Oüm, de Fouad Boussouf, compagnie Massala, Monfort Théâtre
  © Elian Bachini   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Oüm pour Oum Kalthoum évidemment. Le titre est un hommage à la chanteuse égyptienne, véritable diva du Moyen-Orient, qui a enivré de ses déchirantes mélopées le monde entier dans les années 1920 à 1960 et continue à nourrir l’imaginaire d’un Orient qui appartient aujourd’hui aux fantasmes du passé. Fouad Boussouf, artiste associé à la Maison de la danse de Lyon et à Equinoxe Scène nationale de Châteauroux, a créé cette pièce d’une heure pour six danseurs et deux musiciens en 2020, troisième volet d’une trilogie commencée avec Transe en 2013, poursuivie par Näss en 2018. Les rythmes orientaux s’imposent immédiatement sur le plateau, avec deux musiciens, lesquels à jardin font raisonner leurs oud, percussions, guitare et chant. Devant un grand rideau de fils et dans des lumières bien travaillées, suivant des propos prononcés en arabe au micro, des morceaux de Quatrains d’Omar Khayyam qu’Oum Khalsoum chantait, deux danseuses et quatre danseurs en costumes se mettent progressivement en mouvement, par des soubresauts, des mouvements de têtes saccadés et répétitifs, dans une énergie collective qui occupe toute la scène. Les rythmes orientaux sont accompagnés de tournoiements récurrents, réalisés individuellement ou collectivement, grandes toupies humaines qui semblent relancées par des forces internes. Ces derviches tourneurs des temps modernes virevoltent d’un bout à l’autre du plateau, en utilisant beaucoup les diagonales et en dialoguant avec les musiciens, dansant pour eux tour à tour. Ils se saisissent, forment des chaînes, existent par eux-mêmes avec leurs techniques respectives de danse orientale, hip-hop, danses contemporaines et africaines qui sont revisitées dans une véritable harmonie. Les danseurs chantent aussi parfois, psalmodient presque. La parole est principalement délivrée en arabe, mais aussi en anglais et français : « Réveillez-vous » nous dit un danseur qui se fait la voix de Khayyam. « Et remplissez le verre du désir avant que ne se remplisse le verre de la vie, la main du destin ». « Profitez du moment présent » : il n’y a rien d’autre à faire en effet en assistant à Oüm, spectacle énergisant, réjouissant, qui invite au lâcher prise l’espace d’un instant qui dure 60 minutes et s’achève sur l’image du rideau de fil, crinière géante, qui semble une métaphore des chevelures qui ont virevolté tout au long de la chorégraphie, symboles de la sensualité propre à la poésie persane de Khayyam et le timbre envoûtant de Kalthoum, qui conduisent au tarab, une forme d’extase esthétique.   © Elian Bachini     Oüm, de chorégraphie de Fouad Boussouf Assistant chorégraphe : Sami Blond Dramaturgie : Mona El Yafi Scénographie : Raymond Sarti Costumes : Anaïs Heureaux Lumière : Fabrice Sarcy Arrangements sonores : Marion Castor et Lucien Zerrad Collaboration artistique : Julie André Assistanat aux costumes Yanis Verot   Avec : Nadim Bahsoun, Sami Blond, Mathieu Bord, Loïc Elice, Filipa Correia Lescuyer, Mwendwa Marchand (danseurs) et Mohanad Aljaramani et Lucien Zerrad (musiciens)     Durée 1 h Jusqu’au 1er juillet à 20 h 30     Monfort Théâtre 106 rue Brancion, 75015 Paris www.lemonfort.fr      Read More →
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La danseuse malade, chorégraphie et interprétation de Kim Itoh, Maison de la Culture du Japon à Paris
    © Bozzo      ƒƒ article de Denis Sanglard Premier solo du danseur butô Kim Itoh depuis 16 ans, pièce basée sur le livre La danseuse malade qu’écrivit en 1983 le fondateur de cette « danse des ténèbres », Tatsumi Hijikata. Ouvrage manifeste pour beaucoup de danseurs butô dont Kim Itoh, lequel avec cette performance revient sur cette découverte qui décida de son destin artistique. Un homme tombe sur un livre dans un appartement. Il le feuillette puis le lit à voix haute. Le corps bientôt s’imprègne du contenu et lentement se métamorphose. C’est d’abord une tentative, simplement découvrir ce que provoque en soi ce qui est écrit, cette puissance poétique hallucinée de l’auteur et ce qui en résulte, dans la plus grande liberté. Rien de littéral donc, mais l’évocation en premier lieu d’un ressenti qui semble lui échapper et que le corps traduit. Kim Itoh amorce, défait, recommence gestes et mouvements, parfois simplement esquissés. De là surgit une chorégraphie, comme malgré soi. Ce que l’on perçoit, c’est tout le processus de création d’un danseur butô, cette approche unique qui demande un abandon total pour que sourd l’inconscient et la mémoire du corps. Il ne s’agit pas d’imitation mais d’évocation, toujours. Puis, s’emparant d’une guitare, livre un concert, chante le texte, c’est du rock pur et dur. Ce pourrait être incongru, c’est au contraire le même processus à l’œuvre, expérimenter, soumettre le texte et son contenu, ce qu’il provoque intimement, et voir ce qui en résulte. C’est aussi la singularité de ce danseur d’être toujours à la croisée des arts et ne s’enfermant jamais dans le butô. Enfin la troisième partie de cette création voit Kim Itoh devenir un autre personnage, abandonner le bandeau qui lui couvre l’œil, mettre perruque, et danser, une chorégraphie qui n’est plus expérimentation mais l’aboutissement d’une maturation, d’un parcours de vie où le butô s’est estompé pour la danse contemporaine et la performance, et le constat ici, au regard du livre et de son interprétation, d’un échec sublimé porté à son incandescence. C’est une transe formidable où le corps exulte, comme possédé. Ultime variation autour d’un texte au final impossible et l’impossibilité de sa représentation. Le livre finit donc à la broyeuse. Kim Itoh en fait des confettis qui envahissent le plateau et ainsi se libère de sa charge. Cependant, quand il quitte le plateau ce n’est pas sans déposer au centre la servante. On songe alors, tant pis si nous extrapolons, que Tatsumi Hijikata reste pour tous les danseurs qui ont pratiqué ou approché le butô, l’on quitté parfois, cette veilleuse qui jamais ne s’éteint.     La danseuse malade direction, chorégraphie, interprétation de Kim Itoh Texte de Tatsumi Hijikata   23 & 24 juin 2022 à 20 h   Maison de la Culture du Japon à Paris* 101bis quai Jacques Chirac 75015 Paris Réservation 01 44 37 95 95 www.mcjp.fr   *avec le CND, centre national de la Danse, dans le cadre de Camping, plateforme chorégraphique internationale        Read More →
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Un certain penchant pour la cruauté, texte de Muriel Gaudin, mise en scène de Pierre Notte, La Scala Provence / Festival d’Avigno
