Anne-Marie la Beauté, texte et mise en scène de Yasmina Reza, au Théâtre de la Colline
  © Simon Gosselin   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Une vie de théâtre, oh pas la célébrité, non, mais une carrière modeste, celle des soutiers des planches que la célébrité n’a jamais frôlée, voilà le destin de Anne-Marie Mille. Un beau nom de théâtre pourtant. Une vocation née à Saint-Sourd-en-Ger dans le Nord, quand elle voyait passer les comédiens de la Comédie de Saint-Sourd, compagnie théâtrale de Prosper Ginot. Montée à la capitale pour une audition au Théâtre de Clichy. La chambre de la rue des Rondeaux. La rencontre avec Giselle Fayolle, pas encore la vedette qu’elle allait devenir. Engagée toutes deux dans Bérénice, elle fut sa confidente, Phénice. Dans la vie aussi, elle fut la confidente. La beauté de Giselle Fayolle, ses cheveux, sa nonchalance… Anne-Marie Mille n’est pas très jolie, vraiment pas, pas un physique de cinéma en tous les cas. Elle-même le dit, son visage n’allait pas, ne suivait pas. Seul le théâtre la rendait belle, parfois. Parfois seulement, à ses yeux du moins. Là, elle osait se murmurer Anne-Marie la beauté. Comme quand gamine et découpant les articles sur Brigitte Bardot, elle imaginait vivre le destin de la star. La gloire fut pour Giselle Fayolle, l’ombre pour Anne-Marie. Entre théâtre et banalité domestique, Anne Marie raconte une vie sans gloire, les rôles incarnées, les partenaires et amis fidèles, l’envers du décor, le destin de ceux dont l’étoile n’a jamais brillé mais qui n’ont jamais renoncé. Le récit de Yasmina Reza est un bel hommage à ces petits, à ces obscurs, ces comédiens à la vocation fermement chevillée qui traversent sans laisser de traces les planches des théâtres. Dont ils ne restent rien, où parfois un nom tout en bas de l’affiche, loin derrière celui des vedettes. Monologue sensible sur « (…) l’envers de ce que les autres regardent à l’endroit… » comme l’écrivait Colette, éternelle vagabonde. Coulisses des théâtres et coulisses d’une vie, on tombe toujours de haut. Et c’est pour André Marcon que ce texte fut écrit. Il y est simplement magistral. Pas plus travesti que vous et moi, il incarne Anne-Marie Mille sans plus d’effet que sa seule présence, sans fioriture, comme allant de soi. D’ailleurs on ne se pose même pas ici la question de la crédibilité de son incarnation, tant d’emblée, il y a l’évidence d’une rencontre, d’une fusion absolue entre Anne-Marie Mille et lui. Il est, sans composer aucunement, en apparence du moins, Anne-Marie Mille. La question même du genre ne nous effleure pas qui ne se pose pas non plus. Dans sa jupe et son corsage, assis sur cette méridienne de velours devenu le centre d’un univers où ne passent désormais que les fantômes d’un passé révolu, il n’est jamais ridicule mais au contraire d’une humanité bouleversante par sa banalité même. André Marcon ne joue aucunement l’amertume d’un destin raté, ou le cabotinage des ringards, mais au contraire avec beaucoup de subtilité l’acceptation lucide d’une existence étriquée, sans rien d’extraordinaire, entre les planches qui vous brûlent encore, malgré tout, et un quotidien domestique ou suinte l’ennui. Un jeu d’une grande sobriété, retenu et fermement tenu, aussi concentré que cette mise en scène dépouillée, voire austère, ne cherchant pas l’effet mais privilégiant cette parole singulière, entourée parfois d’ombres fugaces s’imprimant sur les murs (œuvre du peintre Örjan Wikström). André Marcon la beauté, voilà, osons dire ça.   © Simon Gosselin   Anne-Marie la Beauté, texte et mise en scène Yasmina Reza Avec André Marcon Assistanat à la mise en scène Oriane Fischer Scénographie : Emmanuel Clolus Avec le peintre Örjan Wikström Lumières : Dominique Bruguière Assistée de Pierre Gaillardot Costumes : Marie La Rocca Coiffures et maquillage : Cécile Kretschmar Musique : Laurent Dunupt d’après Bach et Brahms, transcription pour main gauche de la Chaconne en ré mineur   Du 30 Novembre au 23 décembre 2021 Du mercredi au samedi à 20 h, le mardi à 19 h, le dimanche à 16 h   Théâtre de la Colline 15 rue Malte Brun 75020 Paris Réservations 01 44 62 52 52 www.billeterie.colline.fr      Read More →
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J'ai saigné, de Blaise Cendrars, mise en scène Jean-Christophe Cochard et Jean-Yves Ruf, Les Plateaux Sauvages
  © Alban Van Wassenhove   ƒƒ article de Nicolas Brizault En 1915, Blaise Cendrars, est dans la Légion étrangère, en Champagne, et il est blessé, on lui ampute le bras droit. Dans ce petit texte, J’ai saigné, qui fera partie de La vie dangereuse, publié en 1938, il raconte, décrit presque, l’évacuation des blessés, avec à la fois cris et silence. Douleur, souffrance, empathie des conducteurs d’ambulances qui tentent d’éloigner ces corps de la fureur. Blaise Cendrars sera déposé dans l’hospice religieux de l’évêché de Châlons-sur-Marne. J’ai saigné n’est plus alors les bombardements, les tranchées, mais ce qui en ressort, tente d’en ressortir, avec l’aide ici de madame Adrienne, un étrange concentré de bonté absolu, repérant chez Blaise Cendrars d’abord un ami avec lequel elle discute, expose l’anéantissement presque général dévastant cet hospice, sa lutte, sa fatigue qu’elle jugerait presque honteuse qui en ressort. Madame Adrienne trouve un allié chez cet homme et lui demande de l’aide, qu’il aille parler, parler encore et encore dans les chambres d’hommes foutus ou soutenir aussi ceux qui lentement vont s’en sortir. Jean-Yves Ruf est sur une scène quasi déserte, un lit vide, deux petites tables, le texte est si plein qu’il n’a pas besoin de grand-chose d’autre. Il a mis en scène cette violence et cette lutte contre avec Jean-Christophe Cochard. Tous les deux ont trouvé tant d’évidences dans ce texte qu’ils ont pensé les déposer, les lancer, pour que les images, les idées viennent d’elles-mêmes. La réussite se mêle ici au sale absolu de la guerre. Dans une simplicité considérable, voyez, seulement. Jean-Yves Ruf et Jean-Christophe Cochard ne se sont pas lancés dans une sur-présentation, dans d’obscènes vagues de démonstration. Le texte, une voix, un corps qui le transportent. Et cela suffit tout à fait. Ici ou là le fonctionnement s’affaisse. Comme si le rien splendide l’était trop justement, comme si le vide brandissait de petits panneaux expliquant son parfait fonctionnement. Alors là on sait que nous sommes dans le 20e, à Paris. Et puis la lumière revient, tout repart. Et Jean-Yves Ruf nous donne l’impression que nous sommes au calme, en toute sécurité et que nous lisons. Que Blaise Cendrars est là, page après page et que nous avons bien fait ce soir de choisir ce livre qui traînait dans la bibliothèque. Il y a explosions, nuits boueuses d’hivers, odeurs de la vie qui tente de rester là. Texte terrible, mise en scène et jeu épousant presque le calme pour mieux le faire retentir. Et il retentit. La guerre devant et derrière, la mort et la lutte contre, les hommes ne pouvant lutter contre le jeu des fous et les hommes et les femmes qui font tout pour. Images de 1915 et très contemporaines.   © Alban Van Wassenhove     J’ai saigné, de Blaise Cendrars Mise en scène Jean-Christophe Cochard et Jean-Yves Ruf Scénographie : Aurélie Thomas Création lumière : Christian Dubet Régie lumière : Arno Seghiri Avec Jean-Yves Ruf   Du 29 novembre au 11 décembre 2021 Du lundi au vendredi à 19 h et le samedi à 16 h Durée 1 h 20     Les Plateaux Sauvages 5 rue des Plâtrières, 75020 Paris   Réservations : 01 83 75 55 70 De 10 h à 13 h et de 14 h à 18 h info@lesplateauxsauvages.fr www.lesplateauxsauvages.fr      Read More →
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Les enfants éblouis, texte et mise en scène de Yan Allegret, avec Yann Collette, à L’Echangeur, Théâtre de Bagnolet
