Tosca, musique de Giacomo Puccini, livret de G. Giacosa et Luigi Illica, direction musicale Carlo Montanaro, mise en scène de Pierre Audi, Opéra Bastille
  © Vincent Pontet / Opéra national de Paris   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Tosca, l’opéra de Puccini créé en 1900 d’après une pièce de Victorien Sardou écrite pour Sarah Bernhardt en 1887, est l’expression d’un vérisme porté à son acmé qui mêle à la passion, la politique et la religion ancrés dans une ville qui résume en elle-même ces trois aspects, Rome. En trois lieux non moins symboliques, Sant’ Andrea della Valle qui ouvre la tragédie, le palais Farnese qui la porte à son incandescence, et le Château Saint-Ange pour sa résolution dramatique. Lieux de pouvoir spirituel et temporel, intimement tressés. Et chaque metteur en scène de chercher l’angle d’attaque, tâche ardue depuis sans doute la mise en scène de Zeffireli qui avait trouvé en La Callas l’interprète absolue pour une révolution de la mise en scène opératique initiée déjà par Visconti et aujourd’hui sans doute obsolète (je me souviens d’une reprise à Covent Garden dans les années 1990 de cette mise en scène qui accusait là fortement un sacré coup de vieux.) Pour David Bobée récemment à Rouen qui de Tosca faisait un flamboyant et glaçant manifeste politique ou de Christophe Honoré à Aix-en-Provence, axant sa mise en scène sur la transmission d’une œuvre et d’un personnage emblématique, chacun donc tente avec plus ou moins de succès de trouver son chemin dans cette œuvre iconique. Pierre Audi choisi le poids de la religion. On sait Tosca pieuse, vissi d’arte vissi d’amore, prière à la vierge comme étendard, mais fallait-il pour autant par la scénographie forcer le trait ? Sant’Andrea della Valle, immense croix posée au sol qui la transforme en bunker, tel un lieu assiégé, il fallait oser et ce n’est pas du plus bel effet qui écrase de tout son poids l’espace et les chanteurs. Et cette même croix immense suspendue aux cintres et qui surplombe le plateau, pèse sur les deux derniers actes, assène un message plus qu’elle ne le distille, évacuant peu ou prou la question du politique. Pour le reste la mise en scène est littérale qui respecte l’œuvre au plus près, sans vraiment d’audace ni innovation. À cela il faut ajouter un dernier acte, dans sa fin, raté. Tosca évite le saut de l’ange, pourquoi pas, mais c’est une fin qui fait ici pschitt et, au regard de la tension dramatique et musicale dans sa sécheresse et brutalité, tombe malheureusement à plat. Et si cette création tient le choc, c’est qu’elle mérite avant tout d’être entendue, par la grâce de ses interprètes et un orchestre en pleine forme dirigé de main de maître par Carlo Montanaro qui pousse l’orchestre de l’Opéra National de Paris dans ses retranchements les plus ténus. Capable de faire monter la tension dramatique à son point de rupture comme de trouver des nuances d’une infinie délicatesse et poésie. La partition de Puccini révèle ainsi toute sa complexité et sa modernité dans le dessein de ses personnages et d’une situation dramatique mouvante. Et puis il y a le trio infernal et passionnel. Trois chanteurs qui donnent là, outre leur voix d’exception, toute la dimension sans réserve de leur personnage. Ludovic Tézier, Scarpia, voix sombre et large, scansion volontairement heurtée, d’une froideur imparable. Le parfait salaud qu’on aime à détester. Michael Fabiano, Mario Cavaradossi, voix puissante et prenante, ne manquant pas de souffle incarne son personnage avec une fougue révolutionnaire ad-hoc mais devant Tosca est capable de nuances intimistes, oublieux de cette voix projetée avec fougue pour des piani sensuels. Sans doute son dernier air, attendu, Et lucevan le stelle, de par cette voix si ample aurait mérité un peu plus de nuance ou de douceur. Mais qu’importe, l’émotion était palpable et l’emportait. Il suffisait d’écouter la salle pour comprendre combien toute critique était inutile. Maria Agresta, Tosca aux aigus tranchants et vifs comme une lame, mais sans effort apparent, donne au personnage une délicatesse et une étonnante jeunesse. Capable elle aussi de nuances infimes jusqu’à la retenue. L’air Vissi d’arte, vissi d’amore est une dentelle de soie prêt à se déchirer. L’ensemble de la distribution, chœur de l’Opéra de Paris compris, est d’une belle homogénéité qui donne à l’ensemble sa force et sa cohérence. Et s’il fallait résumer cette matinée (couvre-feu oblige), une salle debout à peine le rideau tombé est sans doute l’expression la plus juste qui balaie toute critique.   © Vincent Pontet / Opéra national de Paris     Tosca musique de Giacomo Puccini Livret de G. Giacosa et L. Illica D’après Victorien Sardou Direction musicale Carlo Montanaro Mise en scène de Pierre Audi Décors Christophe Hetzer Costumes Robby Duiveman Lumières Jean Kalman Dramaturgie Klaus Bertish Chef des chœurs Alessandro di Stefano Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris Maîtrise des Hauts de Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris Avec Maria Agresta, Michael Fabiano, Ludovic Tézier, Guilhem Worms, Frédéric Caton, Carlo Bosi, Philippe Rouillon, Florent Mbia   Les 4, 8, 11, 14, 18 et 25 juin 2021   Opéra Bastille Réservation 08 92 89 90 90 www.operadeparis.fr      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Tosca, musique de Giacomo Puccini, livret de G. Giacosa et Luigi Illica, direction musicale Carlo Montanaro, mise en scène de Pierre Audi, Opéra Bastille
Tout le monde ne peut pas être orphelin, Les chiens de Navarre, mise en scène de Christophe Meurisse, Théâtre des Bouffes du Nord
  © Ph. Lebruman     ƒƒ article de Denis Sanglard La famille, c’est les Atrides. Faut que ça saigne ! Ou comment tuer père et mère et sauver sa peau avant qu’ils ne vous fassent la vôtre. Lieu de toutes les névroses, des non-dits, du pas-assez-dit, du trop-dit qui vous pourrissent le cerveau et votre réveillon de Noël devenu un enfer. Lieu d’explosion, d’implosion. De solitude. De réconciliation, parfois. Toujours provisoire. Il n’y a que la vieillesse et la mort pour vous réconcilier. Et encore… Ce n’est pas la première fois que Les Chiens de Navarre s’attaquent à la famille. Sujet déjà abordé au fil de leur création mais jamais encore de front. Là, nos chiens mordent encore férocement jusqu’à l’os qu’ils rongent jusqu’à la moelle. Jeu de massacre, curée trash, cash, crue. Sanglant et scato, aussi. Avec ça des dialogues, paroles comme jets d’acides pour dissoudre ce qui restait d’amour, filial ou propre, ou ce qui en tenait lieu, cette hypocrisie, cette obligation qui vous relie les uns aux autres et qu’on dit famille. Entre amour et détestation c’est kif-kif bourricot. Nous sommes victimes et bourreaux, sado et maso. De la cuisine au salon les situations dégénèrent salement jusqu’à l’absurde, l’incontrôlable. Les chiens de Navarre dézinguent sans honte et sans coup-férir la famille qu’elle fouille et fouaille dans tous ses états les plus inavouables. Meurtre symbolique, sexe, inceste fantasmé… ici, finir aux chiottes n’est pas qu’une image. C’est une thérapie de groupe sauvage où nul ne sort indemne. C’est à hurler de rire comme toujours. Les chiens de Navarre s’en donne à cœur joie dans ce terrifiant et jubilatoire chamboule-tout. Encore une fois il démontre leur grande maîtrise dans le dérapage plus ou moins contrôlé. Peut-être davantage écrit encore que leur précédente création, moins foutraque en apparence, sans tableaux qui s’enchaînent, Les Chiens de Navarre ont comme mûri, atteint un âge de raison sans rien perdre de leur cynisme abrasif gorgé de folie, de leur causticité impitoyable. Pour preuve il y a comme une poignée de cheveux dans le bouillon, une pointe de tendresse inattendue qui conclut cette féroce création. De l’émotion chez Les Chiens de Navarre, voilà qui est nouveau et désarmant ! Parce que c’est ça aussi qui est dénoncé, notre foutue contradiction, notre tragédie d’adulte, le refus et la peur d’être un jour orphelin malgré la haine qui nous vrille… Et ces chiens-là sont tous nouveaux. Une famille recomposée pour une décomposition de la famille. Dont deux illustres Deschiens, Lorella Cravotta et Olivier Saladin ont rejoint cette meute déchaînée et qui dans l’abjection donnent le meilleur d’eux-mêmes. Parfaits parents indignes, égoïste, monstrueux et sans culpabilités aucune à vouloir se débarrasser de leur progéniture pour filer baiser au Portugal. Mais aux dignes rejetons, tout aussi frappadingues que leurs géniteurs.   © Ph. Lebruman     Tout le monde n’a pas la chance d’être orphelin mise en scène de Jean-Christophe Meurisse Avec Lorella Cravotta, Charlotte Laemmel, Vincent Lécuyer, Olivier Saladin, Lucrèce Sassela, Alexandre Steiger et Hector Manuel en alternance avec Cyprien Colombo. Collaboration artistique Amélie Philippe Régie générale François Sallé Régie générale plateau Nicolas Guellier Création lumières Stéphane Lebaleur et Jérôme Pérez Régie Lumière Stéphane Lebaleur Création son Isabelle Fuchs et Jean-François Thomelin Régie son Isabelle Fuchs ou Pierre Routin Costumes et régie plateau Sophie Rossignol Décors et construction François Gauthier-Lafaye   Du 11 juin au 4 juillet 2021 Durée 1 h 30   Théâtre des Bouffes du Nord 37bis boulevard de la Chapelle 75010 Paris Réservations 01 46 07 34 50 location@bouffesdunord.com www.bouffesdunord.com        Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Tout le monde ne peut pas être orphelin, Les chiens de Navarre, mise en scène de Christophe Meurisse, Théâtre des Bouffes du Nord
Terreur, Ferdinand von Schirach, mis en scène par Michel Burstin, Bruno Rochette, Sylvie Rolland, Théâtre de Belleville
 © ZZIIGG   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Terreur est la seule pièce écrite à ce jour par Ferdinand von Schirach, avocat pénaliste allemand qui a commencé par publier des nouvelles (Crimes, Coupables), puis a connu un succès mondial (et des prix) avec son roman L’affaire Collini. L’auteur s’inspire dans toute son œuvre d’affaires réelles, qui servent de matière première à des réflexions politiques, éthiques, et philosophiques. Terreur est un procès fictif dont les spectateurs sont les jurés. Ils doivent juger le pilote de chasse Lars Koch qui a abattu un avion de ligne et causé la mort de 164 passagers, alors qu’un terroriste menaçait de le faire écraser sur un stade de 70 000 spectateurs. Or, Lars/Laura Koch n’avait pas reçu l’ordre d’abattre l’avion. Le pilote a pris cette décision seul et sa motivation s’opposait sur le fond à une décision (réelle) du Tribunal constitutionnel allemand ayant jugé qu’il est « contraire à la Constitution de tuer des personnes innocentes pour sauver d’autres personnes innocentes » et qu’il aurait dû en tout état de cause respecter en tant que dépositaire de la force publique. Dans sa création française, la compagnie Hercub’ a changé plusieurs choses par rapport au texte publié en 2015 (et en 2017 à L’Arche en français) de von Schirach. Tout d’abord l’âge et le genre de l’accusé ont été modifiés (Lars, 49 ans devient Laura, 45 ans interprétée par l’excellente Céline Martin-Sisteron), ce qui peut interroger sur l’impact que cela pourrait avoir sur le vote. Ensuite, la date (2020 au lieu de 2013). Enfin, des coupes assez nombreuses ont été faites dans le texte, ainsi que certains redécoupages, ce qui permet de faire tenir la pièce, sans rien perdre de l’essentiel, dans un format d’une heure trente. Les choix sont dans la majorité extrêmement pertinents et permettent sans prendre le risque d’ennuyer le public (non juriste) de rester au cœur des questionnements dans lesquels souhaite nous placer von Schirach : la responsabilité, l’intime conviction, la vérité, le Bien et le Mal, la raison d’Etat, l’Etat de droit, le droit de désobéissance, la morale, la dignité de l’homme, la Justice. Et au final, il nous place devant notre conscience : « Y-a-t-il des situations dans notre vie dans lesquelles il est juste, raisonnable et judicieux, de tuer un être humain ? Et davantage encore : dans lesquelles ne pas le faire serait absurde et inhumain ? » (Acte I) ou : « Avons-nous le droit de sacrifier des innocents pour sauver d’autres innocents ? » (Acte II). La démonstration de la procureure (en particulier sur le choix de ne pas faire évacuer le stade à temps), tout comme la plaidoirie de l’avocat viennent bouleverser les certitudes éventuelles de leurs auditeurs d’un soir. La scénographie et la mise en scène sont réduites au strict minimum. Le président est juché sur une chaise et table hautes à jardin, la procureure assise à une table normale à cour, l’avocat et l’accusée en retrait derrière elle. Le régisseur est également sur le plateau et le dessinateur de presse Zziigg juste devant, qui croque, comme dans un véritable procès où les caméras sont interdites, les différents protagonistes. Un témoin (Mme Meiser, qui est aussi partie civile) est assis parmi les spectateurs qui le découvrent au bout d’une heure quand il est appelé à la barre. C’est la seule surprise véritable de la mise en scène (avec celle qui est de faire dire le début de l’Acte I au président à l’extérieur du théâtre avant que les spectateurs n’y entrent). Certes le texte de von Schirach mérite à lui seul le déplacement et on sait gré à la compagnie Hercub’ de le monter pour la première fois en France, après avoir créé un autre texte puissant (Espace Vital de Israel Horovitz). Au bout de plus d’une heure de représentation, les spectateurs sont invités à se prononcer en glissant un dé (pour rappeler que l’on joue la vie d’un être humain ?) dans la case Acquittement ou Condamnation d’une urne noire, qui Covid oblige est déplacée par une comédienne, alors que le metteur en scène avait prévu un autre mode de vote (proche de celui à la Chambre des communes britannique par deux portes différentes selon le sens du vote) qui nécessiterait un déplacement physique des spectateurs. Le Président décompte les dés, annonce le résultat et prononce le verdict. Si bien que dans chaque salle où se joue la pièce, des résultats différents sont attendus. Ce jour-là à Belleville, 17 votes étaient en faveur de l’acquittement et 11 en faveur de la condamnation. Ferdinand von Schirach a évidemment écrit deux sentences. C’est celle de l’acquittement qui a le plus souvent été lue (à 92 %) dans les 28 pays du monde où la pièce a été jouée. Avignon, où la compagnie présentera sa pièce au Théâtre 11 dans le off tout le mois de juillet, ne fera sans doute pas exception.   © ZZIIGG   Terreur Mise en scène Michel Burstin, Bruno Rochette, Sylvie Rolland Scénographie et décor Thierry Grand Costumes Elise Guillou Lumière Vincent Tudoce   Avec : Michel Burstin Frédéric Jeannot Céline Martin-Sisteron Bruno Rochette Sylvie Rolland Johanne Thibaut   Durée 1 h 30   Vu en séance professionnelle au Théâtre de Belleville   Tournée : Festival d’Avignon du 7 au 29 juillet 2021 au Théâtre 11 Théâtre de Belleville en septembre 2021 La Rue les Arts à Villecresnes en janvier 2022 L’Espace Sorano à Vincennes en janvier 2022        Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Terreur, Ferdinand von Schirach, mis en scène par Michel Burstin, Bruno Rochette, Sylvie Rolland, Théâtre de Belleville
Exit, Stéphane Laporte et Gaétan Borg, mis en scène par Patrick Alluin et Gaétan Borg, Théâtre de la Huchette
