© Christophe Raynaud de Lage
ƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia
Quelque part ici.
A la collection Lambert. Au Japon ? En Autriche ?
Kono atari no dokoka – Quelque part ici. Un beau titre pour parler de « ce qui reste de la danse une fois le spectacle terminé », qui est un hommage à l’une des pièces de la chorégraphe française.
Le propos est en fait la transmission. Une question ô combien à la fois épineuse et tarte à la crème. Que d’écrits, de conférences, de films (en dernier lieu le magnifique Dancing Pina de Florian Heinzen-Ziob) y ont été consacrés. Rien qu’en Avignon, Anne Teresa de Keersmaeker a été invitée à répondre à cette question dans un Café des idées organisé au Cloître Saint-Louis.
Le performeur japonais-autrichien Michikazu Matsune a voulu ajouter sa pierre à cette réflexion inépuisable en prenant appui sur les relations nouées avec Martine Pisani en 2007, qui semble aussi une volonté de lui rendre hommage sans en avoir l’air. Ils sont ensemble au plateau. Elle assise sur une chaise en bois car immobilisée par une sclérose en plaque depuis de nombreuses années. Lui tantôt assis à ses côtés, debout, endormi ou agité. La question de la transmission n’est donc pas qu’une question théorique pour la chorégraphe, mais aussi très pratique, qui passe par les impasses du corps et du langage. Ils sont rejoints par moments par le compagnon de Martine Pisani, Théo Koojiman, peintre et performeur néerlandais, mais aussi danseur et son assistant depuis la création de sa compagnie à Marseille.
La pièce prend la forme d’une conférence un peu décalée qui commence par la projection d’un texte entièrement en japonais, dont on a la traduction grâce à sa lecture en français par Martine Pisani à la fin du spectacle. La vraie-faux interview se déroule d’une manière très humoristique (à l’image des titres improbables des spectacles de M. Pisani) et la brièveté des réponses de la chorégraphe dépasse celle des haïkus qu’elle affectionne autant que les peintures ou autres singularités artistiques japonaises.
Une seule vidéo de danse est projetée, la seule vidéo qui existe visiblement de Martine Pisani dans son studio. On aurait pu penser qu’elle susciterait de nombreuses digressions dansées de la part de Michikazu Matsune, à l’exception de quelques petits, et bons, duos parodiques (de celui avec Sabine Macher) avec Théo Kooijman. D’autres projections sont proposées, des photos d’enfance du danseur né à Kobé, dont on ne comprend pas bien l’intérêt (pas plus que le récit de ses insomnies plus tôt) et quelques haïkus (de Issa, Shiki, Basho). Et des anecdotes permettant de placer des noms qui ont compté en Avignon (Merce Cunningham, Claude Régy…) ou ailleurs (vidéo hilarante de Philippe Découflé au Jeux Olympiques de 1992 car illisible sous un prétexte de coût des droits d’auteur).
Au-delà de l’hommage et de l’humour, le spectacle créé un peu d’insatisfaction pour le spectateur qui pensait faire des découvertes et qui a presque l’impression d’assister à un petit jeu entre amis ou canular rafraichissant. C’est touchant incontestablement, mais frustrant tout autant.
Kono atari no dokoka de Michikazu Matsune et Martine Pisani
Vidéo : Michikazu Matsune
En anglais, japonais, français et allemand
Avec Theo Kooijman, Michikazu Matsune, Martine Pisani
Conception Michikazu Matsune en dialogue avec Martine Pisani
Basé sur les premières œuvres de Martine Pisani
Lumière Ludovic Rivière
Vidéo Michikazu Matsune, Maximillian Pramatarov
Conseil artistique Miwa Negoro, Ludovic Rivière, Anne Lenglet
Régie vidéo Anne Lenglet
Traduction pour le surtitrage Marion Schwartz
Durée 1h10
Collection Lambert
5 rue Violette
84000 Avignon
www.festival-avignon.com
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