  © Jean-Rémy Moulona   ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot Le flottement de l’espace et l’ondoiement du temps comme un nouvel être au monde, comme une renaissance. Les rives de l’enfance passée comme un présent où amarrer nos âmes intranquilles. La lumière comme un aveuglement pour voir au-delà des apparences, pour voir en soi. Les mots comme le roulement des vagues, plongeant dans les profondeurs de l’être et rebondissant à la surface, sans cesse. Les enfants éblouis de Yan Allegret est tout cela et autre chose à la fois. C’est un jardin abandonné dont on aurait poussé la porte par hasard, sans savoir, vibrionnant d’une activité qui passera inaperçue aux yeux du promeneur pressé, mais qui procurera au spectateur vagabond la sensation rare de chasser les papillons, tant les images et les sensations sont fugitives, affleurent dans un affolement semblable au jaillissement d’une source. Un homme est assis dans un profond et usé fauteuil, et je me souviens de cet autre fauteuil, inoubliable, occupé en 2012 par Claude Duparfait (Des arbres à abattre de Thomas Bernhard, mis en scène par Célie Pauthe). Ici c’est Yann Collette qui s’y fond. Ce n’est pas le récit d’un narrateur aigri comme chez Thomas Bernhard mais le dialogue paradoxal qu’entretiendrait une voix intérieure, produite au plateau sous la forme d’une voix-off préenregistrée, et le soliloque, troué, désaccordé, ne tenant pratiquement plus par aucun fil, de cet homme, dont les mots sont égrenés comme à contretemps de la voix intérieure, trop tôt ou trop tard, comme un écho se diffractant entre deux niveaux de conscience, deux temporalités. Cet homme est dans une chambre qui pourrait être celle d’un EHPAD, ou d’une maison de convalescence… Cela a peu d’importance finalement, puisque le lieu qu’il habite est sans cesse réinventé par cette conjonction des temps et des espaces qu’il a le pouvoir de convoquer. La solitude, l’abandon, lui donnent ce pouvoir. C’est un passage entre deux rives, entre deux portes. Et le passeur en est Yann Collette, magnifique, d’une présence et d’une précision inouïes. Son visage, comme l’eau d’un lac, diaphane, où les souvenirs et les émotions appelés et cités à voix haute par cette voix intérieure se répercutent et y tracent leurs formes humaines, se succèdent comme la litanie des nuages dans le ciel. Son visage est le plus sûr et fidèle truchement de ce singulier objet théâtral par lequel l’œuvre communique avec le spectateur. Et c’est une magnifique leçon de théâtre que nous donnent Yann Collette et Yan Allegret : une présence muette peut exprimer l’inexprimable, une présence peut donner du corps au mot les plus évanescents, conjuguer le passé au présent. Dans le dispositif mis en place par Yan Allegret, il y a comme une inversion heureuse du procédé du cinéma muet où les mots dans les cartons venaient donner du sens aux images muettes : ici, c’est le visage de Yann Collette qui révèle le nerf et la chair du texte donné à entendre en voix off comme s’il s’y reflétait. A l’instar de la très belle et efficace scénographie conçue sur le principe de la réflexion : le fauteuil est une île sur un plan d’eau rectangulaire dont les ondes se reflètent sur l’écran de fond de scène. Les pas hésitants ou pleins d’allant de l’homme produisent des ondes à la surface de l’eau et c’est tout un paysage éphémère qui habite l’écran, un entrelacement de cursives blanches comme une écriture en constante réécriture. Le passé n’est pas fait d’eaux mortes nous rappellent Les enfants éblouis. Les eaux de notre enfance dorment simplement dans l’attente d’un piétinement de l’être.   © Jean-Rémy Moulona   Les enfants éblouis, texte et mise en scène Yan Allegret Avec : Yann Collette Collaboration artistique : Ziza Pillot Création sonore et musicale : Yann Féry Lumières et scénographie : Philippe Davesne, Yan Allegret Régie générale : Philippe Davesne   Durée : 1 h 20 Du 29 novembre au 4 décembre 2021 à 20 h   THÉÂTRE L’ÉCHANGEUR 59 avenue Général du Gaulle 93170 BAGNOLET Tél : 01 43 62 71 20 https://lechangeur.org      Read More →
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Eraser Mountain, mise en scène et texte Toshiki Okada, au T2G – Théâtre de Gennevilliers, avec le Festival d’Automne
  © Yuri Moriya   article de Nicolas Thevenot De cour à jardin : deux immenses boules blanches de la marque Evernew (après recherche sur le net : fabricant japonais de batteries de cuisine en titane ultra légères conçues pour les randonnées), deux cages de foot habillées de leur filet, différents containers en plastique remplis de gravier, un grand portrait de chat faisant face à un autre côté jardin, une fontaine avec jet d’eau probablement en résine, imitation pierre, dix-sept coudes à 90° de tuyauterie de diamètres divers, des balles de tennis jaune fluo formant un maillage incomplet du plateau, une rangée de ballons de volley jaunes fluo, une diagonale amorcée de grosses bouteilles de liquide lave-glace bleu, du matériel de sécurité routière parfaitement aligné comme tout le reste, un grand couvercle en plexiglas esseulé qui pourrait faire office de tribune, … bien d’autres objets encore dont la liste vous épuise probablement autant que moi… Avec poésie : un espace à la manière d’un Bricorama sous ecstasy ! Pendant ce temps, pendant trop longtemps, véritable supplice, une bétonnière rouge, flambant neuve, tourne à vide mais, amplifiée par un micro, déverse une chape de vacarme rendant inaudible tout autre son, sauf un récit, tendance P.O.L, rescapé par micro interposé. Emane un parfum de schizophrénie et maniaquerie dans l’installation méticuleuse de ces objets sur scène, fastidieux inventaire de l’anthropocène, alors même que paradoxalement son rigoureux ordonnancement ne semble obéir qu’à la gratuité, euphémisme de la vacuité. Eraser Mountain part et parle d’un monde où l’homme aurait la portion congrue, voire plus sa place du tout. Fin de partie pour l’anthropocène ! Egalement pour le spectateur ! Même si le metteur en scène anticipe nos réclamations et réplique dans la feuille de salle que cette sensation d’exclusion que nous pourrions ressentir n’est rien d’autre que la sensation de décentrement qu’il souhaite mettre en œuvre. Malgré la meilleure volonté du monde, je dois avouer avoir eu la désagréable sensation d’être non pas seulement exclu ou décentré, mais abandonné en rase campagne ce qui ne met jamais dans les meilleures dispositions pour accueillir une proposition artistique aussi radicale soit-elle. Et de revenir à la sempiternelle question : un spectacle qui aborderait l’ennui est-il forcément ennuyeux, un spectacle qui s’attaque à la violence est-il irrémédiablement insoutenable ? Un spectacle qui traiterait de ce monde d’objets, pris pour eux-mêmes, affranchis de l’homme et de son utilitarisme, objets trans d’une certaine façon, un tel spectacle sans humain doit-il nécessairement éjecter le spectateur ? Evidemment que non ! Il suffit de s’intéresser un peu plus sérieusement que l’on ne le fait d’habitude au cinéma burlesque, à Buster Keaton, à Jacques Tati, mais aussi à Chaplin, pour voir que ces artistes ont en commun d’avoir justement réussi à mettre en scène et en expériences sensibles la marginalisation de l’humain dans le monde mécanisé et automatisé qui menaçait de broyer la masse ouvrière. Et dans un rire à nous faire vivre et penser, ensemble, l’impensable. Laissons le dernier mot à Toshiki Okada : « Pour les arbres et les herbes agités par le vent, il n’y avait pas de spectateurs ». Alors, dans une douloureuse mise en abîme, je me retournai et regardai autour de moi les gradins encore peuplés du Théâtre de Gennevilliers comme s’il s’agissait d’un acte de résistance face à l’inconsistance et la prétention d’un théâtre qui s’imaginerait pouvoir exister sans spectateurs.   © Yuri Moriya   Eraser Mountain, dramaturgie et mise en scène : Toshiki Okada Scénographie : Teppei Kaneuji Avec : Izumi Aoyagi, Mari Ando, Yuri Itabashi, Takuya Harada, Makoto Yazawa, Leon Kou Yonekawa Costumes : Kyoko Fujitani Le T2G – Théâtre de Gennevilliers et le Festival d’Automne à Paris sont coproducteurs de ce spectacle et le présentent en co-réalisation. Avec le soutien de la Fondation pour l’étude de la langue et de la civilisation japonaises sous l’égide de la Fondation de France et de l’Onda.   Du 27 novembre au 1er décembre 2021     T2G – Théâtre de Gennevilliers 41, avenue des Grésillons, 32 230 Gennevilliers www.theatredegennevilliers.fr      Read More →
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Age of rage, d’après Euripide et Eschyle, adaptation de Koen Tachelet, mise en scène d’Ivo Van Hove, Grande Halle de la Villette
