeong, Levi Dvir, Nikurov Ilya, Rheude Colette, Scott Denver, Serrapiglio Antonio, Vach Michal, Zuchegna Tommaso, Zvulun Orin   Du 12 au 15 juillet 2023 à 22h   Lycée Jacques Decour 12 avenue Trudaine 75009 Paris   Réservations : www.parislete.fr            Read More →
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Femme non rééducable, Anna Politkovskaïa, de Stefano Massini, mis en scène par Laurent Mascles, Théâtre au bout là-bas, Festival d’Avignon Off
     © L’ile Lauma ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia  Ce texte de Stefano Massini centré sur la figure d’Anna Politkovskaïa est, à l’image de ses autres textes, engagé dans la vie réelle, engagé tout court dans la dénonciation des injustices, des inégalités, des vies piétinées. Évidemment, dans Femme non rééducable, l’enjeu, ou le combat, est encore plus vaste, même si l’auteur ne prétend nullement mener de combat justement, mais uniquement de poser des faits, à l’image de la pratique de la journaliste russe d’ailleurs. « Prendre position c’est faire preuve d’intelligence » … En donnant une dimension dramaturgique au récit, dans une écriture ciselée, efficace, tranchante, épurée parfois, l’auteur italien parle tout autant au cerveau qu’au cœur. Sa langue est si forte qu’elle n’a besoin d’aucune fioriture ou surcharge scénographique. Laurent Mascles l’a bien compris et signe une adaptation (quelques scènes sont coupées) et mise en scène parfaite, qu’il avait déjà jouée en Avignon depuis 2020 (sachant que la pièce a à l’origine été créée en 2010 à Bruxelles dans la mise en scène de Michel Bernard). Du noir, des lumières face et arrière, un peu de fumée, une chaise et deux comédiens au plateau. Laurent Mascles lui-même est tour à tour le jeune mercenaire de 19 ans, le colonel des fosses de Kotuni, un chef de terroristes… On avoue avoir être décontenancée quelques minutes par l’accent du sud qui surgit dans les steppes tchéchènes, et après on oublie, car cela n’a en fait aucune d’importance et est évidemment bien préférable à l’imitation d’un accent du Caucase. Il faut dire enfin et surtout que les mots de Massini et l’hommage qui est rendu à Anna Politkovskaïa sont totalement magnifiés par le jeu de la fabuleuse comédienne Marie de Oliveira. Elle porte le texte avec une force et une justesse auxquelles il est peu souvent donné d’assister. Marie de Oliveira fait s’ancrer et s’envoler tour à tour la langue de Stefano Massini. Elle redonne vie à Anna Politkovskaïa, elle est Anna Politkovskaïa. En ne cherchant jamais à singer la gestuelle ou les intonations de voix de la journaliste, elle la joue en en habitant l’esprit et la lutte, la lutte pour la vérité, pour l’information, pour dénoncer les corruptions au niveau étatique comme individuel, pour rendre compte des massacres et de la barbarie, pour témoigner sur place, sans fake news, de la réalité du terrain, pour pouvoir décrire ce que c’est qu’une tête suspendue à un crochet, dont le sang dégouline puis se prolonge en un goutte à goutte. Témoin oculaire des choses qu’on ne peut se permettre de raconter si on ne les a pas vues, comme un attentat (« celui qui n’a pas vu de ses yeux / un attentat / qu’il évite d’en parler / puisqu’il n’en sait rien »). On est vraiment suspendu aux lèvres de Marie de Oliveira, à la diction parfaite, au timbre de voix presque envoutant, à la puissance vocale impressionnante (la scène de la course dans la neige / le sang / la neige à Grozny) y compris dans sa capacité à rebasculer en quelques secondes dans un registre posé, qui n’est jamais froid ou faussement habité, qui est simplement juste. On pleure avec elle dans la scène de culpabilité après l’assassinat de tous ceux qu’elle avait interviewés dans un petit village de montagne. On tremble dans l’ascenseur de son immeuble à Moscou au moment où elle est assassinée le 7 octobre 2006 les bras chargée de courses, car elle était aussi une mère de famille. Un coup de cœur pour cette comédienne et un coup de cœur pour cette adaptation d’un texte à faire connaître absolument pour garder la mémoire de cette femme exceptionnelle, de cette guerre sans fin, de ces massacres récurrents où l’humain n’a plus de place, et notamment à une étape charnière, due à un autre conflit, qui a conduit le Kremlin à demander  au Président tchéchène (le fameux Ramzan Kadyrov qui est passé de chef de la Sécurité à la Présidence en un éclair et qui fait l’objet de toute une scène dans la pièce) le mois dernier d’envoyer ses forces militaires remplacer le groupe Wagner en Ukraine. On ne saurait donc que trop conseiller pour prolonger cette pièce de lire dans la réédition assurée par L’Arche le dernier texte de Stefano Massini, intitulé Bunker Kyiv écrit un an après le début de la guerre en Ukraine…   © L’ile Lauma   Femme non rééducable. Anna Politkovskaïa de Stefano Massini Mise en scène : Laurent Mascles Traduction : Pietro Pizzuti Musique originale : Gilles Monfort Avec : Laurent Mascles, Marie De Oliveira   Jusqu’au 29 juillet (relâche les 17 et 24), 17h25 Durée 1h20   Théâtre Au bout là-bas 23 rue Noël Biret 84000 Avignon  Réservations : www.avignon-theatreauboutlabas.com    Read More →
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Even Elephants do it, de Mónica Mojica et Antoine Voituriez, mis en scène par Mónica Mojica, Artéphile, Festival d’Avignon Off
   © Antony Rodriguez    ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia  Cécile Winter est une héroïne. Une héroïne du quotidien. Engagée pour le bien commun. De celles qui agissent vraiment. Dans la générosité pure et avec conviction. D’abord ouvrière, elle a repris des études à près de 30 ans, et a choisi Médecine pour se sentir utile (avec une licence de philosophie et de médecine). C’est auprès des malades du sida que sa vocation tardive s’est épanouie, après la réa, au service VIH de l’hôpital de Montreuil pendant 25 ans. Et c’est à son action que Mónica Mojica rend hommage dans ce spectacle original et émouvant, un hommage que l’intéressée n’aura malheureusement pas pu voir dans sa forme achevée. La forme hybride fait une grande partie de son intérêt. De long extraits de son témoignage passent en voix off sur fond de vidéos en noir et blanc (des éléphants d’abord, des populations africaines ensuite pour saluer