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Créanciers, d’August Strindberg, adaptation et mise en scène de Philippe Calvario au Théâtre de L’Epée de Bois – Cartoucherie  

Mar 08, 2023 | Commentaires fermés sur Créanciers, d’August Strindberg, adaptation et mise en scène de Philippe Calvario au Théâtre de L’Epée de Bois – Cartoucherie  

 

© Pascal Gély

 

ƒƒ  Article de Sylvie Boursier

 

Créance de sang, la ronde, le cinéma a amplement utilisé le motif de la triangulation amoureuse quand le passé est comptable jusqu’au centime près des débits et crédits de chacun. Dans Créanciers, deux hommes aiment   la   même   femme,  Tekla ; Gus   a   été   son   premier   mari,   son pygmalion ; Al le second a parachevé l’œuvre du premier en facilitant la reconnaissance sociale de sa muse. Mais l’épouse reprend sa liberté, divorce de Gus et n’entend pas se laisser enfermer dans la jalousie maladive  de son nouveau conjoint. Gus rongé par le ressentiment vient réclamer sa créance d’amour et va manipuler Al pour la recouvrer

Duos alternés, unité   de   temps et de lieu, Philippe Calvario condense l’intrigue dans un huit clos   hitchcockien, une partie de billard à 3 bandes avec une direction d’acteurs au cordeau. Ruptures, stratégies, rebondissements la scène prend des allures d’échiquier fatal, les cartes du second mari étant pipées. Benjamin Baroche juché sur une chaise souffle le chaud le froid, malin comme un singe, persécuteur ou sauveur face à Al qui se décompose à petits feux. Le metteur en scène mise tout sur le jeu des comédiens, pari réussi ; lui-même touche juste dans le rôle ingrat de l’époux   masochiste, hormis   quelques   gémissements inutiles de la première scène.   Tekla apparait dans le second duo, Julie Debazac déboule littéralement, hollywoodienne Grace Kelly de  Fenêtre sur cour, active, vivante, pleine d’humour et d’initiatives quand son mari est paralysé par le doute. Elle assume ses désirs amoureux et artistiques, veut tout et ne lâche rien. « J’ai besoin d’une femme qui irait n’importe où et ferait n’importe quoi » disait Jeff le héros d’Hitchcock dans son fauteuil roulant. Vaste tache !

Comme dans le triangle de Karpman, chacun occupe tour à tour la place de sauveur, victime ou bourreau et se retrouve aux portes de la folie. Ces hommes aiment les femmes d’un amour névrotique, fusionnel ; quand elles s’affranchissent du statut de femme-objet auquel ils voudraient les renvoyer,  ils  les  considèrent  comme ingrates  et se vautrent  dans  un machisme   cache   misère   de   leurs   fragilités   narcissiques,   grandeur   et misère de la dépossession ! La leçon de Strindberg ne laisse aucun espoir,Philippe Calvario montre l’avènement de cette pulsion de mort théorisée par Freud et nous offre une soirée en enfer pavé de duos comiques. La boule de billard prend son élan chez Hitchcock et percute sa cible chez Strindberg, regardez les hommes tomber à l’Epée de Bois !

© Pascal Gély

 

Créanciers d’August Strindberg

Adaptation et mise en scène : Philippe Calvario

Lumières : Bertrand Couderc

Costumes : Coline Ploquin

Son : Eric neveux

 

Durée du spectacle : 1h 30

 

Du 02 au 19 mars 2023

du jeudi au samedi à 19h, samedi et dimanche à 14h30

 

Théâtre de l’Epée de Bois

Cartoucherie

route du champ de manœuvre

75012 Paris

 

Réservation : 01 48 08 39 72

wwwepeedebois.com

 

Les Créanciers d’August Strindberg, éditions L’Avant-Scène, juin 2018.

 

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