ƒ article de Denis Sanglard
Deux sœurs jumelles, l’une chante, l’autre danse. Loin de Rochefort nous sommes aux États-Unis. De la Louisiane à Los Angeles, aller-retour, c’est un périple qui voit nos deux sœurs, Anna (1) et Anna (2), qui ne font qu’une, se corrompre étape par étape. Si l’une ordonne, la seconde se plie aux injonctions. Poussée par la première à éviter chacun des 7 péchés capitaux, Anna (2) tombe encore et toujours plus bas… Compromission, vénalité avec la bénédiction de la famille restée en Louisiane à attendre l’argent gagné pour bâtir une maison. Pas d’autre salut que l’argent et qu’importe les moyens. Livret de Brecht, musique de Kurt Weil, nous en sommes en 1933, le monde bascule, Hitler éructe, les livres brûlent, ces deux-là sont en exil. Œuvre grinçante où le cynisme et la cupidité de la bourgeoisie sont mis à nu avec une ironie mordante. Le titre complet est bien plus explicite, trop souvent tronqué, Les 7 péchés capitaux des petits bourgeois. Tout est dit.
Rien à dire sur le chant et la musique. C’est fort bien chanté, l’orchestre de chambre Pelléas sonne à merveille. Seulement voilà, il manque à tout ça son poids de chair. Natalie Perez est une excellente chanteuse, mais manque singulièrement d’incarnation. La mise en scène ne l’aide en rien et trop souvent la plante là, sans façon, sans une véritable direction d’acteur, sans intention visible. Noémie Teelin danse, c’est parfait, la chorégraphie idem, mais là aussi il manque ce petit truc, ce pas de côté qui offrirait à son personnage là aussi une vraie dimension. Et pour le chœur des quatre garçons, la famille, si le chant est impeccable, Jacques Osinski l’escamote, le reléguant en arrière-plan, fond du plateau, diluant ainsi son emprise sur les jumelles. C’est une mise en scène volontairement dépouillée de son côté cabaret. Échafaudage d’acier et néon blafard, vidéo pour paysages urbains ou scène d’intérieur. Et c’est bien cela qui pêche. Tout y est trop lisse et sans relief, trop propre en somme. C’est de la belle ouvrage certes. Mais il manque ce que le cabaret apporte, la crasse sous le fard, l’âcre, le râpeux, l’ironie féroce, voire la distance caustique pour donner à cette œuvre satyrique tout son plein relief et son féroce mordant.
Les 7 péchés capitaux texte de Bertolt Brecht, musique de Kurt Weil
Direction musicale Benjamin Levy
Mise en scène Jacques Osinski
Avec l’orchestre Pelléas
Et Natalie Pérez, Noémie Ettlin, Manuel Nunoz Camelino, Camile Tresmontant, Guillaume Andrieux, Florent Baffi
Scénographie et vidéo Yann Chapotal
Lumières Catherine Verheyde
Costumes Hélène Kritikos
Du 27 mai au 5 juin 2021 à 19 h, relâche dimanche et lundi
Athénée Théâtre-Louis Jouvet
Square de l’opéra Louis Jouvet / 7 rue Boudreau
75009 Paris
Réservations 01 53 05 10 19 19
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