À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Buster Keaton, un spectacle de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier, au Théâtre Montfort

Buster Keaton, un spectacle de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier, au Théâtre Montfort

Avr 01, 2021 | Commentaires fermés sur Buster Keaton, un spectacle de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier, au Théâtre Montfort

 

© Pascal Gély

 

ƒƒ article de Denis Sanglard 

Une chute détermina son destin. Enfant de la balle, tombé d’un escalier à six mois dit la légende (dix-huit serait sans doute plus probable) et récupéré au vol par Houdini, le hasard faisant bien les choses, Joseph Keaton devint ainsi « la serpillère », Buster donc, exploité par ses parents artistes burlesques, un père qui le fracassait contre les murs de la scène et dont il se relevait, impassible. Une légende naissait. Émancipé d’une famille devenue délétère, Buster Keaton rejoint New-York, écume les scènes de Broadway. Et comme à toute légende il ne manque jamais un coup de pouce du hasard, la rencontre avec une star du cinéma naissant, Fatty Arbuckle, décide définitivement de son destin. Buster Keaton devient l’homme qui ne souriait jamais. Acteur, réalisateur, Le Cameraman, le Mécano de la générale, La maison démontable, les Fiancés en folie, Cadet d’eau douce… La gloire et puis l’oubli. Une apparition fantômale et mélancolique chez Billy Wilder, joueur de Bridge dans Sunset Boulevard en compagnie d’autres acteurs du muet eux aussi disparus avec le parlant, une scène mémorable avec Chaplin dans les feux de la rampe, vieil acteur de burlesque sur le déclin. Et enfin une dernière apparition, poignante, personnage Beckettien foudroyant, borgne, fuyant son regard et celui des autres, fuyant épouvanté une dernière fois le monde sur sa draisine, dans film de Samuel Becket, film muet comme un retour à la case départ.

Buster Keaton, solitaire et impassible, élégant même, devant les éléments déchaînés, les catastrophes provoquées dont il sort toujours indemne. Cette création est un bel hommage à cet acteur qui portât l’art du burlesque, du slapstick au plus haut. Inventeur d’une poésie qui transcendait le gag et offrait au burlesque un autre regard sur le monde, teinté de mélancolie et d’absurde. Samuel Beckett ne s’y était pas trompé. C’est à cette figure encore trop méconnue, dans l’ombre de Chaplin, que rendent hommage Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier. Portrait qui remonte aux origines, l’enfance pas si rose en coulisse, on peut parler de maltraitance, d’un enfant de la balle, où déjà Buster perçait sous Joseph. Mais surtout retraverser les scènes mythiques pour en comprendre non seulement la mécanique imparable, leurs préparations minutieuses, leur toujours modernité et plus encore, leur indéniable mystère et formidable poésie qui demeure encore. Et derrière le masque impassible, insondable, coiffé du même chapeau rond et plat, son regard décalé et dubitatif sur le monde et son rapport singulier à la réalité, où le cinéma, parfois, devient un lieu d’apprentissage.

Ils sont cinq sur le plateau à incarner Buster Keaton. Il fallait au moins ça, ce dédoublement presqu’à l’infini, pour un personnage multiple et toujours insaisissable. Personnage qui questionne encore tant il demeure aujourd’hui encore un mystère. Agnès Desarthe, Leslie Kaplan, Federico Garcia Lorca, Florence Seyvos, Yoann Thommerel, Tanguy Viel et Steven Wallace dont les textes ont inspirés cette création ont interrogé chacun à leur façon cette énigme. Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier jouent de la fiction et de la réalité avec ce mouvement de balancier qui va de l’une à l’autre jusqu’à se confondre parfois. L’art de l’illusion, cet artisanat éminemment théâtral pour un cinéma naissant dont on voit ici la fabrique minutieuse qui se superpose parfois à l’image projetée, le film original. Il y a des longueurs de temps en temps, c’est vrai, dans cette mise en scène toujours inventive qui plonge aux racines du cinéma, le music-hall dont elle épouse ici la forme burlesque jusque dans le récit d’une vie, comme s’il n’y avait pas d’autre réalité que la fiction où Buster Keaton n’était plus que ça, un personnage fictionnel. Où l’on rejoint Beckett dont il n’est pas question dans ce portrait mais qui sans doute avait compris combien Buster Keaton n’avait plus d’autre réalité que ce personnage marmoréen voué à l’oubli. Des longueurs donc, sans doute parce que si l’inverse est possible, la reconstitution à l’identique ou presque d’une scène de cinéma au théâtre ne fonctionne pas tout à fait de la même façon. Une histoire de rythme sans doute, de dynamique. Mais qu’importe à vrai dire, ce portrait d’un comédien qui résistait à tout, aussi bien aux lois de l’attraction que ceux du monde, est aussi un hommage vibrant, passionné et sensible pour un 7ème art balbutiant, dont Buster Keaton fut une des figures majeures.

 

© Pascal Gély

 

Buster Keaton un spectacle de Marcial Di Fonzo Bo et Élise Vigier

À partir des textes d’Agnès Desarthe, Leslie Kaplan, Federico Garcia Lorca, Florence Seyvos, Yoann Thommerel, Tanguy Viel et Steven Wallace

Scénographie et peinture Catherine Rankl

Musique Étienne Bonhomme

Costumes Pierre Canitrot

Perruques et masques Cécile Kretschmar

Marionnettes Kiké Gomez Bastias

Chorégraphie Jim Couturier

Cascades et mouvements Mikaël Le Guen

Collaborations aux lumières et régie Marie Hardy

Graphisme Bells Angel

Photographie Pascal Gely

Assistante à la mise en scène Cécile Feuillet

Régie générale Camille Faure et David et David Marain

Régie plateau Noual El Fannane

Régie son, vidéo Baptiste Galais

 

Réalisation costumes Charlotte Le Gal et Antoinette Magny

Chapelier Mr. Chapeau

Régie costume Maud Dufour avec l’aide de Christelle Barré

 

Une production de la Comédie de Caen-CDN de Normandie

Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National

 

Représentation devant les professionnels les 25, 26 et 27 mars 2021 au Montfort Théâtre, 106 rue Brancion, Paris 15ème

 

Tournée

18 au 21 mai au TNB, Rennes

2 et 3 juin Grand Théâtre de Lorient

8, 9 et 10 juin Comédie de Caen-CDN de Normandie

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed