Madame ose Bashung, conception et mise en scène Sébastien Vion, au Cabaret Sauvage, Festival Paris l'été
  © Monsieur Gac fff article de  Denis Sanglard Elles ont osé, ces sublimes créatures de cabaret, travestis échappés de Madame Arthur, du Secret, de feu l’Alcazar, elles ont osé, Patachtouille, Brenda Moor sous la houlette et le fouet de l’atrabilaire et impériale Corrine, orchestré par les mains baladeuses et véloces sur le piano de Charly Voodoo, au son des guitares percutantes de Christophe Rodomisto, des cordes sensuelles du quatuor Raimbow Symphony Orchestra, elles ont osé s’emparer du répertoire d’Alain Bashung et le résultat est là, subversif, provocant, abrasif, poignant, hilarant. Plongées perruques affolées et crêpées en tête dans cet univers musical sans équivalent, elles le subliment, le transcendent et le désarticulent avec panache, gouaille et sensibilité du haut de leur hauts talons effilés. Pas si folle que ça les guêpes, fines mouches même, elles bombent leur torse sous le corset, puisent dans ce répertoire à nul autre pareil des bijoux rutilants et des perles noires, des plus classiques « Osez Joséphine », « Vertige de l’amour », « La nuit je mens » … au bien moins connus sans doute « Je fume pour oublier que tu bois », « Je tuerai la pianiste » … qu’elles retailles et polissent, astiquent en orfèvres pour s’en parer et briller avec effronterie et classe de tous leur feux sacré. ©Monsieur Gac Jamais dans l’imitation mais bien dans l’interprétation et la performance, elles empoignent avec délicatesse, disloquent et mettent à nu les textes qu’elles tirent à elles sans jamais en dénaturer l’essence. Pas de poudre de perlimpinpin malgré les paillettes, sous le strass c’est du sérieux. L’extravagance affirmée n’empêche en rien la rigueur et la profondeur, la vérité des voix. De sacré voix par ailleurs, entre blues, rock et variétoche, et ne font jamais oublier qu’ils sont des chanteurs avant toute chose et de la meilleure eau. La gravité sous le cynisme bravache apparent de Corrine, la folie furieuse et hystérique de Patachtouille, la sensualité rauque de Brenda Moor (et quelles jambes !) font merveille et de chaque chanson mises en scène un voyage en solitaire partagé par un public chamboulé, bousculé avec soumission et plaisir masochiste par Corrine, maîtresse loyale et de cérémonie, loin d’être funèbre. Chacune ou chacun comme on voudra, les notions de genres sont allégrement transgressées cul par-dessus tête, poivre à sa façon unique chaque texte et démontre sans paradoxe combien Alain Baschung était un immense auteur, d’une sensibilité écorchée, un univers entre chien et loup oscillant entre amours dézinguées et douce violence, à la marge toujours des conventions têtues, d’une poésie solaire et brumeuse, énigmatique parfois. Et ça, nos queens pailletées elles savent, qui du fond des cabarets interlopes beuglent avec un foutu talent ces amours ravagées, sublimées, fantasmées, capables de transfigurer la moindre rengaine en tragédie. On se dit que oui, il y a chez Alain Bashung l’échos blues et rock des torch-song propre au drama-queen, plus âpres que larmoyant, certes, et que ces trois-là, ajoutons Charly Voodoo, ont toute légitimité pour défendre toute griffes laquées sorties cette brève anthologie qui porte l’amour en bandoulière, pour citer Alain Baschung lui-même. C’est donc en sautoir qu’elles le portent haut, elles qui savent aussi se dépouiller de leurs attributs clinquants de vierges folles, laissant tomber perruques, plumes et falbalas pour apparaître comme la vérité toute nue sur « Madame rêve », remettant pour ainsi dire les choses à plat et sans faux plis dans un final auquel on ne s’attendait pas. Ces créatures-là, ayant pris crânes la contre-allée, sont avant tout et plus que tout de sacrés et talentueux artistes, de grandes dames de la chanson !   © Monsieur Gac   Madame ose Bashung conception et mise en scène de Sébastien Vion Avec Brenda Moor (Kova Rea), Corrine (Sébastien Vion), Patachtouille (Julien Fanthou) Musiciens : Charly Voodoo (piano), Christophe Rodomisto (guitare) et le quatuor à corde Raimbow Symphony Orchestra (Juliette Beliard, Adrien Legendre, Laurent Lescane, Vladimir Spach Arrangement : Damien Chavin Vidéo : La Garçonnière Régie Générale : Gilles Richard Régie son : Jean-Pierre Goncalves Coiffeuse, maquilleuse, accessoiriste : Anna Rinzo   Création vu le 12 décembre au Théâtre de l’Atelier   21 & 22 JUILLET À 20H30 23 JUILLET À 18H Tout public dès 10 ans Durée 1H20 Le 23 JUILLET, prolongez la soirée avec le collectif Aïe et Corrine en guest jusqu’à 2h ! (Entrée libre pour les spectateurs de Madame Ose Bashung) Plus d’infos sur cabaretsauvage.com CABARET SAUVAGE 59 boulevard Macdonald 75019 Paris réservations :  www.parislete.fr    Read More →
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La vie en vrai (avec Anne Sylvestre), mise en scène de Marie Fortuit, au Théâtre du Train Bleu, festival off Avignon
© Guillaume Niemetzky   ƒƒ Article de Sylvie Boursier On a toutes en nous quelque chose d’Anne Sylvestre, Marie Fortuit accompagnée au clavier et à l’harmonium par Lucie Sansen rend hommage à travers ce spectacle à « madame Anne » et revendique clairement sa filiation avec la chanteuse décédée en 2020. On se balade sur une douzaine de chansons, oubliées ou mises de côté pour un temps, des témoignages – la chanteuse Michèle Bernard ou la romancière Isabelle Sorrente (Le Complexe de la Sorcière) – des extraits d’émissions de télévision, des textes en écho à l’histoire de la comédienne. Sur la bande son de sa vie certaines chansons résonnent comme un besoin viscéral de mettre des mots sur les maux, son amour des femmes, le regard des autres, sa passion du football et son chemin vers le théâtre ; sans cette sorcière, elle n’aurait peut-être pas trouvé la force de mettre en scène, de jouer, de vivre au présent, d’aller vers sa singularité. Les paroles de Marie Fortuit sont délicates, sa complicité avec Lucie Sansen nous touche, loin des grands mots, tout est juste. Son féminisme ne prétend pas donner des leçons, il fait partie d’elle tout simplement. Dans la chaleur d’une nuit d’été, au train bleu, des spectateurs pleurent doucement, lorsque arrive la fin du spectacle et l’ultime tour de piste « On sait qu’il n’y aura pas de fleurs pour accompagner le silence, loin de la scène, loin du cœur, plus de musique pour la danse, on aura cessé de combattre, y a-t-il une vie sans le théâtre ? ». D’Anne à Marie, quand une chanson vous parle, elle ne le fait jamais à moitié, tu ne sais pas quoi, Anne ? Presque tout le monde connaissait les paroles de tes chansons ce soir-là et tu étais là avec Marie Fortuit, ta frangine de scène, sans filtre, qui nous regardait droit dans les yeux, une belle personne et une grande comédienne, allez on reste ensemble et on court voir Marie Fortuit !   © Guillaume Niemetzky   La vie en vrai (avec Anne Sylvestre) mise en scène Marie Fortuit Arrangements musicaux : Lucie Sansen Collaboration artistique : Agathe Charnet et Mélanie Charreton Scénographie : Louise Sari Création lumière et régie générale : Thomas Cottereau Avec : Marie Fortuit et Lucie Sansen Durée : 1h05 Du 7 au 26 juillet 2023 à 22h30 (relâche les 13 et 20 juillet)   Théâtre du train bleu 40, rue Paul Saïn 84000 – Avignon Réservations : www.theatredutrainbleu.fr   Tournée : Les 15 et 17 septembre 2023 – Festival Et pop ! au château – Le Neubourg. Le 10 octobre – Jeumont (scène nationale de Maubeuge – Le Manège). Le 12 octobre – Feignies (scène nationale de Maubeuge – Le Manège). Le 13 octobre – Aulnoye-Aymeries (scène nationale de Maubeuge – Le Manège). Décembre et janvier 2024 :  CDN Besançon – tournée dans les lycées. Février 2024 : la Comédie de Picardie d’Amiens – tournée en décentralisation    Read More →
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Baldwin and Buckley at Cambridge, texte de James Baldwin, William F.Buckley JR, Lorraine Hansberry, mise en scène John Collins au gymnase du lycée Mistral, Festival d' Avignon IN
  © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒ article de Sylvie Boursier Le rêve américain n’est-il possible qu’aux dépens du Noir américain ? En 1965, au sein de l’amicale des étudiants de l’université de Cambridge l’écrivain James Baldwin, fin analyste du racisme structurel aux Etats Unis, et William F. Buckley, intellectuel conservateur sont invités à débattre sur cette question. Ce type de débat, très normé, avec un temps de parole limité et ininterrompu laisse chaque orateur développer son argumentation jusqu’au bout. Les contenus de cet échange historique, transcrits par les étudiants, sont repris aujourd’hui au mot près par la compagnie Elevetor Repair Servive de New York, dans une mise en scène qui invite le public à vivre en direct le débat de 1965, sur des gradins à cour, à jardin et en frontal autour de l’arène. Nous sommes interpellés par les orateurs et ressentons combien, bien qu’américains tous les deux, ils ne semblent pas vivre sur la même planète. La notion de « rêve américain » n’est définie par aucun des deux mais elle renvoie en général à un ensemble de droits assurant à chaque citoyen la possibilité de se réaliser comme il le souhaite. Baldwin incarné par Greig Sargeant est d’emblée convaincant s’appuyant sur une expérience vécue « les ponts et les quais, les voies ferrées de ce pays […] donc l’économie n’auraient pas pu advenir sans une main d’œuvre bon marché, j’ai ramassé le coton, j’ai construit des ponts sous le fouet de l’oligarchie sudiste ». Pour lui le droit ne règle rien déconnecté des réalités sociales. Ainsi, même si le droit de vote existe pour tous, une minorité de noirs l’exerce compte tenu des inégalités en matière d’éducation, de mobilité, de logement, de services publics, qui génèrent   défiance et haine de l’état. Buckley, excellent débatteur au demeurant, met au centre de sa plaidoirie l’identité nationale et contourne le sujet « Il n’y a pas de remède miracle au problème racial en Amérique », juge-t-il, l’Amérique ne doit en aucune circonstance s’entendre dire que la seule alternative est de renverser cette civilisation, qui n’est autre à nos yeux que la foi de nos pères ». Greig Sargeant est charismatique, il assène ses arguments calmement et ne bronche pas. Sobre, percutant, son Baldwin est magistral. Ben Williams, dans le rôle de Buckley ne peut s’empêcher d’afficher un certain dédain à l’écoute de son adversaire. Il maitrise les arcanes de sa discipline s’adressant directement à certains spectateurs, tantôt cabotin, tantôt interrogatif, souvent assertif. Un art oratoire de haut vol ! Tous les deux savent la puissance du verbe.  Si l’Histoire donne raison à Baldwin, dans les faits rien n’a changé, il faut reprendre le flambeau, ne rien lâcher sur le fond, déconstruire le discours conservateur, c’est le message porté par la compagnie Elevator Repair Service. A l’heure des clashs, du buzz, des lynchages sur les réseaux sociaux, la parole est vidée de son contenu, dialoguer est devenu synonyme de descendre en flamme et l’argumentation réduite au degré zéro de la pensée. Cette forme de théâtre forum, dans une scénographie épurée et magnétique, réhabilite la parole politique par la haute tenue du débat, nous amène à nous interroger sur ce que l’on ressent profondément lorsqu’on est victime de discrimination. Des liens se tissent immédiatement entre nous et ces deux monstres sacrés de l’école théâtrale américaine, Merci et bravo !   © Christophe Raynaud de Lage   Baldwin and Buckley at Cambridge Texte James Baldwin, William F. Buckley Jr., Lorraine Hansberry, Spectacle en anglais surtitré en français Mise en scène : John Collins Costumes : Jessica Jahn Lumière : Alan C.Edwards Son : Ben Williams Avec : April Matthis, Gavin Price, Greig Sargeant, Christopher -Rashee Stevenson, Ben Williams Durée : 1 heure   Du 7 au 11 juillet Gymnase du Lycée Mistral / Avignon Réservations : www.festival-avignon.com    Read More →
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Quand on sera grand, de Jean-Pierre Brouillaud, mis en scène par Hélène Zidi, Théâtre du Roi René, Festival d’Avignon Off
   © Julien Jovelin   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia  C’est la deuxième pièce de Jean-Pierre Brouillaud (par ailleurs auteur de romans désopilants) à être présente dans le off du Festival d’Avignon. Après l’excellent J’admire l’aisance avec laquelle tu prends des décisions catastrophiques (en 2017 puis à Paris), c’est Quand on sera grand qui est créé dans le off d’Avignon. Le texte a attiré l’attention de la metteuse en scène Hélène Zidi qui s’en est est saisi pour le jouer au Théâtre du Roi René dont elle est la directrice. Et c’est une réussite. Dans une jolie mise en scène et scénographie, avec les belles lumières de Denis Koransky et les projections vidéos délicates de Pétronille Leroux et Lou Zidi, la comédienne Hélène Zidi donne la réplique à Benjamin Carette, dans un duo fraternel, à la fois drôle et grinçant à l’image de tous les textes de l’auteur. La sœur (ainée) et le frère (cadet) se retrouvent dans la maison maternelle après son décès. La première veut évidemment la vendre, et le second étonnamment la garder. Ce conflit initial qui n’est que le reflet de toutes les rancœurs passées va les faire ressurgir, mais aussi les défantasmer. Le frère et la sœur reviennent sur une suspicion de triche lors d’une partie de Monopoly de l’enfance, puis progressivement sur des tensions plus fondamentales sur la place de chacun dans le cœur de la mère. Le public place du rire au pincement de cœur. L’impression pour beaucoup de revivre des petits traumas de l’enfance. Comme souvent avec Jean-Pierre Brouillaud, il y a de la gravité derrière les boutades et les éclats de rire. Même si l’on a regretté par moments l’insuffisante modulation des voix qui est tout de même possible bien que le duo passe une partie du spectacle à se disputer, la sensibilité de Benjamin Carette surgit progressivement et on se surprend à se dire qu’on l’aurait bien aimé comme frère et qu’on le reverra avec plaisir dans un prochain spectacle. Hélène Zidi fidèle à elle-même, vive, enjouée, séduit son public sans difficulté, tant elle prend un plaisir évident à jouer.  Le texte est en vente à la sortie pour les spectateurs souhaitant prolonger le spectacle et le faire dédicacer par l’auteur présent tous les jours au Théâtre du Roi René.   © Julien Jovelin   Quand on sera grand, de Jean-Pierre Brouillaud   Mise en scène :  Hélène Zidi Assistant à la mise en scène : Achille Moleka Décors :   Jean-Michel Adam Lumière : Denis Koransky Conception vidéo : Pétronille Leroux et Lou Zidi   Avec :  Hélène Zidi, Benjamin Carette   Théâtre du Roi René 4 bis rue Grivolas 84 000 Avignon   Jusqu’au 29 juillet (relâche les 17 et 24), 15h30   Réservations : www.theatreduroirene.com   Tournée en 2023-24 : au théâtre du Roi René à Paris en octobre 2023  Read More →