© Jan Versweyveld   ƒƒƒ article de Denis Sanglard L’origine de la violence. Ivo Van Hove interroge Euripide et Eschyle et plonge aux racines profondes du mal qui ronge notre humanité. La malédiction des Atrides, représailles cinglantes au défi lancé aux dieux par Tantale leur offrant son propre fils comme repas, en préambule. Et c’est une odeur âcre de chair brûlée pour un autre repas qui accueille les spectateurs ; Atrée, petit-fils de Tantale, est aux fourneaux, dépeçant les enfants de son frère Thyeste qui lui seront servis comme plat principal au dîner signant ainsi la malédiction de Thyeste sur Atrée et sa descendance, les Atrides. Voilà le premier acte de la catastrophe qui fige cette famille dans la haine, voit Agamemnon, fils d’Atrée, en partance pour Troie sacrifier sa fille Iphigénie pour l’intérêt de la Grèce, Clytemnestre venger le sacrifice d’Iphigénie en tuant l’époux infanticide, Electre et Oreste, leurs enfants exilés, venger le père en assassinant leur mère et son amant Egisthe. Ajoutons la vengeance d’Hécube, reine déchue de Troie, et le destin de sa fille Cassandre donnée en butin à Agamemnon… Pour qui ne suivrait pas, la généalogie et l’action sont résumées, projetées sur les murs au fil de l’action. De ce déchaînement de violence et de meurtres légitimés, de vengeance sourde et aveugle à la raison, de tragédie brutale et sèche, spirale de violence inouïe et sidérante qui aspire aux enfers chacun des personnages marqués du sceau vengeur d’Apollon, Ivo Van Hove ne fait qu’un seul et même récit, une seule geste. Infanticide, matricide et parricide, le déclin et l’éradication d’une famille cristallisée par la haine, c’est un engrenage fatal et irrépressible sous fond de guerre de Troie qu’Ivo Van Hove met en scène dans un dénuement absolu, une beauté des images, bluffantes par leur radicale simplicité, leur cruelle clarté. Mise en scène aride, sèche et dépouillée de tout artifice, toute entière tournée vers ses personnages écorchés vivants et saignés à blanc avant de rejoindre les Enfers. C’est un équarrissage en règle où les personnages sont dépecés, les nerfs mis à vifs, fouaillés au plus profond. Ivo Van Hove taille, dégraisse et racle jusqu’à l’os, extrait le suc de cette tragédie de sang et de boue, les mécanismes de la violence, la source de toute radicalisation, cette bascule brutale dans la barbarie, légitimé par un objectif supérieur et la conviction chevillée du seul moyen de changer le monde… Iphigénie, Les Troyennes, Agamemnon, Electre, Oreste, réunis sous le titre d’Age of Rage, c’est aussi notre tragédie contemporaine qui acte pour aujourd’hui et demain notre humanité en souffrance. Ivo Van Hove ne donnant volontairement aucune prise, il n’y a pas d’émotion mais une sidération devant l’enchaînement inéluctable et la brutalité des faits. Victimes ou bourreaux, tous déterminés par les dieux, il y a quelque chose d’implacable et de résolu en chacun qui désamorce toute empathie et que souligne la mise en scène implosive plus qu’explosive et une direction d’acteur qui privilégie à la démonstration l’intériorité. Tous, jeunes pour l’ensemble, remarquables, donnant à leur rôle une épaisseur, une densité sans débordement. Il y a dans leur personnage comme un renoncement, l’acceptation d’un destin soumis à la volonté des dieux. Ivo Van Hove à vrai dire ne s’attarde pas, va vite, accélère le mouvement. Ce qui semble importer ce sont les faits, leurs origines et leurs conséquences dramatiques. C’est une transe tribale collective, vertigineuse, celle-là même qui saisit parfois les protagonistes et le chœur comme pris soudain d’une fureur exutoire au rythme d’une musique qui les possède et ne les lâche plus. Et dans cette interrogation initiale sur l’origine de la violence, des enfants sacrifiés aux passions des adultes, Ivo Van Hove projette soudain la tragédie dans le présent. L’intervention finale d’Apollon levant la malédiction n’est ici pour lui qu’une convention dramaturgique qui n’arrête en rien le déchaînement de cette violence qui perdure aujourd’hui. La dernière image en ce sens est une conclusion sans appel.   © Jan Versweyveld   Age of Rage, d’après les textes d’Euripide et d’Eschyle Mise en scène Ivo Van Hove Traduction : Gerard Koolschijn Adaptation : Koen Tachelet, Ivo van Hove Dramaturgie : Koen Tachelet Chorégraphie : Wim Vandekeybus Scénographie & lumières : Jan Versweyveld Costumes : An D’Huys Musique et design sonore : Eric Sleichim Interprétation : Achraf Koutet, Aus Greidanus jr., Chris Nietvelt, Gijs Scholten  van Aschat, Hans Kesting, Hélène Devos, Ilke Paddenburg, Janni Goslinga, Jesse Mensah, Maarten Heijmans, Majd Mardo, Maria Kraakman et Birgit Boer Danseuses : Bai Li Wiegmans, Flory Curescu et Emma Hanekroot Performance musicale : BL!NDMAN  [batterie]  Hannes Nieuwlaet, Yves Goemaere, Ward Deketelaere Assistants de direction : Daniël ‘t Hoen, Rosemintje Verpaalen–Weijts, Konstantinos Vasilakopoulos (interne), Lisaboa Houbrechts (interne) Assistante dramaturge : Simone van der Steen (interne) Assistants scénographie : Bart Van Merode, Django Walon, Renée Faveer (interne) Assistants vidéo : Coen Bouman, Arjen Klerkx Assistant musique : George Dhawn Assistants chorégraphes : Laura Aris Álvarez, Rob Hayden Assistante costumes : Rosa Schützendorf Directeur technique : Reyer Meeter Direction de la production : Inge Zeilinga, Michiel van Schijndel Responsable du bureau artistique : Ulrike Bürger-Bruijs Assistante de production : Eva Sol Production technique : Joost Verlinden Équipe technique : Sebastiaan Kruijs (premier régisseur plateau), Kevin Cuyvers, Paul van der Zouwe, Pepijn van Beek, Emile Bleeker, Erwin Sterk, Timo Merkies, Dennis van Scheppingen, Ruud de Vos, Danne Hekman, Mark Thewessen, Manon van den Nouland, Zinzi Kemper, Tim Vleugel en Sander van Elteren, Wim Wildenbeest (interne) Costumes : Wim van Vliest, Farida Bouhbouh, Renske Kraakman Coiffure et maquillage : David Verswijveren, Mirjam Venema Couture : Claudia Pellegrini, Karianne Hoenderderkamp Chant répétitif : Mirjam van Dam Production décors : Fiction Factory Photographie : Jan Versweyveld, Dim Balsem, Fabian Calis Design graphique : Sara Fortuin (affiche), Serena Kloet (programme digital) Communication : Iris Istha Remerciements à Bart van den Eynde, Marije de Bruin, Wouter van der Hoeven   Rendu possible par Ammodo Avec le soutien de Johannes Vermeer Award     Du 27 novembre au 2 décembre 2021 Samedi, mardi, mercredi et jeudi à 19 h, dimanche à 15 h     Durée 3 h 45 Grande Halle de la Villette Espace Charlie Parker   Réservation 01 40 03 75 75 www.lavillette.com      Read More →
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Bajazet, en considérant le théâtre et la peste, d'après Jean Racine et Antonin Artaud, mise en scène de Frank Castorf, MC93 / Festival d'Automne à Paris
    © Mathilda Olmi   ƒƒƒ article de Denis Sanglard   Un Bajazet cul-par-dessus-tête ! Encore une fois, et comme toujours, Frank Castorf fait table rase de tout. Franck Castorf, docteur Frankenstein du théâtre qui n’aime rien tant que découper, démembrer, rassembler, ficeler serré entre eux des textes qui, en apparence seulement, sont aux antipodes les uns des autres mais au final s’éclairent mutuellement et sans aucun consensus, donnent à la scène un sérieux coup de fouet et au public, pour qui accepte de se laisser gifler, une sacrée secousse. L’art de la collision, du crash porté au plus haut. Racine et Artaud dans un même bateau… Combinaison pertinente et gagnante. Le théâtre de la cruauté, le théâtre et la peste, appliqué au poète classique, il fallait oser. Et ça marche ! Franck Castorf n’hésite pas et mêle au châtier le charretier, au grotesque le sublime, à la scansion du vers le cri inarticulé, au chaos obscur la clarté aveuglante, au théâtre la vidéo. Au champ, le hors-champ. Exaspération des sentiments à vifs, exaltation des corps à nu et inversement. Sur le plateau quasi vide, une tente aux allures de burqa pour sérail − tout un symbole − une effigie du sultan éclairé au néon ouvrant sur une cuisine-épicerie, une cage, les acteurs se livrent collectivement à une performance furieuse qui les mène hors d’eux-mêmes, au-delà du jeu, dans une transgression des conventions établies, un engagement total. Et le corps en avant, toujours, trahissant comme le préconisait Artaud l’obsession des personnages. Corps tout à la fois concret, présent, et métaphorique, pestiféré pour reprendre Artaud, atteint d’un mal spirituel, s’identifiant par là au théâtre. Le théâtre comme la peste révélateur d’un mal, d’un abcès qu’il faut crever collectivement. Un corps éminemment, hautement théâtral et combustible, porteur d’un sens et d’un souffle, d’où nait le cri. Inutile avec Bajazet et son sujet de chercher bien loin ce que cherche à purger Frank Castorf qui ne prend guère de gants pour jouer avec les clichés d’un orient de pacotille, fantasmé, une vision occidentale, voire coloniale, aujourd’hui livré au bouleversement et débordant sa violence jusqu’en occident. Bajazet histoire de trahison, de passions amoureuses et de politique qui voit la sultane Roxane sacrifier Bajazet, frère cadet du sultan, dont elle est amoureuse. Et Frank Castorf autopsie, déchire les chairs, brise les os, dépèce pour trouver le cœur battant, le sang, sinon l’âme de ses comédiens et des personnages, les deux ne faisant plus qu’un, dévoré l’un par l’autre. Racine est taillé à l’os, ne reste que les nerfs sensibles. Et ne cherchons pas de psychologie. Castorf, Artaud et Racine ont ceci en commun que seule la parole, le vers, est un acte en soi qui révèle