© Christophe Raynaud de Lage
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
C’est d’une beauté spectrale et crépusculaire. La compagnie Plexus Solaire adapte le roman d’Herman Melville, Moby Dick. Adaptation rêche, concentrée autour de la folie d’un homme, le capitaine Achab et le regard impuissant du marin Ismaël. Plongée hallucinée dans la tête d’un homme en lutte avec la nature, une baleine blanche mythique, immersion dans l’âme humaine et ses mystères. Une quête obstinée vers le néant où le bien et le mal sont en lutte. C’est une création d’une grande puissance poétique, mélancolique, visuellement superbe pour une cinquantaine de marionnettes et quelques acteurs-manipulateurs. Yngvild Aspeli, directrice et metteuse en scène de la compagnie Plexus Solaire, limite les dialogues et privilégie une atmosphère sourde et lourde de menace et le récit d’un narrateur, Ismaël, inquiet devant la folie qui ronge le capitaine et bientôt l’ensemble de l’équipage. Jouant des perspectives par les tailles des marionnettes, entre le proche et le lointain, elle fait du plateau un vaste océan dans lequel le spectateur accusant le roulis du bateau est totalement immergé. De même avec intelligence Yngvild Aspeli joue de la taille des marionnettes ; l’immense Achab face à son équipage n’est plus qu’un point insignifiant au milieu de l’océan, un fétu de paille au regard de Moby Dick. Magie aussi des projections vidéo qui étoilent un ciel ou nous plongent au plus profond des mers que traversent baleines et banc de poissons, sirènes et requins. Et dans ce monde sans horizon, au milieu de nulle part, seul contre tous et contre Dieu même, le capitaine Achab, marionnette tonitruante que manipule la mort. Vision forte et prémonitoire qui scelle un destin. Comme la première image de cet équipage surgissant tel un cortège funéraire. Yngvild Aspeli crée des images qui vous frappent par leur obscure beauté et leur étrange simplicité. Ainsi de cette chasse au cachalot et le dépeçage du cétacé, la tristesse du baleineau orphelin. Ou le combat de Queequeg avec les requins. Ou la noyade du moussaillon Pip. Ou simplement le repos d’un équipage épuisé… Manipulation à vue qui n’oblitère jamais l’illusion, nous sommes littéralement fascinés par ce livre d’images, ce voyage aux confins des océans et de la folie. C’est une expérience totalement immersive qui ne serait pas complète sans la composition musicale de Guro Skumsnes Moe, Anne Marthe Sorlien Holen et Havard Skaset, présents sur le plateau, en parfaite symbiose avec les images. Ce n’est pas qu’un fond sonore mais véritablement une composante de l’image et de la narration, un récit en creux.
© Christophe Raynaud de Lage
Moby Dick d’après le roman d’Herman Melville
Mise en scène : Yngvild Aspeli
Créé et écrit avec les acteurs-marionnettistes : Pierre Devérines (en alternance avec Alexandre Pallu), Sarah Lascar, Daniel Collados, Alice Chéné, Viktor Lukawski, Maja Kunsic et Andreu Martinez Costa
Composition musique : Guro Skumsnes Moe, Anne Marthe Sorlien Holen, Havard Skaset
Fabrication marionnettes : Polina Borisova, Yngvild Aspeli, Manon Dublanc, Sébastien Puech, Elise Nicod
Scénographie : Elisabeth Holager Lund
Costumes : Benjamin Moreau
Création lumière : Xavier Lescat et Vincent Loubière
Régie lumière : Vincent Loubière ou Morgane Rousseau
Création vidéo : David Lejard-Ruffet
Régie vidéo : Hugo Masson ou Pierre Hubert
Son : Raphaël Barani ou Simon Masson
Plateau : Benjamin Dupuis ou Xavier Lescat
Dramaturgie : Pauline Thimonnier
Assistant mise en scène : Pierre Tual
Du 19 au 29 mai 2021
Le Montfort
106 rue Brancion
75015 PARIS
Réservations 01 56 08 33 88
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