Le viol de Lucrèce, musique de Benjamin Britten, livret de Ronald Duncan d’après la pièce d’André Obey, Théâtre des Bouffes du Nord / Opéra National de Paris
  © Studio J’adore ce que vous faites – OnP   ƒ article de Denis Sanglard Le viol de Lucrèce, opéra de chambre de Benjamin Britten, d’après une pièce d’André Obey, composé en 1946, entre étrangement en résonnance avec notre époque. Histoire de guerre et de sexe, de guerre des sexes, tragédie toujours et inévitablement contemporaine où le mystère de l’amour absolu se heurte à la violence du désir et de sa frustration. Le viol de Lucrèce n’exprime rien d’autre que le tragique de la condition humaine et révèle la part sombre de la sexualité comme objet de pouvoir. Où la culture du viol signe la tyrannie qui amène le peuple romain à la révolte, légitimant la république. Les Étrusques dominent Rome dévastée. Le Prince Tarquinius dirige l’armée romaine contre les grecs. À Rome les épouses sont infidèles. Seule Lucretia, la femme de Collatinus, demeure vertueuse et fidèle à son époux dont elle se languit. Junius défie Tarquinius d’éprouver la vertu de Lucretia. Tarquinius rejoint Rome, demande l’hospitalité à Lucretia qui ne peut la lui refuser. Dans la nuit il pénètre dans sa chambre, l’embrasse. Devant sa résistance il la viole et s’enfuit. Au matin Lucretia envoie quérir son époux. Collatinus arrive accompagné de Junius, lequel l’a informé du projet de Tarquinius. Devant tous Lucretia avoue le viol et malgré la compassion et l’amour de son époux, ne pouvant supporter la honte, se suicide. Junius en appelle à la révolte des romains. Opéra de chambre, forme intimiste donc, qui libère du poids de la machine opératique et offre une plus grande expressivité tant musicale que théâtrale. C’est ici en partie, en partie seulement, réussi. Léo Warynski, dont ce sont les débuts à l’Opéra National de Paris, dirige avec une minutie, une précision sans faille la partition de Britten et lui donne son poids d’expressivité et de sensibilité, dans ses pleins et ses déliés, sans lourdeur aucune. Les musiciens de l’Académie de l’Opéra National de Paris, de l’Ensemble Multilatérale et de l’orchestre-Atelier Ostinato sont au cordeau de cette baguette précise et pointilleuse. Les chanteurs de même, casting vocal cohérent, tous issue de l’Académie de l’Opéra National de Paris. Manque cependant pour certains une théâtralité certaine que compense heureusement la voix qui supplée la faiblesse du jeu. Défaut mineur mais qui apparaît flagrant dans un espace aussi intime que Le Théâtre des Bouffes du Nord et cette forme musicale, l’opéra de chambre, qui oblige à l’expressivité sans maniérisme ni cliché et demande une justesse dans le jeu. Cependant la Lucrèce de Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, voix capiteuse de mezzo, de par sa voix fait oublier son jeu quelque peu hésitant entre sur-expressivité et belle intériorité. La confrontation finale avec Collatinus (Aaron Pendleton) atteint néanmoins une réelle profondeur et justesse qui vous bouleverse soudain. Aaron Pendleton, basse, a le timbre impérial et tragique idoine. Une belle expressivité qu’ajoure un jeu sans affect et qui porte là une humanité qui vous touche. Le baryton Alexander York (Tarquinius) de même qui compose un personnage antipathique mais auquel il manque sans doute quelques nuances dans le jeu par trop stéréotypé. Là encore, la voix supplée au manque ressenti dans l’expression dramatique. Alexander Ivanov (Julius) est un baryton à la voix claire et projeté sans difficulté. Cornelia Oncioiu (Bianca) possède de superbes graves et Kseniia Proshina (Lucia) des aigus faciles et filés sans effort. Le ténor Tobias Wesman à qui incombe le chœur masculin traverse l’ensemble de l’œuvre sans que sa voix agile usant de nuance, entre imprécation et douceur, ne fatigue. Andrea Cueva Molnar, le chœur féminin, soprano sait jouer de son aigu pour, comme son pendant masculin, apporter quelques contrastes, de la clarté jusqu’à la noirceur. Mais ce qui semble être cruellement absent ici, entre autres, est une véritable direction d’acteur. Où est passée Jeanne Candel dont c’est ici la première mise en scène pour l’Opéra de Paris ? Celle dont nous apprécions d’ordinaire la folie, l’inventivité, le risque même, capable d’enfermer la cinquième symphonie de Mahler dans un sucrier, semble par trop de respect peut être − ce qui d’ordinaire et pour notre plus grand bonheur n’est pas son fort − s’être complètement perdue dans l’œuvre, avalée par elle, réduite ainsi au néant. Malgré une scénographie qui file la métaphore contenue dans le récit, un vaste métier à tisser en arrière-plan et une large tenture aux trames lâches descendant des cintres et couvrant le plateau, la mise en scène plate et littérale, sans imagination, semble manquer d’un véritable point de vue pour une œuvre pourtant de par son sujet si riche et complexe. Esthétiquement même cela frôle l’indigence. On a connu Jeanne Candel bien plus inspirée, capable de secouer une œuvre pour en extirper joyeusement aussi bien de la poésie, de l’incongru, que des vérités insoupçonnées. D’amener les comédiens et chanteurs dans des retranchements ultimes pour révéler en eux la part inconsciente et celle de leur personnage. De faire de la scène un chantier ouvert, une écriture de plateau formidable pour une compréhension originale de l’œuvre. Avec trois fois rien bâtir un univers qui n’appartient qu’à elle mais toujours dans le respect de l’œuvre interrogée qu’elle exhaussait. Il ne reste rien, absolument rien ici de la créativité inventive de Jeanne Candel. Et quelques images inopinées et plaquée confinent parfois au ridicule qui ajoute au malaise et à l’incompréhension. Benjamin Britten semble lui avoir étrangement et fermement résisté. Et ce que nous retiendrons, oublieux dès lors de cette mise en scène frustrante au regard d’une metteuse en scène que l’on aime d’ordinaire pour son univers original, c’est la musique, le chant, et cette partition qui décortique l’âme et ses profondeurs, son mystère, exprime le tragique humain et dirigé d’une baguette assurée et sensible par Léo Warynski.   © Studio J’adore ce que vous faites – OnP     Le viol de Lucrèce musique de Benjamin Britten Livret Ronald Duncan, d’après le roman d’André Obey inspiré du poème de Shakespeare Direction musicale Léo Warynski Mise en scène Jeanne Candel Costume Pauline Kieffer Lumières César Godefroy Musiciens de l’Académie de l’Opéra National de Paris, de l’Ensemble Multilatérale et de l’Orchestre-Atelier Ostinato Male Chorus : Tobias Westman (A), Kiup Lee (B) Female chorus : Andrea Cueva Molnar (A), Alexandra Flood (B) Collatinus : Aaron Pendleton (A), Niall Anderson (B) Junius : Alexander Ivanov (A), Danylo Matviienko (B) Tarquinius : Alexander York (A), Thimotée Varon (B) Lucretia : Marie-Andrée Bouchard-Lesieur (A), amya Roy (B) Bianca : Cornelia Oncioiu Lucia : Kseniia Proshina 20 et 25 mai 19, 22, 27 et 29 mai   Du 19 au 26 mai 2021 à 18 h Théâtre des Bouffes du Nord 37bis avenue de la Chapelle 75010 Paris   Réservations Théâtre des Bouffes du Nord 01 46 07 34 50 www.bouffesdunord.com   Opéra National de Paris 08 92 89  90 90 www.operadeparis.fr          Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Le viol de Lucrèce, musique de Benjamin Britten, livret de Ronald Duncan d’après la pièce d’André Obey, Théâtre des Bouffes du Nord / Opéra National de Paris
Que faut-il dire aux hommes ? mise en scène de Didier Ruiz, Théâtre de la Bastille
© Didier Ruiz   ƒƒ article de Denis Sanglard Théâtre documentaire, terme au demeurant fort réducteur, qui donne la parole aux « invisibles », troisième et dernier volet, après Une longue peine (Maison des Métallos, 2016) et Trans Mes Ellà (Théâtre de la Bastille, 2019). Mise en espace plus que mise en scène, une parole frontale et sans apprêt, rien qui ne fasse obstacle à ce qui est exprimé. Didier Ruiz aborde ici un autre domaine sensible, l’engagement religieux. Mais loin du dogme ou de la religion en elle-même, de son appareil, d’une quelconque doctrine, c’est de spiritualité plus généralement dont il est question ici. Ils sont sept sur le plateau, chrétiens et chrétiennes, dont une protestante, une théologienne (sœur défroquée) et un frère dominicain, juif, bouddhiste, musulman et chaman qui, chacun leur tour, seul ou côte à côte, expliquent leur chemin. Parcours intime, où la profondeur, voire le vertige, n’empêche nullement la légèreté et l’humour. Parcours singulier où le doute le dispute à la conviction, une foi chevillée au corps et à l’âme, certes, mais qui se heurte aussi à la réalité d’un monde dont ils refusent de s’exclure et dans lequel ils se fondent, invisibles, et qu’ils interrogent à l’aune d’une religion déterminée ou choisie et vécue comme un absolu. Et parfois se confronte même aux dogmes d’une religion pratiquée dans laquelle ils ne se reconnaissent pas toujours, pas tout à fait, et sur lesquels ils posent également un regard critique quand eux même ne sont pas condamnés par leurs autorités parfois conservatrices, rigoristes, sinon fondamentalistes. C’est avant tout une position individualiste, un cheminement intime et solitaire, un échange fécond et constant avec ce qu’ils nomment Dieu, Bouddha, Mahomet, la Nature et ses esprits. Ou qu’ils ne peuvent nommer.  