Mailles, de Dorothée Munyaneza, Centre Pompidou, Théâtre de la Ville-Paris
  © Leslie Artamon ƒ article de Nicolas Brizault Dorothée Munyaneza, rwandaise et britannique, avait présenté avec Samedi Détente ce qu’elle avait vécu au Rwanda en 1994. Elle est chanteuse, auteure et chorégraphe. Tout son travail vient d’éléments réels, vécus, du « vrai » en quelque sorte, qui souhaite « rassembler ce qui a été dispersé ». Avec Mailles le même travail continu, avec ses collaboratrices, comme Dorothée Munyaneza présente avec justice et justesse les femmes africaines ou afro-descendantes avec lesquelles elle a créé ce spectacle. Mailles est présenté comme « une pièce hétéroclite, une pièce de croisements ». Découvrir, apprendre, écouter et… voir bien sûr, sont stimulés par l’annonce de ce spectacle. On imagine des identités « croisées » créant à force de mailles une unité certaine et multiformes à la fois. Ce n’est pas le cas. C’est l’unité qui l’emporte, amplement. Ces six femmes, avec les costumes qui soulignent davantage le travail seventies de Pierre Cardin que celui tout à fait actuel de Stéphanie Coudert, ces six femmes sont plongées dans un univers long et lié. Unies au son de clochettes sans élan, elles marchent, s’arrêtent, repartent. Heureusement et tant mieux l’une d’entre elle évoque l’univers dont elle est issue. Un élan vers le vrai où l’intérêt s’éveille. Avant de replonger malheureusement, ici vers les clochettes, là vers des gestes où l’hétéroclisme se dissimule avec talent. Est-ce que Mailles évoque ici la réunion de ces « courbes, cambrure, cheveux gris, cheveux crépus, peau ébène, peau tendue, corps en mouvement » comme le dit Dorothée Munyaneza ? Dans ce cas, son travail et celui de ces femmes qui l’accompagnent est réussi. Une fusion si parfaite que les identités recherchées n’existent plus, le plat l’emporte et lasse.   Mailles, conception par Dorothée Munyaneza Avec : Ife Day, Yinka Esi Graves, Asmaa Jama, Elsa Mulder, Nido Uwera, Dorothée Munyaneza Collaboration artistique, costumes, scénographie « suspension » : Stéphanie Coudert Conseil scénographique : Vincent Gadras Remerciements : Hlengiwe Lushaba Madlala, Zora Santos, Keyierra Collins Musique : Alex Inglizian, Alain Mahé, Ben Lamar Gay, Dorothée Munyaneza Création sonore : Alain Mahé Création lumière : Christian Dubet Régie générale : Marion Piry Régie lumières : Marine Levey et Anna Geneste Régie son : Camille Frachet et Alice Le Moigne Traduction surtitres : Olivia Amos   Première à Charleroi (Belgique) les 23 et 24 octobre 2020 Spectacle présenté en co-réalisation avec le Théâtre de la Ville-Paris et le Festival d’Automne à Paris avec le soutien de l’Institut français dans le cadre de la Saison Africa2020   Du 15 au 18 juillet 2021 Durée 1 h     Centre Pompidou 75001 Paris Réservations 01 44 78 12 33 www.centrepompidou.fr        Read More →
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Pinocchio (live)#2, conception et mise en scène Alice Laloy, Théâtre Montfort, Festival Paris l’Eté
  © Paulina Pisarek   ƒƒƒ article de Denis Sanglard C’est une performance des plus troublante, singulière de par sa forme originale, d’une abrasive et inquiétante poésie. Pour le spectateur ébahi par la force de cette proposition d’où suinte lentement le malaise, c’est véritablement un choc. Alice Laloy retourne magistralement le conte de Pinocchio dont elle ne retient que la métamorphose. Mais dans une perspective inversée et terrifiante, terriblement, dramatiquement contemporaine par les questions qu’elles posent incidemment. Lorsque déboule sur le plateau et dans un joyeux brouhaha une bande de gosses insouciants, on ne se doute aucunement de la suite. A peine apparus les voilà qui disparaissent fissa en coulisse. Et commence alors une étrange cérémonie. Au son martial d’un tambour et aux ordres de deux maîtres de cérémonie imprimant le tempo de cette cérémonie à venir, d’étranges individus marmoréens, en blouse grise et montés sur d’étranges soques de bois, envahissent le plateau. Et chacun de monter son propre établi. L’atelier installé, une chaîne de productivité, reviennent les enfants, étrangement assagis, en barboteuse et bonnet blanc. Un inquiétant rituel s’installe. Chaque enfant est peint en blanc. Ainsi le corps progressivement devient totalement neutre. Une lente déshumanisation qui voit ces enfants être métamorphosés, devenir des pantins désarticulés, poupées molles et manipulées, sans plus de volonté. Image stupéfiante et cauchemardesque. Et sur leurs paupières closes, qui achèvent la transformation, d’immenses yeux bleus aux pupilles dilatées et fixes sont posés. Un regard absolument vide et qui ne vous lâchera plus. Revêtus d’un short à bretelle et d’un maillot à rayure et coiffés d’un bonnet jaune parachevant le tout, ils sont bientôt exposés, observés, manipulés, photographiés. Clones impassibles et passifs, soumis à la volonté de leur créateur. Puis vient le mouvement. Soubresauts chaotiques qui progressivement se fait danse. Et de cette danse collective, ronde enfantine saccadée, surgit de nouveau leur humanité. Retour au conte initial. Mais très vite surgit devant la force de cette proposition et sans que rien ne soit démonstratif, jamais, sans que la charge ne soit lourde, au contraire, une foule de question. Evidemment on pense au mythe contemporain de l’enfant-objet parfait et standardisé. Evidemment on songe à la marchandisation des corps enfantins. Evidemment vous prend à la gorge la question de l’inceste et de la pédophilie… Mais tout cela est transcendé par la proposition artistique et plastique d’une beauté indéniable d’Alice Laloy, marionnettiste sans marionnette mais dont cet art innerve cette création plus proche, dans cette adaptation remarquable de Pinocchio, de Mary Shelley que de Collodi. Et il faut saluer ici le travail des enfants-danseurs du centre chorégraphique de Strasbourg, d’une incroyable présence magnétique, au talent fou et troublant dans leur capacité à s’extraire d’eux-mêmes pour n’être plus rien, rien que des pantins, objets inanimés pas même de bois.   © Paulina Pisarek   Pinocchio(live)#2 conception et mise en scène Alice Laloy Composition sonore : Éric Recordier Chorégraphie : Cécile Laloy Assistée de Claire Hurpeau Conseil et regard contorsion : Lise Pauton et Lucle Chalopin Scénographie : Jane Joyet Costumes : Oria Steenkiste, Cathy Launois et Maya-Lune Thieblemont Accessoires : Benjamin Hautin, Maya-Lune Thieblemont et Antonin Bouvret Régie générale et lumières : Julienne Rochereau Régie son : Valérie Bajcsa Avec les enfants danseurs du centre chorégraphique de Strasbourg : Pierre Battaglia, Stéfania Gkolapi, Martha Havlicek, Romane Lacroix, Maxime Levytskyy, Rose Maillot, Charlotte Obringer, Nilsu Ozgun, Anaïs Rey-Tregan, Edgar Ruiz Suri, Sarah Steffanus, Nayla Sayde Les élèves comédiens du cycle à orientation professionnelle du conservatoire à rayonnement départemental de Colmar : Alice Amalbert, Jeanne Bouscarle, Quentin Brucker, Esther Gillet, Leon Leckler, Mathilde Louazel, Antonio Maïka, Jean-Baptiste Mazzucchelli, Louise Miran, Valentina Papic, Nina Roth, Raphaël Willems Accompagnés par les percussionnistes Norah Durieux et Elliot Sauvion Laloy   Dans le cadre du Festival Paris l’été Le 17, 18, 20 et 21 juillet à 18 h   Théâtre Montfort 106 rue Brancion 75015 Paris Réservations O1 44 94 98 00 www.parislete.fr      Read More →
