© Bettina Stob
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Comparaison n’est pas raison et jouer ici aux jeux des différences est inutile. Certes il faut s’arracher au souvenir qui nous martèle, celui des créateurs de ce chef d’œuvre de Pina Bausch. L’ombre fantomatique de Pina Baush, bras tendus et les yeux clos, la fébrilité inquiète de Nazareth Panadero, l’intensité douloureuse du couple Malou Airaudo-Dominique Mercy… interprètes charismatiques qui ont marqué de leur empreinte unique, immarcescible, cette oeuvre. Ce à quoi nous assistons ici, dans cette reprise du mythique Café Müller tient d’un précieux miracle, d’une épiphanie. Trois distributions différentes, nouveaux et jeunes danseurs de la compagnie du Tanztheater, qui s’emparent de cette œuvre avec la fragilité sans insolence de ceux qui savent qu’on les attend peut-être au tournant. Cependant ce qu’ils offrent ici est d’une absolue beauté qui foudroie. Chacun avec sa sensibilité propre s’empare de son rôle, met son pas dans ceux de leurs ainés sans jamais reproduire ce qui fut, ne pouvant leur appartenir, n’appartenant résolument qu’au passé. Une réappropriation, pas de copié-collé donc mais un étrange et sensible palimpseste d’une même chorégraphie, reproduite ici trois fois sans que jamais l’esprit, la substance qui innerve la pièce, la cruelle ambivalence du désir entre les hommes et les femmes, ne s’évapore. Trois distributions, trois lectures possibles de cette ambivalence, des liens qui se nouent et se dénouent entre les personnages, portées par un mouvement, un geste identique à l’original mais chargé différemment, d’une sensibilité, d’une émotion qui n’appartient à personne d’autre que l’interprète et qui le rend unique et singulier. Barbara Kaufmann et Héléna Pikon semblent avoir veillé à cela, faire sortir la personnalité profonde de chacun des danseurs pour insuffler à la danse, à cette chorégraphie, son renouveau et paradoxalement sa fidélité qui ne tient qu’à son esprit, l’universalité de ce qui est exprimé. Assister à ces trois re-créations, identiques et dissemblables tout à la fois, est bouleversant parce que les lectures offertes amplifient cette chorégraphie, ouvrant un champ infini d’interprétations sur un même sujet, celui qui traverse toute l’œuvre de Pina Bausch, ici exacerbé par sa concentration, la violence désespérée qui traversent les relations entre les femmes et les hommes, tendues par les oscillations contradictoires du désir, cœur-battant de toute vie. Ici preuve est faite avec maestria et intelligence que cette chorégraphie peut être – enfin – libérée du poids de ses interprètes originaux. Leur résister pour n’exister que pour elle-même, pour ce qu’elle dit encore de nous de crucial et de toujours contemporain.
© Bettina Stob
Café Müller, mise en scène et chorégraphie de Pina Baush
Musique : Henry Purcell
Scène et costumes : Rolf Borzik
Direction artistique : Boris Charmatz
Direction des répétitions : Barbara Kaufmann et Héléna Pikon
Collaboration : Magalie Caillet Gajan
Directeur technique : Jörg Ramershoven
Directeur lumières : Fernando Jacon
Son : Karsten Fischer
Régie de scène : Andreas Deutz
Régisseur de plateau en chef : Dietrich Röder
Technicien plateau : Benjamin Greifenberg
Habilleuses : Anna Lena Dresia*, Katherna Fröhlich
Directeur de ballet : Christopher Dozzi*
Chef Physiothérapeute : Bernd-Uwe Marszan
Alnning et organisation des tournées : Léonie Werner
Interprètes :
Représentations 19h 6/07, 10/07, 11/07 / 17h 7/07, 8/07
Dean Biosca, Taylor Drury, Reginald Lefebvre, Ekaterina Shushakova, Christopher Tandy, Tsai-Chin Yu
Représentations 21h 6/07, 10/07, 12/07 19h 7/07, 8/07
Naomi Brito, Emily Castelli*, Maria Giovanna, Delle Donne, Reginald Lefebvre, Milan Nowoitnick Kampfer, Oleg Stepanov
Représentations 17h 6/07 21h 7/07, 8/07, 11/07 19h 12/07
Emma Barrowman, Çağdas Ermis, Letizia Galloni, Simon Le Borgne, Tsai-Wei Tien, Frank Willens
*invité/e
Grand Halle de La Villette
211 avenue Jean-Jaurès
75019 Paris
Réservations : www.theatredelaville-paris.com / www.lavillette.com
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