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EXIT ABOVE. After the tempest, de Anne Teresa De Keersmaeker, La Fabrica , Festival d’Avignon In
  © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia  On marche beaucoup dans Exit above. Sans doute pour faire écho aux marches contestataires, ainsi qu’au leitmotiv de Anne Teresa De Keersmaeker (voir la slow walk, My Walking is my dancing qu’elle avait proposée au festival d’automne en 2018). Cela créé beaucoup d’attente. De belles images surgissent de quelques tableaux, même si à l’exception de la jolie première scène de vent et de la dernière scène de nausées (et oui…), la scénographie n’est pas d’une grande richesse et les costumes (affublés de slogans du type « Straight from Paradise ») peu séduisants. Certains artistes sortent du lot incontestablement. En particulier, Solal Mariotte à la tête d’ange qui séduit dans ses solos, bondissant et rebondissant avec une légèreté époustouflante, retombant sur le dos au sol comme s’il était gainé de mousse. On est par ailleurs suspendu à la voix cristalline de Meskerem Mees qui enchaîne ses créations après être partie du Walking Blues de Robert Johnson. Tout le temps présente au plateau comme l’ensemble des autres danseurs et musiciens, elle contribue à produire cette interaction constante entre la musique et la danse, entre les musiciens et les danseurs. De fait, la musique a été l’élément déclencheur de cette nouvelle création d’Anne Teresa de Keersmaeker. Si on avait davantage l’habitude d’admirer ses créations autour de Bach, le blues est une bonne idée pour une nouvelle pièce. Toutefois, dans l’ensemble, nous n’avons pas été complétement convaincus par cette nouvelle création, qui n’est pas très novatrice sur le plan chorégraphique utilisant largement la technique du hip hop sans en avoir la maîtrise de compagnies qui y ont consacré leur vie (notamment Bintou Dembélé à quelques kilomètres de là), où l’inspiration shakespearienne (La Tempête si l’on en croit le sous-titre) et autres sources artistiques intellectuelles (Klee, Benjamin) nous a parue artificielle, et dont l’interprétation parmi la dizaine de danseurs est inégale. On osera donc dire, à regret, à contre coup des critiques unanimes et des standing ovations, que ce n’est pas le meilleur spectacle de la chorégraphe belge, loin de là, dans sa soixantaine de pièces et notamment celles présentées à Avignon depuis 1993. Bien que ce soit vraiment courageux de se lancer sur d’autres terrains chorégraphiques que ceux arpentés depuis 40 ans, on se réjouit de revoir bientôt En atendant créé aux Célestins il y a 10 ans et retrouver le langage chorégraphique qui lui est propre et que nous admirons pour son originalité, sa puissance, sa singularité.   © Christophe Raynaud de Lage   Exit above. After the tempest,  chorégraphie de Anne Teresa De Keersmaeker Scénographie : Michel François Lumières : Max Adams Musique : Meskerem Mees, Jean-Marie Aerts, Carlos Garbin Costumes : Aouatif Boulaich Texte et paroles : Meskerem Mees, Wannes Gyselinck Texte d’ouverture : Über den Begriff der Geschichte, Thèse IX, de Walter Benjamin Dramaturgie : Wannes Gyselinck   Avec :  Abigail Aleksander, Jean-Pierre Buré, Lav Crnčević, José Paulo Dos Santos, Rafa Galdino, Nina Godderis, Solal Mariotte, Mariana Miranda, Ariadna Navarrete Valverde, Cintia Sebők, Jacob Storer et Carlos Garbin, Meskerem Mees (musique)   12 juillet, 18h ; 13 juillet, 16 h La Fabrica / Avignon    Durée 1h30 réservations : www.festival-avignon.com      Read More →
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Iphigénie à Splott de Gary Owen mis en scène de Georges Lini, théâtre 11, festival Avignon off   
      © Debby Termonia ƒƒƒ article de Sylvie Boursier « Quatre boules de cuir tournent dans la lumière, de ton œil électrique, boxe, boxe », elle déboule prête à en découdre la Effie, une vedette du quartier sinistré de Splott à Cardiff, une tuerie et on s’en prend plein les poumons : « et vous là, calés dans vos sièges, tranquilles, à attendre que quoi ? […] que je vous montre ce que j’ai dans le bide ? eh ben, les mecs et les meufs, mesdames et messieurs- ça ne va pas le faire ». Survêtement trop grand pour elle, bonnet vissé sur le crâne, roulant les mécaniques elle va balancer comme ça sa vie au quotidien à Splott à la cadence d’une mitraillette, montée sur ressort, elle rend coup pour coup avec une gueule de bois pas possible liée à ses cuites hebdomadaires. A Splott, ça sent la clope, les fumées d’usine, les tôles froissées et les plages pourries, la rage contenue et le désespoir car d’ici on aimerait foutre le camp mais on a aucun moyen de le faire. A Splott les jeunes étouffent, zonent, dealent, les femmes sont engrossées très tôt et les grands-mères de 70 ans obligées de prendre un job de caissière pour dépanner leurs petits-enfants. Et puis un jour, l’occasion lui est offerte de changer et là Effie, Gwendoline Rivière, comprend que c’est la chance de sa vie et elle fonce, lumineuse, transformée.  On la croyait agressive mais non, cette femme a une fragilité et une vitalité hors du commun. François Sauveur et Pierre Constant, guitaristes avec Julien Lemonnier au piano électrique diffusent en live une musique rock géniale, percussions à chaque drame, douceur des basses quand sa vie brusquement change. Ils sont les remparts qui la protègent, complices de tous les instants. Gary Owen écrit merveilleusement bien avec un humour féroce, une tendresse et un sens des rebondissements étonnant, tellement plus intéressant que beaucoup de manuels sociologiques. À Splott, ce n’est pas Agamemnon qui exige le sacrifice de sa fille mais les gouvernements qui imposent des coupes budgétaires dans les services publics, appliquant les logiques capitalistes de rentabilité « plus de magasins, la salle de loto a brûlé, les pubs sont fermés, les médecins aussi […] on nous entasse et on nous demande d’exister, c’est tout ». On vous laisse découvrir la nature du sacrifice d’Effie. Bon, on ne vous fait pas un dessin, mise en scène, direction d’acteurs tout est impeccable, et elle…Gwendoline Gautier…  battez-vous pour obtenir une place car c’est complet, les mots manquent pour qualifier la prestation de cette dame, respect !     © Debby Termonia Iphigénie à Splott, de Gary Owen traduction Blandine Pelissier et Kelly Rivière, édité chez Gallimard Mise en scène : Georges Lini  Musiciens : Pierre Constant, Julien Lemonnier et François Sauveur | Création lumières : Jérôme Dejean Costumes : Charly Kleinermann et Thibaut De Coster  Avec : Gwendoline Gauthier   Du 7 au 28 juillet à 10h20 relâche le 13 et le 20 Durée 1h 45   Théâtre 11 11 bd Raspail 84000 Avignon   Réservation : 04 84 51 20 10 contact@11avignon.com  Read More →