allégoriquement la mémoire des millions de morts sur ce continent où les traitements sont arrivés beaucoup plus tard qu’en Europe), entrecoupés de scènes sur le plateau exécutées avec des micros à pieds par 5 comédiens jouant des situations du quotidien vécues par des malades du sida et des soignants avec délicatesse parfois, perspicacité, humour aussi, certains d’entre eux exécutant également en même temps des bruitages à vue sur le plateau à cour (pas dans l’escalier, sons de café-restaurant, nettoyage d’un bras avant la perfusion…). Si on a une petite réserve pour la première partie du dispositif (les vidéos et les extraits de l’entretien sont parfois un peu longs car comportent des redondances, qu’il serait utile de couper, réduction qui ne nuirait pas au propos bien au contraire), la seconde est extrêmement bien menée. Il faut saluer le talent des comédiens (sans exception) dans la dizaine de rôles qu’ils accomplissent chacun, ils savent créer de l’empathie sans misérabilisme, ils suscitent chez le spectateur, sans bouger devant leur micro, une imagination instantanée. La mise en scène est millimétrée et d’une grande efficacité (à l’exception de la réserve précitée). L’explication du titre qui peut surprendre est trouvée au bout d’une demi-heure du spectacle, quand Cécile Winter s’émeut du sort du corps d’un malade une fois décédé, qui n’avait jamais été visité pendant tout son séjour à l’hôpital. Elle est incrédule devant l’absence de sépulture et d’accompagnement du défunt s’écriant : « Même les éléphants le font ! ». En revanche, l’on n’a pas saisi pourquoi cette originale comparaison a été traduite en anglais. Sur le fond, le traitement de l’époque, de l’évolution des traitements et surtout de la question du rapport du corps des soignants aux patients est remarquable et sans caricature. « J’ai sérieusement envisagé d’arrêter la médecine » a avoué Cécile Winter lorsqu’elle s’est trouvée accusée par l’une de ses consœurs d’acharnement thérapeutique, alors qu’elle avait au contraire par sa simple attention aux faits permis de sauver un patient. Son écoute bienveillante et dévouée lui a également été reprochée, quand elle allait visiter parfois les patients chez eux pour les suivre jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à leur mort, ou quand elle résistait à des pratiques stériles, telle que celle d’interroger les malades sur le type de groupe à risque auquel ils appartenaient, alors que la connaissance du mode de contamination ne permettait en rien d’améliorer la prise en charge, ni le choix de la thérapie. Ce respect du droit à la vie privée et de la dignité des personnes ne sont pas explicitement mentionnés, mais bel et bien au cœur de sa carrière et de sa pratique pragmatique. Son intérêt pour le continent africain est allé au-delà de l’adoption du fils de l’une de ses patientes, par un dévouement et une tentative d’alerter sur l’urgence, qui fut inaudible pour les gouvernements ou laboratoires ayant d’autres intérêts à défendre… On sort de l’Artéphile à la fois ému et plein de gratitude pour la compagnie Horizontal-Vertical avec ce projet théâtral courageux, qui rend un juste hommage à un modèle d’humanité.   © Antony Rodriguez   Even Elephants do it de Mónica Mojica et Antoine Voituriez Mise en scène et scénographie : Mónica Mojica Lumières : Samuel Halfon Musique originale et son : Alejandro Gómez Upegui Vidéo : Jean-Baptiste Droulers Avec :  Éleonore Lamothe, Remi Oriogun – Williams, Clara Rousselin, Cyprien Fiassé, Adam Migevant Et la voix off de Cécile Winter   Jusqu’au 26 juillet (relâche les 13 et 20), 11h30   Artéphile 7 rue du Bourg Neuf 84 000 Avignon   Réservation : www.artephil.com      Read More →
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Le vison voyageur, de Ray Cooney et John Chapman, adaptation de Jean-Loup Dabadie, mise en scène de Michel Fau, au Théâtre de la Michodière
  © Matthew Totaro     f article de Denis Sanglard Il court, il court le vison. Il est passé par ici, il repassera par là… Mais dans cette mise en scène de Michel Fau, il est un peu essoufflé. Chez Bodley, Bodley and Croutch, haut temple anglais de la fourrure où le bien-être animal est une priorité, brader au dixième de sa valeur un sublime manteau de vison blanc mérite bien une explication. Steeve Bodley pour séduire sa nouvelle maitresse, madame Mac Michaël, paye ainsi la différence au grand dam de son associé, le puritain Croutch. Comment la dame en question se retrouve nue dans ce manteau et de ses conséquences, voilà ce qui fait de ce classique du Boulevard, un délicieux chef-d’œuvre d’humour so british de Ray Cooney et John Chapman, traduit par Jean-Louis Dabadie, adapté ici dans cette nouvelle version, coupes sombres et petits arrangement au détriment, hélas, de l’original, par Michel Fau et Sébastien Castro. Portes qui claquent, chassé-croisé, maîtresses et amants, voire maris et femmes ce qui revient aussi au même, dans les placard, nous sommes en terrain connu. Chacun trompe sa chacune et vice-versa. Dans ce maelstrom, cette ronde infernale de cornards, le vison passe de mains en mains, de corps en corps, objets de convoitise, de marchandisation et de chantage… (passons sur la symbolique) révélant les turpitudes libidinales et les mensonges vertueux qui agitent ce petit monde de la bourgeoisie anglaise. Plus les mensonges sont gros, très vite énormes, plus les situations deviennent comme il se doit inextricables, plus tout cela devient naturellement absurde. C’est tout le gros sel et l’humour décapant du théâtre de Boulevard dont Le vison voyageur est un classique indémodable. Seulement ici pêche une mise en scène quelque peu paresseuse. On a connu dans cet exercice périlleux et difficile, car le Boulevard en est un, Michel Fau bien plus inspiré, plus inventif, sinon plus subversif jouant subtilement sur les codes mêmes du boulevard qu’il détourait, détournait en les dénonçant. Là, il reste au ras de la pièce qu’il effleure, respecte littéralement, sans rien n’approfondir ni bouleverser vraiment. On ne s’ennuie pas, non, le rythme est là, soutenu comme il se doit. Les répliques vachardes ou spirituelles font mouches pour la joie du public. Les acteurs sont au même diapason. Si Michel Fau est au bord du cabotinage – il y tombe parfois – Sébastien Castro (Croutch) est impeccable de tenu, de flegme puritain anglais, couvrant malgré lui les frasques de son associé… pour son malheur et notre bonheur.  