Détaché en somme, affranchis des contingences et des obligations religieuses, pour une lecture sans cesse approfondie, parfois remise en cause, sans tabou jamais, avec l’objet de leur quête, de leur foi. Une phrase résume sans doute ce dialogue avec le sujet de leur quête : « Dieu me veut libre de lui. » Un regard sans ambiguïté, analyse lucide aussi sur cette recherche d’un absolu, un sens profond à donner à sa vie, qui sans doute les dépasse mais conditionne leur rapport aux autres. Un frottement toujours aigu entre abnégation et engagement, non sans dilemme parfois, une façon d’être au monde, non à côté, en accord avec ce qui les habite profondément et les anime. Pari pascalien ou certitude toujours fragile, ce que l’on retient ici et qui nous interroge, bien au-delà de l’amour, terme qui revient souvent comme un inconditionnel, c’est la notion de liberté, absolue, commune à chacun sur le plateau. Cette parole-là, exprimée sans filtre et sans prosélytisme aucun, qui pulvérise les clichés que nous traînons immanquablement, nos affirmations parfois péremptoires sur les religions expriment avec force combien cette quête, sans être détachée de leur conviction religieuse, mais affranchie de ce qui l’empoisse, rend fondamentalement libre. Et c’est ce mystère-là, cette liberté par cet engagement pleinement assuré et fragile, dans un monde qui avec Nietzsche s’est rêvé sans dieu, cette résistance au néant comme aux dogmes les plus délétères de leur religion, qui interroge.   © Didier Ruiz     Que faut-il dire aux hommes ? mise en scène de Didier Ruiz Collaboration artistique Toméo Vergès Avec Adel Bentounsi, Marie-Christine Bernard, Olivier Blond, Eric Foucart, Grace Gatibaru, Jean-Pierre Nakache, Brice Oliver Dramaturgie Olivier Burton Assistantes à la mise en scène Myriam Assouline, Céline Hilbich Scénographie Emmanuelle Debeusscher Assistée de Floriane Benetti Costumes Solène Fourt Lumières Maurice Fouilhé Musique Adrien Cordier   Du 19 au 22 mai 2021 à 19 h   Théâtre de la Bastille 76 rue de la Roquette 75011 Paris Réservations 01 43 55 42 14 www.theatre-bastille.com   Tournée 2021 / 2022 17 mai 2021, Lycée René Cassin, Arpajon 11 juin 2021, Théâtre de Chevilly-Larue 16 octobre 2021, Théâtre de la Coupole, Saint Louis 20 novembre 2021, Les Bords de Scène, Juvisy 26 novembre 2021, Théâtre Jean Arp, Clamart 30 novembre et 1er décembre 2021, Théâtre 71, scène nationale, Malakoff 18 janvier 2022, M.A scène nationale, Montbéliard 22 janvier 2022, Le Channel, scène nationale, Calais 29 et 30 mars 2022, Théâtre Firmin Gémier/ La Piscine, Châtenay-Malabry 8 avril 2022, Théâtre Cinéma de Choisy-le-Roi 12 avril 2022, Scène nationale de l’Essonne Agora-Desnos, Evry          Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Que faut-il dire aux hommes ? mise en scène de Didier Ruiz, Théâtre de la Bastille
Rabelais, de Jean-Louis Barrault d’après des textes de Rabelais, mis en scène par Hervé Van der Meulen, au Théâtre 13
© Miliana-Bidault   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia La pièce Rabelais de Jean-Louis Barrault mise en scène par Hervé Van der Meulen est un banquet. Une fête célébrant le spectacle vivant. Une ode à la joie, à la comédie, à la danse, à la musique, au théâtre. Le plus morose ou blasé des spectateurs ne peut résister plus de quelques minutes à l’énergie, à l’entrain et au talent de la troupe venant du théâtre Studio d’Asnières où dix-huit comédiens sont présents presque en permanence sur le plateau plus de deux heures durant. La pièce mise en scène par Hervé Van der Meulen y avait été créée (avec une demi-heure de plus) en 2018, puis montée au Théâtre 13 en 2020, où elle était à nouveau présentée aux professionnels en mai 2021, avant d’être jouée devant le public en juin. Hervé Van der Meulen a tranché dans le vif du texte de Barrault, dont le spectacle d’origine créé en 1968 à l’Élysée-Montmartre, durait presque le double, texte lui-même écrit d’après l’abondante œuvre de l’auteur éponyme. Une belle réponse, à l’époque, à l’éviction du directeur du théâtre de l’Odéon par le Ministre de la culture André Malraux. De l’exil de Rabelais privé de protection royale au limogeage de Barrault transmuant la punition officielle en liberté artistique renouvelée, il n’y a qu’un petit pas de géant et rabelaisien soulignant la continuité de la censure, changeant seulement de forme(s) entre le XVIème et le XXème siècle… Une double introduction précède la pièce. Tandis que les spectateurs s’installent dans les gradins, les comédiens vêtus de noir, tous présents sur le plateau parlent, chahutent, chantent, jouent de la musique (percussions, flute traversière, piano, trompette, guitare installés à Cour), rient, dansent, marquent le rythme par des palmas et plongent presque aussitôt le public dans l’ambiance de tout ce qui suit, à savoir la démesure, la truculence des mots, des gestes, des accents, la précision des dictions, l’inventivité et le rythme de l’action qui ne souffre jamais de temps mort, l’enchaînement des déplacements, des gestuelles aussi finement chorégraphiées que les épisodes à proprement parler dansés. Ensuite, référence est faite au monde contemporain et à ses ressemblances avec celui de Rabelais. Est-ce « son époque ou la nôtre » ? Ordre et désordre y sont en tout cas également « deux calamités ». Dans cette effervescence communicative, jaillit la langue et l’esprit de Rabelais auquel la pièce est un hommage, à son amour de la vie, du bien boire, du bien manger, du bien jouir, dans un esprit de tolérance et d’humanisme, où la joie le dispute à l’absurde. Celui qui fut avocat, médecin, linguiste, romancier savait mêler dans ses pléthoriques cinq Livres, notamment ceux consacrés à Pantagruel et à Gargantua, le familier et l’érudition, le vulgaire et le savant, les chansons paillardes et le vocabulaire technique, la langue populaire et les langues mortes… Cette célébration des plaisirs de la vie est servie par des comédiens talentueux, dont les individualités (personnalités de jeu et nombreuses voix sublimes et pas seulement dans les parties chantées) ne nuisent pas à une harmonie d’ensemble présente de l’introduction aux saluts. Certaines scènes sont tout particulièrement réussies, telle que celle de l’accouchement de Gargamelle, la description imagée et à n’en plus finir des bons et moins bons « Torche-culs » par Gargantua, ou encore des moutons de Panurge. Les belles lumières (notamment dans la scène du bateau), les inventifs costumes et décors et la scénographie finissent de parfaire l’ensemble. Un petit bijou à déguster sans modération, comme la « Dive bouteille » récurremment célébrée. Un spectacle idéal pour retourner au théâtre ou y aller tout court. Un spectacle dont on sort ragaillardi par l’effervescence de son énergie, par le plaisir incomparable d’assister à un moment unique où ne s’interposent ni un quatrième mur, ni un écran. Un spectacle idéal tiré des fantaisies d’un auteur faisant la transition entre le monde du Moyen-Âge et celui de la Renaissance, pour mieux souligner l’inévitable sensation d’un entre deux mondes dont les spectateurs citoyens de ce début du XXIème siècle n’ont que trop envie de s’extraire.   © Miliana-Bidault     Rabelais, Jean-Louis Barrault Mise en scène Hervé Van der Meulen Musique originale Marc-Olivier Dupin Assistants Julia Cash, Ambre Dubrulle et Jérémy Torres Chorégraphie Jean-Marc Hoolbecq Scénographie et accessoires Claire Belloc Costumes Isabelle Pasquier Lumières Stéphane Deschamps Maquillage Audrey Millon Chefs de chant Juliette Épin-Bourdet, Juliette Malfray et Pablo Ramos Monroy Son Arthur Petit   Avec : Étienne Bianco, Loïc Carcassès, Aksel Carrez, Ghislain Decléty, Inès Do Nascimento, Pierre-Michel Dudan, Valentin Fruitier, Constance Guiouillier, Théo Hurel, Pierre-Antoine Lenfant, Olivier Lugo*, Juliette Malfray, Mathias Maréchal, Ulysse Mengue, Théo Navarro-Mussy*, Fany Otalora, Pier-Niccolò Sassetti, Jérémy Torres, Agathe Vandame * en alternance   Durée 2 h 10     Théâtre 13 /Jardin 103 A, boulevard Auguste-Blanqui – 75013 Paris   Du 1er au 8 juin 2021 : du mardi au samedi à 18 h, le dimanche à 16 h Du 9 au 19 juin 2021 : du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 16 h          Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Rabelais, de Jean-Louis Barrault d’après des textes de Rabelais, mis en scène par Hervé Van der Meulen, au Théâtre 13
Violente(s), de Léa Gauthier, adaptation et conseil musical Thierry Bedard, mise en scène de Sébastien Derrey, à Bagnolet – Théâtre L’échangeur
