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Tosca, musique de Giacomo Puccini, livret de G. Giacosa et Luigi Illica, direction musicale Carlo Montanaro, mise en scène de Pierre Audi, Opéra Bastille

Juin 09, 2021 | Commentaires fermés sur Tosca, musique de Giacomo Puccini, livret de G. Giacosa et Luigi Illica, direction musicale Carlo Montanaro, mise en scène de Pierre Audi, Opéra Bastille

 

© Vincent Pontet / Opéra national de Paris

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Tosca, l’opéra de Puccini créé en 1900 d’après une pièce de Victorien Sardou écrite pour Sarah Bernhardt en 1887, est l’expression d’un vérisme porté à son acmé qui mêle à la passion, la politique et la religion ancrés dans une ville qui résume en elle-même ces trois aspects, Rome. En trois lieux non moins symboliques, Sant’ Andrea della Valle qui ouvre la tragédie, le palais Farnese qui la porte à son incandescence, et le Château Saint-Ange pour sa résolution dramatique. Lieux de pouvoir spirituel et temporel, intimement tressés. Et chaque metteur en scène de chercher l’angle d’attaque, tâche ardue depuis sans doute la mise en scène de Zeffireli qui avait trouvé en La Callas l’interprète absolue pour une révolution de la mise en scène opératique initiée déjà par Visconti et aujourd’hui sans doute obsolète (je me souviens d’une reprise à Covent Garden dans les années 1990 de cette mise en scène qui accusait là fortement un sacré coup de vieux.) Pour David Bobée récemment à Rouen qui de Tosca faisait un flamboyant et glaçant manifeste politique ou de Christophe Honoré à Aix-en-Provence, axant sa mise en scène sur la transmission d’une œuvre et d’un personnage emblématique, chacun donc tente avec plus ou moins de succès de trouver son chemin dans cette œuvre iconique. Pierre Audi choisi le poids de la religion. On sait Tosca pieuse, vissi d’arte vissi d’amore, prière à la vierge comme étendard, mais fallait-il pour autant par la scénographie forcer le trait ? Sant’Andrea della Valle, immense croix posée au sol qui la transforme en bunker, tel un lieu assiégé, il fallait oser et ce n’est pas du plus bel effet qui écrase de tout son poids l’espace et les chanteurs. Et cette même croix immense suspendue aux cintres et qui surplombe le plateau, pèse sur les deux derniers actes, assène un message plus qu’elle ne le distille, évacuant peu ou prou la question du politique. Pour le reste la mise en scène est littérale qui respecte l’œuvre au plus près, sans vraiment d’audace ni innovation. À cela il faut ajouter un dernier acte, dans sa fin, raté. Tosca évite le saut de l’ange, pourquoi pas, mais c’est une fin qui fait ici pschitt et, au regard de la tension dramatique et musicale dans sa sécheresse et brutalité, tombe malheureusement à plat.

Et si cette création tient le choc, c’est qu’elle mérite avant tout d’être entendue, par la grâce de ses interprètes et un orchestre en pleine forme dirigé de main de maître par Carlo Montanaro qui pousse l’orchestre de l’Opéra National de Paris dans ses retranchements les plus ténus. Capable de faire monter la tension dramatique à son point de rupture comme de trouver des nuances d’une infinie délicatesse et poésie. La partition de Puccini révèle ainsi toute sa complexité et sa modernité dans le dessein de ses personnages et d’une situation dramatique mouvante. Et puis il y a le trio infernal et passionnel. Trois chanteurs qui donnent là, outre leur voix d’exception, toute la dimension sans réserve de leur personnage. Ludovic Tézier, Scarpia, voix sombre et large, scansion volontairement heurtée, d’une froideur imparable. Le parfait salaud qu’on aime à détester. Michael Fabiano, Mario Cavaradossi, voix puissante et prenante, ne manquant pas de souffle incarne son personnage avec une fougue révolutionnaire ad-hoc mais devant Tosca est capable de nuances intimistes, oublieux de cette voix projetée avec fougue pour des piani sensuels. Sans doute son dernier air, attendu, Et lucevan le stelle, de par cette voix si ample aurait mérité un peu plus de nuance ou de douceur. Mais qu’importe, l’émotion était palpable et l’emportait. Il suffisait d’écouter la salle pour comprendre combien toute critique était inutile. Maria Agresta, Tosca aux aigus tranchants et vifs comme une lame, mais sans effort apparent, donne au personnage une délicatesse et une étonnante jeunesse. Capable elle aussi de nuances infimes jusqu’à la retenue. L’air Vissi d’arte, vissi d’amore est une dentelle de soie prêt à se déchirer. L’ensemble de la distribution, chœur de l’Opéra de Paris compris, est d’une belle homogénéité qui donne à l’ensemble sa force et sa cohérence. Et s’il fallait résumer cette matinée (couvre-feu oblige), une salle debout à peine le rideau tombé est sans doute l’expression la plus juste qui balaie toute critique.

 

© Vincent Pontet / Opéra national de Paris

 

 

Tosca musique de Giacomo Puccini

Livret de G. Giacosa et L. Illica

D’après Victorien Sardou

Direction musicale Carlo Montanaro

Mise en scène de Pierre Audi

Décors Christophe Hetzer

Costumes Robby Duiveman

Lumières Jean Kalman

Dramaturgie Klaus Bertish

Chef des chœurs Alessandro di Stefano

Orchestre et chœur de l’Opéra national de Paris

Maîtrise des Hauts de Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris

Avec Maria Agresta, Michael Fabiano, Ludovic Tézier, Guilhem Worms, Frédéric Caton, Carlo Bosi, Philippe Rouillon, Florent Mbia

 

Les 4, 8, 11, 14, 18 et 25 juin 2021

 

Opéra Bastille

Réservation 08 92 89 90 90

www.operadeparis.fr

 

 

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