  © Philippe de La Croix ƒƒ article de Denis Sanglard Une farce cruelle et jubilatoire… Voilà, tout part d’une bonne intention, un geste bienveillant, conforme aux idéaux de gauche, un tantinet humaniste, qui animent Elsa, mère attentive et épouse infidèle. Accueillir un mineur isolé, migrant clandestin venu d’Afrique, lui offrir un refuge est une expérience qui doit profiter à chacun, le dialogue des cultures, on le sait, est toujours fructueux. « Faire sien ce qui n’est pas soi » comme l’écrit Pascal Quignard, est une aventure exaltante. Bienvenu Malik ! Oui, mais très vite la présence de cet adolescent, perdu en son exil mais au demeurant volontaire, désagrège allègrement ce foyer, révélant ses névroses, les mensonges et les contradictions étayant cette famille désaccordée qui se voulait en tout point exemplaire. Les sales et méchants préjugés qu’on croyait ne pas avoir, qu’on attribuait aux autres, n’étaient qu’enfouis et remontent insidieusement à la surface devant cet étranger, pulvérisant la bonne conscience et la bonne volonté d’Elsa qui n’a plus que sa mauvaise foi absolue pour tenter, en vain, de sauver les apparences… C’est une comédie, et donc tout ça qui pourrait finir mal, ne finit pas trop mal, malgré les décombres. L’écriture de Muriel Gaudin est tranchante et précise, ne s’embarrassant pas de fioriture. Les dialogues crépitent en étincelles, alertes, acides et incisifs qui font mouche et vous épatent par leur efficacité sans ambages. Répliques vachardes, traits fulgurants et aigus comme échappés, qui dénoncent les dessous d’une réalité pas jolie-jolie sous le vernis de la bonne volonté et les intentions louables. C’est d’un humour ravageur, mordant, d’une folie caustique et d’une vérité abrasive assénée l’air de rien, comme ça, mais qui vous claque sévère. On rit, oui, mais jaune citron. C’est âcre, mais avec de-ci, de-là, de drôles d’incises, étranges et beaux apartés, qui tombent tout soudain sans crier gare, offrant une perspective inattendue, poétique, rendant à Malik ce qui lui appartient, son humanité, loin du statut de réfugié auquel Elsa obstinément le contraint. Et chaque personnage est détouré finement dans ses pleins et déliés, sans complaisance aucune. Il n’y a rien de manichéen dans leurs déroutes, leurs échecs. Ils font ce qu’ils peuvent, farauds mais impuissants devant leurs certitudes effondrées. Hormis Malik, chacun, et par ce fiasco humanitaire lamentable est renvoyé à son aveuglement volontaire. Muriel Gaudin ne dénonce pas, n’accuse pas, ne juge pas, elle met juste le doigt sur une simple évidence, l’impossibilité parfois à concilier nos idéaux dès lors qu’ils sont confrontés à la réalité chaotique de nos vies. Le vivre ensemble s’accommode mal parfois de l’individualisme et de l’égoïsme d’une existence faite de faux-semblants, d’un certain penchant pour la cruauté. Pierre Notte ne pouvait qu’être séduit par cette écriture et ce sujet, que lui-même traitât il y a peu, avec Muriel Gaudin dans la distribution (L’homme qui dormait sous mon lit, au Théâtre du Rond-Point). Sa mise en scène est aussi vive et fluide que l’écriture, ne s’embarrassant pas du superflu, épousant simplement le rythme véloce des dialogues. Une ligne claire et cohérente qui laisse la part belle aux comédiens, dirigés au plus près, compressés dans un espace volontairement riquiqui, modulable en fonction, accentuant de fait ce huis-clos vite explosif, cette promiscuité infernale, où les corps et les sentiments finissent par jouer aux quatre-coins, à cache-tampon. La valse des vêtements – on s’habille, se déshabille, se rhabille – épouse habilement celle du temps qui file. La direction d’acteur est aussi fine que la mise en scène et les comédiens, forts d’une partition pensée visiblement pour eux, font merveille et jubilent. Ils donnent à leur personnages, chamboulés dans leurs certitudes, empêtrés dans leurs contradictions, une belle, une réelle épaisseur, une subtilité qui évite la caricature et le ridicule. C’est une comédie, oui, mais sous ce vernis-là, derrière le rire, il y a ce questionnement lucide et non dénué de fondement en ces temps de replis sur soi, sur notre capacité à accueillir l’autre, une réflexion sur l’altérité qui au sortir de la représentation, vous titille grave.   © Philippe de La Croix   Un certain penchant pour la cruauté texte de Muriel Gaudin Mise en scène de Pierre Notte Avec Fleur Fitoussi, Muriel Gaudin, Benoit Giros, Antoine Kobi, Emmanuel Lemire et Clément Walker-Viry Musique : Clément Walker-Viry Lumière : Antonio de Carvalho Scénographie : François Gauthier-Lafaye Costumes : Sarah Leterrier   Du 7 au 30 juillet 2022 à 13 h 05 Relâche les lundi 11, 18 et 23 juillet     La Scala Provence 3 rue Porquery Boisserin 84000 Avignon Réservations 04 65 00 00 90    Read More →
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CALLAS-MACHINE, texte et mise en scène de Filippo Bruschi, sortie de résidence au Théâtre de l’Echangeur, à Bagnolet
  © Yannick Juteau     ƒƒ article de Nicolas Thevenot Corps de dos, tel un oiseau noir. Cheveux au carré, haut noir ajusté, épaules bouffantes et manches longues. Quelques notes de la célèbre chanson de Liza Minnelli. Des gestes secs et précis. New-York, New-York. Cut. CALLAS-MACHINE démarre à New-York, ou en Grèce, ou bientôt en Avignon, ou à Bagnolet, dans cette salle de fin de résidence pour l’équipe artistique qui nous y a convié. Peu importe, Callas est le sésame ouvrant toutes les portes de l’imaginaire. On s’y presse à ces portes, elles claquent Car la Callas reste la figure inépuisable et magnétique quand bien même elle serait infigurable, intraitable. CALLAS-MACHINE ne cherche donc pas, et c’est bien heureux, à tenter une forme biopic. Non, il s’agirait plutôt de lancer en l’air les dés d’une vie, et de piocher dans une sorte de hasard échappant à la chronologie des faits, mais obéissant à une dramaturgie plus souterraine, des éléments de réponses, des éléments de langage de ladite Callas, des morceaux de vie, des cris, des questions, des affirmations, des obsessions. De ce puzzle textuel naît une partition trouée, ajourée, d’où l’on peut voir apparaître une actrice, Aliénor de Mezamat, tenant haut et ferme la couronne de la diva. Elle est belle cette actrice, dans le contrejour de l’aveuglante Callas. Cette partition a quelque chose de free jazz, jouant des cuts, cherchant ses harmoniques au-delà du naturel, secouant la matière du récit comme une mélodie dont on ne saurait que faire. Filippo Bruschi met en scène son interprète à l’endroit du dispositif machinique. Cette direction travaille le texte comme le corps de l’actrice : chaque parole s’assume tel un geste physique. Le texte est une chorégraphie des mots qui se muent en corps, la mise en scène une balistique de ces impacts : impulsions, élans, jaillissements. « Je ne chante pas Yvette, Je sculpte Des drames dans l’air Je joue avec la musique dans le vide sans filet » CALLAS-MACHINE est une performance, elle ne tient à aucun fil, sauf celui d’une légende artistique et médiatique. Mais une légende sur une scène de théâtre, dans le nu du plateau, c’est un courant d’air, ça se brise comme le verre. CALLAS-MACHINE est bien plutôt, et c’est cela qui nous plaît, le moment d’une actrice en jeu, jouant le jeu de n’être que jeu car dans ce jeu, il est impossible de dire je. A la manière d’une silhouette que l’on détourerait, à la manière du moule et de l’empreinte, CALLAS-MACHINE fait exister la machine théâtrale, l’actrice, comme la matière même où se détache et se perd l’inatteignable portrait. C’est l’étrangeté et la beauté de cet objet théâtral que d’être dans la fuite de ce qui le convoque.   © Yannick Juteau   CALLAS-MACHINE, texte et mise en scène de Filippo Bruschi Jeu : Aliénor de Mezamat Lumière : Saïd Lahmar Voix : Eleonora Ribis, Saadia Mirza Son : Fabio Falzone et Filippo Bruschi   Durée : 1 h   Sortie de résidence le 19 juin 2022 à 18 h Théâtre l’Échangeur – Bagnolet 59 Av. du Général de Gaulle 93170 Bagnolet   Tournée : Les jours pairs du 8 au 26 juillet (20 juillet relâche) à 21 h 05 Théâtre des Lila’s 8 rue Londe 84000 Avignon Tél : 04 90 33 89 89 www.theatredeslilas@orange.fr      Read More →