et libère l’individu. Dire c’est révéler son être et créer une réalité. C’est se réinventer. Le théâtre et son double, Jeanne Balibar et ses doubles. Jeanne Balibar, incandescente, excelle dans cet exercice périlleux qui la voit se métamorphoser, d’un répertoire de boulevard putassier et ringard à la poésie racinienne la plus pure. User de sa voix unique avec laquelle elle compose en virtuose magistrale pour faire jaillir des émotions brutes qui semblent lui échapper. Jouer faux, gueuler comme un putois et puis tout soudain chanter, scander le vers à vous faire pleurer. N’être qu’haine viscérale, violence froide et tout soudain amoureuse à l’émotion pure, à fleur de peau et de nerf. Résolue et brutalement perdue. Oser bravache la nudité la plus crue, la plus trash. Être laide et d’une beauté ravageuse. Porter des perruques et des tenues invraisemblables entre haute couture et kitsch bling-bling. Tragiquement juste et crédible toujours sur cette crête sensible qui la voit passer sans heurt d’un répertoire l’autre, vaste spectre de jeux qu’on devine sans fin, dans un sentiment d’urgence absolu. Personnage écorché, déchiré, en crise, en fureur, possédé, en transe… L’intensité poétique d’Artaud, prise au pied de la lettre, traverse la poésie racinienne sublimée par cette incarnation paroxystique parfaitement contrôlée. Le théâtre et son double pour l’émergence d’une autre réalité jusqu’au trouble. Jeanne, Jeanne lui souffle son partenaire comme inquiet de tant de débordement vorace et d’oubli de soi. En apparence. Jeanne Balibar donne corps et le sien en premier lieu au théorie d’Artaud et au manifeste de Frank Castorf dont elle devient la chimère consentante. Et c’est d’une intelligence confondante, d’une profondeur inouïe. On est véritablement soufflé de ce qu’elle ose avec aplomb, sans ridicule, et qui ne l’épargne pas. Jean-Damien Barbin, Bajazet, n’est pas en reste dans ce registre, tout aussi inventif, auguste tragique et perdu, condamné. Ils sont d’ailleurs tous au diapason dans ce maelström infernal, sur ce ring qui les voit salement chahutés, mis en danger, prêts de chuter, à nu, transfigurés, embarqués avec une énergie sans faille dans une mise en scène inquisitrice et d’une folle liberté, les fouaillant, qui jamais ne les lâche. Une mise en scène prenant lentement son élan avant de s’abattre, implacable et brutale, vers sa résolution tragique puisque selon Artaud il ne peut y avoir que la guérison ou la mort.   © Mathilda Olmi   Bajazet, en considérant le théâtre et la peste, d’après Jean Racine et Antonin Artaud Mise en scène Frank Castorf Scénographie Aleksandar Denic Costumes Adriana Braga Peretzki Vidéo Andreas Deinert Musique William Minke Lumière Lothar Baumgarte Assistanat à la mise en scène Hanna Lassere Texte Jean Racine (Bajazet), Antonin Artaud Avec Jeanne Balibar, Jean-Damien Barbin, Claire Sermonne, Mounir Margoum, Adama Diop, 1 caméra live   Du 2 au 5 décembre 2021 à 19 h         MC93 9 boulevard Lénine 93000 Bobigny Réservation 01 41 60 72 72 www.mc93.com   Festival d’Automne à Paris www.festival-automne.com          Read More →
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Le corps des autres, une création de Marie Levy, au Théâtre de la Flèche
  © Marie Charbonnier   ƒƒ article de Denis Sanglard Splendeurs et misères des esthéticiennes et des comédiennes. Le corps des autres, réflexion sur l’injonction faites aux femmes du corps parfait. Elles sont deux sur le plateau mais aux deux bouts d’une chaîne, Sophia, l’esthéticienne et Marine, l’actrice, œuvrant pour la même industrie, le même commerce, la fabrique de la beauté. Loin du cliché, l’auteure Marie Levy adapte pour la scène l’enquête d’Ivan Jablonka, au titre éponyme, où l’on découvre le monde singulier de ces femmes de l’ombre, les esthéticiennes, au plus près des corps de leur cliente. Confidentes le plus souvent mais aussi spectatrices lucides d’une comédie humaine où le regard, essentiellement masculin, impose une norme qui pourrait ici se résumer dans une lutte acharnée contre le poil, la graisse et la ride… Avec ce paradoxe qu’elles-mêmes ne peuvent s’affranchir de ce carcan qui leur est imposé, une question d’image devant la clientèle, quand tant d’autres femmes aujourd’hui à l’heure de #metoo s’en libèrent pour se réapproprier leurs corps devenu un enjeu d’émancipation. C’est aussi leur condition, proche − sinon équivalent − du prolétariat et de l’exploitation, qui est dénoncée. Pour un métier choisi, une abnégation qui finit par lasser parfois. Un idéal qui s’effrite devant une réalité moins glamour qui les métamorphose en VRP d’une industrie cosmétique. Autre paradoxe, les actrices. C’est sur le documentaire de Delphine Seyrig Sois belle et tais-toi que Marie Levy appui son argumentaire. Le corps de l’actrice comme produit commercial et de marketing dans l’usine cinématographique, sur lequel on investit et que l’on peut remodeler physiquement pour qu’il corresponde aux normes du marché. A ce titre l’entretien avec Jane Fonda, donné ici, est sans appel. Et qui trouve dans les égéries de grandes marques de luxe son prolongement. Mais pour celles qui osent s’affranchir des normes imposées et montrer leurs poils aux aisselles, Julia Roberts en étendard, il est encore des détracteurs, dont nombre de femmes. C’est ce procès-là, intenté aux femmes par d’autres femmes, qui intéresse aussi l’auteure de cette pièce qui puise dans Mona Cholet et son essai Beauté fatale, sur la tyrannie du look. Tyrannie imposant de fait un stéréotype sexiste enfermant les femmes, qui ne pourraient vivre que dans la séduction, dans une subordination, une aliénation, voire une haine de soi. C’est tout ça qui est brassé dans cette création composite. Ce pourrait être un pensum, ça ne l’est heureusement pas. Si le propos est résolument engagé et féministe, n’éludant aucun paradoxe, il est rondement mené, non sans humour, par Rosalie Comby (l’actrice & la directrice de l’institut de beauté) et Chloé Lasne (l’esthéticienne). Le sujet est d’importance et d’actualité mais les dialogues sont vifs, rythmés, mis en situation avec originalité pour ne jamais vous assommer d’une pensée didactique. La mise en scène ne révolutionnera pas le genre mais quelques belles idées (la reprise des poses iconiques de stars pour un parfum célèbre comme un voguing infernal qui accuse par leur accumulation les clichés de la féminité…), quelques trouvailles (une voix de synthèse qui déréalise et robotise la femme comme un pur produit…), et une direction d’actrices au cordeau, toutes deux impeccables, retiennent l’attention.   © Marie Charbonnier   Le corps des autres, d’après Le corps des autres d’Ivan Jablonka et Sois belle et tais toi de Delphine Seyrig, adaptation et mise en scène de Marie Levy Collaboration artistique Samuel Petit Avec Rosalie Comby et Chloé Lasne   Du 9 octobre au 4 décembre 2021, tous les samedis à 19 h Du 8 au 29 janvier 2022, tous les samedis à 19 h     Théâtre de la flèche 77 rue de Charonne 75011 Paris   Réservations 01 40 09 70 40 Info@theatrelafleche.fr   Tournée : Du 16 au 22 avril, festival du JTN, Paris        Read More →
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Céleste, de Geneviève de Kermabon, Théâtre du Soleil, La Cartoucherie, Vincennes
© Christophe Raynaud de Lage ƒƒ article de Nicolas Brizault Céleste, c’est Céleste, une femme à la fois simple, drôle, étrange et un rien étrange, cette « vieille écuyère » – Geneviève de Kermabon – donc nous raconte sa vie, enfin plutôt sa carrière, au cirque. Bref, les deux. Ses débuts, ses entraînements avec son oncle, ce « dresseur redoutable », Joe Sheridan, à la fois sympa et exigeant. Ses amours, ah, ce « jeune acrobate », Simon Martin, et tout ce qui va avec. Il y a aussi ce portrait de clown, jeu de lumière, du vrai ou du faux ? C’est Patrick Vilet, « chanteur Lyrique », une image seulement ici. Céleste nous parle encore et encore de ses oreilles, ces garces un peu volumineuses qui lui font peur au début et ensuite non, plus du tout, alléluia ! Céleste est sur scène et à la fois en plein passé circassien, oui, joli mot, elle est heureuse, et fait apparaître de grosses bêtes pour que les images soient plus vraies, de vraies marionnettes donc, parce qu’au cirque il y a plein de magie, alors allons-y ! Céleste, c’est Céleste, bien entendu, avec tous les costumes possibles et imaginables, on a presque envie d’ajouter une foule de « youpi ! ». On écoute sagement, on rit, on pleure. Et puis c’est comme si parfois on entendait Geneviève de Kermabon elle-même, allez savoir, tout ce qu’elle a fait, eu envie de faire, tout ce qu’elle a jeté en l’air, juste pour voir comment ça redescendait sur terre. Un