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Je te pardonne (Harvey Weinstein), texte, musique et mise en scène de Pierre Notte, Théâtre du Rond-Point

Juin 02, 2021 | Commentaires fermés sur Je te pardonne (Harvey Weinstein), texte, musique et mise en scène de Pierre Notte, Théâtre du Rond-Point

 

© Giovanni Cittadini Cesi

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Le procès d’Harvey Weinstein version cabaret, il fallait oser. Pierre Notte l’a fait. Fidèle à lui-même c’est d’une impertinence et d’un humour salvateur et ravageur, sans gêne aucune. Finement écrit, comme toujours, c’est grossier parfois sans jamais être vulgaire, ou si peu, joyeusement cru et dru. Pierre Notte a le mérite d’appeler un chat une chatte et enculer n’est pas ici un vain mot ni un gros mot mais l’expression toute nue d’une réalité qui fait mal. Enfin pas pour tout le monde. Ou du moins pourrait être une solution, nous y reviendrons peut-être. Le procès Weinstein donc où le réquisitoire à charge du machisme ordinaire, de la misogynie crasse, de la violence du mâle en majesté, de la complicité tacite et implicite dans la domination (solidarité masculine oblige) du phallocrate en érection, du patriarcat rance. Et ce depuis belle lurette. Une histoire de cote, déjà. Et dans ce procès où la parodie et l’outrance n’empêche nullement le sérieux du propos, bien au contraire, viennent à la barre et en chantant, aussi, celles qui ont étés abusées, violées en toute impunité. Femme de chambre du Sofitel, gamine de treize ans, stars… Mais pas que. Elles sont toutes là les victimes sacrifiées à l’autel du mâle, de Cassandre à Peau d’âne pour un procès en juste révision où s’effondre à l’aune de « me too » l’Histoire, celle qu’ont bricolé à leurs propres gloires ces messieurs et pour des siècles et des siècles. Espéraient-ils. Mythes ou réalité c’est du pareil au même, la norme reste celle des couillus érigée à leur propre profit. Il ne faut pas moins qu’Elisabeth Badinter, Christine Taubira, Gisèle Halimi et consœurs en avocates des plaignantes. Et même la maman d’Harvey, car les salauds ont toujours une maman, merci madame Dolto. Mais à la barre, Harvey Weinstein n’est pas seul. Accusée, la cohorte des Polanski, Matzneff, Epstein… ! symptôme d’une société où la culture du viol est un acte de domination masculine assumé, le féminicide un accident domestique. Où l’inceste n’est plus l’affaire de rois, même de contes de fée. Désormais on ne se cache plus sous une peau d’âne, on balance sec. Pierre Notte, lui, balance sans crainte derrière son sourire matois. Le cabaret est le lieu de tous les possibles, autant y aller franco, avec tambour et trompette, ça passe ou ça casse. Pour l’heur ça passe. On grince un peu des dents, c’est vrai, devant la charge parfois énorme mais au fond terriblement juste. On rit pour ne pas pleurer de rage devant cette tragédie. Mais Pierre Notte s’en fout, lui qui assume le côté putassier (c’est lui que le dit) et ses acolytes de même qui débordent d’énergie et de talent. Sur le plateau visiblement ces quatre-là s’entendent comme larrons en foire pour mettre à nu les mécanismes tordus d’une société perclus de rhumatismes machistes. Ça valse sévère, ça pétarade, ça dézingue à tout va, pas de temps mort. Ça chante et ça danse. Et pourtant on trouve le temps de faire des crêpes. Et le titre me direz-vous ? Les salauds ont-ils droit au pardon ? Question posée à la salle et personne qui ne moufte. Lâcheté ? Bref, l’avenir de l’homme c’est la femme, on ne naît pas femme on le devient (ou on s’épile c’est selon), Pierre Notte prend ça au pied de la lettre. Ça commence par un peu de cellulite sur les fesses, les seins poussent et les testicules et le sexe rabougrissent et voilà notre Harvey Weinstein au long du procès devenir femme et porter bientôt robe et talons hauts. Et de conclure « Fallait il devenir femme pour être un homme ? ». Mais choisir Catherine Deneuve pour modèle, façon pour Pierre Notte de boucler la boucle, référence à son premier succès (Moi aussi je suis Catherine Deneuve), ne manque pas de culot ni d’ironie. N’est-ce pas notre icône nationale qui demandait le droit d’être importuné et qui du mariage pour tous déclarait cela superfétatoire ? Bref, même en femme, Harvey Weinstein ne se refait pas. Et l’on se dit qu’il y’a encore du boulot.

 

© Giovanni Cittadini Cesi

 

Je te pardonne (Harvey Weinstein) texte, musique et mise en scène de Pierre Notte

Avec Pauline Chagne, Marie Notte, Pierre Notte et Clément Walker-Viry

Costumes Alain Blanchot

Arrangements musiques Clément Walker-Viry

Création lumières Antonio De Carvalho

Son Adrien Hollocou

Assistant à la mise en scène Jeanne Didot

 

Du 1er au 17 juin 2021 à 19 h

Du 18 au 26 juin 2021 à 21 h

 

Théâtre du Rond-Point

2bis avenue Franklin D. Roosevelt

75008 Paris

Réservations 01 44 95 98 21

www.theatredurondpoint.fr

 

 

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