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Quand toute la ville est sur le trottoir d’en face de Jean Cagnard, mise en scène de Catherine Vasseur, Festival off Avignon, Théâtre Artéphile
    © Axelle Carruzzo   ƒƒ article de Sylvie Boursier Il offre son corps au public, plié en crabe puis debout, légèrement penché « comme un nageur qu’on attend plus », dirait Ferré. Il n’a plus que ça, sa peau couturée, ses os, ses nerfs, ses muscles « ses gencives rouges » mais c’est l’essentiel, « tu as une gueule de poisson mais tu flottes toujours grâce à ta persévérance. » Une journée dans la vie d’un toxicomane en centre thérapeutique, un résident parmi d’autres, un anonyme qui soliloque, dialogue avec un thérapeute, nous livre un récit fragmenté de ses visions, des morceaux de sa vie sous forme d’allégories, de métaphores. L’auteur Jean Cagnard a écrit ce récit en 2010 suite à une résidence d’écriture dans une institution de soins proche d’Alès. Il n’a cessé de le remanier depuis pour aboutir à cette version qui a reçu le grand prix de littérature dramatique en 2018. Le texte ardu s’enroule autour d’images crues, mystérieuses, de listes, stichomythies, méandres avec des voix, des silhouettes. On pense à William Burroughs qui déconstruisait le langage pour épouser la perception d’un individu plongé dans un environnement dont il ne partageait ni les stimuli, ni les codes. La puissance de ce spectacle tient à l’interprétation de Julien Defaye, un physique à la Daniel Darc, chanteur du groupe Taxi Girl et héroïnomane décédé prématurément. Sa voix épouse les dérèglements, les syncopes, les ruptures, la musique d’une traversée des Bermudes chaotique. Il est accompagné de Vincent Leenhard, éducateur à la présence cadrante qui tient bon sur le « trottoir d’en face ». On retiendra particulièrement la fable de l’homme au bord d’une rivière, toujours sur la rive pluvieuse, qui n’arrive jamais sur « le bon bord » la berge ensoleillée. Il finira par boire toute la rivière, son corps deviendra rivière. Certains moments sont franchement drôles, notamment la scène de la cigarette qui voit le résident exiger de l’éducateur une demande écrite dûment rédigée et motivée pour lui offrir une cigarette, tournant en dérision le formalisme du traitement administratif des toxicomanes. La mise en scène de Catherine Vasseur épouse les fluctuations psychiques du résident avec un panneau blanc amovible qui ouvre ou resserre l’espace. Les objets sont là pour nous rappeler le temps qui passe, la cafetière électrique et le café. La table, l’assiette, le pot de fleurs, le cep, le stylo, le bloc de papier, la cigarette, les fleurs répandues au sol témoignent de la relation entre le thérapeute et son patient lors des rituels quotidiens, la distribution du courrier, les repas, les entretiens, les promenades. « Quand tu es seul sur un trottoir et que toute la ville est sur le trottoir d’en face, c’est que tu es devenu toxicomane. » Que savons-nous du courage insensé à mobiliser pour décrocher du produit, des raisons de le faire, en aurions-nous la force ? Quelque part un homme attend, un frère, un ami, il a vécu un jour de plus et c’est déjà beaucoup. Merci à la compagnie 1057 Roses et à Artéphile pour cette création qui vous saisit et ne vous lâche plus !!!     © Axelle Carruzzo   Quand toute la ville est sur le trottoir d’en face, de Jean Cagnard Mis en scène par Catherine Vasseur Lumières : Catherine Noden Musique : Jérôme Hoffmann Jeu : Julien Defaye et Vincent Leenhart   Du 7 au 26 juillet 2022 à 11 h 55 Relâches les 13 et 20 juillet Durée du spectacle : 1 h 30       Festival d’Avignon OFF Théâtre Artéphile 7 rue du Bourg Neuf Avignon Réservation 0490030190 resa@artephile.com   Quand toute la ville est sur le trottoir d’en face de Jean Cagnard, éditions espace 34, 2017          Read More →
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Les Galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre de Claire Laureau et Nicolas Chaigneau, à la MC93, dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis
  © Wilfried Lamotte   ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot Elle est cette jeune femme assise à l’avant-scène, cheveux attachés, inquiète, polo orange vintage, regard baissé, pantalon taupe, balançant d’une faible amplitude sa jambe croisée, se caressant, par intermittence, les bras, qu’elle a croisés. Ce que l’on appellerait langage corporel, mais qui est ici bien plus que cette chose miséreuse que la psychologie a complètement galvaudée pour n’en faire qu’une peau de chagrin. Ici, les corps ont une vie, ils ont leurs oublis, leurs envies, ils prennent leurs aises, ils rayonnent. Ils induisent un être animal quand la société s’en méfie. Les Galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (nous ferons désormais simplement référence à Les Galets…) connait cette chose rare : respirer la vie. Constitué de presque rien, Les Galets… embrasse le tout de la communauté humaine. Quelques chaises d’école et quatre interprètes (Julien Athonady, Nicolas Chaigneau, Claire Laureau, Marie Rual) suffisent à faire exister cette sorte de bréviaire, à la Bouvard et Pécuchet, de la Comédie humaine. A quatre, il est possible de se partitionner, à deux contre deux, ou trois contre un, ou de se rassembler en un tout, toujours instable. Si Les Galets… développe sa matière textuelle, à la manière de banales conversations très réalistes, et fait ressortir ces travers qui nous font sourire, et souvent rire, à la manière des Caractères de La Bruyère, l’attention, ou mieux dit : l’intention, s’inscrit dans les corps en présence. La singulière petite musique de chambre orchestrée par ces interprètes virtuoses prend la physicalité d’un corps, étrange, se mouvant, entre pulsions, et répulsions, façonné par ce cortège d’êtres papotant. Et si l’on pense à Christoph Marthaler, ce n’est pas seulement pour ces chants en chœurs, pour Bach (Que ma joie demeure !), mais parce que fondamentalement il y a du corps dans la musique des voix, et de la musique dans la danse silencieuse des corps immobiles, ou si peu mobiles. Il y a enfin des présences magnifiques, d’une finesse troublante, quand pourtant tout est écrit au cordeau, au souffle près, et que pourtant tout palpite, et crépite du premier feu. Ainsi programmée par Les Rencontres Chorégraphiques, certains pourraient s’étonner de ce qu’une telle proposition entre dans le champ de la danse quand elle a le paraître (le texte) du théâtre. Tout est affaire de point de vue et de perspective. Car, au-delà des mots, qui ne sont que l’écume des corps en mouvement, Les Galets… se regarde avant tout comme un jeu de quilles, comme une cinématique des affects humains quand nous faisons