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La tragédie d’Hamlet, de William Shakespeare, adaptation de Peter Brook, mise en scène de Ido Shaked, Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis
  © Audrey Caume   ƒƒ article de Denis Sanglard Tout n’est pas forcement pourri au royaume du Danemark. Preuve en est cette mise en scène de la tragédie d’Hamlet dans l’adaptation de Peter Brook au Théâtre Gérard Philipe de Saint Denis. Non dans la grande salle mais dans « le terrier », sise sous la scène principale. Ce qui dans une certaine mesure imprime sa marque crépusculaire dans ce travail épatant de maîtrise. Salle au plafond bas, mur de briques et piliers de soutènement divisant l’espace, c’est une crypte et c’est dans ce lieu idoine et brute de coffre, à peine encombré de quelques chaises, qu’Ido Shaked met en scène pour La troupe Ephémère cette adaptation du drame shakespearien par Peter Brook, une version épurée, à l’os, concentrée sur le désarroi du prince d’Elseneur. Ils sont neuf, âgés de 15 à 20 ans, amateurs et passionnés, lycéens de Saint-Denis composant cette troupe et qui pour quelques soirs s’emparent de cette tragédie avec concentration et ferveur. Ce n’est pas qu’ils soient toujours justes, et d’ailleurs on s’en fout un peu, mais il émane d’eux une telle sincérité à défendre ce texte et cette mise en scène que toutes préventions tombent et nous sommes bêtement emballés, fébrilement embarqués sans barguigner par ces jeunes qui sans esbrouffe, le plus simplement du monde, vous empoignent Shakespeare sans autres arguments et talents que leur conviction collective à défendre intelligemment ce texte. Et ce n’est pas un Hamlet mais plusieurs, qui sans souci de genre, se partagent le rôle éponyme. Un Hamlet ainsi protéiforme comme autant de figures possibles, de sensibilité, d’un même personnage. Pourtant nulle confusion mais une grande fluidité. C’est d’ailleurs la force de cette mise en scène, cette ligne claire, libre et rigoureuse tout à la fois, sans effets ni affects. Une mise en scène qu’on peut dire austère, imprégnée sans nul doute de ce lieu qui empêche tout éclat et force à la concentration. Une version épurée à l’extrême, privilégiant l’intime et la confession, voire l’ellipse. Et si Ido Shaked ancre résolument cet Hamlet dans une modernité comme allant de soi, il ose aussi l’enraciner dans la tradition. Ainsi surgissent en incise quelques extraits de Hamlet le film de Laurence Oliver (1948). Rien de gratuit ici. C’est nouer ensemble deux générations assurant à leur façon la pérennité du texte. C’est exprimer les possibles d’une mise en scène. Il y a même un pas de côté puisque Rimbaud est invité avec le poème Ophélie (in cahier de Douai).   © Audrey Caume     La tragédie d’Hamlet de William Shakespeare Adaptation de Peter Brook Mise en scène de Ido Shaked Traduction Jean-Claude Carrière, Marie-Hélène Estienne Collaboration artistique Delphine Bradier Musique Michaël Dray Scénographie Jeanne Boujenah Costumes Sara Bartesaghi Gallo Lumière Luc Muscillo, Ronan Fablet Assistanat costumes, scénographie et vidéo Audrey Caume Avec Telma Bello, Ikramme Benhammou, Michaël Dray, Nathan Hérin, Kamila Himene, Dorine Ollivier, Nour Sirot, Jules Taillasson, Liloé Turpault   Du 9 au 11 juillet 2021   Théâtre Gérard Philipe Centre Dramatique National de Saint-Denis 56 Bd Jules Guesde 93200 Saint Denis Réservations en ligne  www.theatregerardphilipe.com    Read More →
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Je hurle, de Eric Domenicone, Mirman Baheer mis en scène par Eric Domenicone, 11. Avignon, Festival d’Avignon (Off)
  © Baptiste Cogitore   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Je hurle fait partie des pépites que l’on est heureux de trouver dans le Off du Festival d’Avignon. Un texte engagé, une mise en scène originale et poétique, un accompagnement musical d’une grande richesse, une énergie passionnée des interprètes. Je hurle est un cri pluriel, polymorphe et multidimensionnel. Un cri au sens propre, à travers des mots et des sons. Des mots proférés, hurlés même parfois, du papier, déchiré, découpé, froissé, transformé, recomposé, le gémissement de l’archet sur les cordes et les pizzicati affolés. Un cri au sens figuré, celui d’une adolescente afghane, Zarmina, qui n’a trouvé que le suicide pour échapper à l’interdiction d’écrire, celui de toutes les poétesses afghanes qui doivent se cacher pour composer et rimer, celui de toutes les femmes et défenseurs de la liberté d’expression, de penser, et de l’égalité femmes-hommes. Un cri porté par une histoire réelle et cruelle, magnifié par une mise en scène poétique et tragique, qui trouve un équilibre improbable et pourtant d’une grande justesse entre le théâtre de marionnettes et le théâtre documentaire. Le papier sert de medium principal à la narration. Des feuilles, puis des rouleaux, savamment chiffonnés et agencés se transforment en poupées éphémères représentant toutes ces filles et ces femmes, empêchées de s’exprimer, enfermées dans un statut social inférieur inacceptable. Le papier blanc, évidemment symbole de pureté, mais aussi bariolé par ce qui a été précédemment écrit dessus, comme autant de traces des coups portés, des blessures infligées, du sang jaillissant de ces corps séquestrés. La contrebasse et la composition de Jérôme Forher qui alternent entre les sonorités occidentale et orientale n’accompagne pas seulement la narration, elle y participe pleinement tout en accentuant la dimension tragique de la création qui une heure durant se déroule dans une course folle. Concomitamment à la dimension proprement dramaturgique du spectacle, le propos se veut aussi didactique et documenté. Des extraits de presse, d’enregistrements clandestins de lectures de poétesses afghanes et d’un entretien avec l’ex députée et vice-ministre Najiba Sharif sont diffusés sur des écrans vidéo éphémères suspendus à des structures métalliques symbolisant des cages où les barreaux ne sont même pas nécessaires pour susciter l’autocensure et la privation de liberté (intellectuelle). Bien que créé en 2018, le texte du spectacle a été actualisé, notamment avec des chiffres sur les taux de scolarisation et les inquiétudes nées de la décision récente de Joe Biden de retrait des troupes américaines d’Afghanistan, qui permet aux Talibans de revenir en force. Un spectacle citoyen que les Festivaliers doivent soutenir en s’y rendant sans hésitation.   © Baptiste Cogitore   Je hurle de Eric Domenicone, Mirman Baheer Mise en scène : Eric Domenicone Avec : Yseult Welschinger, Faustine Lancel Dramaturgie : Magali Mougel Scénographie : Antonin Bouvret Création musicale et musique sur scène : Jérôme Forher Conception marionnettes : Yseult Welschinger Témoignages, recherches documentaires : Najiba Sharif Réalisation portrait vidéo : Sophie Langevin Régie Générale et création lumière : Chris Caridi Régie son : Dimitri Oukkal Régie lumière ​: Maxime Scherrer Costumes : Blandine Gustin   Durée 1 h   Jusqu’au 29 juillet à 13 h 05 Relâche le lundi     Festival d’Avignon – Off 11.Avignon 11 boulevard Raspail 84000 Avignon www.11avignon.com   Tournée en France en 2022        Read More →