Un jeu tout en nuance. Le duo fonctionne idéalement ne s’entredévorant nullement. Mention spéciale et coup de cœur aussi pour la comédienne Armelle, en secrétaire vertueuse, personnage toujours en décalage, la bouche en cul de poule devant tant de libertinage dans une maison si convenable… à qui reviendra aussi de porter provisoirement ce vison baladeur, en tout bien tout honneur. On ne passe pas une mauvaise soirée, non, la salle est hilare qui n’attend rien de plus à vrai dire, mais on reste un tantinet sur sa faim. On espérait du vison, on a eu du lapin.   © Matthew Totaro   Le vison voyageur, de Ray Cooney et John Chapman Traduction de Jean-Loup Dabadie Adaptation de Michel Fau et Sébastien Castro Mise en scène de Michel Fau Assistant mise en scène : Quentin Amiot Avec : Michel Fau, Sébastien Castro, Nicole Calfan, Armelle, Anne-Sophie Germanaz, Alexis Driollet, Delphine Beaulieu, Arnaud Pfeiffer, Laure-Lucile Simon Décor : Nicolas Delas Lumière : Joël Fabbing Costumes : David Belugou Maquillage et coiffure : Pascale Fau   Jusqu’au 30 juillet 2023 Du mardi au samedi à 20h, samedi et dimanche à 16h   Théâtre de la Michodière 4bis rue de la Michodière 75002 Paris   Réservation : 01 46 8768 62 www.michodiere.com  Read More →
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Fuck me, dramaturgie et mise en scène de Marina Otero, au Lycée Jacques Decour, Festival Paris l'été
  © Diego Astarita     ƒƒƒ article de Denis Sanglard Ils sont nus comme au premier jour, à l’exception d’une paire de bottes et de genouillères. Six, à jouer d’entrée de leur masculinité, une danse exacerbant leur corps musculeux tandis que beugle sa plainte le crooner argentin Sandro. Ouais, se dit-on, et alors, passé un certain voyeurisme, où cela nous mène-t-il ? A une performance inouïe et rude, d’une ironie rauque, d’une mélancolie rageuse et trompeuse. Car cette mise en bouche crâne et provocatrice n’est qu’un faux-nez. Ce qui est au centre de tout ça, c’est une souffrance étalée là, à vif, sur ce plateau rougeoyant, par Marina Otero, qui se meut ici avec difficulté quand elle ne reste pas clouée sur son fauteuil à cour. Fuck me est le récit d’un combat, d’un cri de rage, l’histoire d’un corps défait ne renonçant pas, ne renonçant à rien. Danseuse brisée, la colonne vertébrale en vrac, incapable de marcher, a fortiori de danser, c’est de l’hôpital qu’elle conçut cette performance. Marina Otero se raconte, c’est le principe et le centre de son travail jusqu’à présent, utiliser la réalité, interroger le parcours de sa vie, pour construire son œuvre, faire de la réalité une autofiction. Récit, vidéo bricolée projetée, et le corps en avant, toujours, jeté dans une âpre bataille, pour exprimer l’indicible, l’intime comme le politique. Alors que reste-il quand ce corps fracassé, au centre des enjeux de création, ne répond plus ? S’arc-bouter résolument et construire quand même, exprimer ce vide vertigineux, ce néant soudain absolu qui vous laisse anéantie, sans désir aucun. Ce qui est en jeu désormais n’est pas tant la véracité des faits que leur perception sensible et poétique. Le corps est aussi mémoire, c’est cette mémoire-là qu’elle interroge, fouaille et réactive sans lâcher pour autant ici le projet initial interrompu de cette performance, comprendre le mystère qui entourait son grand-père, officier de marine de la junte militaire au pouvoir en argentine lors de la dictature. Amnésie familiale volontairement entretenue qu’elle ne réussira pas à percer, le dernier témoin, sa grand-mère, s’éteignant sans lever le voile sur une vérité inavouée. Subtile mise en abyme, de fait, entre mémoire, corps et Histoire, où l’intime par force rejoint le politique. Marina Otero n’exprime rien moins que la violence volontaire qui a mis son corps en pièce, la dictature un pays et une possible résilience aussi chaotique soit-elle. Et nos six, tous nommés pour l’occasion Pablo, ayant revêtu un moment l’uniforme militaire, image du père et d’un passé, ne sont plus ici que l’extension de Marina Otero, ses doubles, ses avatars, s’effaçant chacun devant ce projet, soumis et dociles aux injonctions et aux impératifs d’une chorégraphe qui les mène à la baguette jusqu’à vouloir les humilier. Ils sont Marina Otero. Qu’ils reproduisent le solo qui vit sa colonne vertébrale exploser, succession de chutes infernales, ou achèvent la chorégraphie interrompue par la reconstruction de cette même colonne vertébrale, c’est un corps sublimé, voire exacerbé, fantasmé, fictionné, qu’elle expose sans fard avec autant de dérision que de gravité. Mais un corps évidemment, éminemment en sursis. Instant sensible et suspendu de voir s’avancer Pablo numéro six, ils sont tous numérotés, exprimant là son désarroi et son impuissance de voir son corps de quarantenaire vieillir, se déliter, s’amollir. Récit poignant que reprend à son compte Marina Otero. Ou de Pablo numéro deux ayant construit son corps athlétique pour se venger des humiliations de l’enfance, n’en pouvant plus de n’être vu qu’à travers lui, pas pour rien qu’il soit engagé dans cette performance et le premier à être exposé crûment sur le plateau. Et de voir déambuler avec peine Marina Otero, fragile et nue, parmi ces danseurs, comme un ultime et douloureux tour de piste vous tord salement le kiki. Nous sommes là au cœur de cette performance, son cœur battant, la réinvention de soi et la transfiguration par la création d’une réalité insupportable, malgré la douleur morale celle-là, bien plus violente sans doute, de ne plus pouvoir danser. Jamais  vraiment ? Et traverse cette pièce fulgurante et aigüe, une folle énergie vitale, désespérée qu’un final inattendu, bouleversant et brutal, et qui démentant brusquement tout ça, brouillant sèchement et avec panache la frontière ténue entre la réalité et la fiction, nous laissent pantois, déconcertés, ébranlés et -oui- soudain sans crier gare émus, terriblement.   © Diego Astarita   Fuck me, dramaturgie et mise en scène de Marina Otero Assistante à la mise en scène : Lucrecia Pierpaoli Assistante à la chorégraphie : Lucía Giannoni Conseil dramaturgique : Martin Flores Cárdenas Lumières et scénographie : Adrián Grimozzi Costumes : Uriel Cistaro Stylisme de costumes : Chu Riperto Confection de costumes : Adriana Baldani Montage numérique et musique originale Julián Rodríguez Rona Artiste visuel : Lucio Bazzalo Photographie : Matias Kedak Avec : Augusto Chiappe, Cristian Vega, Matias Rebossio, Fred Raposo, Juan Francisco Lopez Bubica, Miguel Valdivieso, Marina Otero   vu le 3 novembre 2022 au Théâtre des Abbesses   9, 20, 21 & 22 JUILLET À 22H Durée 1H10 À PARTIR DE 15 ANS AVERTISSEMENT À L’ATTENTION DU PUBLIC : PRÉSENCE IMPORTANTE DE SCÈNES DE NUDITÉ INTÉGRALE LYCÉE JACQUES DECOUR 12 avenue Trudaine 75009 Paris Ouverture des portes 2h avant chaque représentation. Réservations : www.parislete.fr    Read More →