société, comme un champ de forces magnétiques et contradictoires quand ensemble nous tentons de faire corps. Il y a du moléculaire, de l’atomique dans ces attirances, ou ces écartements. Il y a des mouvements de planètes, il y a de la danse, telle celle de l’iceberg que certains jureraient immobile. Un au revoir qui n’en finit pas… un désaccord qui vire en dispute… la négation et l’oubli de l’autre… mille et une mesquineries… Dans cette tectonique des plaques de la morale, sur une marche nuptiale, la géographie humaine se dessine d’un geste burlesque et « d’un geste précis… tu lèches ? »   © Julien Athonady   Les Galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable), conception : Claire Laureau et Nicolas Chaigneau Interprétation : Julien Athonady, Nicolas Chaigneau, Claire Laureau, Marie Rual Régie générale : Benjamin Lebrun Création lumière : Valérie Sigward Musique : Johann Sebastian Bach, Guiseppe Verdi, Jacques Dutronc, Alain Lefèvre, Francis Scott Key   Durée : 1 h Les 17 et 18 juin 2022, à 19 h   MC93 Maison de la culture de Seine-Saint-Denis 9, boulevard Lénine 93000 Bobigny www.mc93.com Tél : 01 41 60 72 72   Tournée Du 7 au 29 juillet 2022 : 15 h, relâche les 12, 19 et 26 Le 11 Avignon, Festival Off d’Avignon   Le 28 septembre 2022 L’Étoile du Nord, Paris   Le 6 décembre 2022 Maison de l’Université, Mont-Saint-Aignan   8 décembre 2022 Le Tangram, Scène nationale d’Évreux-Louviers   9 décembre 2022 Les Franciscaines, Deauville   24, 25 janvier 2023 Le Trident, Scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin   2 février 2023 Centre de Beaulieu, Poitiers   28 février 2023 Le Petit Echo de la Mode, Châtelaudren   7, 8 mars 2023 Les Soirées Performance, Scène nationale d’Orléans   30 mars 2023 Théâtre le Passage, Fécamp      Read More →
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Castillo de Prue Lang, avec Jana Castillo à La Chaufferie – Cie DCA à Saint-Denis dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis
  © Anne Moffat     ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot Dans un entrelacs sensible et sensoriel, les traits apparaissant et se complexifiant, comme autant de couches se superposant, Castillo construit l’ineffable et savant portrait d’une danseuse. Portrait sans parole, contrairement à ceux dressés, année après année, telle une encyclopédie de la danse, par Jérôme Bel. Portrait dansé, vigoureux, en trois parties, tel un retable polyptique de la Renaissance qui se déplierait, non dans l’espace, mais dans le temps et dont chaque volet mettrait en regard vidéo et vivant. Prue Lang, chorégraphe australienne, a conçu Castillo comme un dialogue poétique, subtil et exigeant, où les parties se répondent et s’enrichissent dans leurs écarts plutôt qu’elles ne se confondent, jouant de leurs effets de matière et de leur focale distincte. La facilité, la mode, auraient voulu que Jana Castillo danse devant une vidéo en mouvement. Mais, à l’instar d’une Anne Teresa de Keersmaeker faisant entendre un morceau de Bach sans autre événement avant que la danse ne lui succède dans le silence, Prue Lang dissocie les matériaux, s’assure de notre pleine attention pour chacune des vidéos, qui à trois reprises travailleront à déplacer notre regard et nos sensations, comme une disposition préalable, pour accueillir les trois solos de Jana Castillo, chacun différent par sa rythmicité, par sa conscience élargie du corps à l’espace, par sa temporalité induite. Si la danse est une scansion du temps par le mouvement, alors Castillo en est le cadre chorégraphique accompli. La première vidéo suit les étapes de la fabrication, particulièrement remarquable, d’un chausson de danse dans un atelier artisanal. Image centrée sur l’objet en cours de réalisation, la vidéo cadre le geste technique, la mécanique, la précision, l’excellence du métier d’art. Dans la trace immédiate et mémorielle de la projection, dans le souffle de cette tradition rappelée comme un porté inconscient de la danse même, Jana Castillo apparaît, hybride, chaussons de danse classique aux pieds, cheveux relevés en chignon, legging noir et débardeur rose vif. Sur une composition sonore de Chiara Costanza, atmosphérique, éclaboussée de sons électroniques, Jana Castillo fusionne pas classiques et gestes contemporains. Quelque chose de Forsythe me revient. Surtout une virtuosité qui ne se démentira pas, alliant énergie et précision. Et puis quelque chose d’embouti, presqu’invisible, pris dans les mailles rédemptrices du filet chorégraphique… Les vidéos suivantes exhiberont de multiples expériences sensorielles, cheveux en gros plan, palmier, écorce, vent… images s’associant au toucher et au mouvement. Et si cette proposition exploratoire fut pour la danseuse sous la direction de la chorégraphe dans la phase de travail en amont l’occasion d’une recherche en soi et dans le monde, elle active chez le spectateur une expérience de suggestion mentale, le faisant entrer de plain-pied dans l’imaginaire sensoriel d’une danse qui creuse les matières. A travers ces divers prismes, comme autant de perspectives et d’approches de Jana Castillo, se détache petit à petit une affirmation, une vitalité, une essence, une sensibilité, une boussole au monde, une personne. Les pointes se mueront en chaussettes, puis en baskets. Trois façons distinctes pour Jana Castillo d’avoir les pieds sur terre et d’habiter le monde. Et si, comme on l’apprend par la feuille de salle, la danseuse soufre de dystonie, maladie générant des contractions musculaires involontaires, il y a une vraie beauté et une puissante force à ce que ces troubles aient été intégrés à l’état de traces fugitives dans la chorégraphie, une main recroquevillée détendue par l’autre main, un affaissement, une chute. Comme si l’écriture du corps se faisait inclusive, bien au-delà d’un freaks show, et mettait simplement en scène cette diversité de danser le monde comme autant d’être au monde.   © Anne Moffat   Castillo, conception et mise en scène : Prue Lang Chorégraphie : Prue Lang et Jana Castillo Interprétation : Jana Castillo Composition sonore : Chiara Costanza Lumières : Lisa Mibus Vidéo : Pippa Samaya, Prue Lang, Takeshi Kondo, Freed, Androids, Mathieu Briand   Durée : 45 minutes Les 15 et 16 juin 2022, à 20 h   La Chaufferie Quartier Delaunay-Belleville 10 bis rue Maurice Thorez 93200 Saint-Denis Tél : 01 48 13 05 06 www.cie-dca.com   RENCONTRES CHORÉGRAPHIQUES INTERNATIONALES DE SEINE-SAINT-DENIS 96bis rue Sadi-Carnot 93170 Bagnolet Tél :+33 (0)1 55 82 08 08 https://www.rencontreschoregraphiques.com      Read More →
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Le chevreuil et Dalida, création et jeu de Clémence Caillouel, mise en scène Jessica Walker, festival off Avignon Théâtre Artéphile, 7 rue du Bourg Neuf