  © Fabienne Rappeneau   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Exit est une comédie musicale sur le papier assez improbable. Sybille (excellente Marina Pangos) scénariste de jeux vidéo, est en couple depuis 7 ans avec Antoine (attachant Simon Heulle), éternel adolescent, qui les produit. A la recherche d’un graphiste, elle travaille sur son nouveau projet avec Mark (séduisant Harold Savary), citoyen britannique, posé et cultivé, qui lui redonne confiance en ses aspirations plus intellectuelles que ce qu’Anachronia l’autorise à créer (des scénarios pseudo historico-déjantés comme « Marie Curie super radium »). Sur fond de campagne pour le Brexit (avec de vrais extraits audio de David Cameron, mais aussi dialogue fictif avec Boris Johnson), de traversées de la Manche en Eurostar (et les délices des conversations téléphoniques dans le tunnel), de pilotes de jeux vidéos chantés en empruntant tous les styles (oriental, slam, opérette…) du temps qui passe dans un couple et des directions nouvelles que chacun prend, le nouveau projet de Sybille centré sur la vie exceptionnelle d’Aliénor d’Aquitaine (successivement Reine de France avec Louis VII et Reine d’Angleterre avec Henri II) sert de transposition au progressif balancement de son cœur entre la France et le Royaume-Uni. En dépit de son intérêt pour les comédies musicales et le Brexit, l’auteur de ces lignes peu friande des comédies de mœurs, n’a pourtant pas mis très longtemps à sourire, puis à franchement rire. Contre toute attente, une alchimie improbable se créé très rapidement. Cela fonctionne si bien car au-delà des apparences, le texte est d’une grande finesse sur le fond, drôle le plus souvent, très bien joué et assez bien chanté, inventif et enlevé sur le plan de la mise en scène. Sur le petit plateau de ce théâtre de la Huchette qu’on aime tant, les auteurs-metteurs en scène ont réalisé des prouesses pour nous transporter toutes les 10 minutes dans un univers différent : l’appartement de Sybille et Antoine, le bureau et l’appartement de Mark à Londres, l’Eurostar, et les jeux vidéos (notamment l’hilarante ouverture avec « Marie Antoinette et les moutons Danton » où le comédien interagit avec une bande vidéo au-dessus de lui). Sur le fond, la question centrale est celle du choix. Sortir ou ne pas sortir de l’Union européenne, café latte ou serré, rester dans son couple par habitude mais renoncement ou donner suite à « un mot (peut-être) dit trop tôt ». Sybille pour la première fois fait un choix, que nous ne divulguerons pas pour laisser tout le plaisir de l’attente et de la découverte aux spectateurs à venir. Une belle soirée entre amis. Ou seul(e), c’est très bien aussi…     © Fabienne Rappeneau   Exit Mise en scène Patrick Alluin Assistant à la mise en scène Gaétan Borg Compositeur Didier Bailly Costumes Julia Allègre Lumière Laurent Béal Chorégraphie Mariejo Buffon Arrangements musicaux Jérémy Branger, Marie-Anne Favreau, Paul Cépède Animation et projection vidéo Stéphane Gérard   Exit Mise en scène Patrick Alluin Assistant à la mise en scène Gaétan Borg Compositeur Didier Bailly Costumes Julia Allègre Lumière Laurent Béal Chorégraphie Mariejo Buffon Arrangements musicaux Jérémy Branger, Marie-Anne Favreau, Paul Cépède Animation et projections vidéo Stéphane Gérard   Avec : Harold Savary, Marina Pangos, Simon Heulle   Durée 1 h 35 Du mercredi au vendredi 21 h 10, samedi et dimanche 15 h   Exit Théâtre de la Huchette 23 rue de la Huchette, 75005 Paris www.theatre-huchette.com      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Exit, Stéphane Laporte et Gaétan Borg, mis en scène par Patrick Alluin et Gaétan Borg, Théâtre de la Huchette
Stallone, de Fabien Gorgeart, Clothilde Hesme et Pascal Sangla, au Théâtre des Célestins, Lyon
  © Huma Rosentalski   ƒƒƒ article de Victoria Fourel C’est l’histoire de Lise. Lise a une vie tranquille, bien réglée et sans ambition. Une vie transformée, retournée par Rocky III. Oui, une vie changée par Sylvester Stallone. Subjuguée par le grand écran, elle remet tout en cause, change tout. Cette nouvelle, et ce spectacle, c’est une toute petite histoire de vie. Enfin, à l’échelle de Lise, le personnage principal, c’est un chamboulement total, mais il n’est ni question d’héroïsme, ni de grandes aventures. Il est seulement question de la force des images que l’on croise, du besoin des rencontres, mêmes virtuelles, que l’on fait. Et des transformations que l’on est capable de mener sur sa propre existence. C’est une histoire ordinaire mais si lumineuse, si tendre, si facile à penser. Et finalement très surprenante. Une grande poésie règne, et nous amène à chercher ceux et celles qui dans nos parcours, ont laissé leurs empreintes sur nos vies, comme Stallone sur celle de Lise. Le texte est livré au micro, conservant la qualité littéraire, et un aspect conté tout au long du spectacle. C’est sur le rythme et sur le son que joue cette mise en scène, proposant une immersion dans la nouvelle, une discussion, presque, avec la comédienne et le musicien. Cela convient complètement à Clothilde Hesme, qui pose, technique, le texte, avec une sincérité désarmante, quelque chose de très jeune, très innocent. Comme si Lise était elle-même surprise en permanence de sa propre trajectoire. Jouer le juvénile n’est pas toujours bien vu, et n’est pas toujours aisé non plus. Ici, c’est très bien fait, et cela correspond à une forme scénique légère, mobile. On apprécie l’utilisation du son au théâtre, ces dernières années, qui devient acteur au plateau, et plus seulement figurant en coulisses. Pascal Sangla est musicien, arrangeur en direct, et comédien, aussi. Sa présence, parfois séduisante, parfois hilarante, parfois très carrée, soutient Clothilde Hesme, apporte une atmosphère, et crée le rythme, si important à ce type de spectacle. Au final, on se fait la réflexion, que l’on pourrait écouter ce spectacle au casque, ou en podcast. Malgré une apparente simplicité, il a de nombreux niveaux de lecture et fait travailler notre imaginaire. On rit, parce qu’un petit décalage navigue dans cette histoire. On est touché, parce que c’est une vie que l’on connaît ou que l’on a vécue. On est bercé, parce que la musique est omniprésente et si bien menée. Cela nous conforte dans l’idée qu’un excellent texte, avec une belle idée inattendue, une comédienne technique et une ambiance très écrite suffisent à un spectacle parfaitement juste.   © Huma Rosentalski   Stallone d’après Stallone, d’Emmanuelle Bernheim De Fabien Gorgeart, Clothilde Hesme et Pascal Sangla   Création sonore et music live Pascal Sangla Lumière Thomas Veyssière Assistanat à la mise en scène Aurélie Barrin Avec Clothilde Hesme et Pascal Sangla     Du 3 au 12 juin 2021 Le 3 juin à 18 h 30, les 4 et 5 à 19 h, le 6 à 16 h 30, le 8 à 18 h 30 et du 9 au 12 à 20 h 30.     Théâtre des Célestins 4 rue Charles Dullin 69002 LYON Réservation au 04 72 77 40 40 www.theatredescelestins.com      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Stallone, de Fabien Gorgeart, Clothilde Hesme et Pascal Sangla, au Théâtre des Célestins, Lyon
Maîtres anciens, de Thomas Bernhard, mise en scène d’Éric Didry, Théâtre de la Bastille
  © Jean-Louis Fernandez   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Jubilatoire performance de Nicolas Bouchaud ! Dans Maîtres anciens de Thomas Bernhard toute la démesure de l’acteur éclate magistralement. Reger, vieux critique musical assis sur une banquette du musée de L’Histoire de l’Art de Vienne devant une toile de Tintoret, tous les deux jours depuis trente ans, attend son ami philosophe Atzbacher. Pourquoi, on le saura à la fin et là on ne dira rien, la surprise étant de taille. Entre-temps c’est à nous qu’il s’adresse, directement. Et c’est un exercice de détestations grandiose, de misanthropie absolue. Reger voue aux gémonies la musique, particulièrement le « kitsch » de Beethoven, la peinture et la vénalité des peintres de commande dont il souligne les défauts des tableaux, les professeurs qui vous dégoûtent à jamais de l’art, les philosophe dont Heidegger particulièrement et dont la description est au vitriol, la littérature avec Stifter en tête de turc, l’état, les politiciens, la religion catholique qui envahit tout, la famille… L’Autriche jamais vraiment dénazifiée. Rien n’échappe à son dégoût, tout est « répugnant ». Et au milieu de tout ça, l’évocation douloureuse d’un deuil, d’un unique amour, comme une bouffée d’air dans cette acrimonie. Une pensée paradoxale pour le moins ; malgré tout on ne peut se passer malgré tout de l’objet de sa haine… Un humour grinçant, crissant comme une craie sur de l’ardoise, franchement hilarant (le roman est sous-titré « Comédie »), c’est un jeu de massacre de haute volée, d’une liberté totale. Thomas Bernhard explose de rage, une rage obsessionnelle, martelée. Reger dispense sa parole, exécute sans sommation, véritable logorrhée, flot continu où les idées atrabilaires se chevauchent au galop, porté par Nicolas Bouchaud avec une intelligence et un souffle