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Y aller voir de plus près, de Maguy Marin, Théâtre Benoît-XII, Festival d’Avignon (In)
  © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon   ƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Quel déchirement de se sentir désarmée pendant une heure et trente minutes devant un spectacle orchestré par Maguy Marin. Y aller voir de plus près n’est pas un spectacle de danse. On l’a craint en s’installant, le plateau étant tellement saturé d’éléments divers (percussions, tiges métalliques, lances…) qu’il laissait peu de place au mouvement. On l’a espéré au bout d’une quinzaine de minutes de leçon d’histoire antique, une demi-heure plus tard, et même dans le dernier quart d’heure, ne pouvant croire que de danse des corps il ne serait jamais question. Quelques spectateurs lassés sont partis, très peu en réalité. Aucune protestation explicite ne s’est manifestée dans une assemblée passive ou patiente. Soit que le public présent ne venait pas voir du Maguy Marin, soit parce qu’il s’était bien renseigné… Y aller voir de plus près est comme l’indiquait en effet le programme une « création » « inspirée par la Guerre du Péloponnèse ». De la Guerre du Péloponnèse il est en effet question par le menu. C’est une lecture de morceaux choisis de l’œuvre de Thucydide qui est délivrée une heure et trente minutes durant, oui, par quatre interprètes, deux hommes et deux femmes, manipulant et installant sans cesse des objets les plus divers (fleurs, fruits, chaise longue parmi les plus inattendus), donnant moult détails au moyen de petits écriteaux affichant des dates, des noms (Lacédémoniens, Corcyréens, …), des chiffres (nombre de bateaux ici ou là), des mots clefs qui n’en sont d’ailleurs pas toujours (terre, ciel, bateaux…). Ils sont accompagnés par des vidéos, diffusées sur deux, puis trois, puis une dizaine d’écrans qui occupent tout l’espace physique du plateau et tout l’espace visuel, saturant la vision d’une projection fragmentée de cartes, de batailles, d’animations à base de collages ou pliages et de photographies de personnalités et réunions politiques. Le rythme de Y aller voir de plus près est étrange pour un spectacle créé par une chorégraphe. Comme une course folle, une accélération permanente, une cadence qui dansée n’aurait pas été tenable et sur une création sonore également effrénée. Les interprètes arrivent sur le plateau en tuniques blanches, gilets sans manche colorés, impressionnants coiffes et masques, mais les ôtent aussitôt pour demeurer, l’heure vingt restant, en tee-shirts affichant des photographies des sites antiques grecs. Et la lecture marathonienne du livre (au sens propre) de Thucydide commence, chaque interprète prenant le relai de l’autre, tout en tapotant sur sa percussion, puis se déplaçant sur le plateau, actionnant le projecteur à diapositives quand il n’affiche pas les susmentionnés écriteaux ou ne tape pas sur ses percussions. Une agitation répétitive, une surenchère de moyens, une énergie qui paraît vaine, une lecture qui semble sans fin, comme la Guerre du Péloponnèse. Si le propos se voulait politique, le procédé ne peut entraîner l’adhésion. Car la succession de photographies des grands noms de l’histoire économique (ils y sont tous, de Smith à Hayek en passant par Keynes et autres) intercalées avec celles des personnalités contemporaines, du monde politique, industriel et commercial mondiaux, laisse pantois. Comment placer sur le même plan Pinochet et Blair, Bezos et Berlusconi, Dassault (toute la famille fait partie de la galerie de portraits) et Poutine, Bolsonaro et Lagarde (et les dizaines d’autres utilisés) ? C’est très problématique de laisser entendre qu’il n’y a aucune hiérarchie pertinente à établir entre les personnalités citées, même si cela flatte les masses, ce que l’on ne peut évidemment prêter comme intention à la chorégraphe, lesdites masses étant par ailleurs une notion relative dans le In. Peut-être n’a-t-on rien compris alors à ses intentions, peut-être est-on passé à côté des subtilités qui nous auraient échappées de cette démonstration des enjeux de domination (politique, économique, militaire, industrielle) qui existent comme chacun le sait depuis la nuit des temps, tout comme les atteintes aux droits fondamentaux tolérées, voire organisées par ces mêmes pouvoirs. On se réjouira au moins que la modernité du texte antique, bien connue des historiens du droit et des relations internationales, connaisse  désormais une plus grande audience. En y allant voir de plus près, Maguy Marin a laissé de meilleurs souvenirs dans les lieux mythiques du Festival (son premier notamment avec May B.) et même si ces dernières années, la danse n’était pas toujours au cœur de ses créations, on ne peut s’empêcher d’attendre impatiemment un retour flamboyant en Avignon à sa discipline d’origine.   © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon   Y aller voir de plus près de Maguy Marin Avec : Antoine Besson, Kais Chouibi, Daphné Koutsafti, Louise Mariotte Film : Anca Bene Scénographie : Balyam Ballabeni, Benjamin Lebreton Lumière et direction technique : Alexandre Béneteaud Musique : David Mambouch Son : Chloé Barbe Maquettes : Paul Pedebidau Iconographie : Benjamin Lebreton, Louis Mariotte Costumes : Nelly Geyres Technique vocale : Emmanuel Robin   Durée 1 h 30 Jusqu’au 15 juillet à 22 h     Festival d’Avignon – In Théâtre Benoît-XII 12 rue des Teinturiers 84000 Avignon www.festival-avignon.com   Tournée : 2021 Paris, Rennes, Lorient, Narbonne, Tarbes, Pontoise 2022 Strasbourg, Dijon, Bruxelles, Le Mans          Read More →
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Penthésilé.e.s. Amazonomachie, de Marie Dilasser, mis en scène par Laëtitia Guédon, Chartreuse-CNES de Villeneuve Lez Avignon, Festival d’Avignon (In)
    © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Penthésilé.e.s. Amazonomachie est le 2ème spectacle du In avec Samson de Brett Bailey (critique ici dans le blog) à prendre un mythe à bras le corps pour le transposer partiellement dans des préoccupations contemporaines, au moyen d’une démarche pluridisciplinaire (vidéo, danse, chant, musique, théâtre). Si Antigone et Phèdre sont des figures de la mythologie grecque plus connues du grand public à travers les nombreuses adaptations dont elles ont fait l’objet au théâtre, en particulier du XVIIème au XXème, Penthésilée, la Reine des amazones, et son amour impossible pour Achille, a néanmoins inspiré les dramaturges, le texte de référence étant celui de Heinrich von Kleist écrit en captivité en 1807 et qui heurta les convenances de l’époque. Et parmi les auteurs contemporains, l’adaptation de Lina Prosa (Programme-Penthésilée : entraînement pour la bataille finale, également publié aux Solitaires intempestifs en 2012) dans un duel projeté et cannibale, était remarquable. Ce n’est toutefois pas la figure individuelle de Penthésilée qui importe pour Marie Dissaler auteur du texte (publié aux Solitaires intempestifs) adapté par Laëtitia Guédon. D’ailleurs, le titre, Penthésilé.e.s renseigne d’emblée. Le prénom est mentionné en écriture inclusive et au pluriel. La dimension féministe et en même temps universaliste de la figure s’impose avec évidence. Le néologisme, Amazonomachie, utilisé comme sous-titre, est également intéressant pour représenter la raison d’être de cette société qui a décidé d’exclure les hommes à l’exception d’une journée par an (la fête des roses), pour les besoins de la reproduction. Il vient s’ajouter à tous les autres combats (tauromachie, gigantomachie, naumachie) qui présument d’une lutte inégale, jusqu’à la logomachie, qui entraîne dans un dialogue entre deux êtres l’incompréhension. C’est d’ailleurs aussi un peu de cela qu’il s’agit entre Penthésilée et Achille, un dialogue à double sens, où chacun veut à la fois s’affirmer, se protéger soi-même et protéger l’autre avant de se déchirer, par méprise, alors que l’amour était si brûlant et flamboyant. Dans un décor sombre, modulé par des lumières chaudes, très minéral, structuré par un écran horizontal en fond de scène et un podium jonché de bougies comme un autel qui attendrait une cérémonie sacrificielle, Penthésilée et sa fidèle suivante qui n’est pas nommée (Prothoé dans la tragédie de Kleist), à moins qu’il ne s’agisse déjà du double de la Reine, vocifèrent. Les deux femmes se répondent par ce qui commence comme un souffle, une respiration, des vocalises, qui se transforment en râles animaux, inquiétants, venant du plus profond de la gorge, produisant comme un nouveau langage, un nouveau moyen de communication qui semble venu de la nuit des temps. Penthésilée est une femme puissante. Elle montre cette force dans son discours, chuchoté dans un premier temps, puis vociféré avec vigueur avant d’être énoncé dans la plus grande douceur. Le timbre absolument envoûtant de sa voix contraste avec la violence des mots prononcés, preuve que la virilité n’est pas nécessaire à l’expression de la puissance, Penthésilée s’imposant, sûre d’elle-même et dominatrice. Car elle est en fait, ou se veut, la voix de toutes les femmes, les combattantes comme les opprimées, les vierges comme les outragées, mais toutes fières de leur sexe au sens propre et figuré (extraordinaire passage sur la diversité et la multiplicité de leurs parties intimes) telle la suivante qui s’allonge lentement laissant voir ses jambes fuselées, dont le dénuement partiel qui suit n’ajoute rien à l’érotisme de ce qui était initialement suggéré. Le sacrifice de Penthésilée est une « suspension dans le temps », qui doit conduire les femmes à réinventer « leur passé, présent, futur / Leur chair et leurs désirs » qui se traduira in fine par « une transformation vitale ». La transformation s’opère symboliquement dans la mise en scène par l’interprétation successive de Penthésilée par trois comédiens différents (dont un homme) qui peut déconcerter. De même de très beaux choix scénographiques sur le plan esthétique peuvent dérouter. Le chœur dont les voix prodigieuses sont magnifiées par l’acoustique de la Chartreuse, figure avec pertinence la dimension chorale présente dans le mythe des amazones, mais même si les chants étaient resplendissants, ces passages magiques sur le plan vocal, nous éloignent du propos central de Marie Dilasser et donne l’impression d’oublier Penthésilée. Cela conduit à une confusion, le public sortant majoritairement ravi et agréablement surpris d’avoir entendu des mélodies (notamment) baroques, alors que ce n’est évidemment pas ce qui importe dans le message qui entend être délivré par le texte qui offre par ailleurs aussi de jolies idées (comme l’abandon des noms de fleurs pour des noms de tempêtes pour prénommer les femmes). De manière générale, il existe des problèmes de rythme dans le spectacle, ou plutôt d’absence de rythme, qui se traduit en particulier dans la gestuelle et le débit vocal des trois comédien.n.e.s lesquels, après le tonitruant début et à l’exception de la captivante danse de Seydou Boro, nécessiteraient de plus fréquentes ruptures pour déstructurer la démonstration, car le texte se veut politique. Que l’on approuve ou pas le féminisme de Marie Dilasser et Laëtitia Guédon, elles portent une protestation, revendiquent un discours qui finit par se diluer dans de trop délicieux artifices. Penthésilé.e.s prétend « bâtir un autre monde » pour les générations à venir. Le chemin est aride. Revenir à la rudesse du chant inuit initial de Marie-Pascale Dubé et à la transe de Lorry Hardel aurait sans doute moins flatté les oreilles émerveillées par les amazones-angels Sonia Bonny, Juliette Boudet, Lucile Pouthier, Mathilde de Carné, mais achevé d’ébranler tous les Achil.l.e.s et Penthésilé.e.s inventant d’un temps où la poussière aura fini de tomber.   © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon     Penthésilé.e.s de Marie Dilasser Conception et mise en scène Laëtitia Guédon Avec : Seydou Boro, Marie-Pascale Dubé, Lorry Hardel Et Sonia Bonny, Juliette Boudet, Mathilde de Carné, Lucile Pouthier (chœur)   Musique et son : Jérôme Castel, Grégoire Letouvet, Nikola Takov Lumière : Léa Maris Scénographie : Charles Chauvet Vidéo : Benoît Lahoz Costumes : Charles Chauvet, Charlotte Coffinet Assistant à la mise en scène : Quentin Amiot   Durée 1 h 40 Jusqu’au 13 juillet à 17 h     Festival d’Avignon – In   Chartreuse-CNES de Villeneuve lez Avignon 58 rue de la République Villeneuve les Avignon www.festival-avignon.com   Tournée : 2021 à Montluçon, Colmar, Caen, Créteil 2022 à Creil, en Martinique, en Guadeloupe, Paris        Read More →
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Détaché.e.s, de Manon Thorel, mis en scène par Stéphanie Chêne, Yann Da Costa, Manon Thorel, 11.Avignon, Festival d’Avignon (Off)
  © Arnaud Bertereau   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Détaché.e.s est un véritable coup de cœur dans le off. C’est une pièce courageuse, au propos exigeant, jouée à une heure tardive et qui dans la jungle concurrentielle d’Avignon, ne se met pas dans la facilité. A l’arrivée des spectateurs, un face à face est déjà en place sur le plateau. Un jeune homme à jardin, une femme, semble-t-il âgée, à cour. Ils sont assis, s’observent, se mesurent, se reniflent presque. Et la joute verbale commence. On ne comprend pas tout, tout de suite, juste l’essentiel. On est au parloir. Jean est en prison depuis longtemps, sa mère qui lui fait face lui rend sa première visite en 12 ans. Il a attendu ces 12 années et n’en fait pas reproche, du moins au début. Car il attend cette mère comme on attend Noël. Plein d’espoir et plein d’amour, espérant en recevoir enfin. C’est une pièce sur l’amour. Mais l’amour manqué, l’amour violent, l’amour tronqué. L’amour de ceux qui ne savent pas aimer. C’est une pièce sur la violence. La violence conjugale, la violence familiale, la violence sociale. C’est une pièce sur le détachement. Le détachement affectif, le détachement sociétal, le détachement psychique. Après les retrouvailles manquées entre un fils et sa mère dont le détachement s’était construit au fil des années, on remonte dans le temps, celui de l’enfance, passée à se protéger des crises de Claude la mère subissant la violence de Michel le père, l’adolescence fuyant toute relation affective, la vie amoureuse prometteuse de jeune adulte, mais vite anéantie par si ce n’est la conjuration familiale, le dérangement de la mère et la reproduction de la sauvagerie paternelle. La pièce n’offre pas de répit. Elle n’offre pas vraiment d’espoir non plus. L’inventive et très élaborée mise en scène, extrêmement dynamique et même enjouée, permet le temps du spectacle de recevoir un message qui est de fait d’une grande noirceur, qui poursuit le spectateur une fois sorti dans les rues désertées du centre-ville. Certes, ce n’est pas un spectacle pour tous les spectateurs. C’est un spectacle qui se mérite, que les festivaliers venus à Avignon pour assister à un vrai moment de théâtre doivent placer dans leur programme. Les comédiens sont en outre excellents, en particulier Bryan Chivot dans le rôle de Jean, totalement habité par son rôle. On apprendra après la rédaction de cette critique que la pièce est notamment le résultat de rencontres avec des détenus et d’un travail d’ateliers en prison.   © Arnaud Bertereau   Les détaché.e.s de Manon Thorel Mise en scène Stéphanie Chêne, Yann Dacosta, Manon Thorel Avec : Stéphanie Chêne, Bryan Chivot, Jade Collinet, Yann Dacosta Aurélie Edeline, Martin Legros Chorégraphie Stéphanie Chêne Création lumière Sam Steiner Création sonore Mathieu Leclere Scénographie et construction Grégoire Faucheux et Olivier Leroy Costumes Elsa Bourdin Régie générale Marc Leroy   Durée 1 h 30   Jusqu’au 29 juillet à 22h15 Relâche les 19 et 26 juillet Tournée en 2022 à Evreux-Louviers, Mont-Saint-Aignan, Canteleu, Mondeville, Saint-Valery-en-Caux, Dieppe   Festival d’Avignon – Off   11.Avignon Salle 3 11 boulevard Raspail 84 000 Avignon www.11avignon.com        Read More →
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Les Variations Goldberg, BWV 988, Anne Teresa De Keersmaeker et Pavel Kolesnikov, Théâtre du Châtelet, Paris
      © Anne-Van-Aerschot   ƒƒƒ article de Nicolas Brizault C’est comme si tout débutait dès que l’on s’installe, un peu en avance, dans la salle encore presque vide du Théâtre du Châtelet. Juste en face, la scène, immense puisque sans décor, un mur noir, loin, des fils électriques se conduisant comme il faut, on imagine Barbara passer par là des années plutôt. Sur la scène presque rien donc, du noir, une toile suspendue, argentée, comme un monochrome géant sur un mur, et de l’autre côté, au sol, comme une balle magique pour chat, surdimensionnée et comme abandonnée tout près de ce piano noir, seul pour l’instant. La salle est pleine enfin, encore quelques mots concernant les masques et les téléphones portables, ajoutant aussi qu’une petite pose aura lieu tout à l’heure, pour un changement de décor. Et le noir complet se fait. Silence. Nous attendons. Et arrivent Anne Teresa De Keersmaeker et Pavel Kolesnikov, la danseuse et le pianiste. Elle portant une robe noire, ne gardant rien de l’opacité que laisserait imaginer cette couleur, lui en débardeur et bermuda, qui ont tous les deux quelque chose de géant, débardeur et bermuda, qui donnent une impression de « jeu » déjà. Silence encore. Et Les Variations Goldberg, BWV 988 démarrent. Bach offert comme à la fois par suspension et évidence. Comme si Pavel Kolesnikov nous prenait entre ses mains et nous apportait vers cette scène noire où Anne Teresa De Keersmaeker débute une longue discussion avec Bach, avec Les Variations Goldberg, BWV 988. Très innocemment, sépare d’abord la musique, la danse. Puis l’évidence revient vite, ces mouvements, la lenteur, la vitesse, la disparition, ce corps et ces notes sont ensemble sur scène, ils se connaissent bien et échangent entre eux. Corps, musique. Elle et lui. Le temps est présent bouge, joue, remue, meurt et renaît sur cette scène immense et vide. Cette femme glisse sous le piano, s’y retient, le pianiste est danseur, ailleurs, sur ces touches noires et blanches. Ce sont des échanges, une conversation oui, le thème est le même pour ce corps et ce piano devant nous. Des bruits de pas, ces pieds nus sur le sol que l’on voit, entend. Le « matériel » de la scène s’impose et participe si bien à cette conversation. La vie, la mort, le jeu. Que pensait Bach en écrivant cette musique ? Qu’y voyait-il ? Que voulait-il faire entendre ? Que veut nous offrir de Bach, d’elle-même, Anne Teresa De Keersmaeker ? Une alchimie parfaite, justement parce que brute, saine. Le jeu des mains, photo, flingue. Elle allongée, invisible, des gens qui se soulèvent, curieux, emportés ou qui ne veulent pas rester dans l’inconnu, qui ont peur du vide, de ce faux vide là, devant eux. Nous apprenons à voir les liens entre notes et mouvements, entre notes et obscurité, les échos du travail d’Anne Teresa De Keersmaeker, comme si elle faisait le point avec Bach, avec elle. Pendant ces variations il n’y a pas que de la musique, de la danse. Il y a ce qui pourrait pousser quelques spectateurs à s’enfuir pendant le mini entracte, cette sorte de densité évidente, ces deux présences, côte à côte. Elles sont palpables, elles rebondissent, s’arrêtent. Lorsque la seconde partie commence,  Anne Teresa De Keersmaeker porte un costume clair, pailleté, façon seventies. Et