   © Ulises Fontana   ƒƒƒ article de Sylvie Boursier Le jeu de Clémence Caillouel tient du clown, du cabaret, du mime et du théâtre expressionniste à la Grotowski, en véritable athlète de la scène elle maîtrise le chant, la danse, la composition bouffonne, la pantomime. Sa Dalida est époustouflante, entre Lady Gaga et Slava, le clown russe. La comédienne se métamorphose en drag-queen, papillon de nuit aux ailes brûlées sous les sunlights d’un projecteur qui la traque tout au long de sa confession tragique. Charlebois en son temps avait chanté la mélancolie des icônes populaires « Vous voulez que je sois un Dieu, si vous saviez comme j’me sens vieux […] quand je chante, ça va un peu mieux, mais ce métier-là, c’est dangereux, plus on en donne plus l’monde en veut ». Perruque blonde peroxydée, jambes interminables, tenue kitschissime, bouche ultra botoxée, la comédienne surjoue l’archétype féminin ; la viduité existentielle de l’être n’en est que plus terrible. La chanteuse mythique hantée par la mort évolue dans une quête tragique de sens ; d’emblée, nous ne pouvons douter de sa chute quand elle nous reçoit chez elle à Porto Vecchio ; elle se cogne, arpente de long en large le plateau, partage son intimité et ses réflexions sur la solitude, l’ardent désir d’être comprise, l’extase des rencontres amoureuses, l’amertume de la perte. Outre les extraits d’entretiens réalisés par Dalida, l’auteure utilise des textes de Stig Dagerman qui parle si bien du suicide :« La dépression est une poupée russe et dans la dernière poupée se trouve un couteau, une lame de rasoir, un poison, une eau profonde et un saut dans un grand trou. » Nous reviennent en tête les mots de Baudelaire dans l’albatros, «  Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid ! ». Il y a des spectacles qui défient la pesanteur, beaux comme le cri d’Edouard Munch. Clémence vous attend, regardez la dans tous ses états, écoutez là, vous n’en sortirez pas indemne !!!!   © Ulises Fontana   Le chevreuil et Dalida, création et jeu Clémence Caillouel Mise en scène par Jessica Walker Création lumières : Xavier Duthu     Du 7 au 26 Juillet 2022 à 20 h 30, Festival d’Avignon OFF Relâches les 13 et 20 juillet. Durée du spectacle : 50 minutes   Festival d’Avignon OFF Théâtre Artéphile 7 rue du Bourg Neuf Avignon Réservation 0490030190 resa@artephile.com          Read More →
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La meringue souterraine, conception de Sophie Perez, La Villette
  © Sophie Perez     ƒƒ article de Denis Sanglard A quoi avons-nous assisté ? La question se pose au sortir de cette création pour le moins déjantée, comme elle se pose à chaque fois que la Compagnie du Zerep pose ses malles sur un plateau. A quoi avons-nous assisté donc devant cette performance hallucinante, inclassable, qui fait péter allègrement les règles de la mise en scène, renversées cul-par-dessus-tête dans un joyeux bordel parfaitement maîtrisé, cela va de soi… La question reste sans réponse et c’est tant mieux, et à vrai dire on s’en fout un peu. Plateau et salle ne font plus qu’un, la scénographie envahit tout l’espace. Coulrophobe, passez votre chemin. Un décor cauchemardesque, un capharnaüm quelque peu psychédélique, entre réserve d’accessoires pour film d’horreur et antre d’un collectionneur frappé et sous acide, que domine la figure de Lon Chaney, comme pour nous avertir que ça risque de flipper sévère. Sans compter cette immense gueule ouverte surmontée d’un nez qui dégueule sans discontinuer sa morve verte… Au milieu de ce formidable bazar kitch, deux olibrius déchaînés qui en quatre chapitres et un épilogue, aux titres aussi obscurs que leurs contenus (pour donner une idée, chapitre 2 : Stuck it to me, un petit club ovaire toute la nuit.), cassent la baraque sans se soucier le moins du monde du résultat et du public. C’est du théâtre brut, affranchi, d’une liberté totale. Cabaret dada burlesque, grotesque, insolent, indécent, outrageant. Les comédiens sont seuls au monde, font ce qu’ils veulent, se soucient comme d’une guigne du résultat, du public, imitent le canard qui pète, le chien qui vomit, chantent comme dans un film de Jacques Demy les affres du couple illégitime, se barbouillent de peinture comme des gosses imitant pour le pire Yves Klein, propose au public un quizz théâtral, font un set techno d’enfer où sont évoqués Carmelo Bene et Valeska Gert qui s’y connaissait eux aussi pour tout faire péter, et dansent comme des dératés… Et quand ils se masquent du visage de Pinocchio, c’est d’une logique imparable. Sophie Lenoir et Stéphane Roger sont ébouriffants, hilarants et quelque peu inquiétants dans cette entreprise de démolition foutrement bien ficelée sous le foutoir apparent. Ils ne jouent pas, ils sont tels qu’en eux-même, Sophie Lenoir et Stéphane Roger, performers, conscients et complices de n’être qu’une pièce de ce puzzle dont aucune en apparence ne s’emboîte, et c’est déjà tout un programme. Sophie Perez met tout ça en scène (sic) comme un vaste chantier ouvert à toute proposition incongrue, impossible, et comme à son habitude, brasse et empile les références culturelles qu’elle dynamite en toute conscience. De ce qui reste, morceaux épars, poussière ou cendre, elle fait son affaire. On n’y comprend parfois pas grand-chose, on renonce parfois à comprendre, mais on ne reste pas insensible, voire médusé, devant cette vaste entreprise hilarante de remise à zéro du théâtre au risque de l’échec. La meringue, c’est fragile et c’est friable, ça agace les dents.   © William Beaucardet   La meringue souterraine, conception et scénographie de Sophie Perez Avec Sophie Lenoir, Stéphane Roger, Erge Yu, Mr Nazout Textes : Pacôme Thiellement, Sophie Perez Musique : Les 3S Costumes : Sophie Perez et Corinne Petitpierre Création lumières : Fabrice Combier Création son : Félix Perdreau Régie générale : Léo Garnier Assistanat scénographie et régie plateau : Adrien Castillo Sculptures : Dan Mestanza Accessoires et sculptures : Adrien Castillo, Anne Tesson     Du 23 au 26 juin 2022 Jeudi et vendredi à 20 h Samedi 19 h, dimanche 16 h   La Villette Grande Halle 211 avenue Jean-Jaurès 75019 Paris   Réservation 01 40 02 75 75 www.lavillette.com   Tournée : Du 5 au 7 octobre Festival actoral, à La Criée, Marseille Du 19 au 22 janvier 2023 Arsenic-Centre d’art scénique contemporain, Lausanne (Suisse)      Read More →
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Platée, Comédie lyrique de Jean-Philippe Rameau, direction musicale de Marc Minkowski, mise en scène de Laurent Pelly, Opéra-Garnier