spectacle joyeux donc, Joe Sheridan est violent, terrifiant, et hop ! on éclate de rire. Simon Martin est différent, il est le joli garçon qui drague tout en montrant combien il apprend à surprendre, combien il sera encore plus doué dans un peu de temps. Céleste, c’est Céleste, ici cela fonctionne superbement, là on n’y croit pas trop. Impression qu’un peu plus de travail serait le bienvenu. La première soirée est toujours un peu difficile, il y en a une qui fait un pas de côté, du mauvais côté, la scène tout d’un coup dans le noir, c’était prévu ou bien c’est l’accident technique annoncé avant le spectacle qui se poursuit ? Le plastique blanc enveloppe bien mais refuse parfois à s’enlever comme il faut, il reste et grogne. Pas bien grave. Costumes, marionnettes, et personnages nous emportent, et les vrais aussi, ceux qui reviennent saluer, et cette joie, comme si, oui, il y avait eu de la magie et beaucoup de joie pour eux aussi…   © Christophe Raynaud de Lage   Céleste, conception et mise en scène Geneviève de Kermabon Avec Joe Sheridan (dresseur redoutable), Geneviève de Kermabon (vieille ecuyère), Simon Martin (jeune acrobate), et à l’image Patrick Vilet (chanteur Lyrique). Voix Jean Damien Barbin, Erik Gerken, Martine Minette. Peintures Laurence Forbin Musique originale Stéphane Leach, Pierre Ragu Régisseur Célio Ménard, Océane Martel Bestiaire Olivier Sion   Du 20 novembre au 19 décembre 2021 Du jeudi au samedi à 20 h Le dimanche à 16 h     Théâtre du Soleil Cartoucherie de Vincennes – 75012 Paris www.theatre-du-soleil.fr      Read More →
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A Bright room called day, de Tony Kushner, mise en scène de Catherine Marnas, au Théâtre du Rond-Point
© Pierre Planchenault   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Hitler, Reagan, Trump. Comment en arrive-t-on à ça ? Peintre raté, acteur raté, entrepreneur véreux comment nos démocraties ont-elles pu installer au pouvoir ces trois-là ? Nazisme, crypto-fascisme, montée des nationalismes, de glissement en glissement, c’est une sournoise et implacable mécanique où l’aveuglement le dispute à la compromission. Première pièce de Tony Kushner A bright room called day, étrange titre à vrai dire, qui ne fut pas un succès à sa création en 1985 mais provoqua un scandale, remaniée depuis par l’auteur lui-même devant la sidération provoquée par l’élection de Donald Trump, est mis en scène avec talent et force conviction par Catherine Marnas. Berlin, nuit du 31 décembre 1931, un groupe d’artistes et d’intellectuels fête le réveillon dans un appartement. Le nazisme est aux portes du pouvoir. Personne n’y croit, ne peut y croire. Comment ce petit moustachu, clown coprophage, pourrait-il faire peur ? Entre impuissance et aveuglement, ils seront tous emportés. A l’extérieur de cet appartement nous sommes à New-York, Reagan est le président des Etats-Unis, et Zillah, petite punkette lucide, ne cesse de dénoncer cet ultra-libéral qu’elle compare à Hitler, et le danger de sa réélection pour l’avenir de la démocratie. C’est elle aussi notre fil rouge qui déroule les évènements historiques qui en deux ans vit la fin de la république de Weimar et l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler. Qu’elle n’est pas sa stupéfaction de voir l’auteur de la pièce, dont elle est un des personnages, intervenir, et son incrédulité quand il lui annonce l’élection de Donald Trump. Qui aurait pu prévoir ? Tony Kushner met en miroir ces trois époques qui voient nos démocraties fragilisées et lentement basculer vers un autoritarisme crypto fasciste sous les coups de boutoir de crises économiques et d’un ultra-libéralisme décomplexé et triomphant qui accuse les inégalités. Ce sont les racines profondes du mal qu’il extirpe, ses rhizomes étendus, et les cécités idéologiques − ils sont communistes ou sympathisant −, la complaisance aussi, qui condamneront ici ce groupe berlinois d’abord sceptique sinon indifférent devant les évènements, hésitant à résister, avant d’en être les victimes. Le diable même est ici convoqué, qui intervient dans une scène hallucinante, dans l’hypothèse d’un pacte faustien envisagé. Nous sommes au théâtre tout y est possible. C’est aussi la dimension cabaret de cette création qui le permet, on y chante, et pour un peu on danserait sur ce volcan. Tony Kushner met en garde et, brechtien, rappelle incidemment que le ventre est encore fécond d’où surgira la bête. Cependant une photo projetée en fond de scène résume à elle seule la conclusion de ce glissement tragique et pourtant résistible. On y voit noyée au milieu d’une foule compacte, aux bras tendus uniformément dans le salut hitlérien, une petite bonne femme terrorisée, serrant contre elle son sac à main. C’est cette terreur-là, absolue, au centre d’un groupe adhérent, assujetti aux idées fascistes qui illustre sans doute le mieux le destin de ce groupe réuni dans cette nuit de décembre 1931 à 1932. Et le nôtre si nous n’y prenons pas garde. Tony Kushner fait de chacun un portrait complexe et jamais manichéen. Et Catherine Marnas visiblement s’est attachée à chacun d’eux, leur offrant la possibilité d’une partition extrêmement nuancée, tout en clair-obscur. Ils sont tous remarquables et poignants dans leur engagement ferme à défendre cette humanité en passe d’être broyée sous les bottes hitlériennes, entre résistance impossible, tentation de la compromission, la folie face à l’abjection. N’oublions pas non plus la belle énergie insolente de Zillah et l’avatar pirandellien de Tony Kushner, Xillah. Comme le fut Angels in America sept ans après cette première pièce, et comme aujourd’hui encore avec cette seconde version remaniée, Tony Kushner entre de nouveau en résistance devant le danger totalitaire qui menace et interroge frontalement notre propre capacité ou volonté à résister. Catherine Marnas s’en fait l’écho fébrile et c’est bien cette urgence et cette inquiétude qui traverse le plateau.   © Pierre Planchenault   A bright room called day de Tony Kushner Mise en scène Catherine Marnas Avec : Simon Delgrange, Annabelle Garcia, Tonin Palazzoto, Julie Papin, Agnès Pontier, Sophie Richelieu, Gurshad Shaheman, Yacine Sif El Islam, Bénédicte Simon Traduction : Daniel Loayza Assistanat à la mise en scène : Odile Lauriat, Thibaut Seyt Scénographie : Carlos Calvo Musique : Boris Kholmayer Son : Madame Miniature Assisté de Jean-Christophe Chiron, Edith Baert Conseil et préparation musicale : Eduardo Lopes Lumières : Michel Theuil Assisté de Clarisse Bernez-Cambot Labarta, Véronique Galindo Costumes : Edith Traverso Assisté de Kam Derbali Maquillage : Sylvie Cailler Projection : Emmanuel Vautrin Conception marionnettes : Thibaut Seyt Construction décors : Jérôme Verdon Assisté de Eric Ferrer, Marc Valladon, Loïc Ferrié   Du 23 novembre au 5 décembre 2021 à 20 h 30 Dimanche 5 décembre à 15 h Relâche le 28 et 29 novembre 2021     Théâtre du Rond-Point 2bis avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris Réservations 01 44 95 98 21 www.theatredurondpoint.fr   Tournée : 8 décembre 2021 : NEST-CDN transfrontalier de Thionville Grand Est 14 et 15 décembre 2021 : Comédie de Caen-CDN de Normandie 4-6 mai 2022 : Théâtre Olympia-CDN de Tours      Read More →
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Dimanche, conception Focus & Chaliwaté, au Théâtre Sylvia Monfort
  © Virginie Meigne   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Bon dimanche ! Trois reporters animaliers parcourent la planète pour filmer les espèces en dangers. Confrontés aux dérèglements climatiques, fonte des glaces, ouragan et tsunami, ils seront, chacun leur tour, les premiers à disparaître… Pendant ce temps-là, ignorant superbement l’apocalypse qui s’annonce, une famille s’apprête à passer un dimanche à la maison. Il fait chaud, la canicule s’installe. Tout bientôt fond dans la maison jusqu’aux pales du ventilateur. Qu’importe, la vie suit son cours. La tempête fait rage, un vent furieux s’engouffre, fait trembler les murs, emporte tout et les occupants peinent à résister. Qu’importe on fait avec, on fait comme si. Les océans débordent, la maison est engloutie, les poissons traversent désormais le salon. Qu’importe ça n’empêchera pas le réveil de sonner. C’est follement absurde et terriblement drôle. C’est une merveille d’intelligence, d’invention et de poésie. Et pourtant le message est clair, l’apocalypse a bien commencé. Et oui, c’est une création ouvertement écolo, made in Belgique. La compagnie Focus et la compagnie Chaliwaté se sont associées pour le meilleur et pour le rire. Théâtre gestuel, d’objets, de marionnettes. Ils sont acteurs et manipulateurs, as du bricolage en tout