impressionnant. Pas de colère mais une assurance, un calme trompeur, juste quelques éclats de voix aussitôt maîtrisés et jamais attendues, du moins certes pas là où on l’aurait cru. Nicolas Bouchaud soliloque en virtuose, prend le texte à bras le corps, en extrait toute la saveur, les pleins et les déliés, en révèle sa dynamique, ses tensions contradictoires, loin de l’invective stérile. Du grand art mené tambour battant. Car le roman de Thomas Bernhard ne se réduit pas à ça, une diatribe véhémente. Et Nicolas Bouchaud évite avec justesse le piège de l’imprécation, de la haine recuite. Évitant le contre-sens. Il y a quelque chose de très physique dans l’appréhension de cette parole tranchante et vive. Nous ne sommes pas très loin du burlesque, de la farce… Mais tout au bord avec ce qu’il faut de distance, voire d’ironie, pour ne pas y sombrer. Avec ça quelque trouvailles scéniques explosives. Après tout Thomas Bernhard dynamite le monde de l’art, autant le prendre à la lettre… Le tour de force de Nicolas Bouchaud est de ne pas se laisser enfermer dans ce discours volontairement provocateur, un faux-nez à vrai dire, et de laisser, ici et là, des ouvertures, de sacrés appels d’air où la parole prend alors un tout autre sens, à rebours de ce qui est énoncé si vertement. C’est toute l’ambiguïté de Reger, et de Thomas Bernhard, de dénoncer et de ne pas pouvoir faire autrement que de vivre avec cet héritage donné. Après tout Reger est aussi un critique musical. Et de cet héritage culturel, politique si vilipendé, il en a aussi sa part. Et cette part là il ne l’exclue pas. Sa liberté est de l’accepter, de la refuser, de la dénoncer. Et c’est donc cette liberté frondeuse en filigrane que Nicolas Bouchaud met en avant formidablement. Il y a une certaine distance envers la misanthropie de son personnage que la fin, véritable pied-de-nez, nous n’en dirons rien, du moins pas plus, éclaire d’un nouveau jour. Et que l’épreuve du deuil, la perte de son épouse, sans doute le cœur du roman, déjà ébréchait. Alors oui ce n’est pas tant un exercice de détestation, un chamboule-tout mordant et libératoire auquel nous assistons avec gourmandise qu’une réflexion profonde sur un héritage détesté et encombrant et la revendication d’une liberté et le refus du déterminisme.     Maîtres anciens de Thomas Bernhard Mise en scène d’Éric Didry Un projet de et avec Nicolas Bouchaud Adaptation  Nicolas Bouchaud, Éric Didry et Véronique Timsit Collaboration artistique  Véronique Timsit Traduction française  Gilberte Lambrichs publiées aux Editions Gallimard Scénographie  Élise Capdenat, Pia de Compiègne Lumière  Philippe Berthomé Son  Manuel Coursin Régie générale  Ronan Cahoreau-Gallier   Du 9 au 30 juin 2021 à 20 h 30 Relâche le dimanche et les 17, 18, 19  et 21 juin     Théâtre de la Bastille 76 rue de la Roquette 75011 Paris Réservations 01 43 57 42 14 www.theatre-bastille.com    Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Maîtres anciens, de Thomas Bernhard, mise en scène d’Éric Didry, Théâtre de la Bastille
Eurydice aux enfers, Gwendoline Destremau, mis en scène par Gwendoline Destremau, Espace Saint Jo de Clamart
  © Lucie Langlois   ƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Eurydice aux enfers présenté en mai à la presse et aux professionnels à l’Espace Saint Jo à Clamart, par la Compagnie de l’Eau qui Dort, revient sur le mythe d’Orphée et Eurydice qui a déjà suscité tant d’adaptations et de variations. On est très loin de Virgile et d’Ovide, de Gluck et même de Cocteau. Gwendoline Destremau inverse le conte. C’est Eurydice qui va chercher Orphée aux Enfers. Et c’est une Eurydice des temps modernes, une femme moderne même, qui ne s’en laisse pas conter. Ni par son amoureux, Orphée, qui s’est laissé aller une fois condamné par la maladie ; ni par les Enfers et ses gardiens, les affrontant un à un jusqu’à sa confrontation avec la Mort elle-même car « Eurydice refuse la mort » et la Mort voudrait sentir la vie, avec un cœur qui bat et fait souffrir. Sa descente aux Enfers volontaire, où Eurydice parvient après avoir creusé la croute terrestre, a pour objectif premier de ramener Orphée, mais c’est surtout un moyen pour elle, face aux épreuves, d’être consciente de sa résilience. Elle ne sauvera pas Orphée, qui ne l’a jamais voulu vraiment, ni vivant, ni mort, mais elle se trouvera elle, en dépit de sa douleur, de cet amour perdu, grâce à cette pulsion de vie qui l’a toujours animée. Dans son Eurydice aux enfers Gwendoline Destremau chante un hymne à la vie, et aux êtres qui la choisissent face à la mort ou à ce qui y ressemble, c’est-à-dire des existences vécues à moitié, à côté, par renoncement ou épuisement ou même tempérament. Le message pourrait être encore plus puissant si le texte comme la mise en scène ne donnaient pas l’impression d’hésiter entre des registres différents. La force de certaines formules n’exclut pas l’humour, mais par moments le texte s’essouffle et n’est pas toujours soutenu par la mise en scène. Le grotesque ou le burlesque peuvent convaincre, comme la scène au cours de laquelle Eurydice s’arrache les yeux pour que Caron la laisse entrer ou encore celle au cours de laquelle une certaine Emma supplie Cerbère de la laisser remonter, mais finit par lâcher prise et accepter de traverser le Léthé, quand sa vie – peu glorieuse – si elle n’avait pas eu un accident de la route, lui est contée. Le ralentissement des battements du cœur avec la musique créée sur le plateau est une idée peut-être banale, mais bien réalisée. Les scènes de flash-back sont également intéressantes. En revanche, ne séduisent vraiment pas les dialogues avec le garçon d’ascenseur faisant passer toutes les étapes de la descente aux enfers à Eurydice et certaines scènes comme celle des créatures rampantes dévorant les cadavres, dont on n’a pas compris si elles représentaient de manière allégorique les Furies ou autre chose. Reste qu’Eurydice aux enfers offre une belle proposition métaphorique que les comédiens de la Compagnie de l’Eau qui Dort portent avec conviction et énergie pour valoriser cette Eurydice « qui a foutu le bordel dans les enfers » en donnant les moyens à Caron d’explorer le monde et donc de ne plus compter les morts, mais en refusant à la Mort son cœur dont elle a besoin « pour tous les amants qu’elle n’a pas encore eus », et ressentir la simple fortune d’être vivante.   © Lucie Langlois     Eurydice aux enfers Mise en scène Gwendoline Destremau Musique Tom Mihaileanu Costumes Maxence Rapetti-Mauss Création lumière Louise Bouchez   Avec : Pierre-Louis Gastinel Emilie Bouyssou Tom Berenger Louise Herrero   Durée 1 h 15   Vu en séance professionnelle au : Espace Saint Jo 54 Rue du Moulin de Pierre, 92140 Clamart   Samedi 19 juin 2021 à 19 h Et nouvelles dates à partir du 11 septembre 2021      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Eurydice aux enfers, Gwendoline Destremau, mis en scène par Gwendoline Destremau, Espace Saint Jo de Clamart
Je te pardonne (Harvey Weinstein), texte, musique et mise en scène de Pierre Notte, Théâtre du Rond-Point
