f article de Denis Sanglard
Il court, il court le vison. Il est passé par ici, il repassera par là… Mais dans cette mise en scène de Michel Fau, il est un peu essoufflé.
Chez Bodley, Bodley and Croutch, haut temple anglais de la fourrure où le bien-être animal est une priorité, brader au dixième de sa valeur un sublime manteau de vison blanc mérite bien une explication. Steeve Bodley pour séduire sa nouvelle maitresse, madame Mac Michaël, paye ainsi la différence au grand dam de son associé, le puritain Croutch. Comment la dame en question se retrouve nue dans ce manteau et de ses conséquences, voilà ce qui fait de ce classique du Boulevard, un délicieux chef-d’œuvre d’humour so british de Ray Cooney et John Chapman, traduit par Jean-Louis Dabadie, adapté ici dans cette nouvelle version, coupes sombres et petits arrangement au détriment, hélas, de l’original, par Michel Fau et Sébastien Castro.
Portes qui claquent, chassé-croisé, maîtresses et amants, voire maris et femmes ce qui revient aussi au même, dans les placard, nous sommes en terrain connu. Chacun trompe sa chacune et vice-versa. Dans ce maelstrom, cette ronde infernale de cornards, le vison passe de mains en mains, de corps en corps, objets de convoitise, de marchandisation et de chantage… (passons sur la symbolique) révélant les turpitudes libidinales et les mensonges vertueux qui agitent ce petit monde de la bourgeoisie anglaise. Plus les mensonges sont gros, très vite énormes, plus les situations deviennent comme il se doit inextricables, plus tout cela devient naturellement absurde. C’est tout le gros sel et l’humour décapant du théâtre de Boulevard dont Le vison voyageur est un classique indémodable.
Seulement ici pêche une mise en scène quelque peu paresseuse. On a connu dans cet exercice périlleux et difficile, car le Boulevard en est un, Michel Fau bien plus inspiré, plus inventif, sinon plus subversif jouant subtilement sur les codes mêmes du boulevard qu’il détourait, détournait en les dénonçant. Là, il reste au ras de la pièce qu’il effleure, respecte littéralement, sans rien n’approfondir ni bouleverser vraiment. On ne s’ennuie pas, non, le rythme est là, soutenu comme il se doit. Les répliques vachardes ou spirituelles font mouches pour la joie du public. Les acteurs sont au même diapason. Si Michel Fau est au bord du cabotinage – il y tombe parfois – Sébastien Castro (Croutch) est impeccable de tenu, de flegme puritain anglais, couvrant malgré lui les frasques de son associé… pour son malheur et notre bonheur. Un jeu tout en nuance. Le duo fonctionne idéalement ne s’entredévorant nullement. Mention spéciale et coup de cœur aussi pour la comédienne Armelle, en secrétaire vertueuse, personnage toujours en décalage, la bouche en cul de poule devant tant de libertinage dans une maison si convenable… à qui reviendra aussi de porter provisoirement ce vison baladeur, en tout bien tout honneur. On ne passe pas une mauvaise soirée, non, la salle est hilare qui n’attend rien de plus à vrai dire, mais on reste un tantinet sur sa faim. On espérait du vison, on a eu du lapin.
Le vison voyageur, de Ray Cooney et John Chapman
Traduction de Jean-Loup Dabadie
Adaptation de Michel Fau et Sébastien Castro
Mise en scène de Michel Fau
Assistant mise en scène : Quentin Amiot
Avec : Michel Fau, Sébastien Castro, Nicole Calfan, Armelle, Anne-Sophie Germanaz, Alexis Driollet, Delphine Beaulieu, Arnaud Pfeiffer, Laure-Lucile Simon
Décor : Nicolas Delas
Lumière : Joël Fabbing
Costumes : David Belugou
Maquillage et coiffure : Pascale Fau
Jusqu’au 30 juillet 2023
Du mardi au samedi à 20h, samedi et dimanche à 16h
Théâtre de la Michodière
4bis rue de la Michodière
75002 Paris
Réservation : 01 46 8768 62
www.michodiere.com
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