Dos © Delgado Fuchs
Un festival tronqué du fait des mesures sanitaires. Quelques créations, quand même, offertes à la presse et aux professionnels. En voici deux, à l’opposé l’une de l’autre, vues au CENTQUATRE-PARIS le 19 mars 2021.
DOS de Delgado Fuchs
ƒƒƒ Article de Denis Sanglard
L’alliance de la carpe et du lapin. Soit un grand échalas (Valentin Pythoud, porteur-acrobate) et une crevette (Marco Delgado, danseur-performeur) pour un-pas-de-deux poétique, un jeu de séduction ironique. De poses plastiques en référence aux antiques grecs comme aux super-héros Marvel, tout est une question d’attitude, bruitées d’hilarantes stridulations, poses qui se répondent en un singulier défis, avant que les corps bientôt ne se confondent, ne s’embrassent. Très vite ce qui aurait pu être un combat de coqs se métamorphose en une parade amoureuse subtilement homo-érotique de deux drôles d’oiseaux se jouant caustiquement de leurs différences affichées. On se cherche, on se trouve, on s’empoigne, on se porte, on est porté, jeu de main jeu de vilain, on vacille et on « tangote » enfin, on s’étreint. C’est truffé de références plastiques et chorégraphiques, abécédaire de possibles variations, de détournements incongrus. De la piéta de Raphaël à Boris Charmatz, croit-on, c’est un vocabulaire revisité à l’aune de ces deux corps-là si dissemblables et complémentaires, qui se mesurent, se défient avant de trouver leur équilibre, certes de guingois mais fermement tenu. L’union fait la force, on peut dire ça, et ces deux en font une démonstration éclatante que signifie leur emboitement final, ce gros câlin où ils ne font plus qu’un ou presque. Plus sérieusement, un mouvement en entraînant un autre, de métamorphoses en métamorphoses, c’est un véritable atelier ludique qui voit les codes de la représentation classique balancés et déclinés non sans humour, cul-par-dessus-tête, mis au défi d’une réalité morphologique hors des standards usuels et dont ils se jouent avec un bonheur malicieux évident et pas mal d’à-propos…
Dos © Delgado Fuchs
DOS, conception et chorégraphie Delgado Fuchs
En collaboration avec Valentin Pythou
Avec Valentin Pythou et Marco Delgado
Collaboration artistique, régie générale Nadine Fuchs
Musique Erkin Korey
En son lieu © Marc Domage
En son lieu, de Christian Rizzo
ƒƒ Article de Denis Sanglard
Portrait intime d’un danseur, Nicolas Fayol, répondant aux obsessions singulières et désormais familières de Christian Rizzo, En son lieu, nouvel opus du chorégraphe, ouvre le Hip-Hop à la fable. Plateau hérissé de pieds de projecteurs comme une étrange et inquiétante forêt métallique, lumière entre chien et loup, brume opaque, trois clarines posées en avant-scène, une paire de bottes au lointain près d’un rocher fumant, une cruche… voilà planté métaphoriquement le territoire de Nicolas Fayol. Sa danse, le hip-hop, danse urbaine, s’implante désormais hors de son territoire naturel, déracinée soudain, nourrie aujourd’hui d’un ailleurs rural. Il y a dans cette création quelque chose de la méditation, de la contemplation. L’enjeu n’est plus ici la vitesse d’exécution, la vélocité, l’enchaînement de figures. Si l’appui au sol garde son importance, le corps semble là toute à la fois comme absorbé par lui et nourri de lui. Etrange et formidable énergie concentrée que le rythme volontairement ralenti accentue, appuyé par la création musicale, musique sourde et nappe sonore prégnante du groupe Cercueil (Pénélope Michel et Nicolas Devos). L’enjeu n’est donc plus la vitesse ou la figure imposée mais le corps et son expressivité qui se libère progressivement de la forme pour l’emmener vers un nouveau terrain. L’abstraction première du hip-hop fait place à l’expression, à la métaphore et s’ouvre donc à la fable, exprimant autre chose que lui-même sans jamais rien oblitérer pourtant de la forme que Nicolas Fayol décompose lentement et amène ainsi à la métamorphose. Un nouveau corps émerge, brut, animal, imprégné de son nouvel environnement, sauvage, dépouillé au fur et à mesure de tout apparat, de toute urbanité, nu désormais. Un corps mémoriel qui porte en lui les paysages traversés, absorbés. Et c’est nourri de ça, de cette expérience immersive, que sur le plateau, en son lieu, Nicolas Fayol revient.
En son lieu © Marc Domage
En son lieu, chorégraphie Christian Rizzo
Danse Nicolas Fayol
Création lumière Caty Olive
Création musicale Pénélope Michel et Nicolas Devos (Cercueil/Puce Moment)
Direction technique Thierry Cabrera
CENTQUATRE-PARIS
5 rue Curial 75019 Paris
T+01 53 35 50 00
Dates et horaires, mises à jour et infos sur 104.fr
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