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Madame ose Bashung, conception et mise en scène Sébastien Vion, au Cabaret Sauvage, Festival Paris l'été
  © Monsieur Gac fff article de  Denis Sanglard Elles ont osé, ces sublimes créatures de cabaret, travestis échappés de Madame Arthur, du Secret, de feu l’Alcazar, elles ont osé, Patachtouille, Brenda Moor sous la houlette et le fouet de l’atrabilaire et impériale Corrine, orchestré par les mains baladeuses et véloces sur le piano de Charly Voodoo, au son des guitares percutantes de Christophe Rodomisto, des cordes sensuelles du quatuor Raimbow Symphony Orchestra, elles ont osé s’emparer du répertoire d’Alain Bashung et le résultat est là, subversif, provocant, abrasif, poignant, hilarant. Plongées perruques affolées et crêpées en tête dans cet univers musical sans équivalent, elles le subliment, le transcendent et le désarticulent avec panache, gouaille et sensibilité du haut de leur hauts talons effilés. Pas si folle que ça les guêpes, fines mouches même, elles bombent leur torse sous le corset, puisent dans ce répertoire à nul autre pareil des bijoux rutilants et des perles noires, des plus classiques « Osez Joséphine », « Vertige de l’amour », « La nuit je mens » … au bien moins connus sans doute « Je fume pour oublier que tu bois », « Je tuerai la pianiste » … qu’elles retailles et polissent, astiquent en orfèvres pour s’en parer et briller avec effronterie et classe de tous leur feux sacré. ©Monsieur Gac Jamais dans l’imitation mais bien dans l’interprétation et la performance, elles empoignent avec délicatesse, disloquent et mettent à nu les textes qu’elles tirent à elles sans jamais en dénaturer l’essence. Pas de poudre de perlimpinpin malgré les paillettes, sous le strass c’est du sérieux. L’extravagance affirmée n’empêche en rien la rigueur et la profondeur, la vérité des voix. De sacré voix par ailleurs, entre blues, rock et variétoche, et ne font jamais oublier qu’ils sont des chanteurs avant toute chose et de la meilleure eau. La gravité sous le cynisme bravache apparent de Corrine, la folie furieuse et hystérique de Patachtouille, la sensualité rauque de Brenda Moor (et quelles jambes !) font merveille et de chaque chanson mises en scène un voyage en solitaire partagé par un public chamboulé, bousculé avec soumission et plaisir masochiste par Corrine, maîtresse loyale et de cérémonie, loin d’être funèbre. Chacune ou chacun comme on voudra, les notions de genres sont allégrement transgressées cul par-dessus tête, poivre à sa façon unique chaque texte et démontre sans paradoxe combien Alain Baschung était un immense auteur, d’une sensibilité écorchée, un univers entre chien et loup oscillant entre amours dézinguées et douce violence, à la marge toujours des conventions têtues, d’une poésie solaire et brumeuse, énigmatique parfois. Et ça, nos queens pailletées elles savent, qui du fond des cabarets interlopes beuglent avec un foutu talent ces amours ravagées, sublimées, fantasmées, capables de transfigurer la moindre rengaine en tragédie. On se dit que oui, il y a chez Alain Bashung l’échos blues et rock des torch-song propre au drama-queen, plus âpres que larmoyant, certes, et que ces trois-là, ajoutons Charly Voodoo, ont toute légitimité pour défendre toute griffes laquées sorties cette brève anthologie qui porte l’amour en bandoulière, pour citer Alain Baschung lui-même. C’est donc en sautoir qu’elles le portent haut, elles qui savent aussi se dépouiller de leurs attributs clinquants de vierges folles, laissant tomber perruques, plumes et falbalas pour apparaître comme la vérité toute nue sur « Madame rêve », remettant pour ainsi dire les choses à plat et sans faux plis dans un final auquel on ne s’attendait pas. Ces créatures-là, ayant pris crânes la contre-allée, sont avant tout et plus que tout de sacrés et talentueux artistes, de grandes dames de la chanson !   © Monsieur Gac   Madame ose Bashung conception et mise en scène de Sébastien Vion Avec Brenda Moor (Kova Rea), Corrine (Sébastien Vion), Patachtouille (Julien Fanthou) Musiciens : Charly Voodoo (piano), Christophe Rodomisto (guitare) et le quatuor à corde Raimbow Symphony Orchestra (Juliette Beliard, Adrien Legendre, Laurent Lescane, Vladimir Spach Arrangement : Damien Chavin Vidéo : La Garçonnière Régie Générale : Gilles Richard Régie son : Jean-Pierre Goncalves Coiffeuse, maquilleuse, accessoiriste : Anna Rinzo   Création vu le 12 décembre au Théâtre de l’Atelier   21 & 22 JUILLET À 20H30 23 JUILLET À 18H Tout public dès 10 ans Durée 1H20 Le 23 JUILLET, prolongez la soirée avec le collectif Aïe et Corrine en guest jusqu’à 2h ! (Entrée libre pour les spectateurs de Madame Ose Bashung) Plus d’infos sur cabaretsauvage.com CABARET SAUVAGE 59 boulevard Macdonald 75019 Paris réservations :  www.parislete.fr    Read More →
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La vie en vrai (avec Anne Sylvestre), mise en scène de Marie Fortuit, au Théâtre du Train Bleu, festival off Avignon