  © Léa Gauthier   ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot Alors que le guitariste égrène quelques notes électriques, trois femmes présentent leur profil, l’une debout, engloutie dans la pénombre, à jardin, appuyée contre le mur, les deux autres, regardant la première, assises aux deux extrémités d’une table installée à cour. Dans ce tableau introductif, le profil serait cette position qui donne à voir la moitié d’un visage, d’un être, tout en omettant son autre moitié. Ce serait l’illusion de tout saisir quand pourtant demeure invisible autant que ce qui s’est révélé. Violente(s), premier texte de Léa Gauthier pour la scène, est composé de deux récits, qui, à leur manière, seraient les deux profils, depuis deux points de vue opposés, d’une même histoire se prolongeant l’une dans l’autre. Le premier récit plonge dans les affres d’une enfance violentée par l’abandon puis la déchéance d’une mère jusqu’au drame final. Portée par Nathalie Pivain, cette parole à hauteur d’enfant, se délivre par bribes, phrases courtes, rythme découpé, avec cette acuité des mots simples qui nous fait dire que la vérité sort de la bouche des enfants (mais quelle vérité ?). Y répond le second récit porté par Catherine Jabot, celui d’une femme qui aurait voulu « dompter le temps », celui d’un corps hanté par la mort d’une sœur, elle dira : « Longtemps je me suis frappée » (Proust revisité), un corps qui alors s’oublie dans le sexe, dans les trous que le sexe fait au temps. Cette autre narration, elle, comme un long souffle, embrassant de longues portées, comme l’illusoire maîtrise d’une vie. Et finit par boucler la boucle, butant au seuil du premier récit. Cette construction dramaturgique a son efficacité et n’est pas sans rappeler ces « anneaux », pour reprendre le terme utilisé par Daniel Mendelsohn dans son dernier et beau livre Trois anneaux, technique de récits enchâssés les uns dans les autres, s’apparentant à des digressions intempestives, indépendantes, jusqu’au moment où, refermant la boucle, les anneaux relient et donnent à relire les événements dont on avait connaissance. L’écriture de Léa Gauthier fait dans la dentelle noire, finement crochetée, avec des expressions saillantes et contrastées (« Longtemps je ne t’ai pas nommé »), des motifs récurrents, des ellipses ajourant l’étoffe d’une histoire cousue de fils noirs. Le noir est aussi celui du coup de crayon, net, ligne claire, traçant le récit à l’aune d’un ressenti, qui est une souffrance, qui se fait violence. Un partage du sensible, qui en est une découpe tranchante, à l’emporte-pièce. Lorsque la petite fille descend les marches de l’escalier menant à la cave, c’est aussi le surgissement d’un cinéma noir (La nuit du chasseur) voire horrifique (Amityville). Le récit social s’incarne dans le genre, non pas au sens masculin / féminin, mais au sens de la forme esthétique : roman noir, épouvante. Au mauvais genre. Thierry Bedard et Sébastien Derrey dépaysent, comme on dirait d’une enquête, ce double récit en le déployant dans le dispositif d’un concert rock. Jean Grillet avec sa guitare et Sabine Moindrot au chant convoquent, sur les traces notamment de Sonic Youth, un espace et un temps élargis.  C’est épique, somptueux, phrasé velouté ou hurlant ses prophéties. Sur cette lande crépusculaire miroitante de mille feux, le récit rejoint le récitatif. La partition textuelle en ressort stimulée, comme dépliée à une autre échelle, s’ouvrant à une subtile polysémie. Ce dépaysement est aussi à lire successivement sur le visage des deux comédiennes. Sensiblement. Ce théâtre intime et immense où s’effectuent les mots du récit, où les marques du temps composent une autre scénographie, qui est celle de la vie, où transparaît sur le visage de la comédienne par intermittence la figure d’une autre, petite fille ou jeune femme. Un va et vient qui est un jeu, qui est magnifique. Si le théâtre est une magie, elle se trouve là : dans cette vérité de l’écart, dans ce jeu qu’il autorise et même exige (jeu au sens mécanique lorsque deux pièces ne s’emboîtent pas parfaitement). Dans cette boucle sans fin, qui s’origine du sexe d’une femme puis se retourne dans une cave pour y faire face, l’histoire de la violence circule en vase clos, ou plus justement dit, en vase communiquant, d’une mère à une fille. Une dévoration évoquant les peintures les plus noires de Goya.   © Léa Gauthier     Violente(s), texte de Léa Gauthier Adaptation et conseil musical Thierry Bedard Mise en scène Sébastien Derrey Son Régis Sagot Lumières Jean-Louis Aichhorn Musique Jean Grillet Avec Catherine Jabot, Sabine Moindrot, Nathalie Pivain   Vu le 9 avril 2021 lors d’une présentation réservée aux professionnels Durée 1 h   Théâtre L’échangeur 59 Avenue du Général de Gaulle 93170 Bagnolet Adresse du site email : https://lechangeur.org/      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Violente(s), de Léa Gauthier, adaptation et conseil musical Thierry Bedard, mise en scène de Sébastien Derrey, à Bagnolet – Théâtre L’échangeur
Gardiennes, de et avec Fanny Cabon, mis en scène par Bruno de Saint Riquier, Studio Hébertot
  © Jean Cabon   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Gardiennes présenté en ce mois d’avril à la presse et aux professionnels au studio Hébertot n’est pas une création. Écrit en 2016, le texte a déjà été joué, en particulier dans le off d’Avignon en 2018, avec succès. Fanny Cabon, seule en scène donc, apparaît revêtue d’une robe noire, sous une simple douche de lumière, allongée en milieu de plateau sur un arrangement de table et chaise, jambes en l’air, la tête renversée. Elle entame le récit de son premier personnage. L’une des dix femmes, d’une même lignée, qu’elle incarne tour à tour pour livrer chacun de leur témoignage, passeuse des secrets de femmes parce que tabous pour les hommes, Gardiennes de ces vies entretenant une culpabilité de génération en génération, de l’après-guerre à la loi Veil, qui a en enfin donné un sens au droit à disposer de son corps, en France… Le sujet de l’IVG avait récemment, en 2019, été saisi avec talent — Hors la loi de Pauline Bureau au Vieux Colombier — et originalité — Reconstitution : le procès de Bobigny d’Émilie Rousset — au théâtre, abordant avec souci de la réalité historique le combat autour de Gisèle Halimi et des « 343 salopes » auxquelles Gardiennes rend hommage rapidement, préférant mettre en avant ses anonymes, ses invisibles. On ne pleure jamais durant le spectacle, pourtant il y a de quoi pleurer de tristesse quant au sort réservé aux millions d’anonymes, et de rage contre les lois scélérates, faites par les hommes, contre les femmes, telles la révoltante, inadmissible, inacceptable loi de Vichy (du 15 février 1942) qualifiant l’avortement de « crime contre l’État » passible de la peine de mort pour l’exécutant(e), abrogée deux ans plus tard, l’acte demeurant un délit jusqu’à la légalisation de l’IVG par la fameuse loi Veil de 1975. On ne pleure donc jamais et on rit même parfois, tant l’autodérision et la distanciation semblent être le fil rouge des témoignages. On rit jaune surtout aux remarques masculines rapportées par les Gardiennes, ou par des voix off qui se font entendre, d’hommes, de médecins notamment qui font la morale à ces femmes engrossées parfois pour la quatorzième fois par leurs maris, lesquels trouvent moins d’inconvénients à les laisser se débrouiller avec leurs ventres qu’à utiliser des capotes anglaises ou à admettre le coït interrompu… Des femmes anonymes, simples, au parler populaire, qui ne se plaignent pas vraiment, trouvant même parfois des excuses à leurs hommes, enfermées dans les tristes schémas d’assujettissement et de soumission ; elles énoncent des faits sans perdre leur joie de vivre quand elles ne sont pas en train de « douiller » pour la troisième ou cinquième fois, lors d’un curetage à vif, pour « leur passer l’envie » suivant l’expression récurrente des médecins, comme si elles en avaient eu envie… Fanny Cabon est exceptionnelle de justesse. Elle a une capacité à passer d’un personnage à l’autre, de la jeune fille contant son mariage à la suite d’une grossesse pas toujours désirée à la mère âgée qui avoue simplement avoir aimé ça, le plaisir, avant que le désir de l’époux évolue à son retour d’Indochine et que les coups pleuvent sur son visage sa vie durant. Cheveux retenus ou lâchés, tablier et balai en main, on passe d’une vie à une autre sans voir l’heure passer. Une poupée ou des livres, un béret, une statue religieuse, des aiguilles à tricoter et une gigantesque pelote de laine servant de siège éphémère pour seuls éléments de décor, symbolisant chaque histoire avec pour point commun la couleur rouge, celle du sang, omniprésent, celui des hémorragies des fausses couches spontanées ou provoquées, entraînant parfois la mort ou la faisant frôler. Le désir d’enfant, elles l’ont toutes eu, ce désir dévorant les femmes quand elles aiment et consumant les hommes plus rarement, ce qui les rend d’autant plus exceptionnels, tel le seul conjoint présenté sous un jour moins univoque que tous les autres, présent avec sa femme à l’hôpital, impuissant face à sa douleur. Car la souffrance chez l’être vraiment aimé ne peut qu’être intolérable à celui qui aime. Fanny Cabon sait dire tout cela par des mots simples en apparence, mais si justement choisis et prononcés. Chacune se reconnaîtra sans nul doute dans l’une ou l’autre ou plusieurs des émotions qui traversent chaque histoire, de l’expérience de la douleur, même si elle est aujourd’hui incomparable grâce aux « anesthésies » et autres progrès de la médecine, à la souffrance émotionnelle, souvent plus terrible encore. Les histoires individuelles font écho à une histoire universelle des femmes, faite surtout d’abnégation. On ne sort pourtant pas bouleversé(e)s du spectacle, mais au contraire plus fort(e)s encore. La rébellion demande du temps parfois pour reconquérir sa dignité et (re)devenir ou demeurer une femme puissante. Elles l’ont toutes été, puissantes, à leur(s) manières(s) ces femmes et le texte de Fanny Cabon a le mérite de le montrer sans militantisme. Aux femmes d’aujourd’hui de continuer ce qui est néanmoins un ancestral combat, loin d’être gagné, et de devenir les Gardiennes de leur liberté.   © Jean Cabon     Gardiennes de et avec Fanny Cabon Mise en scène Bruno de Saint Riquier Ambiance sonore Pierre Lardenois Production La Pierre Brute Durée 1 h 15   Vu en séance professionnelle au : Studio Hébertot 78 bis boulevard des Batignolles 75017 Paris www.studiohebertot.com      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Gardiennes, de et avec Fanny Cabon, mis en scène par Bruno de Saint Riquier, Studio Hébertot
Buster Keaton, un spectacle de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier, au Théâtre Montfort
  © Pascal Gély   ƒƒ article de Denis Sanglard  Une chute détermina son destin. Enfant de la balle, tombé d’un escalier à six mois dit la légende (dix-huit serait sans doute plus probable) et récupéré au vol par Houdini, le hasard faisant bien les choses, Joseph Keaton devint ainsi « la serpillère », Buster donc, exploité par ses parents artistes burlesques, un père qui le fracassait contre les murs de la scène et dont il se relevait, impassible. Une légende naissait. Émancipé d’une famille devenue délétère, Buster Keaton rejoint New-York, écume les scènes de Broadway. Et comme à toute légende il ne manque jamais un coup de pouce du hasard, la rencontre avec une star du cinéma naissant, Fatty Arbuckle, décide définitivement de son destin. Buster Keaton devient l’homme qui ne souriait jamais. Acteur, réalisateur, Le Cameraman, le Mécano de la générale, La maison démontable, les Fiancés en folie, Cadet d’eau douce… La gloire et puis l’oubli. Une apparition fantômale et mélancolique chez Billy Wilder, joueur de Bridge dans Sunset Boulevard en compagnie d’autres acteurs du muet eux aussi disparus avec le parlant, une scène mémorable avec Chaplin dans les feux de la rampe, vieil acteur de burlesque sur le déclin. Et enfin une dernière apparition, poignante, personnage Beckettien foudroyant, borgne, fuyant son regard et celui des autres, fuyant épouvanté une dernière fois le monde sur sa draisine, dans film de Samuel Becket, film muet comme un retour à la case départ. Buster Keaton, solitaire et impassible, élégant même, devant les éléments déchaînés, les catastrophes provoquées dont il sort toujours indemne. Cette création est un bel hommage à cet acteur qui portât l’art du burlesque, du slapstick au plus haut. Inventeur d’une poésie qui transcendait le gag et offrait au burlesque un autre regard sur le monde, teinté de mélancolie et d’absurde. Samuel Beckett ne s’y était pas trompé. C’est à cette figure encore trop méconnue, dans l’ombre de Chaplin, que rendent hommage Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier. Portrait qui remonte aux origines, l’enfance pas si rose en coulisse, on peut parler de maltraitance, d’un enfant de la balle, où déjà Buster perçait sous Joseph. Mais surtout retraverser les scènes mythiques pour en comprendre non seulement la mécanique imparable, leurs préparations minutieuses, leur toujours modernité et plus encore, leur indéniable mystère et formidable poésie qui demeure encore. Et derrière le masque impassible, insondable, coiffé du même chapeau rond et plat, son regard décalé et dubitatif sur le monde et son rapport singulier à la réalité, où le cinéma, parfois, devient un lieu d’apprentissage. Ils sont cinq sur le plateau à incarner Buster Keaton. Il fallait au moins ça, ce dédoublement presqu’à l’infini, pour un personnage multiple et toujours insaisissable. Personnage qui questionne encore tant il demeure aujourd’hui encore un mystère. Agnès Desarthe, Leslie Kaplan, Federico Garcia Lorca, Florence Seyvos, Yoann Thommerel, Tanguy Viel et Steven Wallace dont les textes ont inspirés cette création ont interrogé chacun à leur façon cette énigme. Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier jouent de la fiction et de la réalité avec ce mouvement de balancier qui va de l’une à l’autre jusqu’à se confondre parfois. L’art de l’illusion, cet artisanat éminemment théâtral pour un cinéma naissant dont on voit ici la fabrique minutieuse qui se superpose parfois à l’image projetée, le film original. Il y a des longueurs de temps en temps, c’est vrai, dans cette mise en scène toujours inventive qui plonge aux racines du cinéma, le music-hall dont elle épouse ici la forme burlesque jusque dans le récit d’une vie, comme s’il n’y avait pas d’autre réalité que la fiction où Buster Keaton n’était plus que ça, un personnage fictionnel. Où l’on rejoint Beckett dont il n’est pas question dans ce portrait mais qui sans doute avait compris combien Buster Keaton n’avait plus d’autre réalité que ce personnage marmoréen voué à l’oubli. Des longueurs donc, sans doute parce que si l’inverse est possible, la reconstitution à l’identique ou presque d’une scène de cinéma au théâtre ne fonctionne pas tout à fait de la même façon. Une histoire de rythme sans doute, de dynamique. Mais qu’importe à vrai dire, ce portrait d’un comédien qui résistait à tout, aussi bien aux lois de l’attraction que ceux du monde, est aussi un hommage vibrant, passionné et sensible pour un 7ème art balbutiant, dont Buster Keaton fut une des figures majeures.   © Pascal Gély   Buster Keaton un spectacle de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier À partir des textes d’Agnès Desarthe, Leslie Kaplan, Federico Garcia Lorca, Florence Seyvos, Yoann Thommerel, Tanguy Viel et Steven Wallace Scénographie et peinture Catherine Rankl Musique Étienne Bonhomme Costumes Pierre Canitrot Perruques et masques Cécile Kretschmar Marionnettes Kiké Gomez Bastias Chorégraphie Jim Couturier Cascades et mouvements Mikaël Le Guen Collaborations aux lumières et régie Marie Hardy Graphisme Bells Angel Photographie Pascal Gely Assistante à la mise en scène Cécile Feuillet Régie générale Camille Faure et David et David Marain Régie plateau Noual El Fannane Régie son, vidéo Baptiste Galais   Réalisation costumes Charlotte Le Gal et Antoinette Magny Chapelier Mr. Chapeau Régie costume Maud Dufour avec l’aide de Christelle Barré   Une production de la Comédie de Caen-CDN de Normandie Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National   Représentation devant les professionnels les 25, 26 et 27 mars 2021 au Montfort Théâtre, 106 rue Brancion, Paris 15ème   Tournée 18 au 21 mai au TNB, Rennes 2 et 3 juin Grand Théâtre de Lorient 8, 9 et 10 juin Comédie de Caen-CDN de Normandie      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Buster Keaton, un spectacle de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier, au Théâtre Montfort
L’Orang-outan bleue, texte et mise en scène de Jean-Michel Rabeux, au Lokal, Saint-Denis
  © Simon Gosselin   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Un beau jour quelque part dans la forêt de Sumatra, naquit une orang-outang. Bleue. Un joli bleu électrique ! A peine-née, déjà rejetée par sa mère. Cette couleur-là, ça ne le fait pas dans la famille orang-outang naturellement rouquine. Recueillie bientôt par une éléphante qui n’a que faire de la différence, lui offre ses mamelles et l’élève avec ses dix éléphanteaux, Ponga, telle est son nom, devenue adolescente, tente de rejoindre sa horde. Oui mais si on la tolère, on ne l’intègre pas. Pas question de se laisser épouiller par cet animal bleu. Pour l’avoir tenté, Ponga se fait tabasser si fort qu’elle se met à parler le langage des hommes ! Des hommes qui devant ce miracle voient l’affaire juteuse, l’emprisonnent fissa et l’exploitent dûment. Après bien des aventures et la rencontre d’une enfant, Ponga vivra enfin sa vie d’orang-outang bleue, loin du monde. Ecrit et mise en scène par Jean-Michel Rabeux, voilà un joli conte pour enfants, pas gnangnan pour deux sous. Bien au contraire. Comme à son habitude et parce qu’il sait qu’avec les enfants on ne triche pas, c’est cru, c’est cruel, c’est impertinent, c’est drôle et interroge sans esbroufe le monde tel qu’il va, c’est-à-dire pas très bien. Couleur de peau, couleur de poil, c’est du pareil au même quand il s’agit d’intégration, les ennuis commencent devant la différence. Déjà au sein même de la famille, ça ne le fait