genre. Vidéastes, aussi. Ce qu’ils offrent sur le plateau est proprement ébouriffant et brasse l’artisanat avec la high-tech. Les objets ici, même les plus anodins, ont une âme insoupçonnée et de surprenantes métamorphoses. Les marionnettes sont hyperréalistes, à taille réelle et l’effet est saisissant, troublant même. On ne peut oublier cette imposante ourse polaire et son ourson qui symbolisent à eux deux la catastrophe qui s’annonce. La force de cette image, fulgurante dans sa brièveté, juste un bout de banquise qui se rompt éloignant le petit de sa mère endormie, le hurlement désespéré de celle-ci… Jouant également des perspectives, des différentes échelles, nos reporters en sursis semblent traverser des espaces infinis et oniriques, fragiles, ou parfois leur corps même font partie du paysage. Un corps étonnamment plastique qui donne toute sa mesure dans le burlesque, corps contraint de fait par les éléments déchaînés et l’imprévu des évènements qui les oblige à de sacrées contorsions. Tout est très soigné dans cette création, un grand souci du moindre détail, jusqu’au son lui-même qui participe de cette ambiance parfois, malgré les fous-rire, quelque peu anxiogène. Le bruit de la glace qui craque sous leur pas avant de s’effondrer, le bruit infernal du vent qui finit par rendre fou, jusqu’au final, ce tsunami qui semble déferler du plateau, brutalement plongé dans le noir, jusque dans la salle ; rien que ce son-là, amplifié, terrifiant dans cette obscurité, nous l’avons longtemps après dans l’oreille. Et avec un sens du raccourci qui vaut mieux qu’un long discours, une longue démonstration, la toute dernière image de cette création – nous n’en dirons rien – dans sa radicalité vous laisse pantois, augurant d’un avenir pas très réjouissant.   © Virginie Meigne   Dimanche, écriture et mise en scène Julie Tenret, Sicaire Durieux, Sandrine Heyraud Interprétations : Julie Tenret, Sicaire Durieux, Sandrine Heyraud En alternance avec Muriel Legrand, Thomas Duchaufour, Shantala Pèpe ou Christine Heyraud Regard extérieur : Alana Osbourne Marionnettes : Joachim Janin (WAW Studio)  et Jean-Raymond Brassinne Collaboration Marionnette : mmanuel Chessa, Aurélie Deloche, Gaëlle Marras Scénographie : Zoé Tenret Construction décors Zoé Tenret, Bruno Mortaignie (LS Diffusion), Sébastien Boucherit, Sébastien Munck Création lumières : Guillaume Toussaint Fromentin Création sonore : Brice Cannavo Réalisation vidéo et direction photographique : Tristan Galand 1er assistant caméra : Alexandre Cabanne Chef machiniste : Hatuey Suarez Prise de vue sous-marine : Alexandre Brixy Prise de vue vidéo : JT Tom Gineyts Post-production vidéo : Paul Jadoul Son vidéo : Jeff Levillain (studio chocolat-noisette) et Roland Voglaire (Boxon Studio) Aide costumes : Fanny Boizard Régisseur général : Léonard Clarys Régisseurs : Léonard Clarys, Isabelle Derr ou Hugues Girard ou Guillaume Toussaint-Fromentin     Du 16 au 28 novembre 2021 à 20 h (relâche  les jeudis et le lundi 22 novembre) Grande salle, durée 1 h 15     Le Monfort Théâtre 106 rue Brancion 75015 Paris Réservations 01 56 08 33 88 www.lemonfort.fr   Tournée : 2021 : 2-3 décembre : Ma Scène Nationale De Montbéliard, Montbéliard 7-8 décembre : Les Scènes Du Jura – Scène Nationale,  Lons-Le-Saulnier 16-18 décembre : Le Quartz, Scène Nationale, Brest 2022 : 21-22 janvier : Le Safran, Amiens 26-27 janvier : Le Théâtre, Laval 29-31 janvier : Centre Culturel Jacques Duhamel, Vitré 3-4 février : Théâtre du Pays de Morlaix 8-9 février : La Ferme Du Buisson Scène Nationale, Marne-La-Vallée 11-12 février : Théâtre du fil de l’eau, Pantin 07-08 mars : Théâtre Municipal de Grenoble 10-11 mars : Maison Des Arts, Thonon 15- 17 mars : Centre Culturel de Dinant 20-21 mars : L’Azimut, Anthony, dans le cadre du festival MARTO ! 24-25 mars : Quartier Libre, Ancenis 28-29 mars : Quai Des Arts, Pornichet A l’étranger : 11-12 décembre 2021 : Équilibre – Nuithonie, Villars Sur Glâne, Suisse 17-18 février : Centre Culturel D’Uccle, Bruxelles, Belgique 24 février : Tiel, Pays Bas 26 février : Delft, Pays Bas 01 mars : Groningen, Pays Bas 03 mars Drachten, Pays Bas 06-09 avril : Tournée en Finlande 13-16 mai : Fidena Festival, Recklinghausen (Allemagne) 17-18 juin : Wolubilis, Bruxelles, Belgique 16-18 juillet : Taichung National Theater, Taichung (Taiwan)      Read More →
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Les filles du Saint-Laurent, de Rébecca Dérape, en collaboration avec Annick Lefebvre, mise en scène d’Alexia Bürger, Théâtre de la Colline
  © Philippe Brault   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Mathilde, Anne, Rose, Charlotte, Lili, Manon, Dora, Elodie. Ce sont les filles, les femmes du Saint-Laurent. Il y a Martin, aussi. Et le Fleuve, le Saint-Laurent. De Coteau-du-Lac à Lourdes-de-Blanc-Sablon, du nord au sud, en passant par Québec, le fleuve charrie des cadavres, recrachés sur ses rives. Corps non identifiés découverts par ces femmes, cet homme, au hasard d’une marche, d’un rencard clandestin, d’une pause cigarette… De cette sidération, de cette confrontation brutale et inouïe avec la mort, les personnages vont se révéler à eux-mêmes. De ces vies somme toute banales, coincées dans un quotidien qu’elles et lui subissent, elles et lui vont se libérer, faire jaillir une force de vie qu’elles et lui ne soupçonnaient pas. Femmes se révélant fortes, puissantes même, étonnées de ce qui s’ouvrent à elles. Homme se révélant fragile, désarmé, étonné de ce qui lui échappe. Et le fleuve en dialogue comme un miroir de ces émotions qui les traversent… Les filles du Saint-Laurent ce sont des portraits de femmes, de différentes générations, vies minuscules dans les rets d’un quotidien qui les broie lentement et dont le destin bascule un jour sur les rives du Saint-Laurent. Parcours singuliers qui dessinent un portrait général de la condition féminine où l’intime devient l’universel. Et puis il y le portrait du Saint-Laurent, figure centrale de cette création qui définit le territoire de chacune, intime, géographique, historique. Impulse une dynamique, un courant qui les emporte aux confins d’elle-même au risque de se perdre. Annick Lefebvre et Rebecca Déraspe signent une œuvre bouleversante, résolument engagée, féministe. Ce n’était sans doute pas la volonté première, disent-elles, mais l’évidence est là, nous saute aux yeux. De ces vies subies, de ses situations imposées par la toute-puissance du patriarcat, de ces femmes dépossédées d’elles-mêmes, et de cet homme, très beau et juste contrepoint parce que tout aussi sensible, elles dressent un portrait sans concessions, sans la rage qui aveugle mais terrible de lucidité âcre et de vérité aigüe. Il n’y a pour elles aucun sujet tabou. Violences conjugales, alcoolisme, drogue, sexualité, jouissance, frigidité… l’écriture est crue, directe, violente même, qui vous ravage et vous fracasse. Le tragique le dispute à l’humour au rythme des émotions qui les traversent tous. C’est d’une sensibilité écorchée qui vous cisaille net. Et cette œuvre chorale, cette parole libérée est magistralement mise en scène par Alexia Bürger. Plateau nu, en pente légère, la parole se succède comme un flot irrépressible et continu, tout en fluidité. Le rythme épouse les méandres du Saint-Laurent, ce fleuve ici personnifié, tumultueux ou apaisé mais jamais en repos. On ne perd rien de ce qui est dit, la parole est frontale, aux spectateurs adressés, témoins impuissants de destins en proie au chaos avant la résilience. Les corps aussi parlent, ensemble ou séparément, chorégraphiés, exprimant l’ineffable, l’insoutenable parfois, de quelques impulsions, de quelques gestes ébauchés. Alexia Bürger tisse entre les personnages des fils ténus et solides, trame serrée d’une toile qui les enserre dans une communauté de destin pour ne faire bientôt qu’une entité. Et pour soutenir, défendre une œuvre si dense et volontaire il fallait bien ces actrices-là et cet acteur-là. Dirigés de main-de-maître, engagés avec force dans l’appréhension de cette écriture fleuve, ils offrent à leurs personnages fouaillés au plus profond, jusqu’à l’écorchure, une incroyable et belle humanité, bouleversants de vérité données sans fard, sans retenue, sans pudeur, sans bouffissure. D’une justesse âpre, rugueuse et qui vous prend aux tripes.   © Philippe Brault   Les filles du Saint-Laurent de Rebecca Déraspe en collaboration avec Annick Lefebvre Mise en scène d’Alexia Bürger Avec Annie Darisse, Marie-Thérèse Fortin, Ariel Ifergan, Louise Laprade, Gabrielle Lessard, Marie-Eve Milot, Emilie Monnet, Elkahna Talbi, Catherine Trudeau, Tatiana Zinga Botao Assistanat à la mise en scène : Stéphanie Capistan-Lalonde Scénographie : Simon Guilbault Costumes : Julie Charland assistée d’Yso Lumières : Marc Parent Musique : Philippe Brault Accessoires : Julie Measroch Maquillages et coiffures : Angelo Barsetti Conseil aux mouvements : Wynn Holmes Régie : Stéphanie Capistan-Lalonde   Du 4 au 21 novembre 2021 à 20 h Théâtre de la Colline 4 rue Malte-Brun Réservations 01 44 62 52 52 www.colline.fr   Tournée : 18 janvier-12 février 2022 Au centre du Théâtre d’aujourd’hui-Montréal      Read More →
