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La Forteresse du sourire, mise en scène et texte Kurô Tanino, au T2G – Théâtre de Gennevilliers, avec le Festival d’Automne

Nov 23, 2021 | Commentaires fermés sur La Forteresse du sourire, mise en scène et texte Kurô Tanino, au T2G – Théâtre de Gennevilliers, avec le Festival d’Automne

 

© Takashi Horikaw

 

 

ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

Savez-vous comment se dit western spaghetti en japonais ?

Non? Alors gardez bien l’oreille attentive sans vous laissez absorber complètement par la lecture des sur-titrages, et La Forteresse du sourire vous apprendra que, comme en français, il s’agit de mots importés mais différents puisqu’il s’agit de : macaroni western.

Cette introduction vous paraîtra peut-être déplacée ? Et pourtant elle est bien dans l’esprit ludique et poétique, à peu de frais, du metteur en scène et auteur Kurô Tanino comme cet air de banjo très western et assez incongru, au moins dans un premier temps, rythmant les ellipses temporelles de La Forteresse du sourire. Et puis, si l’on veut bien y réfléchir, à la suite de Kurô Tanino qui instille subtilement cette hypothèse, l’existence n’est peut-être qu’une question de déplacement, de déménagement. Et d’emplacement.

Sur la scène du T2G, deux maisons japonaises mitoyennes, de plain-pied, sans étage, dont l’intérieur, réduit à la taille d’un petit studio, est visible comme s’il s’agissait d’un plan de coupe. A la manière d’un Tati donnant à voir simultanément la vie de familles habitant les appartements contigus d’un immeuble de verre, à la manière d’un split screen chez de Palma, la scénographie ultra réaliste de La Forteresse du sourire nous donne à voir les vies parallèles de Takeshi, pêcheur et célibataire, la cinquantaine, entouré de ses trois amis et camarades de pêche formant une sorte de famille choisie, et Tsutomu, divorcé, fonctionnaire municipal, emménageant la maison mitoyenne et vide jusque-là, avec sa mère souffrant de la maladie d’Alzheimer, sa fille étudiante lui rendant visite et apportant son aide quand son père le lui demande.

Au vu de ce résumé, on pourrait penser à un ou deux films d’Ozu, le jeu des comédiens assez naturalistes pointant également vers cette même esthétique. Et pourtant quelque chose de plus vague, de plus profond, nous enveloppe et nous dépasse. Dans la succession des scènes qui s’entrelacent entre les deux espaces, une instance supérieure semble présider. Rien de mystique. Appelons cela la vie, ce système de vases communicant qui alterne les flux de vies de part et d’autre de la séparation des deux espaces. La vie aussi, cette loi qui fait que le rire et la joie et la jeunesse sont juxtaposés à la tristesse et au silence et à la vieillesse. N’y cherchons pas de morale ni de justice, ces inventions de l’homme pour se donner l’illusion de gouverner son destin.

Des connexions, des flux entre les choses infimes du quotidien s’établissent et s’offrent à la contemplation dans ce dispositif de la transparence, apparaissent comme grossis à travers une double loupe. La Forteresse du sourire est une expérimentation mentale, comme un cerveau monde scrutant une humanité en miniature dans ces deux logements. Seul échappe à ce regard omniscient l’esprit de cette mère sénile qui semble avoir fui vers d’autres espaces et d’autres temps.

La Forteresse du sourire tire enfin sa beauté inouïe des climats lumineux qu’elle produit avec un raffinement impressionniste : l’or d’une fin d’après-midi se diffractant à travers les carreaux sales donnant sur la coursive, ou encore cette lumière froide au petit matin quand les marins rentrent de leur pêche, ou enfin cette nuit éclairée pour l’un par un téléviseur diffusant un western de « Clinston » (Clint Eastwood) et pour l’autre à la lueur d’une lampe, penché sur un livre qu’il avouera ne pas bien comprendre, Le vieil homme et la mer. Cette évolution des lumières à travers le spectacle est d’une justesse incroyable, prenant en charge quelque chose d’une indicible dramaturgie, déployant un universel reliant ces deux vies que tout oppose. Et comme un bain photographique, révélant cette irréductible solitude humaine qui est paradoxalement notre lot commun !

 

© Takashi Horikaw

 

La Forteresse du sourire, mise en scène et écriture : Kurô Tanino

Traduction française : Miyako Slocombe

Avec : Susumu Ogata, Kazuya Inoue, Koichiro F.O. Pereira, Masato Nomura, Hatsune Sakai, Katsuya Tanabe

Régisseuse et régisseur : Masaya Natsume, Kodachi Kitagata

Scénographie : Takuya Kamiike

Assistant scénographe : Kanako Takechi

Lumières : Masayuki Abe

Sons : Koji Shiina

Managers tournées : Shimizu Tsubasa, Chika Onozuka

 

Durée : 1 h 50 en japonais surtitré

Du 20 au 28 novembre 2021

Lundi, mercredi, jeudi, vendredi à 20 h, samedi 18 h, dimanche 16 h

 

 

T2G – Théâtre de Gennevilliers

41 Av. des Grésillons

92230 Gennevilliers

Tél : 01 41 32 26 10

https://theatredegennevilliers.fr

 

 

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