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OVNI, de Ivan Viripaev, mise en scène d’Eléonore Joncquez au théâtre 11, festival Avignon Off
  © Fabienne Rappeneau ƒƒ Article de Sylvie Boursier Pas la moindre soucoupe dans ce spectacle mais 9 témoins qui prétendent eux, les avoir vus, à un moment précis de leur vie, tels une force transcendante, dont la rencontre a modifié absolument et irrévocablement leur rapport au monde et à eux-mêmes. Ils racontent à l’auteur Ivan Viripaev ce « contact ». Le pitch ressemble à un canular mais le propos est loin d’être anodin. Viripaev intervient en voix off au début du spectacle et à la fin pour par une mise en abime sur le théâtre. Dans une pièce précédente, les enivrés, il mettait en scène une douzaine de personnages aussi ivres les uns que les autres. Dans une sorte de manège de pochtrons, les femmes quittaient leurs maris, les maris trompaient leurs femmes, les amis mentaient jusqu’à des confessions arrosées qui brisaient le silence… la vérité montrait enfin son visage et confrontait l’espace d’un soir chacun au sens de son existence. Dans OVNI c’est un peu la même chose, alcool en moins. Au fur et à mesure des témoignages des points communs apparaissent autour de l’intime, d’une conscience plus aigue de sa place dans le monde, d’un apaisement, d’un regard neuf comme celui d’un enfant. La répétition pourrait lasser sans la mise en scène alerte d’Eléonore Joncquez. Les personnages se croisent, amorcent même des pas de danse puis disparaissent, le ballet est à la fois simple et sophistiqué. Tous les récits ne se valent pas mais la plupart emportent l’adhésion tant les comédiens incarnent en un instant un personnage singulier sans tomber dans la caricature. Ils jouent plusieurs rôles, dans leur décor naturel si l’on peut dire, une chambre, une salle de bain, un transat. Le travail sur les voix, les postures, est remarquable, épaisses ou convulsives, saccadées ou lentes. On adore Bruno Blairet dans le rôle d’un irlandais pur jus, finaud et, on le devine, amateur de Jack Daniels tant sa voix s’empâte par moment. Son développement sur la notion de gratitude, à ne pas confondre avec la politesse ou la morale vaut le déplacement. Vincent Joncquez est impayable dans sa confession auprès de son supérieur hiérarchique à qui il avoue avoir rencontré dieu, mais attention pas le dieu des religions, non, une force, une lumière. L’auteur n’a pas son pareil pour mélanger burlesque et transcendance, loufoquerie et recherche intérieure. L’OVNI dans ce spectacle n’est autre, vous l’aurez compris, que Viripaev lui-même, une fin peut en cacher une autre, être le début d’une nouvelle histoire. Qu’est-ce que la réalité ? qu’est-ce que la fiction, qui dit la vérité ? Ivan Viriparev nous ouvre à une spiritualité large où art et écologie ont toute leur place. Il libère ses personnages de leur oripeaux sociaux, de leur honte et inhibitions artificielles pour les lancer tout simplement en quête d’amour et d’essentiel. Et vous, qu’auriez-vous dit à Ivan Viripaev ?   © Fabienne Rappeneau  OVNI de Ivan Viripaev Mise en scène : Eléonore Joncquez Assistante mise-en-scène : Cécile houette Scénographie : Natacha Markoff Chorégraphie : Jean-Marc Hoolbecq Vidéo : Antoine Melchior Lumière : Jean luc Chanonat Son : Stéphanie Gibert Costumes : Sonia Bosc   Avec : Salomé Ayache, Eléonore Joncquez, Grégoire Didelot, Vincent Joncquez, Bruno Blairet.     Du 7 au 28 juillet à 19h45 relâche le jeudi Durée 1h 45 Théâtre 11 11 bd Raspail 84 000 Avignon   Réservation : 04 84 51 20 10 contact@11avignon.com   Tournée : 29/09/2023, théâtre jacques Carat Cachan 94 Du 23 au 27/10 salle du Colisée – Biarritz 64 02/11/ le Reflet – Vevey Suisse 07/11théatre Thalie Montaigu 85 08/11 espace René Cassin Fontenay le Comte 85 09/11 Scène de Pays – Beaupréau en Mauges 49 14/11 Théatre de Gascogne Mont de Marsan 30 21/11 Théâtre Madeleine Renaud Taverny 95 22/11 Carré Bellefeuille Boulogne 92 25/11 Bruxelles Centre culturel de Belgique 28/11 Théatre Jean Vilar -Suresnes 92 29/11 théâtre cinéma Choisy le Roi 94 07/ 12 La lanterne Rambouillet 78 09/12 TCC Chatillon Clamart 92 12/12 Théatre de Corbeil Essonnes 91 14 et 15/12 Salle des concerts Le Mans 72 12/01/2024 La Scène Watteau Nogent sur Marne 94  Read More →
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G.R.O.O.V.E., de Bintou Dembélé, Opéra Grand Avignon, Festival d’Avignon In
    © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia  Bintou Dembélé sait créer l’attente et faire monter le désir, et elle réussit son pari en créant à la fois de la frustration et une forme de contentement individuel pendant les 2/3 du spectacle, pour mieux arriver à une jubilation collective finale. Après un petit protocole sur le lieu officiel de représentation, G.R.O.O.V.E. commence artistiquement sur la place du Palais des papes. Les danseurs sous plus de 40 degrés d’un soleil implacable, restent stoïques tandis que la chanteuse Célia Kaméni entame sa mélopée et que Bintou Dembélé exécute une prestation que l’on aurait aimé voir se prolonger tant elle est hypnotisante dans des fumigènes colorés. Si certains spectateurs sont étonnés par l’idée de cette déambulation, elle est pertinente pour une danse née dans la rue et qui repose sur le partage et la proximité, la formation de cercles autour des danseurs. Puis étonnamment, comme un groupe de touristes on se redirige vers l’Opéra Grand Avignon, nous divisant en trois selon nos couleurs de bracelet, sous les fanions de nos guides. Les uns rentreront par la grande porte, d’autres par celle des artistes, pour se retrouver tout à tour dans la salle, sur le plateau, et dans le foyer et regarder des vidéos sur les différents types de hip hop (dont le fameux krump), s’immerger dans la danse rituelle de * dans le son du lapsteel de Charles Amblard et déambuler sous les cintres entre les artistes et être submergés par l’émotion dans la performance du corps trainé, du bucher de barres lumineuses dressé, et du corps suspendu comme à un croc de boucher, soulevé lentement par un autre danseur tirant la corde avec la grâce d’un félin, tournoyant sur lui-même et rejoignant un ciel de pendus. Une séquence qui demanderait un long recueillement ou de prière autour du feu si symboliquement bouleversant pour toutes ces âmes mortes. Passer à l’étape suivante n’est dès lors pas facile. Mais la magie opère dès les premières secondes dans l’intégralité du théâtre à l’italienne de l’Opéra Grand Avignon investi à tous les étages par les danseurs accomplissant la même gestuelle avec un tissu doré, avant de rejoindre le plateau et enchaîner sur des compositions de krump et des morceaux des Indes galantes (la chorégraphie de l’opéra de Rameau à Bastille mis en scène par Clément Cogitore a fait connaître Bintou Dembelé au grand public en 2019) dont le fameux air d’ « Ils sont sensibles », à un rythme effréné. Chaque danseur détient une personnalité forte et une technique de haut niveau. Les tableaux de voguing magnifiquement éclairés sont superbes, on croit voir ici Un radeau de la méduse, là une cérémonie sacrée. Des micros passages de battle emportés par la hype des danseurs et des spectateurs font monter la tension. L’énergie et la joie qui explosent, la complicité entre les danseurs et leur chorégraphe est intense, et se transmet au public qui ne tient plus en place. Bintou Dembélé, après l’avoir époustouflé avec sa danse marronne, entraîne avec tous ses danseurs, chacun et chacune à partager quelques pas de danse sur un rythme endiablé, sur le plateau, dans l’orchestre et en corbeille, dans une quasi extase collective. Un parcours saisissant de partage, de dialogue, de recueillement et d’énergie. Jubilatoire. Euphorisant. Merci Bintou Dembélé et tous ceux qui vous accompagnent d’avoir offert votre groove. Qu’il nous habite longtemps.   © Christophe Raynaud de Lage     G.RO.O.V.E. de Bintou Dembélé Opéra Grand Avignon Place de l’horloge – Avignon Jusqu’au 10 juillet   Durée 3h   Conception et chorégraphie : Bintou Dembélé Assistanat à la chorégraphie : Féroz Sahoulamide Coordination artistique : Anthony Cazaux Musique : Charles Amblard Création vocale : Célia Kameni Création DJ set DJ Meech de France Lumière : Benjamin Nesme Costumes : Anaïs Durand Munyankindi Avec :  Wilfried Blé “Wolf”, Guillaume Chan Ton, Bintou Dembélé, Marion Gallet, Cintia Golitin, Adrien Goulinet, Mohammed Medelsi “Med”, Alexandre Moreau “Cyborg”, Salomon Mpondo-Dicka “Bidjé”, Marie Ndutiye, Michel Onomo “Meech, Juliana Roumbedakis, Féroz Sahoulamide et Charles Amblard (guitare et lapsteel), Célia Kameni (en alternance avec Cindy Pooch) (voix) avec la participation inédite de Cré Scène 13 (Marseille)     Tournée en 2023-24 :  au centre Pompidou (Pariss du 5 au 7 octobre ; à l’Anthéa (Antibes) du 12 au 14 octobre ; à Chateauvallon-Liberté à l’été 2024 et au Théâtre d’Aix-en-Provence du 2§ au 28 septembre 2024.      Read More →
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Nos Corps empoisonnés de Marine Bachelot Nguyen à la Manufacture d’Avignon, Avignon Festival Off
  © Hélène Harder   ƒƒ Article de Sylvie Boursier « L’avion vol au-dessus de la forêt, très bas. De ses entrailles s’échappe une sorte de nuage blanc. Tout à coup, une pluie dégouline sur mes épaules, le liquide gluant se plaque sur ma peau, je tousse, je suffoque, je ne comprends rien… ». Enfant durant la guerre d’Indépendance, Tran To Nga combattit contre les Américains et vint vivre en France en 1990 après l’installation du communisme. Comme des millions de vietnamiens elle fut exposée à l’agent orange et prit conscience à l’âge de la retraite de l’origine de ses problèmes de santé et du décès de sa fille. Elle a assigné devant les tribunaux une vingtaine de sociétés agro-industrielles américaines, dont Monsantos, responsables de la production de ce poison qui contamine la terre et les corps sur plusieurs générations. Des soldats américains ont été victimes de l’agent orange et dédommagés contre une absence de plainte. La pièce relate le combat historique d’une grand-mère de quatre-vingt ans qui demande réparation pour elle comme pour les millions de victimes. Le spectacle s’ouvre par le procès qui s’est tenu au tribunal d’Évry le 25 janvier 2021 après six années de procédures et dix-neuf reports d’audience, peu à peu nous remontons le fil de l’histoire sur différents espaces parfaitement délimités, un baril de déchets chimiques comme barre du tribunal, un peu de terre en demi-cercle pour la forêt vietnamienne où se terrent les vietcongs, un berceau tressé de lianes pour la naissance de sa fille, des petites bougies sur le sol contaminé ou sont murés les corps des millions de gazés. La douce Angelica Kiymi Tisseyre-Sékiné, comédienne délicate aux mille nuances est cette sœur de scène qui incarne Tran To Nga. Entre les deux, un beau texte de Marine Bachelot Nguyen, on voit les paysages, ces villages tant visionnés des actualités de l’époque, ces combattants qui surgissent du centre de la Terre, les rares moments d’intimité avec son bébé, avec sa mère, combattante elle aussi. La comédienne a la fraîcheur, la détermination qui conviennent. Par quelques accessoires, quelques gestes en ombre chinoise, on la suit par la piste du Cambodge vers Hanoï, lors de l’offensive du Têt. Sur l’écran les images d’archives, photos de famille, s’intègrent parfaitement à la narration de la comédienne sensible. Marine Bachelot Nguyen, avec beaucoup d’intelligence et de pudeur, évite le piège du biopic, les images choc. Elle réussit un spectacle très juste sur la transmission et la mémoire. « 75 millions de litres d’agent orange, déversés sur les forêts, sur les terres, sur les corps pendant la guerre du Vietnam », trois fois plus de tonnes d’explosifs largués sur ce petit pays que durant toute la seconde Guerre Mondiale, pour ce qui est considéré comme le premier écocide de l’histoire de l’humanité. La cour s’est déclarée incompétente pour juger les faits en janvier 2021. Un appel est en cours, Monsantos joue la montre mais Me Tran To Nga est toujours vivante et continue le combat. Depuis le Viêtnam Monsantos a étendu son pouvoir de nuisance à toute l’Humanité, pesticides et poisons inondent nos sols. Jusqu’à quand ?   © Hélène Harder   Nos corps empoisonnés, texte et mise en scène Marine Bachelot Nguyen, avec la participation de Tran To Nga Avec Angélica Kiyomi, Tisseyre Sekine Vidéo et scénographie : Julie Pareau Lumière :  Alice Gill-Kahn Son : Pierre Marais   Du 7 au 24 juillet à la Manufacture d’Avignon, A 16h10, 2 rue des Ecoles Avignon Relâche les 12 et 19 juillet Réservation : 04 90 85 12 71 billetterie@lamanufacture.org   Tournée : Halle-ô-grains, le 17 octobre 2023 à Bayeux A  Plozevet le 18 novembre 2023 Palais de la porte Dorée, Paris, 23/24/25 novembre 2023 Théâtre Victor Hugo, à Bagneux début décembre Le Quartz, à Brest, les 23, 24 et 25 janvier 2024 Evry, à SN Essonne, les 7 et 8 mars 2024   Ma Terre empoisonnée (Viêtnam-France, mes combats), le livre autobiographique de Tran To Nga est édité chez Stock.      Read More →
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On ne couche pas aux enterrements, écrit et joué par Christine Anglio et Laurie Marzoughi, mise en scène de Manon Rony, Studio Hébertot
  © David Twist   ƒƒƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette Ana, juste avant de mourir de son cancer, il y a quinze ans déjà, avait fait promettre à sa sœur, Isabelle, et à sa meilleure amie Pauline de se voir une fois par an, dans son appartement qui ne bouge pas pendant toute cette période, quelle chance, ce n’est que maintenant que les cartons se remplissent et que les camions cherchent une place dans cette jolie petite ville de province. C’est là que ces deux femmes jouent, discutent, s’ouvrent, se racontent, s’amusent (ou l’inverse). Elles ont été fidèles à Ana, tous les ans depuis quinze ans dans cet appartement, mine à souvenirs. Tous les quinze ans, pour faire comme si elles avaient encore quelque chose à se raconter, à partager. Mais cette année, Isabelle annonce qu’elle vient de vendre cet appartement et qu’il y a des années déjà, elle a épousé celui qui avait été le petit copain de sa sœur, et son amant pendant que sa frangine mourrait. Révélations tardives. De quoi se taper sur la figure, s’arracher les cheveux, ce qu’elles font et essaient de faire, puis cessent et rient, avouant qu’elles sont comme en pleine répétition et qu’en fait elles s’amusent, affinent leurs échanges et recommencent tout depuis le début, ou presque. L’une est