pas. Alors dans le groupe… Et puis être fille, ça complique davantage. Comme le souligne Ponga, il n’y a pas de féminin pour orang-outang. Mais la violence animale — on chasse en meute, allez savoir pourquoi, celui qui ne vous ressemble pas — n’a rien à envier à la violence des hommes. Toutes ressemblances, etc. Et si les coups ne pleuvent pas toujours, l’exploitation de l’animal par l’homme ou de l’homme par l’homme, c’est kif-kif bourricot ici, une autre « forme » de violence simplement. Comment se dépatouiller de tout ça, comment vivre sa différence et son genre, comment trouver la paix, la résilience dans cette jungle qu’est devenue le monde où seuls les éléphants gardent une part d’humanité ? Ponga, c’est l’incroyable Pauline Jambet. Dans cette création conçue pour être tout-terrain, qui tient autant du clown que du stand-up, Pauline Jambet dans sa fourrure bleue pétard a un sacré abattage. Elle parle comme un charretier bourru, imite l’éléphant à merveille, se gratte sans honte les fesses, danse avec la grâce des gibbons et chante sans fausse-note. Et parle aux enfants sans ambages, de façon directe. Et elle les embarque d’emblée ces minots, très loin, jusqu’en Sumatra c’est sûr ! Pour vous dire que ça marche, il est des petits miracles qui vous épatent. Ainsi, j’en suis le témoin, pour exprimer son chagrin — oui parce que de la tristesse et du découragement il y en a aussi dans tous les contes — Ponga se frappe la poitrine. Eh bien, doucement, sans que rien ne leur soit demandé, les gamins accompagnèrent, tel un chœur antique, ce geste, frappant à leur tour et en rythme leur poitrine de leurs petits poings. Ce n’était certes pas prévu dans la mise en scène mais le théâtre c’est aussi ça, sert aussi à ça ! Et ce fut ce jour sans doute la plus belle des réponses données à Ponga que d’accompagner son chagrin. Et le plus beau compliment offert à Pauline Jambet et Jean-Michel Rabeux. Le théâtre est bien essentiel et tout ne semble pas perdu pour l’avenir s’est-t-on dit devant cette manifestation spontanée. Ce qui rejoint étonnement la conclusion de Jean-Michel Rabeux, sous le poil c’est la même peau pour tous. C’est un spectacle pour enfants certes mais conçu pour tous les enfants, de sept à soixante-dix-sept ans, voire plus, selon le cliché éculé. Mais on s’en fout un peu de ce cliché devant la pertinence et l’intelligence de cette création qui ne fait pas prendre des vessies pour des lanternes aux enfants et se refuse à tricher devant la réalité du monde vue avec lucidité par une orang-outang, fût-elle aux poils bleus.   © Simon Gosselin     L’Orang-outang bleue texte et mise en scène Jean-Michel Rabeux Avec Pauline Jambet Assistanat à la mise en scène et régie générale Vincent Brunol Lumières Jean-Claude Fonkenel Costumes Sophie Hampe   Présentations professionnelles les 22 & 23 mars 2021 au Lokal à Saint-Denis   Tournée En octobre 2021 – Festival Braconne, Grand Angoulême – Le Lokal, à Saint-Denis En janvier 2022 – Théâtre Le rayon vert, Saint Valéry en Caux – Le passage, centre de création artistique, Fécamp – Le volcan, Scène national du Havre En février 2022 – Scène nationale 61, Alençon En mars 2022 – Carré Colonnes, scène nationale, Saint Médard-en-Jalles dans le cadre des « spectacles à emporter » En avril 2022 – Théâtre de Nîmes        Read More →
Suite... Commentaires fermés sur L’Orang-outan bleue, texte et mise en scène de Jean-Michel Rabeux, au Lokal, Saint-Denis
Dos, En son lieu, au Festival Séquence Danse Paris, au CENTQUATRE-PARIS
  Dos © Delgado Fuchs   Un festival tronqué du fait des mesures sanitaires. Quelques créations, quand même, offertes à la presse et aux professionnels. En voici deux, à l’opposé l’une de l’autre, vues au CENTQUATRE-PARIS le 19 mars 2021.     DOS de Delgado Fuchs ƒƒƒ Article de Denis Sanglard L’alliance de la carpe et du lapin. Soit un grand échalas (Valentin Pythoud, porteur-acrobate) et une crevette (Marco Delgado, danseur-performeur) pour un-pas-de-deux poétique, un jeu de séduction ironique. De poses plastiques en référence aux antiques grecs comme aux super-héros Marvel, tout est une question d’attitude, bruitées d’hilarantes stridulations, poses qui se répondent en un singulier défis, avant que les corps bientôt ne se confondent, ne s’embrassent. Très vite ce qui aurait pu être un combat de coqs se métamorphose en une parade amoureuse subtilement homo-érotique de deux drôles d’oiseaux se jouant caustiquement de leurs différences affichées. On se cherche, on se trouve, on s’empoigne, on se porte, on est porté, jeu de main jeu de vilain, on vacille et on « tangote » enfin, on s’étreint. C’est truffé de références plastiques et chorégraphiques, abécédaire de possibles variations, de détournements incongrus. De la piéta de Raphaël à Boris Charmatz, croit-on, c’est un vocabulaire revisité à l’aune de ces deux corps-là si dissemblables et complémentaires, qui se mesurent, se défient avant de trouver leur équilibre, certes de guingois mais fermement tenu. L’union fait la force, on peut dire ça, et ces deux en font une démonstration éclatante que signifie leur emboitement final, ce gros câlin où ils ne font plus qu’un ou presque. Plus sérieusement, un mouvement en entraînant un autre, de métamorphoses en métamorphoses, c’est un véritable atelier ludique qui voit les codes de la représentation classique balancés et déclinés non sans humour, cul-par-dessus-tête, mis au défi d’une réalité morphologique hors des standards usuels et dont ils se jouent avec un bonheur malicieux évident et pas mal d’à-propos…   Dos © Delgado Fuchs   DOS, conception et chorégraphie Delgado Fuchs En collaboration avec Valentin Pythou Avec Valentin Pythou et Marco Delgado Collaboration artistique, régie générale Nadine Fuchs Musique Erkin Korey       En son lieu © Marc Domage    En son lieu, de Christian Rizzo  ƒƒ Article de Denis Sanglard Portrait intime d’un danseur, Nicolas Fayol, répondant aux obsessions singulières et désormais familières de Christian Rizzo, En son lieu, nouvel opus du chorégraphe, ouvre le Hip-Hop à la fable. Plateau hérissé de pieds de projecteurs comme une étrange et inquiétante forêt métallique, lumière entre chien et loup, brume opaque, trois clarines posées en avant-scène, une paire de bottes au lointain près d’un rocher fumant, une cruche… voilà planté métaphoriquement le territoire de Nicolas Fayol. Sa danse, le hip-hop, danse urbaine, s’implante désormais hors de son territoire naturel, déracinée soudain, nourrie aujourd’hui d’un ailleurs rural. Il y a dans cette création quelque chose de la méditation, de la contemplation. L’enjeu n’est plus ici la vitesse d’exécution, la vélocité, l’enchaînement de figures. Si l’appui au sol garde son importance, le corps semble là toute à la fois comme absorbé par lui et nourri de lui. Etrange et formidable énergie concentrée que le rythme volontairement ralenti accentue, appuyé par la création musicale, musique sourde et nappe sonore prégnante du groupe Cercueil (Pénélope Michel et Nicolas Devos). L’enjeu n’est donc plus la vitesse ou la figure imposée mais le corps et son expressivité qui se libère progressivement de la forme pour l’emmener vers un nouveau terrain. L’abstraction première du hip-hop fait place à l’expression, à la métaphore et s’ouvre donc à la fable, exprimant autre chose que lui-même sans jamais rien oblitérer pourtant de la forme que Nicolas Fayol décompose lentement et amène ainsi à la métamorphose. Un nouveau corps émerge, brut, animal, imprégné de son nouvel environnement, sauvage, dépouillé au fur et à mesure de tout apparat, de toute urbanité, nu désormais. Un corps mémoriel qui porte en lui les paysages traversés, absorbés. Et c’est nourri de ça, de cette expérience immersive, que sur le plateau, en son lieu, Nicolas Fayol revient.   En son lieu © Marc Domage   En son lieu, chorégraphie Christian Rizzo Danse Nicolas Fayol Création lumière Caty Olive Création musicale Pénélope Michel et Nicolas Devos (Cercueil/Puce Moment) Direction technique Thierry Cabrera     CENTQUATRE-PARIS 5 rue Curial 75019 Paris T+01 53 35 50 00 Dates et horaires, mises à jour et infos sur 104.fr      Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Dos, En son lieu, au Festival Séquence Danse Paris, au CENTQUATRE-PARIS
Respire, de Johanne Humblet, par la Compagnie les Filles du Renard Pâle, à l’Atelier 231 à Rouen