  © Guergana Damianova / OnP   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Première mise en scène d’opéra pour Laurent Pelly, c’était en 1999, et une réussite éclatante, l’opéra de Jean-Philippe Rameau est repris pour la cinquième fois à Garnier. On ne boudera pas notre plaisir. Laurent Pelly a le chic pour ne jamais tirer l’opéra vers des conceptions hasardeuses qui perdent très vite le public et brouillent toute lecture, mais au contraire d’offrir une lecture limpide, scrutant au plus prêt partitions et livrets, ses ressorts musicaux et dramaturgiques, pour en tirer la substantifique moëlle. Avec Platée, c’est évident et vous saute aux yeux. Cette plongée facétieuse dans le marécage d’une nymphe disgracieuse et érotomane, jouet des dieux pour une farce cruelle, est une lecture d’une drôlerie et d’une profondeur qui ne laisse pas le public indifférent. Entendre rire le public dès les premières minutes de cet opéra est un gage du sérieux de l’affaire ! Une scénographie qui renvoie à l’architecture d’un Palais-Garnier (signé Chantal Thomas) les pieds dans le marais, s’effondrant bientôt d’humidité, accusant de fait la théâtralité de cette farce satirique, des costumes joliment vintage et parfois d’une inventivité surréaliste, une direction d’acteur au cordeau (où l’on doit inclure le chœur et les danseurs), une mise en scène hilarante mais d’une grande finesse et sur le plateau un casting vocal d’une grande tenue, où les chanteurs semblent visiblement s’amuser, voire se libérer, aussi à l’aise dans leur partition que dans le jeu, enfin dans la fosse d’orchestre Marc Minkowski à la baguette dirigeant Les Musiciens du Louvre en grande forme, tout ça et plus encore, font de cette création un moment furieusement épatant où la folie semble gagner chacun. Marc Minkowski qui connait son Rameau jusqu’au bout des doigts fait entendre toutes les nuances de cette partition, son incroyable expressivité, où tonne aussi bien l’orage, que souffle l’aquilon et croassent les grenouilles qu’être prise de langueur ou de fièvre. Ce qui se passe dans la fosse est au diapason exact de ce qu’offre le plateau et la connivence entre le metteur en scène et le chef d’orchestre, ajoutons la chorégraphe, fait ici merveille. La chorégraphe, oui, car Laura Scozzi réussit à ne jamais rompre l’atmosphère ni le fil de la narration. Cela s’enchaîne sans heurt, avec grande fluidité, en toute cohérence. Ainsi du même ton que l’ensemble, les ballets sont d’une ironie certaine, franchement cocasse. Ainsi celui du dernier acte qui voit les danseurs revisiter la carte du tendre version guerre des sexes. Idem avec le chœur, et c’est une des grandes forces de Laurent Pelly, d’en faire véritablement un acteur dramaturgique, non planté là mais toujours en action, qui offre à l’ensemble son unité. Les chanteurs donc, ne sont pas en reste. Julie Fuchs, la Folie, voix brillante, expressive, aux vocalises aériennes et claires, compose un personnage totalement décalé et irrésistible, avec un bel abatage qui emporte la salle. Ce n’est pas un grain de folie mais un ouragan qui déferle sur la scène. Prise de rôle pour le ténor américain Lawrence Brownlee qui compose une Platée certes ridicule et pataude mais touchante de sincérité, jamais grotesque et d’une subtile poésie. Il donne à cette farce cruelle une humanité batracienne inédite. Et son ample voix de ténor lui permet de nuancer une partition riche d’effet, particulièrement le gaguesque « oi » accentué, chanté comme un croassement dont il varie constamment l’expression. Mathias Vidal (Thespis), Nahuel Di Pierro (Citheron), Reinoud Von Mechelen (Mercure), tous trois d’une heureuse aisance vocale et dramaturgique sont chacun dans leur personnage idoine. Petit faible de votre chroniqueur pour le ténor Marc Mauillon qui associe à une large et belle tessiture un sens du comique irrésistible. Jean Teitgen prête sa voix de basse profonde à Jupiter. (On appréciera au passage son look « Las Vegas », proche en cela d’un Liberace). Face à lui, d’une voix de bronze et fusil en main, Junon en ses fureurs, la mezzo-soprano Adriana Bignagi Lesca est explosive. Et puis il y a toujours des instants suspendus, des incises où tout soudain quelque chose se passe qu’on n’attendait pas forcement (et pourtant il y en a des surprises dans cette création), celui là est donné par Tamara Bounazou (double rôle, L’Amour et Clarine). « Soleil, fuis de ces lieux », air chanté d’une voix cristalline qui tintinnabule encore dans votre tête au sortir du Palais-Garnier… Et puis, et puis mention spéciale à ce batracien, présence omnisciente et consolatrice, qui traverse cet opéra, jusqu’à vouloir, sacrilège, prendre la place de Marc Minkowski. Sans doute ce qui manquait aux dieux dans cette farce cruelle, une part d’humanité.   © Guergana Damianova / OnP     Platée, comédie Lyrique (ballet et bouffon) en un prologue et trois actes Musique de Jean-Philippe Rameau Livret : Adrien-Joseph Le Valois d’Orville d’après Jacques Autreau Direction musicale :  Marc Minkowski Mise en scènes et costumes : Laurent Pelly Décors : Chantal Thomas Lumières : Joël Adam Chorégraphie : Laura Scozzi Dramaturgie : Agathe Mélinand Cheffe des chœurs : Ching-Lien Wu   Avec Mathias Vidal, Nahuel di Pierro, Mar Mauillon, Julie Fuchs et Amina Edris (en alternance), Tamara Bounazou*, Lawrence Brownlee, Jean Teitgen, Reinoud Van Mechelen*, Adriana Bignani Lesca* *début à l’Opéra national de Paris   Du 19 juin au 12 juillet 2022 à 19 h 30 A 14 h 30 le dimanche   Opéra-Garnier Place de l’Opéra 75009 Paris Réservations : 08 92 89 90 90 www.operadeparis.fr        Read More →
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Vernon Subutex 1, d’après le roman de Virginie Despentes, mise en scène de Thomas Ostermeier, Odéon-Théâtre de L’Europe
  © Thomas Aurin   ƒ article de Denis Sanglard Comment exprimer combien la déception est à la hauteur de ce que nous espérions ? Vernon Subutex, roman âcre, subversif au sens noble du terme, au goût de cendre et de lendemain de descente à crever, la comédie humaine d’une génération contemporaine désillusionnée, désenchantée, fracturée où Virginie Despentes d’une lucidité d’écorchée vive, abrasive, la rage toujours intacte et jamais émoussée, colère glaciale, écrit au scalpel tranchant le lent pourrissement de l’intérieur d’une société en proie désormais à la violence intrinsèque et systémique. Violence d’une fracture sociale faisant le nid de la réaction de plus en plus décomplexée, extrémisme de tout bord et de tous poils. Racisme, antisémitisme, homophobie, misogynie… longue, très longue est la liste qui voit les haines fleurir sur le fumier de politiques rances. C’était en 2015, c’est aujourd’hui. Récit d’une dépression générale, la fin de nos utopies fragiles et illusoires balayées par le cynisme du libéralisme outrancier. Vernon Subutex, ce clochard céleste, jeté à la rue, basculant dans la précarité la plus nu, errant d’un squat à l’autre, terminant dans la rue, révèle les visages sans fards de cette société fragmentée, irréconciliable désormais. Dans ce roman prophétique d’une puissance de feu qui dynamite un système devenu incontrôlable, une société déliquescente prêt de s’effondrer sur elle-même, se côtoient qui entourent Vernon Subutex, perdants et gagnant, trader, influenceur, star du porno féministe, trans, musulman libéral et radical, scénariste raté, ancienne punk… Identités de genre, opinions politiques, classes sociales, générations, Virginie Despentes entrelace serré le destin de ces personnages fracassés, microcosme que traverse Vernon Subutex, les révélant tels qu’en eux-mêmes, dans leur vérité, dénudés de tout mensonge. Ce sont des parcours de vie chaotique et mouvant où le cynisme le dispute au pathétique, la laideur crasse des sentiments à la beauté la plus pure. Un constat brut, à quelques exceptions, de faillite personnelle et d’une brutalité sociale et politique érigée en système qui broie les plus faibles. Mort aux vaincus ! Sur le plateau de l’Odéon, Thomas Ostermeier livre une adaptation bien trop sage, lisse et sans aspérité. Délaissant très vite l’intrigue du roman, une histoire de cassette vidéo que possède Vernon Subutex, au contenu potentiellement