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Bandes, conception, écriture et mise en scène de Camille Dagen en binôme avec Emma Depoid, à La Commune – Aubervilliers, avec le Festival d’Automne
  © Jean-Louis Fernandez    ƒƒ article de Nicolas Thevenot Dévaler la pente d’une rue, comme si l’on poursuivait son corps entraîné par la gravité du temps. C’est probablement la sensation que j’ai ressenti à la fin du confinement lorsque pour apprécier physiquement la fin de certaines restrictions je partis des Lilas jusqu’au centre de Paris en dévalant notamment la rue de Belleville. C’est aussi cette rue que descend à pied le premier narrateur de Bandes en l’an 79 du calendrier républicain tout juste rétabli par la Commune de Paris. Il serait pertinent de nommer l’acteur qui porte ce récit : Thomas Mardell, tant sa parole semble éclore dans l’ici et le maintenant du plateau, en parfaite continuité du précédent et premier spectacle du collectif Animal Architecte, Durée d’exposition. Le trouble est flagrant devant cette subtile grâce à faire ramifier et affleurer dans l’instant présent un temps que l’on croyait perdu : par une étrange porosité entre deux époques pourtant disjointes, comme chez Modiano, Thomas Mardell fait surgir un attroupement, des gens qui se passent des pavés, qui construisent une barricade. Comme une évidence à faire, à laquelle se rallier sans même avoir à y réfléchir. Nous y sommes : dans cet imaginaire si bien décrit par Kristin Ross : cette Commune de Paris, qui brille comme un phare dans l’étoilement des amitiés à travers les âges. C’est de cette lumière et de cette liberté de vivre et construire ensemble que cherche à s’éclairer Bandes. De 1871, passons à 1978, et de Paris à San Francisco : le temps quand on l’aperçoit rétrospectivement est affaire de couches, de bandes, se superposant les unes aux autres. Ici le dernier concert des Sex Pistols. Une journaliste en est la messagère, notant ce qu’elle voit, ce qu’elle ressent, d’un moment qui ne ressemblera à aucun autre. Comme le jeune homme de la Commune. Comme cet autre garçon à venir se remémorant son premier émoi, et son premier baiser une nuit avec un autre garçon. Et l’on pense ici, comme un raccourci absolu, à La naissance de la tragédie de Maxime Curvers où le théâtre s’effectuait dans toute sa puissance comme le messager et le témoin de temps révolus, de corps disparus. Que le théâtre, c’est peut-être avant tout cela une façon de faire dans le présent sa place au passé, de ne pas le regarder avec des yeux morts. C’est ici que Bandes se fera le plus lyrique, le plus près de l’indicible et qu’il nous parlera le plus surement. Car Bandes est construit en deux parties. Avec un interlude musical qui est d’une majestueuse simplicité, d’une espièglerie folle. La « Chanson de la fourrière » sera couronnée, n’en doutons pas, par l’Académie Charles Cros ! Chapeau bas à l’artiste ! Après avoir construit un dispositif de l’ordre de l’immersion sensible, Bandes entame une deuxième partie, intitulée Mémoires, au sens de recueil de souvenirs choisis, et migre vers un mode beaucoup plus spectaculaire en se proposant de rejouer en les pastichant plusieurs moments de la télévision ou de la radio des années 70 et 80 : du chanteur des Sex Pistols après la séparation du groupe, à Gil Joseph Wolman (membre fondateur de l’International Situationniste, puis exclu par Debord), jusqu’à Godard et Anna Karina chez Ardisson. Dans l’esthétique du spectacle en cours, c’est comme si l’on avait changé de terrain de jeu, comme s’il s’agissait d’un désaccordage, pour essaimer de nouvelles formes. C’est audacieux, périlleux et c’est en particulier magique avec Gil Joseph Wolman tant cette parole est une surprise et un pavé dans la mare ou dans la gueule des institutions culturelles. Le culot magistral d’un regard éclairé. On regrettera toutefois dans cette deuxième partie les scènes de groupe intercalées et introduisant ces interviews, scènes trop « utilitaires » pour ne pas être en force. Au sortir de ce grand voyage, Bandes n’en demeure pas moins une captivante et intrigante expérience, tel un regard dans le rétroviseur peuplant une rue déserte de gestes et d’existences qu’on avait cru révolus.     Bandes, très librement inspiré de Lipstick traces : une histoire secrète du XXe siècle de Greil Marcus (avec la complicité des éditions Allia) Conception, écriture et mise en scène Camille Dagen, en binôme avec Emma Depoid, scénographe Dramaturgie : Mathieu Garling Assistanat à la mise en scène : en tournée Lucile Delzenne Régie générale et régie plateau : Edith Biscaro Création lumière : Sébastien Lemarchand Compositeur : Kaspar Tainturier-Fink Création vidéo : Germain Fourvel Création costumes : Emma Depoid Régie lumière : Nina Tanne Régie son : Félix Philippe Régie vidéo : Emma Depoid   Avec Théo Chédeville, Hélène Morelli, Roman Kané, Thomas Mardell, Nina Villanova (exceptionnellement remplacée par Camille Dagen à Aubervilliers)   Durée : 2 h 50 Du 17 au 21 novembre 2021   La Commune – CDN Aubervilliers 2 rue Edouard Poisson 93300 Aubervilliers Tél : +33(0)1 48 33 16 16 www.lacommune-aubervilliers.fr   Tournée : Théâtre Olympia – CDN (Tours) : du 01 au 04 décembre 2021 Le Gallia – Théâtre de Saintes (Saintes) : le 07 décembre 2021 Points Communs, Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise / Val d’Oise, avec le Festival d’Automne à Paris (Cergy-Pontoise) : du 09 au 11 décembre 2021 Le Maillon, Théâtre de Strasbourg – Scène européenne : du 11 au 13 janvier 2022        Read More →
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Pièce d’actualité n°16 – Güven, conçue et mise en scène par Jérôme Bel, Maxime Kurvers, Marie-José Malis et Marion Siéfert, à La Commune – CDN Aubervilliers
  © Willy Vainqueur     ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot « Le monde entier est un théâtre, et les hommes et les femmes ne sont que des acteurs » a écrit Shakespeare dans Comme il vous plaira. « Le théâtre n’est plus le monde » semble lui répondre Diane Scott en 2021 dans son essai S’adresser à tous. Quant à Güven, il s’interroge auprès de Marie-José Malis : Pourquoi entre notre monde et le théâtre il y a un fossé ? A ce pourquoi, ils sont nombreux, directeurs de théâtre, artistes, sociologues, à avoir tenté de donner des réponses mais force est de constater qu’elles n’ont jamais rempli ce fossé qui s’est probablement encore plus creusé ces dernières années. Ce n’est donc pas peut dire que la dernière pièce d’actualité de La Commune (la 16ème comme Louis, pourrait dire Güven) est exceptionnelle et qu’elle fait exception y compris dans ce cycle de productions pensées en lien avec les habitants d’Aubervilliers et de Seine-Saint-Denis, tant la propulsion de ce jeune homme d’Aubervilliers sur la scène de La Commune a le pouvoir d’inverser les attendus, les rôles et les scènes. Car, en premier lieu, ce projet est né de son propre désir, c’est important de le souligner, et non du désir d’un metteur en scène comme c’est habituellement le cas, lequel recherche ensuite des acteurs locaux pour le mettre en œuvre. Ici, quatre metteurs en scène se sont mis au service de ce jeune homme de 28 ans, né, ayant étudié, travaillant et vivant à Aubervilliers. Et puis, généralement, c’est le théâtre qui se propose de venir en aide aux territoires en difficulté (officiant ainsi aux ordres de la main gauche de l’Etat). Ici, c’est Güven qui vient en aide à un théâtre public en difficulté dans sa vocation. Il y a dans Pièce d’actualité n°16 – Güven comme un coup de force, comme un renversement symbolique qui émeut autant que le retour du fils prodigue. Il y a dans la prise de pouvoir sur la scène de ce théâtre par un jeune des cités, comme un retour décalé à l’origine du théâtre de la cité (grecque). Jamais la critique du théâtre, comme institution culturelle de notre époque, et de son public usuel, n’aura été plus justement et légitimement menée que par cet assaillant du quartier du Pont-Blanc ! Güven Tugla est donc mis en scène successivement par Maxime Kurvers, Jérôme Bel, Marie-José Malis et Marion Siéfert. Comme autant d’éclairages. Regarder et mettre en scène un acteur, c’est aussi dévoiler une part du désir du