toute triste parce qu’elle ne peut pas sortir son fusil géant en plastique noir, elle aimerait tant jouer façon série qui fait peur ! Mais ça copine, oui, elle, a peur et refuse absolument. Tant pis… Ces deux comédiennes nous emportent tout à fait, nous avons l’impression de faire partie de la bagarre et que nous allons prendre une claque à un moment ou un autre, si ce n’est pas une tarte à la crème. Le texte est amusant, écrit par les deux copines elles-mêmes, ou plutôt par Christine Anglio et Laurie Marzougui, qui sont là, sur scène, pour nous et dont le peps fait beaucoup de bien. Nous sommes face à une légèreté sombre et rebondissante, la première partie appelle sans cesse sourires et éclats de rires. Puis la fausse dispute en pleine construction en devient presque une vraie, on attend leur pose rigolade mais non. Nous sommes comme transportés dans une « seconde partie », du vrai ou du faux, on ne sait plus trop où l’on en est et c’est un peu dommage. On ne rit plus trop, on ne sait plus si elles déconnent ou se tapent dessus pour presque du vrai. Des choses énormes semblent être passées inaperçues entre Pauline et Isabelle, une grossesse, un mariage, ah ? Je croyais que s’étaient les meilleures amies du monde, même si elles ne se croisaient qu’une fois l’an, dans cette province reculée où elles vivent toutes les deux et où tout le monde est au courant de tout, où le moindre éternuement est révélé à la foule entière de ce mini village. Mais pas les mariages ni les grossesses. Ah ? Si ça se trouve, ce sont deux copines de n’importe où qui jouent à n’importe quoi et sans y faire très attention y ajoutent un peu trop de gravité, ou pas assez. Pour elles cela fonctionne tout à fait, pour les spectateurs de temps en temps un peu moins. On est un peu perdu. Les enfants existent-ils ? Qui sait quoi, où, comment ??? Sans rire. La première partie est donc resplendissante, rebondissante, et rapide, la seconde s’entasse un peu, la colère et la souffrance, vraie ou fausses, n’ont plus de stop, on s’y enfonce, on s’y prend les pieds. Ce n’est pas une grande catastrophe tellement le jeu est bon. Ou alors pas du tout, elles font peut-être semblant ? Un lien est entre ces deux copines, remuantes tout du long et on les apprécie, on les écoute, quoi qu’il en soit. C’est une petite heure qui fait du bien, dans un mini décor de cartons de déménagement qui peut prendre des apparences tout à fait différentes, allant du vrai de vrai à la forêt sauvage, c’est selon. On peut ne pas être d’accord avec la mise en place, le rythme, déçu ici ou là parce que du tout plat peut montrer sont vilain minois, oui, mais ce n’est pas pour de vrai, ce n’est pas très grave, ça c’est certain. La soirée reste courte et bonne, saine et sympathique, on en ressort trottinant et joyeux.    © David Twist   On ne couche pas aux enterrements, de Christine Anglio et Laurie Marzougui Mise en scène par Manon Rony Avec Christine Anglio et Laurie Marzougui Création lumière : Esteban Loirat Costumes et décors : Christine Anglio, Laurie Marzougui et Manon Rony   Du 5 au 30 juillet 2023, du mercredi au dimanche, à 19h Durée : 1 heure   Studio Hébertot 78bis, boulevard des Batignolles, 75017 Paris Réservation 01 42 93 13 04 www.studioheberthot.com  Read More →
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Sur l’interprétation – titre de l’instant de Yaïr Barelli, au Samovar, Bagnolet, dans le cadre d’Extensions - Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis
  © Nicolas Thevenot ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, Mallarmé bien sûr. Un coup de dés produit son coup de théâtre, sans le drame. Un tutu blanc, une veste de majorette, une machine à fumée, un rap de Bagnolet, une voix enregistrée annonçant « le plus beau sourire de la salle », des danseurs, des clowns, sans que l’on parvienne à identifier qui est qui, Dalida, Fanny Ardant, Yves-Noël Genod, La Argentina, Kazuo Ōno, Maïa Plissetskaïa… inépuisable corne d’abondance spectaculaire, à secouer fort comme un cornet à dés (Max Jacob bien sûr). Avec jubilation, gourmandise et une touche certaine de malin plaisir, Yaïr Barelli est le grand ordonnateur de l’aléatoire et de la combinatoire, qu’il foule allègrement du pied de l’instant. Le chorégraphe et concepteur de Sur l’interprétation – titre de l’instant s’adonne aux rencontres de hasard : des spectateurs arrivant en retard ou sur le départ, traversant l’espace de jeu (à moins qu’il ne s’agisse de l’espace du Je ?), la lumière du soleil fusant d’une lucarne et traçant ses rayons comme dans une peinture religieuse, des émeutes conduisant à relocaliser en intérieur ce qui était prévu à l’extérieur… Le hasard, s’il a souvent été utilisé et usé comme une formule magique par la danse contemporaine, dans une démarche souvent presque scientifique, calculatoire, froide, se révèle ici souveraine invitation à vivre, porte ouverte, comme celle en fond de scène, sur la vie, échappée belle et permanente remise en jeu de l’impondérable. Le hasard mesure l’hospitalité d’une forme spectaculaire par la porosité qu’il y met en lumière, la souplesse de ses articulations, le muscle de ses rebondissements. La vie et le spectacle, ce sont des entrées et des sorties. Des sorties de route aussi. Des prise de parole comme des sauts dans le vide. Sur l’interprétation – titre de l’instant envisage le spectacle à l’instar de la vie, sous-entend que la vie sait être aussi spectaculaire, il suffit juste de la mettre en scène. Ne dit-on pas « se donner en spectacle » ? Cette exhibition qui est une floraison, comme Yves-Noël Genod, star de l’éphémère, fleurs séchées au bras, sans fin renaissant tel un phénix, improbablement et divinement sapé par Jean-Paul Gaultier dans un vide-greniers, comme la danse d’un dos, troublante, chargée de l’histoire traumatique de ce dos, comme la danse promotionnelle pour un spectacle pour enfants adressée à une programmatrice dans la salle… Plus que l’achèvement, quand il a lieu, de chacune des propositions occupant la durée de la performance, pareilles à des de bulles de savon se formant et explosant aussitôt formées, Yaïr Barelli avec sa belle troupe composite sculpte l’instant, ce qui le traverse, épouse et éclaire sa métamorphose, l’éclosion et l’épuisement. Dépensant sans compter ses pistes, reprenant sans cesse ses amorces, Sur l’interprétation – titre de l’instant serait au spectacle ce que Protée est à l’olympe des dieux : un principe de création irréductible à toute forme, une genèse et métamorphose ininterrompue, une entropie fuyante, un flot qui ne peut être contenu. Dans ce merveilleux foutoir, mixant danse, stand-up, théâtre, et d’autres formes non identifiées, plus qu’un contenu, c’est le mouvement même sous-jacent aux apparitions et aux effacements qui nous transporte et nous stimule comme un phénomène addictif. Ce n’est pas un spectacle de danse mais la danse d’un spectacle, ce à quoi nous assistons ébahis. Pour atteindre à la beauté de cet irreprésentable, qui est une énergie, une pulsion, une harmonie au sens ondulatoire, qui est aussi une invisibilité portée par l’écume des gestes, Sur l’interprétation – titre de l’instant apprend à faire le deuil du spectacle au son d’un « moi je veux mourir sur scène », sabote comme on rabote pour mieux polir, œuvre à désœuvrer, et de cette déliquescence, dans cet abandon reprenant et défaisant comme Pénélope détruisant la nuit ce qu’elle avait tissé le jour, fait apparaître la vie dans son plus simple appareil : la vitalité d’une forme. Yaïr Barelli aime à tirer le tapis sous les pieds de ses performers, les faisant trébucher ou annulant l’effet qu’ils recherchaient. Si la pochardise affleure çà et là elle est le signe de la roublardise. Car Sur l’interprétation – titre de l’instant est un spectacle à double fond, à fonds multiples, jouant avec virtuosité de l’indéterminable caractère prémédité ou improvisé des événements qui ont lieu sous nos yeux, mettant aussi en scène le travail de mise en scène comme autant de degrés de réalité superposée. Dans cet hypnotique maelström, dans ce glorieux foutraque, Yaïr Barelli compose sur le vif, par touches approximatives, capturant une impression, la détourant, la détournant, remettant le travail en cours sur d’autres rails, épluchant l’irrésistible représentation de ses derniers vestiges. Et pareil à un acte sexuel qui s’étirerait indéfiniment et généreusement dans le temps, refusant de troquer les caresses de l’imprévu pour la jouissance d’une fin programmée, Sur l’interprétation – titre de l’instant de prolonger cet instant inouï et béni sur plusieurs heures, repoussant l’acmé, refusant le clou du spectacle qui n’est autre que le clou enfoncé dans la mort du spectacle, repoussant ses frontières toujours plus loin. « Ici entre quatre murs, entre lumière et obscurité, il se passe des choses ». Indéniablement.   © Nicolas Thevenot   Sur l’interprétation – titre de l’instant, conception et coordination : Yaïr Barelli Avec : Marie Brétécher, Louise Daguerre, Yves Noël-Genod, Juliette Murgier, Viviana Moin, Manon Roussillon et Élise Roth Son : Cristián Sotomayor, Jonathan Reig, Lumière : Yannick Fouassier Durée : 3 heures (libre circulation) Le 2 juillet 2023 à 17h   Le Samovar 165 avenue Pasteur 93170 Bagnolet Tél : 01 43 63 80 79 www.lesamovar.net Dans le cadre du festival Extensions – Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis    Read More →
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Café Müller, mise en scène et chorégraphie de Pina Baush, Tanztheater Wuppertal + Terrain, Grande Halle de la Villette / Théâtre de la Ville hors les murs
  © Bettina Stob   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Comparaison n’est pas raison et jouer ici aux jeux des différences est inutile. Certes il faut s’arracher au souvenir qui nous martèle, celui des créateurs de ce chef d’œuvre de Pina Bausch. L’ombre fantomatique de Pina Baush, bras tendus et les yeux clos, la fébrilité inquiète de Nazareth Panadero, l’intensité douloureuse du couple Malou Airaudo-Dominique Mercy… interprètes charismatiques qui ont marqué de leur empreinte unique, immarcescible, cette oeuvre. Ce à quoi nous assistons ici, dans cette reprise du mythique Café Müller tient d’un précieux miracle, d’une épiphanie. Trois distributions différentes, nouveaux et jeunes danseurs de la compagnie du Tanztheater, qui s’emparent de cette œuvre avec la fragilité sans insolence de ceux qui savent qu’on les attend peut-être au tournant. Cependant ce qu’ils offrent ici est d’une absolue beauté qui foudroie. Chacun avec sa sensibilité propre s’empare de son rôle, met son pas dans ceux de leurs ainés sans jamais reproduire ce qui fut, ne pouvant leur appartenir, n’appartenant résolument qu’au passé. Une réappropriation, pas de copié-collé donc mais un étrange et sensible palimpseste d’une même chorégraphie, reproduite ici trois fois sans que jamais l’esprit, la substance qui innerve la pièce, la cruelle ambivalence du désir entre les hommes et les femmes, ne s’évapore. Trois distributions, trois lectures possibles de cette ambivalence, des liens qui se nouent et se dénouent entre les personnages, portées par un mouvement, un geste identique à l’original mais chargé différemment, d’une sensibilité, d’une émotion qui n’appartient à personne d’autre que l’interprète et qui le rend unique et singulier. Barbara Kaufmann et Héléna Pikon semblent avoir veillé à cela, faire sortir la personnalité profonde de chacun des danseurs pour insuffler à la danse, à cette chorégraphie, son renouveau et paradoxalement sa fidélité qui ne tient qu’à son esprit, l’universalité de ce qui est exprimé. Assister à ces trois re-créations, identiques et dissemblables tout à la fois, est bouleversant parce que les lectures offertes amplifient cette chorégraphie, ouvrant un champ infini d’interprétations sur un même sujet, celui qui traverse toute l’œuvre de Pina Bausch, ici exacerbé par sa concentration, la violence désespérée qui traversent les relations entre les femmes et les hommes, tendues par les oscillations contradictoires du désir, cœur-battant de toute vie. Ici preuve est faite avec maestria et intelligence que cette chorégraphie peut être – enfin – libérée du poids de ses interprètes originaux. Leur résister pour n’exister que pour elle-même, pour ce qu’elle dit encore de nous de crucial et de toujours contemporain.   © Bettina Stob   Café Müller, mise en scène et chorégraphie de Pina Baush Musique : Henry Purcell Scène et costumes : Rolf Borzik Direction artistique : Boris Charmatz Direction des répétitions : Barbara Kaufmann et Héléna Pikon Collaboration : Magalie Caillet Gajan Directeur technique : Jörg Ramershoven Directeur lumières : Fernando Jacon Son : Karsten Fischer Régie de scène : Andreas Deutz Régisseur de plateau en chef : Dietrich Röder Technicien plateau : Benjamin Greifenberg Habilleuses : Anna Lena Dresia*, Katherna Fröhlich Directeur de ballet : Christopher Dozzi* Chef Physiothérapeute : Bernd-Uwe Marszan Alnning et organisation des tournées : Léonie Werner   Interprètes : Représentations 19h 6/07, 10/07, 11/07 / 17h 7/07, 8/07 Dean Biosca, Taylor Drury, Reginald Lefebvre, Ekaterina Shushakova, Christopher Tandy, Tsai-Chin Yu Représentations 21h 6/07, 10/07, 12/07 19h 7/07, 8/07 Naomi Brito, Emily Castelli*, Maria Giovanna, Delle Donne, Reginald Lefebvre, Milan Nowoitnick Kampfer, Oleg Stepanov Représentations 17h 6/07 21h 7/07, 8/07, 11/07 19h 12/07 Emma Barrowman, Çağdas Ermis, Letizia Galloni, Simon Le Borgne, Tsai-Wei Tien, Frank Willens   *invité/e   Grand Halle de La Villette 211 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris   Réservations : www.theatredelaville-paris.com  / www.lavillette.com      Read More →
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Solos and Duets de Meg Stuart, au Centre National de la Danse, Pantin
