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Eraser Mountain, mise en scène et texte Toshiki Okada, au T2G – Théâtre de Gennevilliers, avec le Festival d’Automne

Déc 02, 2021 | Commentaires fermés sur Eraser Mountain, mise en scène et texte Toshiki Okada, au T2G – Théâtre de Gennevilliers, avec le Festival d’Automne

 

© Yuri Moriya

 

article de Nicolas Thevenot

De cour à jardin : deux immenses boules blanches de la marque Evernew (après recherche sur le net : fabricant japonais de batteries de cuisine en titane ultra légères conçues pour les randonnées), deux cages de foot habillées de leur filet, différents containers en plastique remplis de gravier, un grand portrait de chat faisant face à un autre côté jardin, une fontaine avec jet d’eau probablement en résine, imitation pierre, dix-sept coudes à 90° de tuyauterie de diamètres divers, des balles de tennis jaune fluo formant un maillage incomplet du plateau, une rangée de ballons de volley jaunes fluo, une diagonale amorcée de grosses bouteilles de liquide lave-glace bleu, du matériel de sécurité routière parfaitement aligné comme tout le reste, un grand couvercle en plexiglas esseulé qui pourrait faire office de tribune, … bien d’autres objets encore dont la liste vous épuise probablement autant que moi…

Avec poésie : un espace à la manière d’un Bricorama sous ecstasy !

Pendant ce temps, pendant trop longtemps, véritable supplice, une bétonnière rouge, flambant neuve, tourne à vide mais, amplifiée par un micro, déverse une chape de vacarme rendant inaudible tout autre son, sauf un récit, tendance P.O.L, rescapé par micro interposé.

Emane un parfum de schizophrénie et maniaquerie dans l’installation méticuleuse de ces objets sur scène, fastidieux inventaire de l’anthropocène, alors même que paradoxalement son rigoureux ordonnancement ne semble obéir qu’à la gratuité, euphémisme de la vacuité.

Eraser Mountain part et parle d’un monde où l’homme aurait la portion congrue, voire plus sa place du tout. Fin de partie pour l’anthropocène ! Egalement pour le spectateur ! Même si le metteur en scène anticipe nos réclamations et réplique dans la feuille de salle que cette sensation d’exclusion que nous pourrions ressentir n’est rien d’autre que la sensation de décentrement qu’il souhaite mettre en œuvre. Malgré la meilleure volonté du monde, je dois avouer avoir eu la désagréable sensation d’être non pas seulement exclu ou décentré, mais abandonné en rase campagne ce qui ne met jamais dans les meilleures dispositions pour accueillir une proposition artistique aussi radicale soit-elle. Et de revenir à la sempiternelle question : un spectacle qui aborderait l’ennui est-il forcément ennuyeux, un spectacle qui s’attaque à la violence est-il irrémédiablement insoutenable ? Un spectacle qui traiterait de ce monde d’objets, pris pour eux-mêmes, affranchis de l’homme et de son utilitarisme, objets trans d’une certaine façon, un tel spectacle sans humain doit-il nécessairement éjecter le spectateur ?

Evidemment que non ! Il suffit de s’intéresser un peu plus sérieusement que l’on ne le fait d’habitude au cinéma burlesque, à Buster Keaton, à Jacques Tati, mais aussi à Chaplin, pour voir que ces artistes ont en commun d’avoir justement réussi à mettre en scène et en expériences sensibles la marginalisation de l’humain dans le monde mécanisé et automatisé qui menaçait de broyer la masse ouvrière. Et dans un rire à nous faire vivre et penser, ensemble, l’impensable.

Laissons le dernier mot à Toshiki Okada : « Pour les arbres et les herbes agités par le vent, il n’y avait pas de spectateurs ».

Alors, dans une douloureuse mise en abîme, je me retournai et regardai autour de moi les gradins encore peuplés du Théâtre de Gennevilliers comme s’il s’agissait d’un acte de résistance face à l’inconsistance et la prétention d’un théâtre qui s’imaginerait pouvoir exister sans spectateurs.

 

© Yuri Moriya

 

Eraser Mountain, dramaturgie et mise en scène : Toshiki Okada

Scénographie : Teppei Kaneuji

Avec : Izumi Aoyagi, Mari Ando, Yuri Itabashi, Takuya Harada, Makoto Yazawa, Leon Kou Yonekawa

Costumes : Kyoko Fujitani

Le T2G – Théâtre de Gennevilliers et le Festival d’Automne à Paris sont coproducteurs de ce spectacle et le présentent en co-réalisation. Avec le soutien de la Fondation pour l’étude de la langue et de la civilisation japonaises sous l’égide de la Fondation de France et de l’Onda.

 

Du 27 novembre au 1er décembre 2021

 

 

T2G – Théâtre de Gennevilliers

41, avenue des Grésillons,

32 230 Gennevilliers

www.theatredegennevilliers.fr

 

 

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