  © Giovanni Cittadini Cesi   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Le procès d’Harvey Weinstein version cabaret, il fallait oser. Pierre Notte l’a fait. Fidèle à lui-même c’est d’une impertinence et d’un humour salvateur et ravageur, sans gêne aucune. Finement écrit, comme toujours, c’est grossier parfois sans jamais être vulgaire, ou si peu, joyeusement cru et dru. Pierre Notte a le mérite d’appeler un chat une chatte et enculer n’est pas ici un vain mot ni un gros mot mais l’expression toute nue d’une réalité qui fait mal. Enfin pas pour tout le monde. Ou du moins pourrait être une solution, nous y reviendrons peut-être. Le procès Weinstein donc où le réquisitoire à charge du machisme ordinaire, de la misogynie crasse, de la violence du mâle en majesté, de la complicité tacite et implicite dans la domination (solidarité masculine oblige) du phallocrate en érection, du patriarcat rance. Et ce depuis belle lurette. Une histoire de cote, déjà. Et dans ce procès où la parodie et l’outrance n’empêche nullement le sérieux du propos, bien au contraire, viennent à la barre et en chantant, aussi, celles qui ont étés abusées, violées en toute impunité. Femme de chambre du Sofitel, gamine de treize ans, stars… Mais pas que. Elles sont toutes là les victimes sacrifiées à l’autel du mâle, de Cassandre à Peau d’âne pour un procès en juste révision où s’effondre à l’aune de « me too » l’Histoire, celle qu’ont bricolé à leurs propres gloires ces messieurs et pour des siècles et des siècles. Espéraient-ils. Mythes ou réalité c’est du pareil au même, la norme reste celle des couillus érigée à leur propre profit. Il ne faut pas moins qu’Elisabeth Badinter, Christine Taubira, Gisèle Halimi et consœurs en avocates des plaignantes. Et même la maman d’Harvey, car les salauds ont toujours une maman, merci madame Dolto. Mais à la barre, Harvey Weinstein n’est pas seul. Accusée, la cohorte des Polanski, Matzneff, Epstein… ! symptôme d’une société où la culture du viol est un acte de domination masculine assumé, le féminicide un accident domestique. Où l’inceste n’est plus l’affaire de rois, même de contes de fée. Désormais on ne se cache plus sous une peau d’âne, on balance sec. Pierre Notte, lui, balance sans crainte derrière son sourire matois. Le cabaret est le lieu de tous les possibles, autant y aller franco, avec tambour et trompette, ça passe ou ça casse. Pour l’heur ça passe. On grince un peu des dents, c’est vrai, devant la charge parfois énorme mais au fond terriblement juste. On rit pour ne pas pleurer de rage devant cette tragédie. Mais Pierre Notte s’en fout, lui qui assume le côté putassier (c’est lui que le dit) et ses acolytes de même qui débordent d’énergie et de talent. Sur le plateau visiblement ces quatre-là s’entendent comme larrons en foire pour mettre à nu les mécanismes tordus d’une société perclus de rhumatismes machistes. Ça valse sévère, ça pétarade, ça dézingue à tout va, pas de temps mort. Ça chante et ça danse. Et pourtant on trouve le temps de faire des crêpes. Et le titre me direz-vous ? Les salauds ont-ils droit au pardon ? Question posée à la salle et personne qui ne moufte. Lâcheté ? Bref, l’avenir de l’homme c’est la femme, on ne naît pas femme on le devient (ou on s’épile c’est selon), Pierre Notte prend ça au pied de la lettre. Ça commence par un peu de cellulite sur les fesses, les seins poussent et les testicules et le sexe rabougrissent et voilà notre Harvey Weinstein au long du procès devenir femme et porter bientôt robe et talons hauts. Et de conclure « Fallait il devenir femme pour être un homme ? ». Mais choisir Catherine Deneuve pour modèle, façon pour Pierre Notte de boucler la boucle, référence à son premier succès (Moi aussi je suis Catherine Deneuve), ne manque pas de culot ni d’ironie. N’est-ce pas notre icône nationale qui demandait le droit d’être importuné et qui du mariage pour tous déclarait cela superfétatoire ? Bref, même en femme, Harvey Weinstein ne se refait pas. Et l’on se dit qu’il y’a encore du boulot.   © Giovanni Cittadini Cesi   Je te pardonne (Harvey Weinstein) texte, musique et mise en scène de Pierre Notte Avec Pauline Chagne, Marie Notte, Pierre Notte et Clément Walker-Viry Costumes Alain Blanchot Arrangements musiques Clément Walker-Viry Création lumières Antonio De Carvalho Son Adrien Hollocou Assistant à la mise en scène Jeanne Didot   Du 1er au 17 juin 2021 à 19 h Du 18 au 26 juin 2021 à 21 h   Théâtre du Rond-Point 2bis avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris Réservations 01 44 95 98 21 www.theatredurondpoint.fr      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Je te pardonne (Harvey Weinstein), texte, musique et mise en scène de Pierre Notte, Théâtre du Rond-Point
Seeking Unicorns, performance de Chiara Bersani, La dynamo de Banlieue Bleue, Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis
    © Alice Brazzit    ƒƒƒ article de Denis Sanglard Le corps hors-norme, le corps autre, enjeu chorégraphique et performatif qui défie la monstration où jeter son corps dans la bataille comme, après Antonin Artaud, l’imposait Raimund Hoghe, disparu récemment, relève moins du défi crane que d’une ferme réappropriation de soi pour imposer un nouveau regard sur le handicap. Passer d’objet de curiosité anatomique à celui d’être son propre sujet exposant crûment son handicap actant la réappropriation de son image. « Ce n’est pas toi qui m’interprètes, je vais te montrer le chemin pour me comprendre. Je prends la responsabilité de dessiner l’image que le monde aura de moi » affirme Chiara Bersani, 98 cm, « naine », atteinte ostéogenèse imparfaite modéré. Et ce qu’elle impose c’est un regard franc sur ce corps. Et à ce corps qui n’est pas une chimère elle offre la possibilité d’une métamorphose, la licorne. « Moi, Chiara Bersani (…) je me déclare chair, muscle et os de la licorne. Ne connaissant pas son cœur, j’essaierai de lui donner mon souffle et mes yeux. Je vais habiller son image, je ferai son costume, qui deviendra d’abord mon armure puis ma peau. Nous découvrirons nos mouvements, nos baisers, nos salutations, nos bâillements, par le biais d’un dialogue entre ma forme qui agit et sa forme qui habille. » On cherchera en vain la symbolique de cet animal fabuleux. On interprétera ce que l’on veut. C’est le destin et le malheur des mythes. Ce qui importe là c’est l’acte performatif qui ouvre vers un ailleurs, un imaginaire et affranchi le regard porté sur un corps hors norme, libéré des clichés et du mépris. Il se passe peu de chose sur le plateau.  C’est avant tout une présence phénoménale qu’amplifie quelques simples mouvements qui signent la métamorphose. Mais ce peu qui est beaucoup, dans un temps comme dilaté, contraint le spectateur à regarder sans se détourner. Nulle échappatoire. Femme-cheval s’ébrouant, lentement Chiara Bersani fait le tour du plateau comme en manège, et fixe un à un, avec un sourire ravageur, quand elle ne rit pas, chacun des spectateurs présents. Chiara Bersani désamorce ainsi tout voyeurisme, tout regard obscène, qu’elle retourne comme un gant, sèchement. Tombent les préjugés. Cette métamorphose est un acte libérateur. Pour elle comme pour nous. Jamais sans doute licorne, animal mythique, ne fut plus humaine. Et c’est bien là le but atteint, sous l’image palimpseste de cet animal mythique, c’est une humanité jusqu’alors bafouée qui est affirmée. Et par cette interaction volontaire et forte, cet engagement ferme et témoin d’une histoire singulière, ce corps entre dans le champ du politique.   © Alice Brazzit   Seeking Unicorns chorégraphie de Chiara Bersani Design sonore F. De Isabella Régisseur plateau Paolo Tizaniel Conseils dramaturgiques Luca Poncetta et Gaia Clotilde Chernetih Coach mouvement Marta Ciappina Conseils artistiques Marco D’Agostin Stylisme Elisa Orlandini   27 et 28 mai 2021 à 15 h et 18 h 30 La Dynamo de Banlieues Bleues / Pantin   Réservations pour le Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis 01 55 82 08 01 www.rencontreschorégraphiques.com      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Seeking Unicorns, performance de Chiara Bersani, La dynamo de Banlieue Bleue, Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis
Les 7 péchés capitaux, texte de Bertolt Brecht, musique que de Kurt Weil, mise en scène de Jacques Osinski, Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet
  © Pierre Grosbois   ƒ article de Denis Sanglard Deux sœurs jumelles, l’une chante, l’autre danse. Loin de Rochefort nous sommes aux États-Unis. De la Louisiane à Los Angeles, aller-retour, c’est un périple qui voit nos deux sœurs, Anna (1) et Anna (2), qui ne font qu’une, se corrompre étape par étape. Si l’une ordonne, la seconde se plie aux injonctions. Poussée par la première à éviter chacun des 7 péchés capitaux, Anna (2) tombe encore et toujours plus bas… Compromission, vénalité avec la bénédiction de la famille restée en Louisiane à attendre l’argent gagné pour bâtir une maison. Pas d’autre salut que l’argent et qu’importe les moyens. Livret de Brecht, musique de Kurt Weil, nous en sommes en 1933, le monde bascule, Hitler éructe, les livres brûlent, ces deux-là sont en exil. Œuvre grinçante où le cynisme et la cupidité de la bourgeoisie sont mis à nu avec une ironie mordante. Le titre complet est bien plus explicite, trop souvent tronqué, Les 7 péchés capitaux des petits bourgeois. Tout est dit. Rien à dire sur le chant et la musique. C’est fort bien chanté, l’orchestre de chambre Pelléas sonne à merveille. Seulement voilà, il manque à tout ça son poids de chair. Natalie Perez est une excellente chanteuse, mais manque singulièrement d’incarnation. La mise en scène ne l’aide en rien et trop souvent la plante là, sans façon, sans une véritable direction d’acteur, sans intention visible. Noémie Teelin danse, c’est parfait, la chorégraphie idem, mais là aussi il manque ce petit truc, ce pas de côté qui offrirait à son personnage là aussi une vraie dimension. Et pour le chœur des quatre garçons, la famille, si le chant est impeccable, Jacques Osinski l’escamote, le reléguant en arrière-plan, fond du plateau, diluant ainsi son emprise sur les jumelles. C’est une mise en scène volontairement dépouillée de son côté cabaret. Échafaudage d’acier et néon blafard, vidéo pour paysages urbains ou scène d’intérieur. Et c’est bien cela qui pêche. Tout y est trop lisse et sans relief, trop propre en somme. C’est de la belle ouvrage certes. Mais il manque ce que le cabaret apporte, la crasse sous le fard, l’âcre, le râpeux, l’ironie féroce, voire la distance caustique pour donner à cette œuvre satyrique tout son plein relief et son féroce mordant.   © Pierre Grosbois   Les 7 péchés capitaux texte de Bertolt Brecht, musique de Kurt Weil Direction musicale Benjamin Levy Mise en scène Jacques Osinski Avec l’orchestre Pelléas   Et Natalie Pérez, Noémie Ettlin, Manuel Nunoz Camelino, Camile Tresmontant, Guillaume Andrieux, Florent Baffi Scénographie et vidéo Yann Chapotal Lumières Catherine Verheyde Costumes Hélène Kritikos   Du 27 mai au 5 juin 2021 à 19 h, relâche dimanche et lundi   Athénée Théâtre-Louis Jouvet Square de l’opéra Louis Jouvet / 7 rue Boudreau 75009 Paris Réservations 01 53 05 10 19 19 www.athenee-theatre.com      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Les 7 péchés capitaux, texte de Bertolt Brecht, musique que de Kurt Weil, mise en scène de Jacques Osinski, Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet
Moby Dick, d’après le roman d’Herman Melville, mise en scène d’Yngvild Aspeli, Théâtre Monfort
  © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒƒ article de Denis Sanglard C’est d’une beauté spectrale et crépusculaire. La compagnie Plexus Solaire adapte le roman d’Herman Melville, Moby Dick. Adaptation rêche, concentrée autour de la folie d’un homme, le capitaine Achab et le regard impuissant du marin Ismaël. Plongée hallucinée dans la tête d’un homme en lutte avec la nature, une baleine blanche mythique, immersion dans l’âme humaine et ses mystères. Une quête obstinée vers le néant où le bien et le mal sont en lutte. C’est une création d’une grande puissance poétique, mélancolique, visuellement superbe pour une cinquantaine de marionnettes et quelques acteurs-manipulateurs. Yngvild Aspeli, directrice et metteuse en scène de la compagnie Plexus Solaire, limite les dialogues et privilégie une atmosphère sourde et lourde de menace et le récit d’un narrateur, Ismaël, inquiet devant la folie qui ronge le capitaine et bientôt l’ensemble de l’équipage. Jouant des perspectives par les tailles des marionnettes, entre le proche et le lointain, elle fait du plateau un vaste océan dans lequel le spectateur accusant le roulis du bateau est totalement immergé. De même avec intelligence Yngvild Aspeli joue de la taille des marionnettes ; l’immense Achab face à son équipage n’est plus qu’un point insignifiant au milieu de l’océan, un fétu de paille au regard de Moby Dick. Magie aussi des projections vidéo qui étoilent un ciel ou nous plongent au plus profond des mers que traversent baleines et banc de poissons, sirènes et requins. Et dans ce monde sans horizon, au milieu de nulle part, seul contre tous et contre Dieu même, le capitaine Achab, marionnette tonitruante que manipule la mort. Vision forte et prémonitoire qui scelle un destin. Comme la première image de cet équipage surgissant tel un cortège funéraire. Yngvild Aspeli crée des images qui vous frappent par leur obscure beauté et leur étrange simplicité. Ainsi de cette chasse au cachalot et le dépeçage du cétacé, la tristesse du baleineau orphelin. Ou le combat de Queequeg avec les requins. Ou la noyade du moussaillon Pip. Ou simplement le repos d’un équipage épuisé… Manipulation à vue qui n’oblitère jamais l’illusion, nous sommes littéralement fascinés par ce livre d’images, ce voyage aux confins des océans et de la folie. C’est une expérience totalement immersive qui ne serait pas complète sans la composition musicale de Guro Skumsnes Moe, Anne Marthe Sorlien Holen et Havard Skaset, présents sur le plateau, en parfaite symbiose avec les images. Ce n’est pas qu’un fond sonore mais véritablement une composante de l’image et de la narration, un récit en creux.   © Christophe Raynaud de Lage     Moby Dick d’après le roman d’Herman Melville Mise en scène : Yngvild Aspeli Créé et écrit avec les acteurs-marionnettistes : Pierre Devérines (en alternance avec Alexandre Pallu), Sarah Lascar, Daniel Collados, Alice Chéné, Viktor Lukawski, Maja Kunsic et Andreu Martinez Costa Composition musique : Guro Skumsnes Moe, Anne Marthe Sorlien Holen, Havard Skaset Fabrication marionnettes : Polina Borisova, Yngvild Aspeli, Manon Dublanc, Sébastien Puech, Elise Nicod Scénographie : Elisabeth Holager Lund Costumes : Benjamin Moreau Création lumière : Xavier Lescat et Vincent Loubière Régie lumière : Vincent Loubière ou Morgane Rousseau Création vidéo : David Lejard-Ruffet Régie vidéo : Hugo Masson ou Pierre Hubert Son : Raphaël Barani ou Simon Masson Plateau : Benjamin Dupuis ou Xavier Lescat Dramaturgie : Pauline Thimonnier Assistant mise en scène : Pierre Tual   Du 19 au 29 mai 2021   Le Montfort 106 rue Brancion 75015 PARIS Réservations 01 56 08 33 88 www.lemonfort.fr      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Moby Dick, d’après le roman d’Herman Melville, mise en scène d’Yngvild Aspeli, Théâtre Monfort
Phèdre (Brisures), d’après Jean Racine, mise en scène de Claude Degliame et Jean Michel Rabeux, au LOKal, Saint Denis, Festival Temps nu avec texte 2ème édition
© Alain Richard   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Nus les corps, nue la mise en scène, nu le poème lyrique. Il fallait oser, Jean-Michel Rabeux et Claude Degliame l’ont fait. Mettre à nu l’écriture racinienne, l’acmé de la passion tragique, mettre à nu les corps. Phèdre (Brisures), non pas tant parce que le texte est resserré, concentré entre ces quatre-là qui se déchirent, mais parce qu’il s’agit bien de rupture, de chaos soudain qui rompt l’ordre, d’êtres brisés par une passion tragique, donc inéluctable dans son dénouement abrupt comme son dénuement brut. Pari complètement fou de ces deux-là, Jean-Michel Rabeux et Claude Degliame, mais non provocateur, non provocant, intelligent et audacieux, juste. Parce que ces corps nus exposés, crânes, non formatés, passé la stupeur, on ne les voit plus. Ce que l’on perçoit très vite c’est l’histoire de ces corps, métalangage, paroles et mémoire comme rhizomes souterrains, innervant le texte. Corps qui recomposent et décomposent le texte, ce qui est proféré. Ainsi le corps de Phèdre tendue par le désir avant son effondrement. Il y a quelque chose de profondément organique et de terriblement fragile parce que Phèdre, ce poème, c’est aussi une question de corps exposés devant le désir et l’interdit, avides et vidés bientôt de leur substance vitale. Désirés, rejetés, rompus. Et c’est cela qui est mis en scène, ces corps en souffrance, inassouvis. Comme sont mis en scène avec grande justesse la parole et le souffle tragique. De ce dépouillement radical et volontaire le texte de Racine, sans artefact, sans atours scéniques, apparaît lui aussi dans sa nudité brûlante et âpre qui le révèle, l’exhausse. La parole dévoile, acte où dément en vain ce que les