metteur en scène. Et c’est, en filigrane et par un contraste encore plus vif par le montage des séquences ainsi s’enchaînant, un portrait en creux de ces quatre metteurs en scène. Maxime Kurvers, penseur et historien subtil, reprenant le procédé de sa magnifique Naissance de la tragédie mais en le détournant par le one man show et en faisant de Güven le témoin-vierge effarouché du théâtre décoiffant et quelque peu provocateur de Rodrigo Garcia ; Jérôme Bel, lyrique et concepteur, faisant se fracasser rap et Wagner sur une Mercedes, sublime crash test, forcément sublime ; Marie-José Malis, sous le charme du jeu, s’offrant sur un plateau et donnant les rênes à Güven pour de magistrales séquences de drôleries grecques (Héraclès et ses coucougnettes) puis moliéresques (Bourgeois Gentilhomme, mention spéciale à Momo Shark !) ; enfin Marion Siéfert, sculptant, ciselant, ce moment de vie dans l’épaisseur du réel, pour un récit plus retenu et grave, tissant ses fils jusque dans le monde de twitter et snap. Dans cette entreprise, Güven impressionne par sa facilité à s’emparer et jongler des codes et des conventions : qu’ils soient théâtraux, comme cette façon de manier la perruque et le costume de gentilhomme avec la même aisance ludique et impertinente à jouer de la langue de Molière, comme une critique réactualisée des origines sociales qui partitionnent notre monde; qu’ils soient sociaux, comme cette Mercedes, ces baskets Nike, et même : ce public parisien à La Commune, comme autant de valeurs dont Güven gère le cours comme à la bourse. Güven a bien compris que ce monde est un monde de signes, qu’il reprend avec malice et en fin politique, décode en déconnant, et déterritorialise en les reterritorialisant dans le pur présent du spectacle. Venons-en au principal : Güven est un acteur né, dont l’intelligence du plateau est remarquable. Il a cette puissance de répartie qui fait mouche, sans avoir à sortir de ses gonds. Il sait d’où il parle mais parle à tous. Il a cette assurance magnifique, lui qui n’était pourtant pas attendu là, et puis il a cette réserve et délicatesse souveraines dont il semble sortir à chaque instant pour nous accueillir. Reprenons les mots de Marie-José Malis : c’est un génie comique et mélancolique, puis reprenons au tout début de la soirée lorsque Güven entra dans la danse : il sait jouer des coudes et il en a sous le coude !   Pièce d’actualité n°16 – Güven, conception et mise en scène Jérôme Bel, Maxime Kurvers, Marie-José Malis et Marion Siéfert Avec Momo Bouri, Güven Tugla Création lumière : Jessy Ducatillon Création son : Géraldine Dudouet Habillage : Agathe Laemmel   Dans le détail : Güven Antoine, conception et mise en scène Maxime Kurvers Récit improvisé : Güven Tugla Danse : Güven Tugla, Jérôme Bel Scénographie : Maxime Kurvers, Jérôme Bel Costume : Güven Tugla Musique : Teni Remerciements Rodrigo Garcia Durée 20 minutes   Mercedes 1&2, concept Jérôme Bel Montage : Maxime Kurvers Scénographie : Maxime Kurvers, Jérôme Bel Costume : Güven Tugla Musique : Key Largo, Richard Wagner Durée 9 minutes   Hercule, Güven et Le Bourgeois Momo, dramaturgie, mise en scène de Momo Bouri, Marie-José Malis, Güven Tugla Interprétation : Momo Bouri, Marie-José Malis, Güven Tugla Costumes : Valentine Solé Musique, INTRIGUE Call of the heart Durée 35 minutes   Mon daron, texte, conception et mise en scène Marion Siéfert D’après le récit et les improvisations de Güven Tugla Assistanat à la mise en scène : Mathilde Chadeau Costumes : Valentine Solé Durée 40 minutes     Du 17 au 28 novembre 2021 Mardi à 14 h 30, mercredi 17 à 20 h 30, mercredi 24 & jeudi à 19 h 30, vendredi à 20 h 30, samedi à 18 h, dimanche à 16 h     La Commune – CDN Aubervilliers 2 rue Edouard Poisson 93300 Aubervilliers Tél : +33(0)1 48 33 16 16 www.lacommune-aubervilliers.fr        Read More →
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La Forteresse du sourire, mise en scène et texte Kurô Tanino, au T2G – Théâtre de Gennevilliers, avec le Festival d’Automne
  © Takashi Horikaw     ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot Savez-vous comment se dit western spaghetti en japonais ? Non? Alors gardez bien l’oreille attentive sans vous laissez absorber complètement par la lecture des sur-titrages, et La Forteresse du sourire vous apprendra que, comme en français, il s’agit de mots importés mais différents puisqu’il s’agit de : macaroni western. Cette introduction vous paraîtra peut-être déplacée ? Et pourtant elle est bien dans l’esprit ludique et poétique, à peu de frais, du metteur en scène et auteur Kurô Tanino comme cet air de banjo très western et assez incongru, au moins dans un premier temps, rythmant les ellipses temporelles de La Forteresse du sourire. Et puis, si l’on veut bien y réfléchir, à la suite de Kurô Tanino qui instille subtilement cette hypothèse, l’existence n’est peut-être qu’une question de déplacement, de déménagement. Et d’emplacement. Sur la scène du T2G, deux maisons japonaises mitoyennes, de plain-pied, sans étage, dont l’intérieur, réduit à la taille d’un petit studio, est visible comme s’il s’agissait d’un plan de coupe. A la manière d’un Tati donnant à voir simultanément la vie de familles habitant les appartements contigus d’un immeuble de verre, à la manière d’un split screen chez de Palma, la scénographie ultra réaliste de La Forteresse du sourire nous donne à voir les vies parallèles de Takeshi, pêcheur et célibataire, la cinquantaine, entouré de ses trois amis et camarades de pêche formant une sorte de famille choisie, et Tsutomu, divorcé, fonctionnaire municipal, emménageant la maison mitoyenne et vide jusque-là, avec sa mère souffrant de la maladie d’Alzheimer, sa fille étudiante lui rendant visite et apportant son aide quand son père le lui demande. Au vu de ce résumé, on pourrait penser à un ou deux films d’Ozu, le jeu des comédiens assez naturalistes pointant également vers cette même esthétique. Et pourtant quelque chose de plus vague, de plus profond, nous enveloppe et nous dépasse. Dans la succession des scènes qui s’entrelacent entre les deux espaces, une instance supérieure semble présider. Rien de mystique. Appelons cela la vie, ce système de vases communicant qui alterne les flux de vies de part et d’autre de la séparation des deux espaces. La vie aussi, cette loi qui fait que le rire et la joie et la jeunesse sont juxtaposés à la tristesse et au silence et à la vieillesse. N’y cherchons pas de morale ni de justice, ces inventions de l’homme pour se donner l’illusion de gouverner son destin. Des connexions, des flux entre les choses infimes du quotidien s’établissent et s’offrent à la contemplation dans ce dispositif de la transparence, apparaissent comme grossis à travers une double loupe. La Forteresse du sourire est une expérimentation mentale, comme un cerveau monde scrutant une humanité en miniature dans ces deux logements. Seul échappe à ce regard omniscient l’esprit de cette mère sénile qui semble avoir fui vers d’autres espaces et d’autres temps. La Forteresse du sourire tire enfin sa beauté inouïe des climats lumineux qu’elle produit avec un raffinement impressionniste : l’or d’une fin d’après-midi se diffractant à travers les carreaux sales donnant sur la coursive, ou encore cette lumière froide au petit matin quand les marins rentrent de leur pêche, ou enfin cette nuit éclairée pour l’un par un téléviseur diffusant un western de « Clinston » (Clint Eastwood) et pour l’autre à la lueur d’une lampe, penché sur un livre qu’il avouera ne pas bien comprendre, Le vieil homme et la mer. Cette évolution des lumières à travers le spectacle est d’une justesse incroyable, prenant en charge quelque chose d’une indicible dramaturgie, déployant un universel reliant ces deux vies que tout oppose. Et comme un bain photographique, révélant cette irréductible solitude humaine qui est paradoxalement notre lot commun !   © Takashi Horikaw   La Forteresse du sourire, mise en scène et écriture : Kurô Tanino Traduction française : Miyako Slocombe Avec : Susumu Ogata, Kazuya Inoue, Koichiro F.O. Pereira, Masato Nomura, Hatsune Sakai, Katsuya Tanabe Régisseuse et régisseur : Masaya Natsume, Kodachi Kitagata Scénographie : Takuya Kamiike Assistant scénographe : Kanako Takechi Lumières : Masayuki Abe Sons : Koji Shiina Managers tournées : Shimizu Tsubasa, Chika Onozuka   Durée : 1 h 50 en japonais surtitré Du 20 au 28 novembre 2021 Lundi, mercredi, jeudi, vendredi à 20 h, samedi 18 h, dimanche 16 h     T2G – Théâtre de Gennevilliers 41 Av. des Grésillons 92230 Gennevilliers Tél : 01 41 32 26 10 https://theatredegennevilliers.fr      Read More →
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