© Guillaume Niemetzky   ƒƒ Article de Sylvie Boursier On a toutes en nous quelque chose d’Anne Sylvestre, Marie Fortuit accompagnée au clavier et à l’harmonium par Lucie Sansen rend hommage à travers ce spectacle à « madame Anne » et revendique clairement sa filiation avec la chanteuse décédée en 2020. On se balade sur une douzaine de chansons, oubliées ou mises de côté pour un temps, des témoignages – la chanteuse Michèle Bernard ou la romancière Isabelle Sorrente (Le Complexe de la Sorcière) – des extraits d’émissions de télévision, des textes en écho à l’histoire de la comédienne. Sur la bande son de sa vie certaines chansons résonnent comme un besoin viscéral de mettre des mots sur les maux, son amour des femmes, le regard des autres, sa passion du football et son chemin vers le théâtre ; sans cette sorcière, elle n’aurait peut-être pas trouvé la force de mettre en scène, de jouer, de vivre au présent, d’aller vers sa singularité. Les paroles de Marie Fortuit sont délicates, sa complicité avec Lucie Sansen nous touche, loin des grands mots, tout est juste. Son féminisme ne prétend pas donner des leçons, il fait partie d’elle tout simplement. Dans la chaleur d’une nuit d’été, au train bleu, des spectateurs pleurent doucement, lorsque arrive la fin du spectacle et l’ultime tour de piste « On sait qu’il n’y aura pas de fleurs pour accompagner le silence, loin de la scène, loin du cœur, plus de musique pour la danse, on aura cessé de combattre, y a-t-il une vie sans le théâtre ? ». D’Anne à Marie, quand une chanson vous parle, elle ne le fait jamais à moitié, tu ne sais pas quoi, Anne ? Presque tout le monde connaissait les paroles de tes chansons ce soir-là et tu étais là avec Marie Fortuit, ta frangine de scène, sans filtre, qui nous regardait droit dans les yeux, une belle personne et une grande comédienne, allez on reste ensemble et on court voir Marie Fortuit !   © Guillaume Niemetzky   La vie en vrai (avec Anne Sylvestre) mise en scène Marie Fortuit Arrangements musicaux : Lucie Sansen Collaboration artistique : Agathe Charnet et Mélanie Charreton Scénographie : Louise Sari Création lumière et régie générale : Thomas Cottereau Avec : Marie Fortuit et Lucie Sansen Durée : 1h05 Du 7 au 26 juillet 2023 à 22h30 (relâche les 13 et 20 juillet)   Théâtre du train bleu 40, rue Paul Saïn 84000 – Avignon Réservations : www.theatredutrainbleu.fr   Tournée : Les 15 et 17 septembre 2023 – Festival Et pop ! au château – Le Neubourg. Le 10 octobre – Jeumont (scène nationale de Maubeuge – Le Manège). Le 12 octobre – Feignies (scène nationale de Maubeuge – Le Manège). Le 13 octobre – Aulnoye-Aymeries (scène nationale de Maubeuge – Le Manège). Décembre et janvier 2024 :  CDN Besançon – tournée dans les lycées. Février 2024 : la Comédie de Picardie d’Amiens – tournée en décentralisation    Read More →
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Baldwin and Buckley at Cambridge, texte de James Baldwin, William F.Buckley JR, Lorraine Hansberry, mise en scène John Collins au gymnase du lycée Mistral, Festival d' Avignon IN
  © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒ article de Sylvie Boursier Le rêve américain n’est-il possible qu’aux dépens du Noir américain ? En 1965, au sein de l’amicale des étudiants de l’université de Cambridge l’écrivain James Baldwin, fin analyste du racisme structurel aux Etats Unis, et William F. Buckley, intellectuel conservateur sont invités à débattre sur cette question. Ce type de débat, très normé, avec un temps de parole limité et ininterrompu laisse chaque orateur développer son argumentation jusqu’au bout. Les contenus de cet échange historique, transcrits par les étudiants, sont repris aujourd’hui au mot près par la compagnie Elevetor Repair Servive de New York, dans une mise en scène qui invite le public à vivre en direct le débat de 1965, sur des gradins à cour, à jardin et en frontal autour de l’arène. Nous sommes interpellés par les orateurs et ressentons combien, bien qu’américains tous les deux, ils ne semblent pas vivre sur la même planète. La notion de « rêve américain » n’est définie par aucun des deux mais elle renvoie en général à un ensemble de droits assurant à chaque citoyen la possibilité de se réaliser comme il le souhaite. Baldwin incarné par Greig Sargeant est d’emblée convaincant s’appuyant sur une expérience vécue « les ponts et les quais, les voies ferrées de ce pays […] donc l’économie n’auraient pas pu advenir sans une main d’œuvre bon marché, j’ai ramassé le coton, j’ai construit des ponts sous le fouet de l’oligarchie sudiste ». Pour lui le droit ne règle rien déconnecté des réalités sociales. Ainsi, même si le droit de vote existe pour tous, une minorité de noirs l’exerce compte tenu des inégalités en matière d’éducation, de mobilité, de logement, de services publics, qui génèrent   défiance et haine de l’état. Buckley, excellent débatteur au demeurant, met au centre de sa plaidoirie l’identité nationale et contourne le sujet « Il n’y a pas de remède miracle au problème racial en Amérique », juge-t-il, l’Amérique ne doit en aucune circonstance s’entendre dire que la seule alternative est de renverser cette civilisation, qui n’est autre à nos yeux que la foi de nos pères ». Greig Sargeant est charismatique, il assène ses arguments calmement et ne bronche pas. Sobre, percutant, son Baldwin est magistral. Ben Williams, dans le rôle de Buckley ne peut s’empêcher d’afficher un certain dédain à l’écoute de son adversaire. Il maitrise les arcanes de sa discipline s’adressant directement à certains spectateurs, tantôt cabotin, tantôt interrogatif, souvent assertif. Un art oratoire de haut vol ! Tous les deux savent la puissance du verbe.  Si l’Histoire donne raison à Baldwin, dans les faits rien n’a changé, il faut reprendre le flambeau, ne rien lâcher sur le fond, déconstruire le discours conservateur, c’est le message porté par la compagnie Elevator Repair Service. A l’heure des clashs, du buzz, des lynchages sur les réseaux sociaux, la parole est vidée de son contenu, dialoguer est devenu synonyme de descendre en flamme et l’argumentation réduite au degré zéro de la pensée. Cette forme de théâtre forum, dans une scénographie épurée et magnétique, réhabilite la parole politique par la haute tenue du débat, nous amène à nous interroger sur ce que l’on ressent profondément lorsqu’on est victime de discrimination. Des liens se tissent immédiatement entre nous et ces deux monstres sacrés de l’école théâtrale américaine, Merci et bravo !   © Christophe Raynaud de Lage   Baldwin and Buckley at Cambridge Texte James Baldwin, William F. Buckley Jr., Lorraine Hansberry, Spectacle en anglais surtitré en français Mise en scène : John Collins Costumes : Jessica Jahn Lumière : Alan C.Edwards Son : Ben Williams Avec : April Matthis, Gavin Price, Greig Sargeant, Christopher -Rashee Stevenson, Ben Williams Durée : 1 heure   Du 7 au 11 juillet Gymnase du Lycée Mistral / Avignon Réservations : www.festival-avignon.com    Read More →