corps révèlent d’indicible, d’inexprimable ou inexprimée, met à nu la pensée, l’âme à vif, écorchée de chacun. À corps rompus, vers brisés. Ainsi les deux sont-ils ici, et c’est merveille, indissolubles. Cela est d’autant plus sensible ici que le dispositif scénique, quadrifrontal, expose autant les acteurs que les spectateurs, dans un étrange corps-à-corps, une confrontation qui projette ces derniers sans recul sur le plateau, rendant des plus sensibles cette expérience immersive dans une tragédie dont ils deviennent les témoins impuissants, il n’y a rien qui ne puisse nous être occulté, ni veines qui palpitent, ni rougeur, ni sueur, ni poils, offrant de même aux acteurs une acuité, une fragilité, une force, une vérité qui exsude par tous les pores, dépouillée de tout artifice. Ces corps jetés crûment dans la bataille, dans cette arène, sculptés comme des antiques par les subtiles lumières de Jean-Claude Fonkenel, sont superbement obscènes en ce sens qu’il y a là une transgression volontaire et dénoncée par sa dramatisation même, leur mise en scène. Une représentation critique et transgressive ou l’intime bascule dans le public. Ce qui est obscène n’est pas dans la représentation du corps nu, la monstration, mais dans ce qu’il désigne comme réalité inavouée, inavouable, dénonçant un hors-champs, ob/scène justement, lui-même transgressif. Là est le dilemme, la tragédie de Phèdre trahie par son corps, cristallisant dans sa chair et par elle le discours amoureux et passionnel et la transgression de l’interdit, l’inceste. Ce qui est en jeu ici, mis en scène, est aussi ça, cette notion de regard porté sur l’objet. Qui du regard porté ou de l’objet est le plus obscène ? La réponse de Jean-Michel Rabeux et de Claude Degliame est imparable, implacable qui désamorcent cette question d’emblée, rejetant loin le corps utopique théorisé par Foucault, obligeant à regarder décillé la réalité d’un corps exposé sans artifice. La charge érotique et sensuelle de Phèdre, jusqu’à présent portée par la parole, force racinienne, Jean-Michel Rabeux et Claude Degliame le déportent avec bonheur sur le corps, mettant côte à côte et sur le même plan le texte et son objet, le corps troublé donc, jouant de la théâtralité la plus austère et de la parole poétique, mais sans rien occulter d’une vérité jusqu’à présent et rarement exposée, encore moins dans la tragédie classique française, la chair à vif et tremblante, vivante et nue de l’acteur.   © Alain Richard   Phèdre (Brisures) d’après Jean Racine Temps nu avec texte [2] Mise en scène Claude Degliame et Jean Michel Rabeux Avec Claude Degliame, Nicolas martel, Sandrine Nicolas, Eram Sobhani Éclairagiste / Directeur technique Jean Claude Fonkenel Assistanat à la mise en scène Santiago Montequin Régie Générale Denis Arlot     Festival Temps nu avec texte, 2ème édition Du 4 au 12 juin 2021   Phèdre (Brisures) C. Degliame, Jean-Michel Rabeux / Racine La voix perdue J. Flipo / Pascal Quignard Le bourdon Vaslav de Folleterre Horace C. THéodoly / H. Muller La fin de Satan S. Auvray-Noroy / V. Hugo     Le LOKal 3 rue Gabriel Péri 93200 Saint-Denis Renseignements et réservations relationspubliques@rabeux.fr P+ 06 67 50 64 01   Le LOKal Poussez la porte du 3 rue Gabriel Péri à Saint-Denis, juste à la Porte de Paris, ligne 13, et découvrez là un lieu utopique, rêvé par Jean-Michel Rabeux mais nécessité politique et sociale devant la précarité des artistes qui empêche toutes créations, tous regards sur le monde, tous contrefeux devant la violence qui se propage… Dans ce lieu au fond d’une cour, un ancien entrepôt métamorphosé pour l’heure en atelier expérimental, loin de toute contingence financière, d’habitus théâtraux formatés et frelatés. Ce qui s’invente là, souhait ardent de Jean-Michel Rabeux, c’est le théâtre de demain, formes émergentes, nouvelles, inconnues, pour les jeunes compagnies, les jeunes metteurs en scène (et ce n’est pas là une question d’âge) sans moyen, sans théâtre fixe à qui l’ont met à disposition ce lieu unique. Aucune obligation de résultat sinon bousculer les spectateurs dans leurs habitudes, créer une « communauté de regard ». Voir peut être s’envoler vers d’autres plateaux, d’autres spectateurs ce qui au LOKal a été tenté, « voire raté et raté mieux », work in progress, brouillon ou chef d’œuvre se voulant définitif.    Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Phèdre (Brisures), d’après Jean Racine, mise en scène de Claude Degliame et Jean Michel Rabeux, au LOKal, Saint Denis, Festival Temps nu avec texte 2ème édition
Les cent milles derniers quarts d’heure, Performance de Matthieu Barbin, Rencontres chorégraphiques internationale de Seine-Saint-Denis
© Romuald Ducros    ƒƒƒ article de Denis Sanglard Sara Sara, drag queen et avatar de Matthieu Barbin, haute perruque crêpée-laquée à la Dolly Parton, robe pailletée noire, talon vertigineux de 12 ou 16 et ligne serpentine… Mais sous le fard et la perruque, Matthieu Barbin, qui fut interprète chez Boris Charmatz, entre autres, questionne le déterminisme social et le refus d’une condition imposée. Et en échos au texte elliptique, fragments biographiques de vies minuscules, généalogie familiale où se dégage la figure de la mère, laitière puis ouvrière, il jette résolument son corps et celui des siens dans la bataille. Un corps inévitablement marqueur social qui porte les stigmates d’une vie de labeur et d’abnégation. Frère carreleur, mère et sœur ouvrières, corps usés soumis aux gestes mécaniques et répétés ad nauseam… A ces corps multiples et fracassés sur l’autel du profit, aux espoirs fragiles d’un lendemain qui chante inaboutis, avec ce mantra en sautoir « tenir encore un petit peu », Matthieu Barbin oppose comme un formidable pied-de-nez le corps inventé de Sara Sara, figure non pas outrancière mais augmentée d’un idéal féminin, camp et glamour et non stigmatisé par les marqueurs sociaux. Figure éminemment politique aussi. Signature flamboyante et illusoire d’un refus de la norme et la volonté ferme de ne surtout pas réitérer et subir un système qui broie le corps tant physique que social de l’individu. On le sait, maîtriser le second induit de maîtriser le premier. L’invention de soi étant un acte de liberté, Sara Sara affranchit donc avec panache Matthieu Barbin qui s’invente là un personnage et une vie hors-norme. Avec la promesse induite et toute relative de ne jamais ressembler à sa mère, à la famille. Qu’illustre soudain cette danse et ce play-back, formidablement kitsch — rappel qu’être drag queen c’est aussi une représentation exacerbée de la féminité — sur « I’m every woman » chanté par l’iconique Whitney Houston. Et cependant tous ces corps, Sara Sara les embrasse et les contient, lesquels surgissent par effraction au fil de ce récit, fragments de vies qui la métamorphosent soudain et la relient malgré elle à son passé non résolu. Le corps ploie, se plie, rompt, s’écroule, tremble soudain, et vacille sur ses talons et sous les coups de boutoir d’un passé énoncé qui hante ce corps inventé et dément un temps cette volonté affichée d’amnésie… Le corps est mémoire quoiqu’il en coûte. Et cette performance radicale et magistrale, d’une intelligence urticante, oscille entre ces deux pôles contradictoires, entre un corps volontaire et affranchis de toutes normes, le corps créateur d’utopie défini par Michel Foucault, et les stigmates d’une réalité sociale qui empoigne sèchement le corps de Sara Sara pour une métamorphose devenue le manifeste d’une condition et d’une classe sociale assujettie.   Les cent milles derniers quarts d’heure chorégraphie, mise en scène et performance Matthieu Barbin Travail des voix, collaboratrice Dalila Khatir Travail des textes Jonathan Drillet Assistante Elise Ladoué Son Vanessa Court Lumière Loren Palmer Costume Cédric Debeuf Perruque Sébastien Poirier   19 et 20 mai 2021 à 18 h Nouveau Théâtre de Montreuil CDN Salle Maria Casarès   Les cent milles derniers quarts d’heure ouvrait les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis Du 19 mai au 20 juin 2021 Programmation, horaires et réservations www.rencontreschoregraphiques.com T+ 01 55 82 08 01          Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Les cent milles derniers quarts d’heure, Performance de Matthieu Barbin, Rencontres chorégraphiques internationale de Seine-Saint-Denis
