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L’Orang-outan bleue, texte et mise en scène de Jean-Michel Rabeux, au Lokal, Saint-Denis

Mar 28, 2021 | Commentaires fermés sur L’Orang-outan bleue, texte et mise en scène de Jean-Michel Rabeux, au Lokal, Saint-Denis

 

© Simon Gosselin

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Un beau jour quelque part dans la forêt de Sumatra, naquit une orang-outang. Bleue. Un joli bleu électrique ! A peine-née, déjà rejetée par sa mère. Cette couleur-là, ça ne le fait pas dans la famille orang-outang naturellement rouquine. Recueillie bientôt par une éléphante qui n’a que faire de la différence, lui offre ses mamelles et l’élève avec ses dix éléphanteaux, Ponga, telle est son nom, devenue adolescente, tente de rejoindre sa horde. Oui mais si on la tolère, on ne l’intègre pas. Pas question de se laisser épouiller par cet animal bleu. Pour l’avoir tenté, Ponga se fait tabasser si fort qu’elle se met à parler le langage des hommes ! Des hommes qui devant ce miracle voient l’affaire juteuse, l’emprisonnent fissa et l’exploitent dûment. Après bien des aventures et la rencontre d’une enfant, Ponga vivra enfin sa vie d’orang-outang bleue, loin du monde.

Ecrit et mise en scène par Jean-Michel Rabeux, voilà un joli conte pour enfants, pas gnangnan pour deux sous. Bien au contraire. Comme à son habitude et parce qu’il sait qu’avec les enfants on ne triche pas, c’est cru, c’est cruel, c’est impertinent, c’est drôle et interroge sans esbroufe le monde tel qu’il va, c’est-à-dire pas très bien. Couleur de peau, couleur de poil, c’est du pareil au même quand il s’agit d’intégration, les ennuis commencent devant la différence. Déjà au sein même de la famille, ça ne le fait pas. Alors dans le groupe… Et puis être fille, ça complique davantage. Comme le souligne Ponga, il n’y a pas de féminin pour orang-outang. Mais la violence animale — on chasse en meute, allez savoir pourquoi, celui qui ne vous ressemble pas — n’a rien à envier à la violence des hommes. Toutes ressemblances, etc. Et si les coups ne pleuvent pas toujours, l’exploitation de l’animal par l’homme ou de l’homme par l’homme, c’est kif-kif bourricot ici, une autre « forme » de violence simplement. Comment se dépatouiller de tout ça, comment vivre sa différence et son genre, comment trouver la paix, la résilience dans cette jungle qu’est devenue le monde où seuls les éléphants gardent une part d’humanité ?

Ponga, c’est l’incroyable Pauline Jambet. Dans cette création conçue pour être tout-terrain, qui tient autant du clown que du stand-up, Pauline Jambet dans sa fourrure bleue pétard a un sacré abattage. Elle parle comme un charretier bourru, imite l’éléphant à merveille, se gratte sans honte les fesses, danse avec la grâce des gibbons et chante sans fausse-note. Et parle aux enfants sans ambages, de façon directe. Et elle les embarque d’emblée ces minots, très loin, jusqu’en Sumatra c’est sûr ! Pour vous dire que ça marche, il est des petits miracles qui vous épatent. Ainsi, j’en suis le témoin, pour exprimer son chagrin — oui parce que de la tristesse et du découragement il y en a aussi dans tous les contes — Ponga se frappe la poitrine. Eh bien, doucement, sans que rien ne leur soit demandé, les gamins accompagnèrent, tel un chœur antique, ce geste, frappant à leur tour et en rythme leur poitrine de leurs petits poings. Ce n’était certes pas prévu dans la mise en scène mais le théâtre c’est aussi ça, sert aussi à ça ! Et ce fut ce jour sans doute la plus belle des réponses données à Ponga que d’accompagner son chagrin. Et le plus beau compliment offert à Pauline Jambet et Jean-Michel Rabeux. Le théâtre est bien essentiel et tout ne semble pas perdu pour l’avenir s’est-t-on dit devant cette manifestation spontanée. Ce qui rejoint étonnement la conclusion de Jean-Michel Rabeux, sous le poil c’est la même peau pour tous. C’est un spectacle pour enfants certes mais conçu pour tous les enfants, de sept à soixante-dix-sept ans, voire plus, selon le cliché éculé. Mais on s’en fout un peu de ce cliché devant la pertinence et l’intelligence de cette création qui ne fait pas prendre des vessies pour des lanternes aux enfants et se refuse à tricher devant la réalité du monde vue avec lucidité par une orang-outang, fût-elle aux poils bleus.

 

© Simon Gosselin

 

 

L’Orang-outang bleue texte et mise en scène Jean-Michel Rabeux

Avec Pauline Jambet

Assistanat à la mise en scène et régie générale Vincent Brunol

Lumières Jean-Claude Fonkenel

Costumes Sophie Hampe

 

Présentations professionnelles les 22 & 23 mars 2021 au Lokal à Saint-Denis

 

Tournée

En octobre 2021

– Festival Braconne, Grand Angoulême

– Le Lokal, à Saint-Denis

En janvier 2022

– Théâtre Le rayon vert, Saint Valéry en Caux

– Le passage, centre de création artistique, Fécamp

– Le volcan, Scène national du Havre

En février 2022

– Scène nationale 61, Alençon

En mars 2022

– Carré Colonnes, scène nationale, Saint Médard-en-Jalles dans le cadre des « spectacles à emporter »

En avril 2022

– Théâtre de Nîmes

 

 

 

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