© Alice Brazzit
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Le corps hors-norme, le corps autre, enjeu chorégraphique et performatif qui défie la monstration où jeter son corps dans la bataille comme, après Antonin Artaud, l’imposait Raimund Hoghe, disparu récemment, relève moins du défi crane que d’une ferme réappropriation de soi pour imposer un nouveau regard sur le handicap. Passer d’objet de curiosité anatomique à celui d’être son propre sujet exposant crûment son handicap actant la réappropriation de son image. « Ce n’est pas toi qui m’interprètes, je vais te montrer le chemin pour me comprendre. Je prends la responsabilité de dessiner l’image que le monde aura de moi » affirme Chiara Bersani, 98 cm, « naine », atteinte ostéogenèse imparfaite modéré. Et ce qu’elle impose c’est un regard franc sur ce corps. Et à ce corps qui n’est pas une chimère elle offre la possibilité d’une métamorphose, la licorne. « Moi, Chiara Bersani (…) je me déclare chair, muscle et os de la licorne. Ne connaissant pas son cœur, j’essaierai de lui donner mon souffle et mes yeux. Je vais habiller son image, je ferai son costume, qui deviendra d’abord mon armure puis ma peau. Nous découvrirons nos mouvements, nos baisers, nos salutations, nos bâillements, par le biais d’un dialogue entre ma forme qui agit et sa forme qui habille. » On cherchera en vain la symbolique de cet animal fabuleux. On interprétera ce que l’on veut. C’est le destin et le malheur des mythes. Ce qui importe là c’est l’acte performatif qui ouvre vers un ailleurs, un imaginaire et affranchi le regard porté sur un corps hors norme, libéré des clichés et du mépris. Il se passe peu de chose sur le plateau. C’est avant tout une présence phénoménale qu’amplifie quelques simples mouvements qui signent la métamorphose. Mais ce peu qui est beaucoup, dans un temps comme dilaté, contraint le spectateur à regarder sans se détourner. Nulle échappatoire. Femme-cheval s’ébrouant, lentement Chiara Bersani fait le tour du plateau comme en manège, et fixe un à un, avec un sourire ravageur, quand elle ne rit pas, chacun des spectateurs présents. Chiara Bersani désamorce ainsi tout voyeurisme, tout regard obscène, qu’elle retourne comme un gant, sèchement. Tombent les préjugés. Cette métamorphose est un acte libérateur. Pour elle comme pour nous. Jamais sans doute licorne, animal mythique, ne fut plus humaine. Et c’est bien là le but atteint, sous l’image palimpseste de cet animal mythique, c’est une humanité jusqu’alors bafouée qui est affirmée. Et par cette interaction volontaire et forte, cet engagement ferme et témoin d’une histoire singulière, ce corps entre dans le champ du politique.
© Alice Brazzit
Seeking Unicorns chorégraphie de Chiara Bersani
Design sonore F. De Isabella
Régisseur plateau Paolo Tizaniel
Conseils dramaturgiques Luca Poncetta et Gaia Clotilde Chernetih
Coach mouvement Marta Ciappina
Conseils artistiques Marco D’Agostin
Stylisme Elisa Orlandini
27 et 28 mai 2021 à 15 h et 18 h 30
La Dynamo de Banlieues Bleues / Pantin
Réservations pour le Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis 01 55 82 08 01
www.rencontreschorégraphiques.com
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