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Quand on sera grand, de Jean-Pierre Brouillaud, mis en scène par Hélène Zidi, Théâtre du Roi René, Festival d’Avignon Off
   © Julien Jovelin   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia  C’est la deuxième pièce de Jean-Pierre Brouillaud (par ailleurs auteur de romans désopilants) à être présente dans le off du Festival d’Avignon. Après l’excellent J’admire l’aisance avec laquelle tu prends des décisions catastrophiques (en 2017 puis à Paris), c’est Quand on sera grand qui est créé dans le off d’Avignon. Le texte a attiré l’attention de la metteuse en scène Hélène Zidi qui s’en est est saisi pour le jouer au Théâtre du Roi René dont elle est la directrice. Et c’est une réussite. Dans une jolie mise en scène et scénographie, avec les belles lumières de Denis Koransky et les projections vidéos délicates de Pétronille Leroux et Lou Zidi, la comédienne Hélène Zidi donne la réplique à Benjamin Carette, dans un duo fraternel, à la fois drôle et grinçant à l’image de tous les textes de l’auteur. La sœur (ainée) et le frère (cadet) se retrouvent dans la maison maternelle après son décès. La première veut évidemment la vendre, et le second étonnamment la garder. Ce conflit initial qui n’est que le reflet de toutes les rancœurs passées va les faire ressurgir, mais aussi les défantasmer. Le frère et la sœur reviennent sur une suspicion de triche lors d’une partie de Monopoly de l’enfance, puis progressivement sur des tensions plus fondamentales sur la place de chacun dans le cœur de la mère. Le public place du rire au pincement de cœur. L’impression pour beaucoup de revivre des petits traumas de l’enfance. Comme souvent avec Jean-Pierre Brouillaud, il y a de la gravité derrière les boutades et les éclats de rire. Même si l’on a regretté par moments l’insuffisante modulation des voix qui est tout de même possible bien que le duo passe une partie du spectacle à se disputer, la sensibilité de Benjamin Carette surgit progressivement et on se surprend à se dire qu’on l’aurait bien aimé comme frère et qu’on le reverra avec plaisir dans un prochain spectacle. Hélène Zidi fidèle à elle-même, vive, enjouée, séduit son public sans difficulté, tant elle prend un plaisir évident à jouer.  Le texte est en vente à la sortie pour les spectateurs souhaitant prolonger le spectacle et le faire dédicacer par l’auteur présent tous les jours au Théâtre du Roi René.   © Julien Jovelin   Quand on sera grand, de Jean-Pierre Brouillaud   Mise en scène :  Hélène Zidi Assistant à la mise en scène : Achille Moleka Décors :   Jean-Michel Adam Lumière : Denis Koransky Conception vidéo : Pétronille Leroux et Lou Zidi   Avec :  Hélène Zidi, Benjamin Carette   Théâtre du Roi René 4 bis rue Grivolas 84 000 Avignon   Jusqu’au 29 juillet (relâche les 17 et 24), 15h30   Réservations : www.theatreduroirene.com   Tournée en 2023-24 : au théâtre du Roi René à Paris en octobre 2023  Read More →
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EXIT ABOVE. After the tempest, de Anne Teresa De Keersmaeker, La Fabrica , Festival d’Avignon In
  © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia  On marche beaucoup dans Exit above. Sans doute pour faire écho aux marches contestataires, ainsi qu’au leitmotiv de Anne Teresa De Keersmaeker (voir la slow walk, My Walking is my dancing qu’elle avait proposée au festival d’automne en 2018). Cela créé beaucoup d’attente. De belles images surgissent de quelques tableaux, même si à l’exception de la jolie première scène de vent et de la dernière scène de nausées (et oui…), la scénographie n’est pas d’une grande richesse et les costumes (affublés de slogans du type « Straight from Paradise ») peu séduisants. Certains artistes sortent du lot incontestablement. En particulier, Solal Mariotte à la tête d’ange qui séduit dans ses solos, bondissant et rebondissant avec une légèreté époustouflante, retombant sur le dos au sol comme s’il était gainé de mousse. On est par ailleurs suspendu à la voix cristalline de Meskerem Mees qui enchaîne ses créations après être partie du Walking Blues de Robert Johnson. Tout le temps présente au plateau comme l’ensemble des autres danseurs et musiciens, elle contribue à produire cette interaction constante entre la musique et la danse, entre les musiciens et les danseurs. De fait, la musique a été l’élément déclencheur de cette nouvelle création d’Anne Teresa de Keersmaeker. Si on avait davantage l’habitude d’admirer ses créations autour de Bach, le blues est une bonne idée pour une nouvelle pièce. Toutefois, dans l’ensemble, nous n’avons pas été complétement convaincus par cette nouvelle création, qui n’est pas très novatrice sur le plan chorégraphique utilisant largement la technique du hip hop sans en avoir la maîtrise de compagnies qui y ont consacré leur vie (notamment Bintou Dembélé à quelques kilomètres de là), où l’inspiration shakespearienne (La Tempête si l’on en croit le sous-titre) et autres sources artistiques intellectuelles (Klee, Benjamin) nous a parue artificielle, et dont l’interprétation parmi la dizaine de danseurs est inégale. On osera donc dire, à regret, à contre coup des critiques unanimes et des standing ovations, que ce n’est pas le meilleur spectacle de la chorégraphe belge, loin de là, dans sa soixantaine de pièces et notamment celles présentées à Avignon depuis 1993. Bien que ce soit vraiment courageux de se lancer sur d’autres terrains chorégraphiques que ceux arpentés depuis 40 ans, on se réjouit de revoir bientôt En atendant créé aux Célestins il y a 10 ans et retrouver le langage chorégraphique qui lui est propre et que nous admirons pour son originalité, sa puissance, sa singularité.   © Christophe Raynaud de Lage   Exit above. After the tempest,  chorégraphie de Anne Teresa De Keersmaeker Scénographie : Michel François Lumières : Max Adams Musique : Meskerem Mees, Jean-Marie Aerts, Carlos Garbin Costumes : Aouatif Boulaich Texte et paroles : Meskerem Mees, Wannes Gyselinck Texte d’ouverture : Über den Begriff der Geschichte, Thèse IX, de Walter Benjamin Dramaturgie : Wannes Gyselinck   Avec :  Abigail Aleksander, Jean-Pierre Buré, Lav Crnčević, José Paulo Dos Santos, Rafa Galdino, Nina Godderis, Solal Mariotte, Mariana Miranda, Ariadna Navarrete Valverde, Cintia Sebők, Jacob Storer et Carlos Garbin, Meskerem Mees (musique)   12 juillet, 18h ; 13 juillet, 16 h La Fabrica / Avignon    Durée 1h30 réservations : www.festival-avignon.com      Read More →