explosif, recherché par un producteur, convoité par un scénariste, pour ne livrer qu’une galerie de portraits qui chacun leur tour, entre deux chansons rocks, se racontent, se livrent en adresse directe au public. Confessions ou confidences provoquées par l’arrivée inopinée de Vernon Subutex à la recherche d’un toit pour la nuit. On ronge son frein se demandant quand enfin va commencer la pièce, l’adaptation de ce roman que l’on sait complexe et ardu, mais on a, au final, que son générique. Le frottement, dans le roman, entre tous ces personnages, ses univers violemment contrastées, donnait au roman son relief, son impulsion, sa dynamique. Là, on finit par se lasser de ce « tournez manège ! » où chacun à son tour, micro en main se raconte, monologue qui vire au dialogue de sourd. Certes Thomas Ostermeier ne trahit pas le propos abrasif de Virginie Despentes, difficile d’échapper à cette écriture incisive, mais il le dévitalise par un manque évident de point de vue, voire de trahison. Par ce manque-là, et ce parti-pris paresseux, tout reste littéral et par trop superficiel, qu’accuse en outre les vidéos comme autant de clichés d’un Paris misérabiliste, entre clochards et gilets jaunes, et tombe bien vite à plat. Il manque une appréhension plus à vif, osons le dire, plus « hard » et performative. Les personnages sont comme ébarbés de leur raucité, de leur fêlure, de leur violence. Étrange impression d’une mise à distance où la parole puissante et prophétique de Virginie Despentes, n’est aucunement étayée en creux. Cela relève parfois, parfois seulement et bien malgré les excellents comédiens de la Schaubühne eux-mêmes, au cabotinage qui désamorce, dessert l’âpreté du discours. Tout cela reste dans le jeu un poil convenu qui ne convient nullement aux aspérités des personnages borderline de Virginie Despentes. On sort quelque peu dépité de cette création, dont on attendait sans doute un peu trop, certes impeccable mais qui reste au bord de son sujet, sinon à côté. Dommage que ce qui aurait put être un manifeste générationnel ne reste qu’un simple et vain objet théâtral.   © Thomas Aurin   Vernon Subutex 1, d’après le roman de Virginie Despentes Adaptation de Florian Borchmeyer, Bettina Ehrlich, Thomas Ostermeier Mise en scène de Thomas Ostermeier Traduction du français : Claudia Steinitz Scénographie et costumes : Nina Wetzel Vidéo : Sébastien Dupouey Musique : Nils Ostendorf Dramaturgie : Bettina Ehrlich Lumière : Éric Schneider   Avec Thomas Bading, Holger Bülow, Stéphanie Eidt, Henri Maximilian Jakobs, Joachim Meyerhoff, Bastien Reiber, Ruth Rosenfeld, Julia Schubert, Hêvîn Tekin, Mano Thiravong, Axel Wandtke, Blade AliMBaye ( en vidéo) Et les musiciens Henri Maximilian Jakobs, Ruth Rosenfeld, Taylor Savvy, Thomas Witte   Du 18 au 26 juin 2022 Du mardi au samedi à 19 h, le dimanche à 15 h Durée 4 h 15   Odéon-Théâtre de l’Europe Place de l’Odéon 75006 Paris   Réservation 01 44 85 40 40 www.theatre-odeon.eu      Read More →
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Peculiar, d'Ana Morales, Grande Halle de la Villette, Paris
  © Oscar Romero   ƒƒƒ article de Nicolas Brizault Comment débuter un article ? Par « Whaou ! » ? En ajoutant ici ou là un « ha ? » qui resterait sympathique tout en conservant un étonnement marqué ? Il ne reste qu’à tenter de le faire, c’est vraiment dans cet état que nous laisse cette création, Peculiar. Whaou ! ha ? donc. La Grande Halle de la Villette accueille Ana Morales et son équipe, distribue de jolis petits éventails bleus. Face à nous, ce qui sera un écran gigantesque, nous nous en apercevrons plus tard ; cour et jardin comme d’immenses passages dissimulés entre des enceintes superposées ? Il fait terriblement chaud, et peu à peu, presque dans le noir, cette équipe installe dans le fond une harpe, une guitare, des micros. Puis Ana Morales, Antonio Molina “El Choro, Julia Acosta pour la danse, Tomás de Perrate pour le chant, Ana Crismann pour la harpe (mélanges de talents extrêmes) vont et viennent, semblent psalmodier ce qui sera le sens même de Peculiar, toutes ses identités lointaines et proches à la fois, soulignées par Ana Morales : « Ainsi nous entrerons dans ce monde, que nous créerons entre différentes personnalités pour configurer une réunion d’artistes de flamenco à partir d’une vision abstraite de cet art. » Sans s’y connaître du tout et en découvrant par hasard Ana Morales, on pouvait s’attendre à un mélange tendu de mouvements et musiques superposés, rapides et lancés par-ci par-là, dans tous les sens. Il faut bien avouer ses erreurs, non ? Whaou semble se saisir de l’essence profonde d’un flamenco sur-tendu, la rendre particulière à l’extrême, sensible et quasi violente. Ces artistes sont tous sur scène, puis seuls deux, trois nous « emportent. » Les talents se mêlent, se soutiennent, les musiciens participent jusqu’à la danse. Tension, souplesse, retenue extrême, surprise parfois. Ana Morales guide dans cet univers sombre. Puis tout le monde disparaît et, dans le fond, la vidéo géante nous la présente en grand. Oui, cet ajout est très bien réalisé, oui, mais ajoute-t-il quelque chose réellement ? Il fait partie des « ha ? » bien que chargé encore d’une puissance certaine. C’est un peu différent avec le moment romantico-balade, oui, c’est beau la douce joie poussant jusqu’à une course poursuite entre deux amoureux. Mais fait ici disparaître cette tension, ce soutien qui nous emportait depuis le début, et c’est un peu dommage. Le Whaou ! s’en est aperçu, et revient arrange tout et la magie s’approche, nous ne savons plus où nous sommes, dans le bon sens du terme. Les saluts auront même une belle gueule. Peculiar !   © Oscar Romero   Peculiar : Concept, création et chorégraphie d’Ana Morales Danse : Ana Morales, Antonio Molina “El Choro, Julia Acosta Musiciens live : Ana Crismann (harpe), Rycardo Moreno (guitare), Tomás de Perrate (chant) Espace sonore et interprétation : Miguel Marín Pavón Regard scénique extérieur : Guillermo Weickert Éclairage et création visuelle de l’espace scénique : cube.bz Coordination technique : Pablo Pujol Vidéo danse : Raül Refree (musique), Ana Morales (danse) Son : Gaspar Leal Régie, machinerie : Jorge Limosnita     Du 16 au 18 juin 2022 Jeudi & Vendredi à 20 h Samedi à 19 h   durée : 1 h 15     Grande Halle de la Villette 211 avenue Jean Jaurès 75019 Paris Réservations 01 40 03 75 75 www.lavillette.com      Read More →
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Corps extrêmes, conception de Rachid Ouramdane, Théâtre de Chaillot / Théâtre de la Ville Hors les murs