  © Les filles du Renard Pâle   ƒƒ article de Hoël Alors que le monde de la Culture commence sérieusement à trouver le temps long, nous, chanceux professionnels, sommes invités à prendre de la hauteur avec la Funambule qui nous présente Respire, un solo de funambule accompagné d’un orchestre live. Après une résidence au Centre des Arts de la Rue et de l’Espace Public de Rouen, il est temps pour la Compagnie des Filles du Renard Pâle de dévoiler Respire, ce deuxième opus d’un Triptyque déployé dans les airs. Nous arrivons donc devant des bâtiments imposants : d’anciens hangars de briques rouges, où se mêlent stockages de décors, bureaux administratifs, lieux de répétition, bar et autres recoins intrigants. Un régisseur-loup nous accueille tout de noir vêtu, sa gueule en papier mâché nous fait prendre place dans le hangar principal. Au-dessus de nous un fil tendu à 6 mètres de long. Nous apprendrons plus tard que cette hauteur est particulièrement minimale par rapport aux 30-40 mètres habituels ! En regardant tout autour, et en l’air, on aperçoit à un bout du fil un brin de femme, pelotonnée de pied en cape dans un tissu doré. Soudain, les notes du trio s’élèvent jusqu’à elle, et le spectacle peut commencer. Johanne Humblet nous embarque avec souplesse et délicatesse dans son monde vertigineux. À n’en pas douter, son costume évoque le Petit Chaperon Rouge, marchant au-dessus de la fosse au loup, qui la suit du regard aussi intensément que les spectateurs, les yeux grands-ouverts. Mais si ce Chaperon peut nous renvoyer à un monde enfantin, nous nous retrouvons vite embarqués dans un univers bien plus punk-rock. Au fur et à mesure qu’elle se dévêt de sa cape et envoie valdinguer sa jupe que le loup s’empresse de rattraper au vol, se dévoile une femme aussi libre sur un fil que nous le serions sur une piste de danse. Une énergie toute en concentration émane de notre funambule ; elle oscille entre précision des mouvements et lâcher-prise impressionnant, portée par les morceaux électrisants d’un l’orchestre complice, vêtu de paillettes et de cuir. Vous l’aurez donc compris, avec Respire, nous sommes assez loin du traditionnel numéro de funambule. À plusieurs moments, Johanne Humblet se retrouve aux prises avec des agrès inventés spécialement pour le spectacle par la compagnie. Sans oublier la sonorisation du fil, qui donne matière à un jeu entre la virtuosité de Johanne et le trio et qui ajoute à l’originalité de la création. Avec Respire, les Filles du Renard Pâle nous proposent donc une véritable dramaturgie, où chacun pourra se raconter sa propre histoire. La forêt de notre Petit Chaperon rouge sera transformée pour 40 minutes en fil de funambule. Entre peurs, curiosité, désir d’émancipation et liberté, notre artiste parviendra-t-elle à traverser ? En tout cas, elle nous aura fait rêver !   © Les filles du Renard Pâle   Respire, Les filles du Renard Pâle Funambule : Johanne Humblet Musique : Deadwood, Johann Candoré, Djeyla Roz, Petit Petit Coordinateur technique : Nicolas Lourdelle Techniciens cordistes : Nicolas Lourdelle, Yvan Bringard, Remy Legeay, Géraldine Rieux, Shaan Sauzéat, Arthur Ehret, Arnold Gautheron, Matthieu Duval, Pascal Voinet, Béatrice Contreras, Steve Duprez, Denis Russier Ingénierie rigging : Cie Gratte-Ciel Création lumière : David Baudenon, Sylvain Chevallot Régie son : Mathieu Ryo, Johan Caballé Logistique : Romane Vanderstichele     Atelier 231 – Centre national des arts de la rue et de l’espace public 171, rue Vincent Auriol,  76300 Sotteville-lès-Rouen T+ 02 35 62 60 70   info@atelier231.fr        Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Respire, de Johanne Humblet, par la Compagnie les Filles du Renard Pâle, à l’Atelier 231 à Rouen
Trézène Mélodies. L’histoire de Phèdre en chansons, Racine, Ritsos, mis en scène par Cécile Garcia Fogel, Théâtre 14
    © Simon Gosselin     ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Phèdre chantée. L’idée peut surprendre, voire pourrait rebuter les amateurs des vers de Racine, quelques-uns servant de support au texte de Trézène Mélodies. L’histoire de Phèdre en chansons, accompagnés de fragments de la poésie de Yannis Ritsos. Le rapprochement des deux auteurs peut dérouter. Racine avait déjà adapté Euripide en conservant bien néanmoins la chronologie du mythe d’origine, tandis que Ritsos réduit sa Phaedra à la scène de l’aveu en la situant dans l’époque à laquelle il a écrit, c’est-à-dire au milieu des années 1970 après la Dictature des colonels qu’il a personnellement subie. Ce n’est pas la première fois que le plus grand poète grec contemporain est utilisé en miroir d’une tragédie antique. Antoine Vitez, en 1971 à Nanterre, avait déjà puisé dans la poésie de Yannis Ritsos pour accompagner sa deuxième mise en scène d’Electre de Sophocle. Phaedra elle-même a été mise en scène plusieurs fois en France. Trézène Mélodies. L’histoire de Phèdre en chansons présenté en ce mois de mars à la presse et aux professionnels reprend une précédente version de Cécile Garcia Fogel, créée en 1996 au Théâtre de la Bastille et au Théâtre de Sartrouville, qui lui avait valu le prix de la critique pour la Révélation théâtrale de l’année. Le nombre d’artistes a, dans cette recréation, été diminué (de 8 à 3) et la place de Racine a été réduite pour accueillir des fragments du Mur dans le miroir et du Phaedra de Ritsos. La première originalité de ce spectacle résulte donc du mélange des textes du tragédien français du XVIIème et du poète national grec du XXème, ce qui peut égarer plus d’un spectateur, en tout cas ceux qui ne connaîtraient aucun des deux textes. La seconde originalité est d’avoir osé le chanter, ce qui peut contribuer à perdre encore davantage le public non averti ou choquer les puristes. Et pourtant la magie opère. Le très beau travail de scénographie et de lumière (chaude ou écrasante) accompagnant l’excellent guitariste Ivan Quintero qui suit au plus près les voix de Cécile Garcia Fogel et Mélanie Menu, en des rythmes syncopés et parfois circulaires et répétitifs, produit un spectacle d’une étonnante justesse. Les éléments de décor sont réduits à une dizaine de chaises en bois, une longue corde et un peu de cendre qui n’évoquent pas en particulier la ville de Trézène, et même au contraire créent une atmosphère insolite, un peu hors du temps et de tout espace connus, mais esthétiquement très expressive. La dramaturgie est convaincante. Le spectacle se déroule de manière extrêmement fluide à la fois dans les enchaînements de duos et trios chantés et la complémentarité des voix, Mélanie Menu se distinguant tout particulièrement en offrant une large palette vocale qui s’installe et s’affirme rapidement, mais aussi dans les gestuelles des deux comédiennes (et même du guitariste) précisément chorégraphiées. De fait, le travail sur le corps résonne avec la lettre (« Ton corps je le sais comme un poème appris par cœur que j’oublie sans cesse – la chose au monde la plus inconnue la plus changeante la plus inconcevable, c’est le corps humain ») et l’esprit (l’attirance irrépressible de Phèdre pour le jeune Hyppolite) du texte. Bien accompagné en amont, le spectacle pourrait même être pédagogique et faire apprécier le mythe de la fille de Minos et Pasiphaé à la jeune génération en soulignant l’intemporalité de son propos et en dépassant les paradoxes des passions humaines où la sensualité (qui se répand subtilement au fil du spectacle) dispute à la pureté des sentiments en dépit de leur immoralité…     © Simon Gosselin     Trézène Mélodies. L’histoire de Phèdre en chansons., Racine et Ritsos Mise en scène Cécile Garcia Fogel Scénographie et costumes Caroline Mexme Lumières Olivier Oudiou Musique Cécile Garcia Fogel   Avec : Cécile Garcia Fogel, Mélanie Menu, jeu et chant Ivan Quintero, guitare et voix Durée 1 h   Théâtre 14 20 avenue Marc Sangnier 75014 Paris www.theatre14.fr   Représentations publiques prévues sous réserve du contexte sanitaire dans la région des Hauts-de-France et au musée Würth-Erstein en avril 2021          Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Trézène Mélodies. L’histoire de Phèdre en chansons, Racine, Ritsos, mis en scène par Cécile Garcia Fogel, Théâtre 14
Itmahrag, direction artistique et chorégraphie par Olivier Dubois, au CentQuatre-Paris, dans le cadre du Printemps de la danse arabe 2021
  © François Stemmer   ƒƒƒ article de Marguerite Papazoglou   Itmahrag ou « festoyons », néologisme à partir de mahraganat (festivals en arabe), dont Olivier Dubois signe sa nouvelle pièce. Le mahraganat ou electro chaâbi aurait pu passer inaperçu comme un simple courant musical pas extraordinaire ; seulement l’ampleur de l’adhésion populaire, notamment après la Révolution de 2011 au-delà même des quartiers ghettoïsés où cette musique est créée, en font un phénomène social d’ampleur, une caisse de résonnance haute-fidélité de la rue, de la jeunesse égyptienne et de l’avenir. Concrètement ce sont des modules électro et basses profondes mêlés aux percussions du chaâbi traditionnel des fêtes de mariage, sur quoi sont mixées des voix auto-tunées débitant un rap aux tonalités orientales. Populaire dans tous les sens du terme, cette musique produite et diffusée sur le net hors des circuits économiques habituels, est devenue le son le plus écouté, de préférence à plein volume, sur tous les haut-parleurs de l’Egypte, des fêtes branchées, aux mariages, aux péniches touristiques et aux taxis. Elle fédère autour de textes transgressifs et déchaîne une danse festive et émancipatrice. C’est d’ailleurs peut-être plutôt ce potentiel socio-politique que le prétexte de paroles trop impies qui ont poussé, le 16 février dernier, le gouvernement égyptien à interdire