ce costume est comme un album photo qu’elle feuilletterait devant nous, il s’ouvre, oui, il glisse et d’autres costumes prennent le relais, jusqu’à cette chemise rouge, jusqu’à ce dos nu, face à nous. Parfois Pavel Kolesnikov se lève, reste debout près de ce piano noir, et la regarde elle, la voit peut-être allongée au sol. Comment décrire ces instants, comment rendre ces respirations retenues, tout autour ? Les Variations Goldberg, BWV 988 apprennent à regarder. Soulignent les liens entre voir et entendre. Elles nous soufflent, discrètement, que la confiance est là, que ces deux, là, ceux que nous applaudissons, se sont écoutés, se sont observés. Des heures. Et que ce qui pouvait leur être plus ou moins palpable à l’un ou à l’autre, ils l’ont partagé, pour la plus grande joie de Bach, et pour la nôtre : ces moments se sont ajoutés à l’essence de cette salle. Et lorsque nous écouterons à nouveau, ailleurs, par hasard, ces variations, il semble évident qu’Anne Teresa De Keersmaeker et Pavel Kolesnikov débarqueront, à l’improviste. Sous nos applaudissements.     ©     Les Variations Goldberg, BWV 988, de Jean-Sébastien Bach Chorégraphie et danse : Anne Teresa De Keersmaeker Piano : Pavel Kolesnikov Collaboration musicale : Alain Franco Assistante chorégraphique : Diane Madden Scénographie et lumières : Minna Tiikkainen Son : Erwan Boulay Assistante artistique : Martine Lange Coordination artistique et planning : Anne Van Aerschot Tourmanager : Laura Delaere Direction technique : Marlies Jacques Chef costumière : Fauve Ryckebush Couturière : Emmanuelle Erhart Habillage : Ester Manas Techniciens : Jonathan Maes, Quentin Maes, Jan Balfoort     Grande salle  Durée 1 h 45 Du 10 au 13 juillet 2021   En 2019, la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker a donné au Collège de France une conférence intitulée « Chorégraphier Bach : incarner une abstraction ».   Théâtre du Châtelet 2 rue Edouard Colonne 75001 Paris www.chatelet.com      Read More →
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4D+, Sidi Larbi Cherkaoui, Été à La Villette, Grande Halle
    © Filip Van Roe   ƒƒ article de Nicolas Brizault Faun, Matter, Pure, Debt, Sin, construisent 4D+, le dernier « produit » de la collaboration entre La Villette et Sidi Larbi Cherkaoui travaillant ensemble depuis 2010. Cinq instants qui nous emportent plus ou moins, c’est selon, cela fonctionne comme ça parfois. Matter, clichés entre l’est et l’ouest. Pure… la pureté. Debt, débiteurs et créanciers. Sin, co-créé avec Damien Jalet, vie et mort, intimité du couple. Faun, faune et nymphe cherchant à ne faire qu’une « entité unique, hybride, féminine et masculine ». D’où le titre un peu restreint ? En dehors de ça, ces deux femmes nous emportent, nous plonge dans un combat sensuel, une lutte nécessaire, ou effectivement cette union évidente apparaît, et peu à peu est victorieuse, après la peur, les questions. Tout ça par contre devant une photo géante de sous-bois, façon carte postale. Et la musique de Claude Debussy Prélude à l’après-midi d’un faune, avec l’ajout d’une musique additionnelle de Nitin Sawhney est ni plus ni moins transformée en un son trouble de supermarché à cause de sa mauvaise qualité de transmission. Nous sommes toutefois emportés, le spectacle a commencé. Eh bien il s’arrête, après un mini quart d’heure, pour changement de décor ! Lumière, conversations qui reprennent, ou spectateurs s’écrasant au sol, c’est selon. Organisation surprenante pour le moins, décevante pour tout dire. Les duos suivants ne nous feront pas la même blague lumineuse, sauf bien sûr celle des aléas terrifiants stroboscopiques. Et la musique, le chant apparaissent et là, en plus de la qualité de la danse, c’est époustouflant. Vient ici ou là un coup de règle sur les doigts, on ne regarde plus que les musiciens, ce n’est pas bien, nous devrions être ouvert à l’ensemble… Les duos glissent vers du théâtre dansé, et mine de rien, cela fonctionne, même si Debt ne glisse pas vers une certaine longueur, nous avons compris, oh oui, ce n’est pas bien les sous. Certaines petites surprises sont utilisées encore, encore, voire même encore. Alors oui, là nous écoutons avec joie plus que nous ne regardons, et le bonheur explose, évident. Ensuite le plaisir musique/danse se re-ligote et fonctionne tout à fait dans les deux moments qui suivent, tout d’abord où une femme seule en apparence, évolue dans sa journée on ne peut plus simple. Mais tous ses mouvements sont construits par un autre corps, qui devient manteau, rouge à lèvres, fauteuil (après avoir été un gorille magnifique ce danseur-chanteur-musicien Kazutomi ‘Tsuki’ Kozuki). Ensuite, impression du bien et du mal, de la souffrance et de son envers où une femme quitte le blanc pour se noyer dans des touches allongées de peintures noires, qu’elle cherche à partager ensuite avec l’homme qui l’accompagnait, la laisse seule, revient. Très fort ici aussi. Passage au Japon aussi, des écrans apparaissent une foule citadine est face à nous et un homme sur scène tente de la rejoindre, y arrive, se voit refoulé, nous sentons son incompréhension perdue de ne pas y arriver, de ne pas avoir l’indifférence de ceux et celles qui sont sur cette image devant lui. Qui est paumé véritablement ? En fait, le vivant nous emporte bien mieux, est-ce le propos même ici ? Pourquoi chercher à le savoir ? Regardons, écoutons. Débarrassons-nous sans doute des blablas prétentieux qui pourraient au trois quart s’intervertir entre les thèmes de 4D+, le talent ici ou là, souvent avouons-le, nous enlève, nous élève. Corps, musique, voix. Images et sons. Pas content de tout ? Pas enlevé partout ? Mais tout de même, oui, assez heureux, comme remué. Alors beaucoup plus de oui l’emportent, les non restent bruyants derrière la porte fermée.   © Filip Van Roe Matter Chorégraphie Sidi Larbi Cherkaoui Danse Kazutomi ‘Tsuki’ Kozuki, Daisy Phillips Musique : musiques traditionnelle sépharade et syrienne orthodoxe Musique live Patrizia Bovi, Tsubasa Hori, Gabriele Miracle, Olga Wojciechowska Créations lumières Enrico Bagnoli, Willy Cessa Création vidéo Maxime Guislain, Paul Van Caudenberg Création costumes Isabelle Lhoas, Frédérick Denis, Veerle Van den Wouwer Assistants à la chorégraphie Nienke Reehorst, Satoshi Kudo, Claire Cunningham Dramaturgie audiovisuelle Sabine Groenewegen Matter fait partie d’Origine (2008)   Pure Chorégraphie Sidi Larbi Cherkaoui Danse : Verdiano Cassone, Nicola Leahey Musique : Musiques traditionnelles japonaise et coréenne, arrangées par Tsubasa Hori et Olga Wojciechowska,  Musique live Tsubasa Hori, Kazutomi ‘Tsuki’ Kozuki, Gabriele Miracle, Olga Wojciechowska Création lumières : Adam Carrée, Willy Cessa Création vidéo : Maxime Guislain Création costumes : Sasa Kovacevic Direction des répétitions : Nienke Reehorst, Satoshi Kudo Dramaturgie audivisuelle : Sabine Groenewegen Pure fait partie de TeZukA (2011)   Debt Chorégraphie Sidi Larbi Cherkaoui Danse : Oscar Ramos, Pol Van den Broek Musique : Sidi Larbi Cherkaoui, Kaspy N’dia, musique traditionnelle japonaise arrangée par Tsubasa Hori Musique live : Patrizia Bovi, Tsubasa Hori, Kazutomi ‘Tsuki’ Kozuki, Gabriele Miracle, Kaspy N’dia, Olga Wojciechowska Texte : Paul Laurence Dunbar, Shibusawa Eiichi, Nikkei CNBC Création lumières : Willy Cessa Création vidéo : Maxime Guislain Dramaturgie audiovisuelle : Sabine Groenewegen Création costumes : Veerle Van den Wouwer   Sin Chorégraphie Damien Jalet & Sidi Larbi Cherkaoui Danse : Damien Fournier, Nicola Leahey Musique : Patrizia Bovi, Gabriele Miracle, Mahabub Khan, Sattar Khan, Jacopo da Bologna Musique live : Patrizia Bovi, Gabriele Miracle, Mahabub Khan, Sattar Khan Création lumières Adam Carrée Création costumes : Alexandra Gilbert Directeur des répétitions : Nienke Reehorst Sin fait partie de Babel(words) (2010)   Faun, chorégraphie Sidi Larbi Cherkaoui Danse : Eli Cohen, Daisy Phillips Musique : Claude Debussy Prélude à l’après-midi d’un faune, avec musique additionnelle de Nitin Sawhney Création lumières : Adam Carrée Création décor Hussein Chalayan Direction des répétitions Miranda Lind, Nienke Reehorst Chef de projet et textes : Karthika Naïr Création décors : Scanachrome UK avec le soutien de Cedar Lake Contemporary Ballet (New York), Het Toneelhuis (Antwerp) Merci à Christian Dumais-Lvowski, Nienke Reehorst, Tina Arena, Milly Patrzalek, Riyo Izumi et l’équipe de Chalayan Studios. Première le 13 Octobre 2009 dans In The Spirit of Diaghilev   4D+, Direction et chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui Co-chorégraphie : Damien Jalet (Sin) Danse : Verdiano Cassone, Eli Cohen, Damien Fournier, Kazutomi ‘Tsuki’ Kozuki, Nicola Leahey, Daisy Phillips, Oscar Ramos, Pol Van den Broek Création musicale : Patrizia Bovi, Gabriele Miracle, Mahabub Khan, Sattar Khan, Jacopo da Bologna, Claude Debussy, Nitin Sawhney, Sidi Larbi Cherkaoui, Kaspy N’dia Arrangements musique traditionnelle japonaise : Tsubasa Hori Musique additionnelle : musique traditionnelle japonaise, coréenne (adap. Tsubasa Hori, Woojae Park and Olga Wojciechowska), musique séfarade et traditionnelle syrienne orthodoxe Musique live Patrizia Bovi, Tsubasa Hori, Mahabub Khan, Sattar Khan, Kazutomi ‘Tsuki’ Kozuki, Gabriele Miracle, Kaspy N’dia, Olga Wojciechowska Dramaturgie audiovisuelle : Sabine Groenewegen Texte : Paul Laurence Dunbar, Shibusawa Eiichi, Nikkei CNBC Création lumières : Enrico Bagnoli, Adam Carrée, Willy Cessa Création vidéo : Maxime Guislain, Paul Van Caudenberg Création costumes : Hussein Chalayan, Frédérick Denis, Alexandra Gilbert, Sasa Kovacevic, Isabelle Lhoas, Veerle Van den Wouwer Technicien lumières : Willy Cessa Technicien vidéo : Maxime Guislain Son : Jef Verbeeck Régisseur général : Patrick ‘Sharp’ Vanderhaegen Décor et accessoires : Janneke Hertoghs Habilleuse : Saar Swinters   Du 8 au 11 juillet 2021 Jeudi et vendredi  20 h Samedi 19 h Dimanche 15 h durée 1 h 15     La Villette 211, avenue Jean Jaurès 75019 Paris T+ 01 40 03 75 75 www.lavillette.com      Read More →
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Samson, de Brett Bailey, mis en scène par Brett Bailey, Gymnase du lycée Aubanel, Festival d’Avignon (In)
  © Nardus Engelbrecht   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia L’artiste sud-africain Brett Bailey entend proposer avec Samson une transposition du récit biblique du personnage éponyme dans l’époque actuelle. Un groupe d’hommes et de femmes, en habits d’aujourd’hui, déambule sur le plateau tandis que les spectateurs s’installent dans les gradins sur un fond sonore du compositeur Shane Cooper créé devant eux tout au long du spectacle par 3 musiciens (batterie, guitare-basse, platine de mixage). Ils font cercle autour de l’un d’entre eux, le purifient et l’affublent d’une étrange coiffe. Un rite est en train de s’accomplir ou un cérémonial de transmission orchestré par un véritable sangoma (Elvis Sibeko). Tandis que s’affiche un extrait de l’Ancien Testament sur un écran en fond de scène, une première transe de type chamanique se déploie sur le plateau. Samson aurait été choisi par Dieu pour libérer son peuple dominé par les Philistins. Il tient sa force extraordinaire de ses cheveux qu’il doit protéger. Promis à une fille du camp ennemi mais trahi et humilié par lui, il verra sa haine grandir et déchaîner sa violence. Des images vidéo de Kirsti Cumming se succèdent sur l’écran qui oscillent entre une sorte d’art naïf, de collages et de scènes très illustratives, tandis que sur scène trois comédiens revêtus d’étranges costumes nous entraînent davantage dans un registre comique et de la farce que du mythe ou du tragique. Différentes danses extrêmement énergiques prennent le relai, sans que l’on parvienne toujours à en saisir le sens, non plus que la logique, ce qui n’est en soi pas rédhibitoire, en particulier parce que l’irrationnel fait partie de la proposition. Certes Brett Bailey n’est pas un dramaturge et en cela il est difficile de lui reprocher de ne pas avoir construit une trame narrative ou à proprement parler dramaturgique. Toutefois, même s’il revendique son geste artistique comme étant non conventionnel, réfutant absolument toute approche hégémonique du spectacle vivant et avide au contraire d’une approche transdisciplinaire, Samson produit parfois davantage l’impression d’une juxtaposition d’intentions qui nuit à la lisibilité de son propos. Ainsi, un discours débité au micro à fil, de manière tellement accélérée qu’il est parfois à peine audible (au sens propre et figuré) par une sorte de prédicateur, énumère les préoccupations principales du monde contemporain, au premier rang desquelles toutes les formes d’asservissement qui ont succédé au colonialisme, les migrations, le terrorisme suscitant des discours racistes, sécuritaires et populistes. Tandis que sur la vidéo apparaissent aux arbres des pendus, des « strange fruits », allusion directe à la fameuse chanson de Billie Holiday dénonçant à la fin des années 30 les lynchages des Noirs, l’axiome biblique « Œil pour œil… » est énoncé et des mises en garde qui semblent s’adresser aux populations occidentales sont hurlées : « enfermez vos filles, vos fils… (…) notre République est en danger (…) ». Vient ensuite le temps de la vengeance contre Samson exercée par Dalila qui est « toujours présentée comme traitresse et jamais comme courageuse ». La comédienne qui endosse le rôle entonne le célèbre extrait (« Mon cœur s’ouvre à ta voix ») de l’opéra de Saint-Saëns avec un très beau timbre de mezzo-soprano, qui vient donc s’ajouter contre toute attente encore aux percussions africaines, à