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Les cent milles derniers quarts d’heure, Performance de Matthieu Barbin, Rencontres chorégraphiques internationale de Seine-Saint-Denis

Mai 25, 2021 | Commentaires fermés sur Les cent milles derniers quarts d’heure, Performance de Matthieu Barbin, Rencontres chorégraphiques internationale de Seine-Saint-Denis

© Romuald Ducros

 

 ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Sara Sara, drag queen et avatar de Matthieu Barbin, haute perruque crêpée-laquée à la Dolly Parton, robe pailletée noire, talon vertigineux de 12 ou 16 et ligne serpentine… Mais sous le fard et la perruque, Matthieu Barbin, qui fut interprète chez Boris Charmatz, entre autres, questionne le déterminisme social et le refus d’une condition imposée. Et en échos au texte elliptique, fragments biographiques de vies minuscules, généalogie familiale où se dégage la figure de la mère, laitière puis ouvrière, il jette résolument son corps et celui des siens dans la bataille. Un corps inévitablement marqueur social qui porte les stigmates d’une vie de labeur et d’abnégation. Frère carreleur, mère et sœur ouvrières, corps usés soumis aux gestes mécaniques et répétés ad nauseam… A ces corps multiples et fracassés sur l’autel du profit, aux espoirs fragiles d’un lendemain qui chante inaboutis, avec ce mantra en sautoir « tenir encore un petit peu », Matthieu Barbin oppose comme un formidable pied-de-nez le corps inventé de Sara Sara, figure non pas outrancière mais augmentée d’un idéal féminin, camp et glamour et non stigmatisé par les marqueurs sociaux. Figure éminemment politique aussi. Signature flamboyante et illusoire d’un refus de la norme et la volonté ferme de ne surtout pas réitérer et subir un système qui broie le corps tant physique que social de l’individu. On le sait, maîtriser le second induit de maîtriser le premier. L’invention de soi étant un acte de liberté, Sara Sara affranchit donc avec panache Matthieu Barbin qui s’invente là un personnage et une vie hors-norme. Avec la promesse induite et toute relative de ne jamais ressembler à sa mère, à la famille. Qu’illustre soudain cette danse et ce play-back, formidablement kitsch — rappel qu’être drag queen c’est aussi une représentation exacerbée de la féminité — sur « I’m every woman » chanté par l’iconique Whitney Houston. Et cependant tous ces corps, Sara Sara les embrasse et les contient, lesquels surgissent par effraction au fil de ce récit, fragments de vies qui la métamorphosent soudain et la relient malgré elle à son passé non résolu. Le corps ploie, se plie, rompt, s’écroule, tremble soudain, et vacille sur ses talons et sous les coups de boutoir d’un passé énoncé qui hante ce corps inventé et dément un temps cette volonté affichée d’amnésie… Le corps est mémoire quoiqu’il en coûte. Et cette performance radicale et magistrale, d’une intelligence urticante, oscille entre ces deux pôles contradictoires, entre un corps volontaire et affranchis de toutes normes, le corps créateur d’utopie défini par Michel Foucault, et les stigmates d’une réalité sociale qui empoigne sèchement le corps de Sara Sara pour une métamorphose devenue le manifeste d’une condition et d’une classe sociale assujettie.

 

Les cent milles derniers quarts d’heure chorégraphie, mise en scène et performance Matthieu Barbin

Travail des voix, collaboratrice Dalila Khatir

Travail des textes Jonathan Drillet

Assistante Elise Ladoué

Son Vanessa Court

Lumière Loren Palmer

Costume Cédric Debeuf

Perruque Sébastien Poirier

 

19 et 20 mai 2021 à 18 h

Nouveau Théâtre de Montreuil CDN

Salle Maria Casarès

 

Les cent milles derniers quarts d’heure ouvrait les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

Du 19 mai au 20 juin 2021

Programmation, horaires et réservations

www.rencontreschoregraphiques.com

T+ 01 55 82 08 01

 

 

 

 

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