    © Pascale Cholette    ƒƒ article de Denis Sanglard Qu’ont de commun Ann Raber Cocheril, grimpeuse de haut niveau, et Nathan Paulin, highliner ou funambule en altitude ? Ils sont tous deux sportifs de l’extrême, défiant le vertige du vide, suspendus entre ciel et terre dans une extrême concentration, un dépassement de la peur et dans une osmose attentive avec les éléments dont ils dépendent, qui règlent leur progression, leurs pas comptés, aux flancs verticaux des gorges du Verdon ou entre deux hautes falaises. La projection des vidéos qui les voient évoluer dans la nature, un environnement devenu naturel pour eux et dans lequel ils s’intègrent avec une aisance prodigieuse, dans une étrange et fascinante gestuelle mesurée qui mobilise le corps en son entier, montre ce lien unique où la recherche de la liberté absolue n’est ici pas un vain mot. Le discours de ces deux-là sur leur discipline est une formidable leçon de vie. Sur le plateau de Chaillot où le lointain est occupé par un mur de varappe, qui devient écran quand nécessaire, Rachid Ouramdane les invite donc tous deux, parmi des circassiens voltigeurs, confrontés eux aussi à l’appréhension du vide dans cette volonté d’aller toujours plus haut, où prendre son envol se heurte de facto à la pesanteur. Une prise de risque calculée, un travail minutieux et collectif, qui n’empêche pas l’accident, la chute, « où le sol se dérobe sous vos pieds. » Evoquée par une circassienne, c’est une expérience aux conséquences psychologiques pouvant être dévastatrices. Et c’est aussi ça qui est exprimé ici, cette fragilité, cette humilité, voire cette sensibilité parfois écorchée que le rapport à la suspension, l’aérien donne. Ce ne sont pas des héros, mais des sportifs, certes virtuoses, mais conscients du danger qu’ils apprivoisent. Cependant, alors que près des cintres Nathan Paulin évolue sur son fil souple, sur le plateau Rachid Ouramdane chorégraphie porteurs et voltigeurs défiant en des figures de plus en plus complexes et vertigineuses la pesanteur. Qu’ils soient accrochés au mur, où sur les épaules d’un partenaire, lui-même sur les épaules d’un autre porteur, ils se jettent avec art dans le vide, se laissent tomber sans retenue. C’est un ballet aérien où les corps semblent étrangement, et sans doute est-ce une illusion, un court instant seulement, flotter. Rachid Ouramdane structure avec fluidité cette partition circassienne, attentif à l’engagement des corps, aux mouvements singuliers qu’oblige cette discipline exacerbant la verticalité, lui donnant de même un tempo particulier, une certaine lenteur où tout semble être, oui, en suspension, de la prise d’élan à la réception du voltigeur. Ce n’est pas de la danse mais la question est la même qui traverse danseurs et voltigeurs, comment s’affranchir de la pesanteur. Cependant, en observant Nathan Paulin sur son fil, se rappelant ce qu’il disait en préambule, malgré le vertige qui nous prend lentement au long de cette création hybride, on se dit qu’il y a quelque chose de méditatif, que le sens donné à tout ça, est d’abord cette quête non de sensations extrêmes mais bien d’une liberté à nulle autre pareil, au risque du saut dans le vide et de la chute.   © Pascale Cholette     Corps extrêmes, conception de Rachid Ouramdane Musique : Jean-Baptiste Julien Vidéo : Jean-Camille Goimard Lumières : Stéphane Graillot Costumes : Camille Panin Régie Générale : Sylvain Giraudeau Avec : Hamza Benlabied, Airelle Caen, Löric Fouchereau, Nathan Paulin, Arnau Povedano, An Raber Cocheril, Belar San Vicente, Maxime Seghers, Seppe Van Looveren, Leo Ward   Du 16 au 24 juin 2022 A 20 h 30, les jeudis à 19 h 30, le dimanche à 15 h 30     Théâtre National de la Danse Chaillot 1 place du Trocadéro 76116 Paris Réservations 01 53 65 30 00 www.theatre-chaillot.fr      Read More →
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Nosztalgia express, écrit et mis en scène par Marc Lainé, Théâtre des Abbesses - Théâtre de la Ville
  © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒƒ article de Sylvie Boursier Haute couture sur-mesure cette collection sixties de Marc Lainé avec des costumes cousus main, des décors sophistiqués et une esthétique brillante qui mélange les styles, du polar vintage au roman-photo, du cinéma muet à l’opéra rock façon Starmania. L’ensemble nous rappelle l’importance thérapeutique de l’utopie dans nos vies et les pouvoirs autoréalisateurs de la fiction. L’intrigue débute comme un thriller d’Agatha Christie. Une femme disparait dans un train, abandonnant son enfant de 10 ans sur le quai. Nous sommes le 4 novembre 1956. Au même instant l’armée soviétique mate dans le sang l’élan démocratique des hongrois. Ce fut une tragédie pour les communistes du monde entier qui découvrirent avec effroi que les soldats de l’armée soviétique tiraient sur leurs compatriotes socialistes. Douze ans plus tard le petit garçon, devenu chanteur à succès, reste hanté par la disparition de sa mère. Son manager recourt à un détective qui mène une enquête rocambolesque de Paris à Budapest. Ce petit monde va finalement franchir le mur sous prétexte d’un concert improvisé, en réalité dans l’espoir de trouver la dame qui semblerait avoir joué un rôle important dans la résistance hongroise. Ça parait tiré par les cheveux mais on suit parfaitement les péripéties de la fine équipe qui avance au pas de charge. Après une première partie qui traine un peu sur la dépression du chanteur dans son studio d’enregistrement, on entre dans le vif du sujet. La petite histoire croise la grande, nous suivons l’arrivée des chars russes, les barricades hongroises et l’écrasement final grâce à une projection de photos sur laquelle les comédiens vont interagir comme s’ils sortaient de la pellicule. Les images sépia rappellent le cinéma muet avec bruitage, orchestre et récitant qui accompagnent la projection animée en révélant les pensées et sentiments des protagonistes. Le troisième acte nous immerge dans un hôtel hongrois délicieusement « années 70 » gris orangé et kaki avec une réception  digne du film de Wes Anderson « The grand hôtel Budapest ». Des situations cartoonesques caractéristiques des films d’espionnage se succèdent, la poursuite, les évasions, les rebondissements, un room service d’anthologie, des agents en civil à chaque coin et comme il se doit une chambre truffée de micros. Les comédiens habitent au millimètre près leur composition ciselée avec des virages dignes d’une bande dessinée. S’il fallait trouver une raison supplémentaire de voir Nostalgia express citons la musique d’Emile Sornin qui sert de fil conducteur. Ses morceaux rock–psychédéliques font merveille, magistralement interprétées sur le plateau avec piano et percussions par les acteurs. Avec un peu d’imagination on croit voir Michel Berger et sa « groupie du pianiste ». Le texte de Marc Lainé féroce et drôle est un écrin idéal pour les comédiens qui s’en emparent avec bonheur. La légèreté « champagne » du spectacle, la beauté des images vont de pair avec l’esprit de résistance et cette douce nostalgie d’une Mitteleuropa fantasmée qui en 2022 lutte pour sa survie démocratique.   © Christophe Raynaud de Lage     Nosztalgia express, écrit et mis en scène par Marc Lainé Lumières : Kevin Briard Costumes : Benjamin Moreau Musique : Émile Sornin (forever Pavot) Avec : Alain Eloy, Émilie Franco, Thomas Gonzalez, Léopoldine Hummel, François Praud, François Sauveur, Olivier Werner, Farid Laroussi, Rodrigue Cabezas     Du 14 au 23 juin à 20 h Durée du spectacle : 2 h 40   Théâtre des Abbesses – Théâtre de la Ville 31 rue des Abbesses 75018 Paris Réservation 01 42 74 22 77 www.theatredelaville-paris.com   Texte édité aux éditions Actes Sud-Papiers 2021      Read More →
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