  © Anja Beutler   Commencer fort et finir en apothéose. Dès l’entame, casques de moto façonnant les têtes comme des aliens, masquant toute expressivité sauf des yeux perdus, brillants, lui portant échasses, elle, tutu noir, portera un gant en forme de main verte géante. Dans un clair-obscur réhaussé par les stridences électroniques jouées en live par Charlotte Simon et Toben Piel, les premières images des danseurs rampant à terre, véloces, comme fuyant un accident projettent dans le cinéma d’un Lynch (Sailor et Lula) ou d’un Cronenberg (Crash). Êtres augmentés, l’expressivité de leur mouvements en ressort accrue. Fétiches et fantasmes, leur conflictualité chorégraphiée comme une scène de combat tient autant de la parade amoureuse que d’une politique de domination. C’est net, puissant et nerveux, acéré, fortement érotisé. Les pieds métalliques de la table-carapace font écho aux échasses de l’homme-insecte, les corps se fondent entre eux. L’accouplement doit s’entendre au sens de l’emboitement de pièces mécaniques. Meg Stuart a choisi d’extraire de ses précédents spectacles des duos et des solos, accompagnés par des musiciens. Par cette opération, par cet arrachement, c’est comme si les séquences ainsi prélevées, sans le squelette dramaturgique qui les ordonnait et les contextualisait dans leurs ensembles d’origine, se mettaient à dialoguer entre elles, enjambant leur particularité, et mettaient à jour les fondements du travail de Meg Stuart au fil des ans : une inlassable recherche partant de la matérialité des corps, de leur définition comme une limite sur laquelle buter. Ce qui était plus diffus dans un spectacle, ici concentré, affirme une corporéité en prise avec le monde, empêchée par la force des choses, ou agie par les lois du monde, agitée, bouleversée et violentée, d’un rapport à soi qui est aussi travaillé comme une altérité, d’une monstruosité qui peut aussi surgir de soi. Des mains jointes battent follement devant un visage, aussi molles qu’un chiffon effaçant le visage, bientôt défiguré lui-même par la vitesse, laissant apparaître une bouche ouverte pareil au cri de Munch. L’assemblage assume et exhibe le vide entre ses séquences. Il l’amplifie même, avec l’étrangeté d’un no man’s land, comme si le duo ou le solo, formes conventionnelles de la danse, se régénéraient aussi dans cet esseulement du spectateur. Ces interludes structurent et densifient notre vécu parce qu’ils relient deux expériences antagonistes : le corps à corps que le spectateur expérimente en réceptionnant une danse performative nourrie de la pure matérialité des corps et la pure pensée nourrie de la mémoire comme une onde de choc. Le dernier duo se jouera à l’inverse du premier : en pleine lumière, en pleine nudité, sans truchement d’aucun fétiche. Deux jeunes femmes se jaugeant, se confrontant, violemment, jusqu’à un bouche à bouche final bien embouché. Entre temps, défilé militaire, à quatre pattes, bouche trompetant dans le cul de la première qui elle lance son salut militaire, et poiriers où les pointes de pied vont butiner dans l’entrejambe voisine. Dans cette jouissive libération des corps, dans ce joyeux affranchissement du jugement et du regard de la société, comme un pied de nez, ou plus justement ici : un pied de sexe, Meg Stuart avance entre sophistication et grotesque et confirme son indéfectible et puissante recherche au plus près des corps. © Anja Beutler   ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot   Solos and Duos, chorégraphie de Meg Stuart Avec : Márcio Kerber Canabarro, Vânia Rovisco, Maria F. Scaroni, Claire Vivianne Sobottke Musique live : Jordan Dinsdale, Les Trucs (Charlotte Simon et Toben Piel) Directeur technique : Tom De Langhe Lumières : Emmanuelle Petit Technicien son : Vincent Malstaf Durée : 1h15 minutes Du 28 juin au 29 juin 2023 à 21h Centre national de la danse 1 rue Victor-Hugo 93500 Pantin Tél : + 33 (0)1 41 83 98 98 https://www.cnd.fr/fr/      Read More →
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Allende création et mise en scène de Jessica Walker au théâtre de l’Adresse, festival Off Avignon
  © Ulises Fontana   ƒƒƒ article de Sylvie Boursier Voilà une pépite qui a le duende, cette grâce donnée à l’artiste , sorte de transe , d'envoûtement communicatif chez le spectateur. Trash et gore, poétique, engagée, expérimentale, cette opérette politique rend hommage à travers la parodie et le mime au premier président socialiste élu démocratiquement au Chili, 50 ans après sa disparation. « J’avais 10 ans quand le coup d’État s’est produit au Chili, mon ami Roberto avait 9 ans. Roberto a été tué à la porte de ma maison” déclare Jessica Walker, metteur en scène, en préambule du spectacle qu’elle a conçu pour lui rendre hommage. Le 11 septembre 1973, Salvador Allende prononça son dernier discours public en tant que Président de la République du Chili. Quelques instants plus tard, dans le palais présidentiel pris d’assaut, il se donna la mort pour ne pas se rendre aux forces de Pinochet, « ce fils de pute » comme l’appelle Jessica Walker, le général mettra en place dix-sept ans de dictature. Sept acteurs, une dramaturgie collective et un travail corporel engagé vont nourrir des tableaux proches de la Movida, avec ses exubérances esthétiques, son ouverture d'esprit vis-à-vis des minorités, ses excès en tous genre et son sens collectif de la fête. Jessica Walker est assise devant avec les éclairagistes et guide de la main certains gestes comme une cérémonie rituelle qui tient du sacré. On voit Allende, interprété par Carlos Martín-Peñasco, dans l’intimité des scènes de ménage – il était assez chaud lapin apparemment – avec son épouse ; l’adieu avec sa fille Tati dite « la révolutionnaire » quelques heures avant son suicide est émouvant. La pantomime avec un Pinochet en slip kaki et casque militaire est hallucinante d’expressionnisme. On n’oubliera pas ces travestis qui plaident leur cause pour que la révolution ne les oublie pas, suivis d’un mur d’exécution avec ses rituels macabres sadiques. Les sbires de Pinochet poussaient le vice jusqu’à demander au condamné de choisir la chanson de leur exécution, de préférence douce et mélodieuse. Jessica Walker fait du théâtre avec rien, une pile de chaussures pour seules reliques et le chœur des mères demandent réparation. La musique n’accompagne pas le spectacle, elle en est la pulsation rythmique. Récemment Maya Fernández Allende, petite-fille de Salvador Allende a été nommée ministre de la défense , une première au Chili quant à l’accès des femmes au gouvernement . Ce pays est ‘il enfin libéré de la peste brune ? Espérons-le. Jessica Walker travaille avec ses fidèles à Barcelone, dans le dépouillement, le clair-obscur, le flamboyant. Le rire succède à la tragédie, tout est sublimé. Pour elle il ne s’agit pas de plaire mais d’aller au plus incandescent du jeu dramatique. Allende, un spectacle organique, poétique qui dégage une énergie folle ! Festivaliers vous avez la chance de découvrir le laboratorio theatro et son engagement total, c’est un honneur rare de les recevoir et de les rencontrer ! Allez les voir !   © Ulises Fontana   Allende création de la compagnie Laboratoire Theatro (en espagnol sous-titré en français) Mise en scène, lumières : Jessica Walker Avec : Julia Aymar, Carlos Marti-Penasco, Paloma Remolina Galleco, David Soler Close, Roser Vallvé, Manuel Almonacid ,  Jessica Walker et à partir du 15 juillet Clémence Caillouel   Du 7 au 29 juillet à 20h relâche les 11, 18 et 25 juillet   Théâtre de l’Adresse 2 rue de la Trillade 84000 Avignon   Réservations 04 65 81 17 85 Billeterie.festik.net/théâtre de l’adresse   Tournée au Chili en septembre 2023 au théâtre Matucana (https://www.m100.cl/), dans le cadre des commémorations du cinquantenaire de la mort d’Allende.    Read More →
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