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Iphigénie à Splott de Gary Owen mis en scène de Georges Lini, théâtre 11, festival Avignon off   
      © Debby Termonia ƒƒƒ article de Sylvie Boursier « Quatre boules de cuir tournent dans la lumière, de ton œil électrique, boxe, boxe », elle déboule prête à en découdre la Effie, une vedette du quartier sinistré de Splott à Cardiff, une tuerie et on s’en prend plein les poumons : « et vous là, calés dans vos sièges, tranquilles, à attendre que quoi ? […] que je vous montre ce que j’ai dans le bide ? eh ben, les mecs et les meufs, mesdames et messieurs- ça ne va pas le faire ». Survêtement trop grand pour elle, bonnet vissé sur le crâne, roulant les mécaniques elle va balancer comme ça sa vie au quotidien à Splott à la cadence d’une mitraillette, montée sur ressort, elle rend coup pour coup avec une gueule de bois pas possible liée à ses cuites hebdomadaires. A Splott, ça sent la clope, les fumées d’usine, les tôles froissées et les plages pourries, la rage contenue et le désespoir car d’ici on aimerait foutre le camp mais on a aucun moyen de le faire. A Splott les jeunes étouffent, zonent, dealent, les femmes sont engrossées très tôt et les grands-mères de 70 ans obligées de prendre un job de caissière pour dépanner leurs petits-enfants. Et puis un jour, l’occasion lui est offerte de changer et là Effie, Gwendoline Rivière, comprend que c’est la chance de sa vie et elle fonce, lumineuse, transformée.  On la croyait agressive mais non, cette femme a une fragilité et une vitalité hors du commun. François Sauveur et Pierre Constant, guitaristes avec Julien Lemonnier au piano électrique diffusent en live une musique rock géniale, percussions à chaque drame, douceur des basses quand sa vie brusquement change. Ils sont les remparts qui la protègent, complices de tous les instants. Gary Owen écrit merveilleusement bien avec un humour féroce, une tendresse et un sens des rebondissements étonnant, tellement plus intéressant que beaucoup de manuels sociologiques. À Splott, ce n’est pas Agamemnon qui exige le sacrifice de sa fille mais les gouvernements qui imposent des coupes budgétaires dans les services publics, appliquant les logiques capitalistes de rentabilité « plus de magasins, la salle de loto a brûlé, les pubs sont fermés, les médecins aussi […] on nous entasse et on nous demande d’exister, c’est tout ». On vous laisse découvrir la nature du sacrifice d’Effie. Bon, on ne vous fait pas un dessin, mise en scène, direction d’acteurs tout est impeccable, et elle…Gwendoline Gautier…  battez-vous pour obtenir une place car c’est complet, les mots manquent pour qualifier la prestation de cette dame, respect !     © Debby Termonia Iphigénie à Splott, de Gary Owen traduction Blandine Pelissier et Kelly Rivière, édité chez Gallimard Mise en scène : Georges Lini  Musiciens : Pierre Constant, Julien Lemonnier et François Sauveur | Création lumières : Jérôme Dejean Costumes : Charly Kleinermann et Thibaut De Coster  Avec : Gwendoline Gauthier   Du 7 au 28 juillet à 10h20 relâche le 13 et le 20 Durée 1h 45   Théâtre 11 11 bd Raspail 84000 Avignon   Réservation : 04 84 51 20 10 contact@11avignon.com  Read More →
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OVNI, de Ivan Viripaev, mise en scène d’Eléonore Joncquez au théâtre 11, festival Avignon Off
  © Fabienne Rappeneau ƒƒ Article de Sylvie Boursier Pas la moindre soucoupe dans ce spectacle mais 9 témoins qui prétendent eux, les avoir vus, à un moment précis de leur vie, tels une force transcendante, dont la rencontre a modifié absolument et irrévocablement leur rapport au monde et à eux-mêmes. Ils racontent à l’auteur Ivan Viripaev ce « contact ». Le pitch ressemble à un canular mais le propos est loin d’être anodin. Viripaev intervient en voix off au début du spectacle et à la fin pour par une mise en abime sur le théâtre. Dans une pièce précédente, les enivrés, il mettait en scène une douzaine de personnages aussi ivres les uns que les autres. Dans une sorte de manège de pochtrons, les femmes quittaient leurs maris, les maris trompaient leurs femmes, les amis mentaient jusqu’à des confessions arrosées qui brisaient le silence… la vérité montrait enfin son visage et confrontait l’espace d’un soir chacun au sens de son existence. Dans OVNI c’est un peu la même chose, alcool en moins. Au fur et à mesure des témoignages des points communs apparaissent autour de l’intime, d’une conscience plus aigue de sa place dans le monde, d’un apaisement, d’un regard neuf comme celui d’un enfant. La répétition pourrait lasser sans la mise en scène alerte d’Eléonore Joncquez. Les personnages se croisent, amorcent même des pas de danse puis disparaissent, le ballet est à la fois simple et sophistiqué. Tous les récits ne se valent pas mais la plupart emportent l’adhésion tant les comédiens incarnent en un instant un personnage singulier sans tomber dans la caricature. Ils jouent plusieurs rôles, dans leur décor naturel si l’on peut dire, une chambre, une salle de bain, un transat. Le travail sur les voix, les postures, est remarquable, épaisses ou convulsives, saccadées ou lentes. On adore Bruno Blairet dans le rôle d’un irlandais pur jus, finaud et, on le devine, amateur de Jack Daniels tant sa voix s’empâte par moment. Son développement sur la notion de gratitude, à ne pas confondre avec la politesse ou la morale vaut le déplacement. Vincent Joncquez est impayable dans sa confession auprès de son supérieur hiérarchique à qui il avoue avoir rencontré dieu, mais attention pas le dieu des religions, non, une force, une lumière. L’auteur n’a pas son pareil pour mélanger burlesque et transcendance, loufoquerie et recherche intérieure. L’OVNI dans ce spectacle n’est autre, vous l’aurez compris, que Viripaev lui-même, une fin peut en cacher une autre, être le début d’une nouvelle histoire. Qu’est-ce que la réalité ? qu’est-ce que la fiction, qui dit la vérité ? Ivan Viriparev nous ouvre à une spiritualité large où art et écologie ont toute leur place. Il libère ses personnages de leur oripeaux sociaux, de leur honte et inhibitions artificielles pour les lancer tout simplement en quête d’amour et d’essentiel. Et vous, qu’auriez-vous dit à Ivan Viripaev ?   © Fabienne Rappeneau  OVNI de Ivan Viripaev Mise en scène : Eléonore Joncquez Assistante mise-en-scène : Cécile houette Scénographie : Natacha Markoff Chorégraphie : Jean-Marc Hoolbecq Vidéo : Antoine Melchior Lumière : Jean luc Chanonat Son : Stéphanie Gibert Costumes : Sonia Bosc   Avec : Salomé Ayache, Eléonore Joncquez, Grégoire Didelot, Vincent Joncquez, Bruno Blairet.     Du 7 au 28 juillet à 19h45 relâche le jeudi Durée 1h 45 Théâtre 11 11 bd Raspail 84 000 Avignon   Réservation : 04 84 51 20 10 contact@11avignon.com   Tournée : 29/09/2023, théâtre jacques Carat Cachan 94 Du 23 au 27/10 salle du Colisée – Biarritz 64 02/11/ le Reflet – Vevey Suisse 07/11théatre Thalie Montaigu 85 08/11 espace René Cassin Fontenay le Comte 85 09/11 Scène de Pays – Beaupréau en Mauges 49 14/11 Théatre de Gascogne Mont de Marsan 30 21/11 Théâtre Madeleine Renaud Taverny 95 22/11 Carré Bellefeuille Boulogne 92 25/11 Bruxelles Centre culturel de Belgique 28/11 Théatre Jean Vilar -Suresnes 92 29/11 théâtre cinéma Choisy le Roi 94 07/ 12 La lanterne Rambouillet 78 09/12 TCC Chatillon Clamart 92 12/12 Théatre de Corbeil Essonnes 91 14 et 15/12 Salle des concerts Le Mans 72 12/01/2024 La Scène Watteau Nogent sur Marne 94  Read More →
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G.R.O.O.V.E., de Bintou Dembélé, Opéra Grand Avignon, Festival d’Avignon In
    © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia  Bintou Dembélé sait créer l’attente et faire monter le désir, et elle réussit son pari en créant à la fois de la frustration et une forme de contentement individuel pendant les 2/3 du spectacle, pour mieux arriver à une jubilation collective finale. Après un petit protocole sur le lieu officiel de représentation, G.R.O.O.V.E. commence artistiquement sur la place du Palais des papes. Les danseurs sous plus de 40 degrés d’un soleil implacable, restent stoïques tandis que la chanteuse Célia Kaméni entame sa mélopée et que Bintou Dembélé exécute une prestation que l’on aurait aimé voir se prolonger tant elle est hypnotisante dans des fumigènes colorés. Si certains spectateurs sont étonnés par l’idée de cette déambulation, elle est pertinente pour une danse née dans la rue et qui repose sur le partage et la proximité, la formation de cercles autour des danseurs. Puis étonnamment, comme un groupe de touristes on se redirige vers l’Opéra Grand Avignon, nous divisant en trois selon nos couleurs de bracelet, sous les fanions de nos guides. Les uns rentreront par la grande porte, d’autres par celle des artistes, pour se retrouver tout à tour dans la salle, sur le plateau, et dans le foyer et regarder des vidéos sur les différents types de hip hop (dont le fameux krump), s’immerger dans la danse rituelle de * dans le son du lapsteel de Charles Amblard et déambuler sous les cintres entre les artistes et être submergés par l’émotion dans la performance du corps trainé, du bucher de barres lumineuses dressé, et du corps suspendu comme à un croc de boucher, soulevé lentement par un autre danseur tirant la corde avec la grâce d’un félin, tournoyant sur lui-même et rejoignant un ciel de pendus. Une séquence qui demanderait un long recueillement ou de prière autour du feu si symboliquement bouleversant pour toutes ces âmes mortes. Passer à l’étape suivante n’est dès lors pas facile. Mais la magie opère dès les premières secondes dans l’intégralité du théâtre à l’italienne de l’Opéra Grand Avignon investi à tous les étages par les danseurs accomplissant la même gestuelle avec un tissu doré, avant de rejoindre le plateau et enchaîner sur des compositions de krump et des morceaux des Indes galantes (la chorégraphie de l’opéra de Rameau à Bastille mis en scène par Clément Cogitore a fait connaître Bintou Dembelé au grand public en 2019) dont le fameux air d’ « Ils sont sensibles », à un rythme effréné. Chaque danseur détient une personnalité forte et une technique de haut niveau. Les tableaux de voguing magnifiquement éclairés sont superbes, on croit voir ici Un radeau de la méduse, là une cérémonie sacrée. Des micros passages de battle emportés par la hype des danseurs et des spectateurs font monter la tension. L’énergie et la joie qui explosent, la complicité entre les danseurs et leur chorégraphe est intense, et se transmet au public qui ne tient plus en place. Bintou Dembélé, après l’avoir époustouflé avec sa danse marronne, entraîne avec tous ses danseurs, chacun et chacune à partager quelques pas de danse sur un rythme endiablé, sur le plateau, dans l’orchestre et en corbeille, dans une quasi extase collective. Un parcours saisissant de partage, de dialogue, de recueillement et d’énergie. Jubilatoire. Euphorisant. Merci Bintou Dembélé et tous ceux qui vous accompagnent d’avoir offert votre groove. Qu’il nous habite longtemps.   © Christophe Raynaud de Lage     G.RO.O.V.E. de Bintou Dembélé Opéra Grand Avignon Place de l’horloge – Avignon Jusqu’au 10 juillet   Durée 3h   Conception et chorégraphie : Bintou Dembélé Assistanat à la chorégraphie : Féroz Sahoulamide Coordination artistique : Anthony Cazaux Musique : Charles Amblard Création vocale : Célia Kameni Création DJ set DJ Meech de France Lumière : Benjamin Nesme Costumes : Anaïs Durand Munyankindi Avec :  Wilfried Blé “Wolf”, Guillaume Chan Ton, Bintou Dembélé, Marion Gallet, Cintia Golitin, Adrien Goulinet, Mohammed Medelsi “Med”, Alexandre Moreau “Cyborg”, Salomon Mpondo-Dicka “Bidjé”, Marie Ndutiye, Michel Onomo “Meech, Juliana Roumbedakis, Féroz Sahoulamide et Charles Amblard (guitare et lapsteel), Célia Kameni (en alternance avec Cindy Pooch) (voix) avec la participation inédite de Cré Scène 13 (Marseille)     Tournée en 2023-24 :  au centre Pompidou (Pariss du 5 au 7 octobre ; à l’Anthéa (Antibes) du 12 au 14 octobre ; à Chateauvallon-Liberté à l’été 2024 et au Théâtre d’Aix-en-Provence du 2§ au 28 septembre 2024.      Read More →
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