toute diffusion officielle de ces artistes ! Ceci étant dit, qu’en faire ? travailler avec ces artistes et non pas les utiliser (comme on le voit opéré trop souvent sur la scène contemporaine avec toutes formes de danses urbaines ou traditionnelles, talentueuses, fraîches et non académiques), c’est le pari réussi d’Olivier Dubois. Comme pour rester au plus près de l’expression des interprètes, un décor minimal et un plateau nu. Dès l’entrée informelle du public, les voix et les corps qui nous accueillent établissent un niveau d’énergie haut perché. L’effet est immédiat, ça exige vigilance, présence, humour et sagesse. Ça émoustille, ça ouvre des portes. Dans cette langue et dans ces corps, une urgence à dire, audible dans le débit et le timbre posé des voix, une familiarité mordante associée à un humour vital, un verbe décontracté et foisonnant. Le monde pluriculturel et le quotidien des quartiers populaires du Caire est posé. A un moment, ça aura commencé. Face public en quinconce, débit à sept voix et corps d’une présence totale, acrobaties, unissons et décalages rythmiques, lignes dynamiques, l’énergie se dépense, comme ça gratuitement, comme un départ de feu à partir d’un rien, juste en se regroupant. Laisser opérer, pas besoin d’arrangeur. La sobriété des outils n’en construit pas moins un rythme organique parfait et un espace toujours en mouvement. Olivier Dubois ne se contente pas de montrer le mahraganat, ce qu’il nous fait goûter c’est la richesse de la culture égyptienne à travers les singularités de ses interprètes. De chacun, il fait surgir une vitalité qui vous prend le cœur et les tripes. L’espace saturé de son, d’émotion, de violence aussi, sait s’écarter sur des moments de suspension, de silence groggy. C’est là que l’on voit rougir la beauté et la charge subversive de ces prises de corps et de parole, de ces verticalités dressées face aux vents désertifiants. Il y fouille aussi un pendant de tendresse, de fierté bafouée, de noblesse de cœur, voire de mélancolie, qui ne s’expose pas d’emblée à la vue et à la vie publique. Retenez votre souffle, un extrait : « L’amnésie a commencé il y a deux mille ans » la contradiction inhérente à cette phrase perce soudain la nappe sonore au volume hypnotique, ces corps si charnels l’instant d’avant soudain échappent : une distance infinie les projette dans une vision fictionnelle où les événements historiques défilent et se mélangent. Combien de milliers d’années d’histoire portés là au juste ? L’histoire qui empêche d’écrire l’histoire au présent… Trop de complexité, trop de ruptures, trop de blessures. Et pourtant « je vis ». La rationalité sature mais les corps sont là, pleins de force. Le disque totem solaire devient médaille vacillante psychédélique, puis rougeoyant derrière l’écran de fumée conventionnel, il nous propulse dans une rave party aux rythmes galvanisants. Quelques bouts de nudité, une danse au couteau façon cabaret, mais la fumée envahit la salle, les couleurs et les nappes sonores changent et soudain nous ne sommes plus dans le milieu branché de la nuit mais dans la rue par une nuit d’émeutes. Sur le plateau, les scènes se décuplent soudain, c’est une foule, des manifestants isolés dans les fumigènes, des agresseurs et des victimes indiscernables et indistincts. La scène devient champ de bataille, chaos, labyrinthe où chacun est perdu dans une absence de visibilité et une solitude radicale. On se cherche, on crie en vain dans le vacarme annihilant, on tombe, on bâtit des abris branlants derrière des barricades de fortune, tout devient arme, telle est la violence intime des scènes d’émeute si médiatiques. Les corps deviennent des choses de rien et les cadavres des choses énormes. Puis, à nouveau, avec désinvolture, la vie reprend, avec toute la richesse du quotidien c’est-à-dire de la culture vivante.   © François Stemmer     Itmahrag, d’Olivier Dubois Direction artistique et chorégraphie Olivier Dubois Assistant artistique Cyril Accorsi Composition musicale François Caffenne et Ali elCaptin Lumières Emmanuel Gary Régie générale François Michaudel Scénographie Olivier Dubois et Paf atelier   Avec Danseurs: Ali Abdelfattah, Mohand Qader, Moustafa Jimmy, Mohamed Toto Musiciens chanteurs : Ali elCaptain, ibrahim X, Shobra Elgeneral Durée 1 h 30 Le spectacle a fait sa première le 29 janvier 2021 à huis-clos et en streaming dans le cadre du festival Vagamondes à la Filature, scène nationale de Mulhouse, et a été présenté aux professionnels le 2 mars 2021 au CentQuatre-Paris.   Le CENTQUATRE-Paris 5 Rue Curial 75019 Paris   Réservation au 01 53 35 50 00 www.104.fr   Tournée (idéalement)   Du 12 au 15 mai 2021 : Chaillot – Théâtre national de la danse 25 mai 2021 : Paris Le Tangram, Évreux 27 mai 2021 : Théâtre Paul Éluard de Bezons 29 mai 2021 : Espace Germinal, Fosses Du 1er au 3 juin 2021 : Biennale de la danse de Lyon 2021 8-9 juillet 2021 : Festival de Marseille 2021 12-13 juillet 2021 : JuliDans Festival, Amsterdam Du 15 au 17 juillet 2021 : Festival Paris l’Été, Paris 5 octobre 2021 : Les Halles de Schaerbeek, Bruxelles 15 octobre 2021 : One dance week festival, Plovdiv, Bulgarie Octobre 2021 : DCAF Festival, Égypte Novembre 2021 : Festival euro-scene Leipzig, Allemagne 20-21 novembre 2021 : RomaEuropa Festival, Rome, Italie   Dates en cours de report La Coursive, La Rochelle Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes Scène conventionnée de Limoges, Limoges Maison de la culture d’Amiens        Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Itmahrag, direction artistique et chorégraphie par Olivier Dubois, au CentQuatre-Paris, dans le cadre du Printemps de la danse arabe 2021
La tragédie d’Hamlet, de William Shakespeare, adaptation de Peter Brook, mise en scène de Guy-Pierre Couleau, au Théâtre 13
  © Laurent Schneegans   ƒƒ article de Denis Sanglard Ça commence par un rideau de fumée et c’est peut-être bien ça Hamlet, la tragédie d’Hamlet à laquelle nous allons assister, un vaste rideau de fumée ne laissant entrevoir que des ombres vagues dans un mode flottant, bientôt dissoutes. Ne resterait alors que la parole. Et le silence. Guy-Pierre Couleau met en scène La tragédie d’Hamlet, l’adaptation qu’en fit Peter Brook et traduite par Jean-Claude carrière et Marie-Hélène Estienne. Une version resserrée, à l’os. Et c’est bien cela qui est mis en scène, ce texte qui demeure sans réponse, jamais, dans cette scénographie volontairement austère, théâtre désossé, quelques chaises dépareillées, plateau nu, borné au sol par un tapis, simple quadrilatère pour unique espace de jeu, rarement franchi. Rien donc qui ne fasse obstacle au texte. Un dépouillement aride jusque dans la direction d’acteur. Rien de flamboyant, de théâtral. Un jeu comme introverti percés de quelques éclats échappés vite étouffés. Une version dans la retenue, l’élan contenu, dans le murmure ou peu s’en faut. Ce qui étonne et peut être désarçonne c’est bien ce jeu-là, celui de Benjamin Jungers, pâle Hamlet blond, d’une étrange et inquiétante banalité. Pas un héros, non, loin de là, loin s’en faut. C’est un gentil garçon, presqu’un brave type. Qu’un spectre réveille, oblige à la vengeance et entraîne dans un cauchemar éveillé, malgré lui. Cet Hamlet-là est un somnambule au destin brutalement assigné et bien trop grand pour lui. Jamais un mot plus haut que l’autre mais sa force est là, dans les mots justement. Un personnage dépouillé de toute parure et dont la force est dans ce verbe aiguisé, tranchant comme une lame. Benjamin Jungers ne fait aucun sort à chacun d’entre eux. Nulle réplique appuyée. Point de moulinets. Mais une impressionnante précision, presque froideur, dans la scansion et le souffle. Et c’est là sa grande force, la puissance de son jeu et de son personnage. Être ou ne pas être n’est pas la question ici. Je est un autre, jusque dans ses failles, voilà sans doute la clef de cet Hamlet. Un Hamlet en distance toujours, des événements et de lui-même. Toute cette tragédie ici semble ainsi une longue introspection hallucinée projetée là, sur ce plateau nu par un être absent à lui-même et aux autres et qui n’aurait d’autre matérialité et lien au monde que ce verbe vengeur, performatif. Et c’est dans le dérèglement du langage que se joue la folie. D’ailleurs Benjamin Jungers ne la joue pas, ne joue pas Hamlet feignant la folie. Il l’exprime, c’est tout. Là est le théâtre affirme Guy-Pierre Couleau, dans ce verbe qui contient le monde, sa source et son anéantissement. Et Hamlet en est le héraut.   © Laurent Schneegans   La Tragédie d’Hamlet de William Shakespeare Adaptation de Peter Brook, texte français de Jean-Claude Carrière et Marie-Hélène Estienne Mise en scène de Guy-Pierre Couleau Cie Des lumières et des ombres Avec Emil Abossolo M’bo, Bruno Boulzaguet, Marco Caraffa, Benjamin Jungers, Anne le Guernec, Nils Ohlund, Thomas Ribière, Sandra Sadhardheen Scénographie Delphine Brouard Musiques et son Frédéric Malle Chorégraphie de combat Florence Leguy Costumes Camille Pénager Lumières Laurent Schneegans Assistante à la mise en scène Mona Terrones   Durée 1 h 45   Représentation professionnelle donnée au Théâtre 13, Jardin, 103 Bd Auguste Blanqui, 75013 Paris le 12 mars 2021   Tournée 30 septembre 2021 théâtre d’Auxerre 9 novembre 2021 Carré, scène nationale de Château Gontier Hiver 2022 : 7 janvier ou 21 avril 2022 Théâtre Victor Hugo, Bagneux Du 8 au 19 février 2022 Théâtre 13 Paris            Read More →