Le soulier de satin, musique de Marc-André Dalbavie, livret de Raphaèle Fleury d’après Paul Claudel, mise en scène de Stanislas Nordey, Opéra National de Paris, Palais Garnier
  © Elisa Haberer – OnP   ƒƒ article de Denis Sanglard Le Soulier de satin version opératique, il fallait oser. C’est désormais fait et ouvre après la fermeture obligée l’Opéra de Paris. Défi majeur tant la pièce profuse et éminemment théâtrale de Claudel, œuvre monstre qui conte les amours de Prouhéze et de Rodrigue, traverse quatre continents, deux décennies, se jouant sciemment de la temporalité et de l’espace. Pièce qui noue fermement l’épique et l’intime, le tragique et la comédie, le sublime et le grotesque, le mystique et la chair sur un tréteau de foire, représentation du monde en son entier, tourne vers le ciel et l’inconnu. C’est aussi et surtout la traversée périlleuse d’une langue puissante, lyrique, poétique, hermétique même, musicale en diable et qui demande à qui s’en empare un souffle inépuisable jusqu’au manque et surtout d’être possédé par elle parce qu’elle est l’essence même du personnage, au plus intime, jusqu’à le déterminer. « Cette langue difficile à mettre en musique, notamment parce qu’il s’agit déjà de musique » comme le remarque avec justesse le compositeur Marc-André Dalbavie, également à la baguette, qui s’est donc attelé à cette tâche ardue, à l’initiative de Stéphane Lissner. Et si le livret respecte plus l’esprit que la lettre de Claudel, difficulté du verbe claudélien toujours, la musique en est le prolongement, échos de ces âmes tourmentés et de ce siècle en bascule, dans ce monde ouvert désormais, où jamais le soleil ne se couche. Ainsi que l’auteur diplomate, Marc-André Dalbavie compresse, relie en une phrase musicale les continents et les époques. Utilisation en autre du cymbalum qui entre en résonance avec le siècle d’or espagnol, le projette en orient et l’inscrit dans une modernité certaine, héritage assumé de Pierre Boulez. Que rehausse l’utilisation de sons électroniques… C’est aussi une nappe sonore qui gronde parfois à en couvrir les chanteurs dont elle se détache, se refusant à les suivre. De façon plus classique et volontaire Marc-André Dalbavie joue de la convention dans l’attribution des voix et de la relation induite par celle-ci entre les personnages. Prouhéze, femme puissante et mystique, est une mezzo. Rodrigue, grand d’Espagne, un baryton. Camille, le renégat, une basse. Opposition des tessitures, personnages fortement stéréotypés certes et qui les inscrivent ici dans une tradition à dessein. Mais cette convention est subtilement pulvérisée par la ligne musicale de chacun et le verbe subversif de l’auteur. Si cet opéra oscille entre le symphonique et l’atonale, entre rétention et explosion, reflet de ces âmes captives et prolongement du vers claudélien, ce qui le caractérise fortement est le parlé-chanté, le sprechgesang décliné sous toutes ses possibilités, jusqu’à ses limites, du récit à la forte scansion, jusqu’au chant pur. L’un prolongeant l’autre et sans rupture aucune, en toute fluidité. Respectant ainsi la forte dimension théâtrale de l’œuvre et par son économie musicale plus proche de Debussy que de Wagner. Et c’est peut-être là que le bât blesse, que cette partition a les défauts de ses qualités. Cette oscillation, au demeurant juste dans son intention, étire sans doute plus que de raison le temps. Le rythme s’il ne s’essouffle en souffre et devient étal et bientôt létal. Il n’y a que les interventions proprement théâtrales, formidables Yan-Joël Colin et Cyril Bothorel (L’Annoncier et l’Irrépressible) qui offrent un sursaut bienvenu et évitent ce que redoutait Claudel, la monotonie. C’est vrai qu’au chaos annoncé en préambule, au provisoire, à l’improvisation, au théâtre en train de se faire et voulu par l’auteur Stanislas Nordey offre une mise en scène bien sage qui semble se répéter de tableaux en tableaux jusqu’ à l’épuisement. Nous ne sommes plus dans l’illusion volontaire, le théâtre dans le théâtre, mais dans une mise en scène qui s’installe après un préambule conforme aux intentions exprimées par Claudel dans un certain vérisme opératique et sclérosé. De larges panneaux, détails de toiles de maîtres de la Renaissance espagnole et italienne, de Zurbaran au Greco – agneaux mystiques, vierges, vanités –, glissent à vue et structurent l’espace, un plateau nu aux murs habillés de lumières. Et les chanteurs bien trop souvent au premier plan, face public, figés et hiératiques. Et ce qui saute alors aux yeux c’est combien manque ici, malgré leur passion avouée, le corps des personnages dans l’expression exacerbée de son désir et de son refus. Stanislas Nordey est d’évidence ici plus à l’aise dans les séquences théâtrales lesquelles demeurent les plus réussies et lui aussi avance dans cette œuvre un peu boiteux et souffre à impulser une dynamique, un rythme que l’alternance entre chant, parlé-chanté et théâtre ne permet visiblement pas. Malgré tout certaines scènes vous frappent par leur beauté sèche et dont le hiératisme là se justifie. La prière de Dona Musique pour l’unification des peuples, atteint un peu là, dans son austérité, le point de jonction réussi entre la mise en scène et la musique, plus proche à vrai dire de l’oratorio. Et comment ne pas résister à citer la séquence de la Lune où sur l’astre projetée et voilée de brume la voix musicale de Fanny Ardant s’élève et fait entendre somptueusement le verbe de Claudel jusque dans sa complexité sémantique. Pourtant l’ensemble de la distribution ne démérite pas dans son engagement à défendre cette création ardue et audacieuse dans ses intentions. Engagement et endurance au risque d’une fatigue vocale ( l’œuvre originale de douze heures est quand même réduite à plus de cinq heures). Lucas Pisaroni (Don Rodrigue) et Eve-Maud Hubeaux (Dona Prouhéze) incarnent leur personnage avec une belle intensité dramatique. Jean-Sébastien Bou (Don Camille) apporte à son personnage une humanité complexe et ambiguë. Julien Dran (le vice-roi de Naples) a cette clarté et cette fraîcheur que l’on retrouve avec Vannina Santoni (Dona Musique) et dont les vocalises signent un personnage bouleversant entre naïveté et gravité. Camille Poul (Dona Sept-Epée) a l’insolence de la jeunesse qu’exprime une voix claire et aérée. Et puis il y a cette révélation, le contre-ténor Max-Emmanuel Cencié (L’ange gardien) dont ce sont les débuts à l’Opéra de Paris. Voix vibrante aux aigus lumineux capable de passer au grave dans son duo avec Prouhéze.   © Elisa Haberer – OnP   Le soulier de satin musique et direction musicale Marc André Dalbavie Livret Raphaèle Fleury d’après Paul Claudel Mise en scène Stanislas Nordey Décors Emmanuel Clolus Costume Raoul Fernandez Lumière Philippe Berthomé Vidéo Stéphane Pougnand Créateur sonore Daniele Guaschino Chorégraphie Loïc Touzé Collaboration artistique à la mise en scène Claire Ingrid Cottanceau Livret et dramaturgie Raphaèle Fleury   Avec Eve-Maud Hubeaux, Lucas Pisaroni, Marc Labonette, Yan Beuron, Nicolas Cavallier, Jean-Sébastien Bou, Béatrice Uria-Monzon, Eric Huchet, Vannina Santoni, Max-Emanuel Cencic, Julian Dran, Camille Poul, Yann-Joël Collin, Cyril Bothorel, Yuming Hey, Mélody Pini, Fanny Ardant (voix enregistrée). Et Marianne Croux, Andrea Cueva Molnar, Alexandra Flood, Ksenia Prohina, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Marine Chagnon, Lise Nougier, Cornelia Oncioiu, Ramina Roy   Cinq représentations du 21 mai au 13 juin 2021 21, 23, 29 mai à 14 h 5 juin à 14 h 13 juin à 14 h 30   Opéra National de Paris Palais Garnier Place de l’opéra 75009 Paris   Réservations 08 92 89 90 ou 33 1 75 25 24 23 www.operadeparis.fr        Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Le soulier de satin, musique de Marc-André Dalbavie, livret de Raphaèle Fleury d’après Paul Claudel, mise en scène de Stanislas Nordey, Opéra National de Paris, Palais Garnier