Suite... Commentaires fermés sur La tragédie d’Hamlet, de William Shakespeare, adaptation de Peter Brook, mise en scène de Guy-Pierre Couleau, au Théâtre 13
Scalpel, d’Alexandra-Shiva Melis, mis en scène par Martial Anton et Daniel Calvo Funes, de la Compagnie Tro-Héol, au Théâtre Lillico de Rennes
    © Martial Anton    ƒƒ article de Hoël C’est sur la scène de Lillico à Rennes que Martial Anton et Daniel Calvo Funes présentent Scalpel, leur nouvelle création, devant un public privilégié de professionnels. Après l’accueil chaleureux de ces programmateurs et journalistes, la Compagnie Tro-Héol a hâte d’aller à la rencontre d’un public plus large, et notamment des adolescents à partir de 13 ans. Inspiré des dystopies le splus puissantes, qui sont aussi souvent les plus prophétiques et donc les plus cruelles, Scalpel embarque les spectateurs en 2053 : dans un futur où l’apparence physique permet de diviser la population en « catégories » A, B, C, D qui détermineront ensuite l’accès aux professions les plus convoitées. Toute ressemblance avec… Bref. Emma, notre marionnette protagoniste, semble être une femme somme toute assez brillante ; toutefois, malgré sa bardée de diplômes, elle ne peut prétendre qu’à un poste de « technicienne d’archivage d’ouvrages délaissés. » Poste qui l’enferme au 3e sous-sol d’une bibliothèque municipale, et surtout qui évite au monde de « subir son physique ingrat », à moins qu’il ne soit juste « quelconque ». Mais la carrière d’Emma s’apprète à changer : elle vient de réussir des examens pour passer agente d’accueil ! À la condition qu’elle soit « présentable… » Qu’à cela ne tienne : elle y passera toutes ses économies s’il le faut, mais elle remplira les critères physiques requis. Pour cela, elle fait appel au chirurgien le plus réputé, qui, véritable aubaine, lui propose une « liste d’améliorations » longue comme un bras… bionique. Si elle accèpte le protocole, Emma accèdera non seulement à une beauté pulpeuse, mais aussi à des capacités de vision, d’audition, de digestion, et même de gestation inégalées ! Surgit alors ce chirurgien plastique, qui se révèle à la frontière du conte et du cauchemard. En lui faisant rêver à une humanité augmentée, l’escroc beau parleur va exercer sur sa patiente une pression digne des charlatans les plus expérimentés. Dans un registre de jeu frôlant le burlesque, le docteur oscille entre maîtrise du protocole et tentatives d’expérimentations à la limite du savant-fou, ce qui donne des scènes assez croustillantes et incongrues. Et la pauvre patiente se transfmorme petit à petit en véritable victime. Les thèmes de Scalpel explosent alors au grand jour : la domination exercée par certains « sachants » au son d’un « Bon pour accord » récurrent, aussi amusant que révoltant ; la violence symbolique des diktats du « toujours mieux, toujours plus. » Mais par la métaphore de la médecine, Scalpel évoque aussi les limites du consentement, de la participation active du citoyen dans la démocratie : « puisque vous avez voté, vous l’avez voulu, ne venez pas vous plaindre ensuite. » Au total, cette « fantaisie horrifique et chirurgicale » nous donne des frissons autant qu’elle nous fait réfléchir, et la réflexion se prolonge bien au-delà des 40 minutes que durent Scalpel. Et vous savez-quoi ? Pour les plus gourmands, et les amateurs d’analyse cruelle mais si juste de notre société, la Compagnie Tro-Héol prépare Plastic, le pendant masculin de Sclapel, qui devrait soulever, entre autres, la problématique du vieillissement et de la perte de performances… Gardez l’œil, donc, et le bon !   © Martial Anton     Scalpel, de la Compagnie Tro-Héol Ecrit par Alexandra-Shiva Melis Mis en scène par Martial Anton et Daniel Calvo Funes Avec : Mélanie Depuiset et Frédéric Rebière Marionnettes : Daniel Calvo Funes Scénographie : Martial Anton et Daniel Calvo Funes Construction décors : Thomas Civel Création lumière : Martial Anton Costumes : Maud Risselin Musique et ambiances son : DEF   LillicoSalle Guy Ropartz14, rue Guy Ropartz35000 Rennes        Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Scalpel, d’Alexandra-Shiva Melis, mis en scène par Martial Anton et Daniel Calvo Funes, de la Compagnie Tro-Héol, au Théâtre Lillico de Rennes
Nous, dans le désordre, Ecriture et mise en scène d’Estelle Savasta, Théâtre de la Ville/Les Abbesses
    © Danica Bijeljac   ƒƒ article de Denis Sanglard « Je vais bien. Je ne dirai rien de plus. Je ne me relèverai pas. » Ainsi Ismaël, désormais mutique, se couche-t-il sur le bord d’un chemin au grand désarroi de ses proches dans l’incapacité à le déloger. On ne saura rien de ses motivations, aucune explication ne sera donnée à ce geste. Rien ne le fera se lever, ni s’exprimer. Pas même les parents déstabilisés devant cette détermination, cette rébellion soudaine et incompréhensible à leurs yeux. Cette attitude-là, radicale, cristallise bientôt les fragilités de chacun, les failles intimes et collectives. Ce n’est plus la famille qui est touchée mais l’ensemble de la société heurtée devant ce mystère qui la confronte à ses propres contradictions et démons. Objet soudain de curiosité, Ismaël interroge familles, amis, voisins, touristes venus là découvrir ce phénomène, les liens ténus qui nous relient, le vivre-ensemble soudain fragile et prêt d’éclater devant ce corps posé là, sur le bord de ce chemin. L’attitude intransigeante et le silence têtu d’Ismaël, cette transgression abrupte de l’ordre familial et social, révèle et catalyse brutalement la soumission à ce même ordre et cette violence enfouie en chacun et l’impuissance ou la capacité malgré tout à la révolte. Au fond ce qu’incarne Ismaël c’est bien ce devoir de désobéissance absolue, le refus de l’inéluctable et du déterminisme. A ses risques et périls et celui de la société. Au commencement il y a des improvisations. Estelle Savasta a débattu longuement, une année scolaire, avec des adolescents sur le thème de la désobéissance, de la transgression. Matériel original et précieux déposé ensuite dans les mains des comédiens de sa compagnie, à peine plus âgés, avec lequel ils ont travaillés pour aboutir à ce texte. Qui, avec la sale crise que nous traversons, prend une drôle de résonnance… Pourtant nulle trace de Covid19 dans cette partition engagée, écrite avant la catastrophe. Mais on ne peut malgré soi, malgré tout, y songer, la traquer dans cette interrogation posée. Qu’en est-il justement, se demande-t-on, de la désobéissance aujourd’hui, en pleine pandémie ? Devant la catastrophe sanitaire qui voit les adolescents fracassés par une épidémie et une réponse politique qui restreint avec violence leur liberté. Pas de réponse ici, dans cette fable explosive. Mais la prémonition d’un état à venir, aujourd’hui exacerbé par ce virus. Et une déconstruction certaine, assurée, de nos préjugés adultes, de ce que nous croyions être pérenne et que ces adolescents interrogés remettent en question avec un bel aplomb, une belle impertinence. Estelle Savasta et ses comédiens ont respectés ce regard futé-là, cette parole donnée, cette inquiétude. Une mise à nue lucide et salutaire, acide, non sans humour parfois. Estelle Savata met cela en scène sans esbroufe mais avec beaucoup d’assurance. Rien de révolutionnaire, rien de spectaculaire mais une grande fluidité, sans temps mort jamais, dans cette ronde qui se fait et se défait autour d’Ismaël. Une belle et sage simplicité qui laisse toute la place au texte, appréhendé par les comédiens avec un bonheur évident. Avec cette belle idée pas si bête que chacun à son tour prend la place d’Ismaël, se couche là au centre du plateau. Façon de dire que nous sommes tous, potentiellement, Ismaël…   © Danica Bijeljac   Nous, dans le désordre écriture et mise en scène Estelle Savasta Musique Ruppert Pupkin Scénographie Alice Duchange Création lumières Romain de Lagarde Costumes Cécilia Galli Assisté par Aliénor Figueiredo Musiciens guitares Benoît Perraudeau, violoncelle Thomas Dodji Kpade, trompette Hervé Michelet Construction Olivier Brichet Assistante à la mise en scène / Stagiaire Chine Modzelewski Regard chorégraphique Mathias Dou Avec Flore Babled & Chloé Chevalier (en alternance), Olivier Constant, Zoé Fauconnet, Valérie Puech, Damien Vigouroux     Représentation professionnelle donnée les 18 et 19 février au Théâtre de la Ville/ Les Abbesses   Tournée 2021 : 30 et 31 mars Maison de la Culture de Bourges, scène nationale 7/10 avril MC:2 Grenoble 15/16 avril Nest-CDN de Thionville        Read More →
Suite... Commentaires fermés sur Nous, dans le désordre, Ecriture et mise en scène d’Estelle Savasta, Théâtre de la Ville/Les Abbesses