la batterie et à la table de mixage occidentales, créant ainsi une hétéroclite accumulation de sons, images, références. Samson tel le Phénix renait de ses cendres. Humilié, torturé, enfermé, il sert d’allégorie aux martyrs de l’histoire. Sa force n’en sera que décuplée et fera à nouveau sortir sa rage hurlante et fascinante. C’est donc un spectacle singulier que Brett Bailey présente à nouveau à Avignon (mais qui avait été créé au Cap en 2019) qui n’a pas la force polémique de son Exhibit B. de 2013, lequel avait laissé des traces judiciaires lors de sa tournée parisienne, mais qui peut laisser une impression mitigée. Une partie du public applaudit à tout rompre comme subjuguée, une autre sort les yeux écarquillés verbalisant dès la sortie son incompréhension, voire sa réprobation et frustration de n’avoir rien compris. Il n’est pas toujours nécessaire de tout déchiffrer pour être touché ou ému par le spectacle vivant auquel on a la chance d’assister. Et de fait les danses rituelles ont provoqué des émotions vives, parfois même corporellement bouleversantes, que l’on peut emporter ensuite avec soi comme des présents reçus comme des offrandes.   ©Nardus Engelbrecht     Samson, mise en scène Brett Bailey Avec : Shane Cooper, Mikhaela Kruger, Mvakalisi Madotyeni, Zimbini Makwethu, Marlo Minnaar, Hlengiwe Mkhwanazi, Apollo Ntshoko, Elvis Sibeko, Jonno Sweetman, Abey Xakwe Chorégraphie Elvis Sibeko Musique Shane Cooper Scénographie Brett Bailey, Tanya P. Johnson Lumière Kobus Rossouw Vidéo Kirsti Cumming Son Marcel Bezuidenhout Traduction en français pour le surtitrage Hélène Muron Spectacle en anglais, xhosa et zoulou (partiellement surtitré en français)   Durée 1 h 40 Jusqu’au 13 juillet à 15h00     Festival d’Avignon – In Gymnase du lycée Aubanel 14 rue Palapharnerie Avignon     En tournée Les 18 et 19 juillet au GREC Festival de Barcelone          Read More →
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Pollock, de Fabrice Melquiot, mis en scène par Paul Desvaux, La Manufacture, Festival d’Avignon (Off)
    © Laurent Schneegans   ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Si le nom de Jackson Pollock est connu dans le monde entier, par le grand public (ou presque) compris, celui de Lee Krasner n’est passé à la postérité que pour les amateurs d’art. Paradoxalement bien que le spectacle soit sobrement intitulé Pollock, c’est autant d’elle dont il est question que de Jackson, mais aussi du couple qu’ils ont formé jusqu’à la mort prématurée du peintre américain. La personnalité du peintre, ses travers, ses manies, son alcoolisme, son addiction sexuelle est bien soulignée dans le texte de Fabrice Melquiot lequel le rend odieux au spectateur, au contraire de Lee que la pièce met incontestablement en valeur, dont le talent semble avoir été minoré alors même qu’il avait été salué par Mondrian. En dépit du discours féministe dont Lee Krasner se drapait, il n’était qu’un leurre pour être mieux dévouée à Jackson et ne vivre que dans l’ombre de ce mari dévorant, dont le génie unanimement salué a partiellement consumé la vie d’une artiste, mais aussi d’une femme. Les deux excellents comédiens américains Jim Fletcher et Michelle Stern sont extrêmement crédibles à la fois à titre individuel et comme couple, débitant à un rythme soutenu leur texte en anglais, à l’accent new-yorkais et au timbre(s) rocailleux, hypnotisant, s’aimant et se déchirant, verbalement, psychiquement, gestuellement. Pollock se déroule dans l’atelier du peintre, son studio est jonché de traces et de pots de peinture, une musique jazz égrène ses notes dès l’arrivée des spectateurs dans la salle. Le metteur en scène Paul Deveaux n’a pas cédé à la facilité en choisissant de ne pas projeter des images des tableaux du peintre, ou plutôt des peintres, mais en faisant interagir constamment les deux comédiens avec des pinceaux et de la peinture sur des panneaux en verre, pour mieux théoriser ou analyser l’acte créatif. Les fluides de couleurs sont projetés sur le sol selon la technique (qui n’en est évidemment pas une sur le plan académique) qui caractérisa Pollock, mais ils servent aussi à figurer une omelette dans un bol que Lee prépare pour Jackson entre deux gorgées d’alcool. La pièce n’est pas didactique, il ne s’agit pas d’un biopic, mais simplement et d’une manière beaucoup plus intéressante d’une sorte de série d’instantanés très rythmés par un verbe saccadé, mettant en lumière la face sombre d’un génie qui a su trouver sa propre voie, celle de l’expressionnisme abstrait, après s’être nourri de grands maîtres, en particulier Picasso auquel la pièce fait référence et qui fut pour Pollock une rencontre esthétique déterminante. Sa mort dans un accident de voiture est à l’image de sa vie : violente et entraînant des femmes dans sa perte. Si Lee survécut près de 30 ans après Pollock, c’est pour s’éteindre quelques mois avant une exposition qui lui fut consacrée au MoMa… La pièce ne passionnera pas seulement les amateurs d’art, mais tous ceux qui sont fascinés par le caractère impénétrable de l’acte créatif et par les obscures et indéchiffrables dépendances affectives.   © Laurent Schneegans       Pollock de Fabrice Melquiot Mise en scène Paul Desvaux (cie l’héliotrope) Avec : Jim Fletcher et Michelle Stern Assistanat à la mise en scène Amaya Lainez Lumières Laurent Schneegans Musique Vincent Artaud Images des Etats-Unis Santiago Otheguy   Durée 1 h 10   Festival d’Avignon – Off Jusqu’au 13 juillet à 23 h (relâche le 12 juillet) En anglais (surtitré en français)   Manufacture 2 rue des Ecoles Avignon www.lamanufacture.org      Read More →
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La Cerisaie, de Anton Tchekhov, mis en scène par Tiago Rodrigues, Cour d’honneur du Palais des Papes, Festival d’Avignon (In)
    © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon   ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia Après le scoop dans la journée précédant la première de La Cerisaie annonçant officiellement, par la voix de la Ministre de la Culture, la nomination comme prochain directeur du Festival (à partir de 2023) de Tiago Rodrigues, metteur en scène du premier spectacle de la Cour d’honneur du Palais des Papes pour cette édition 2021, les spectateurs de la seconde soirée étaient confrontés aux caprices météorologiques qui leur ont imposé un suspens éprouvant. Le déluge était tel que près d’une heure après le début officiel du spectacle, la foule ruisselante qui avait déjà passé trois contrôles (Pass sanitaire, sacs, billets), se serrait contre les remparts, lançant des applaudissements ou des incantations (Olivier ! Isabelle !) pour que les portes s’ouvrent enfin. Peu de découragements, une vraie soif de théâtre, démentant les craintes de Tchekhov (« Les Français ne comprendront ni Lopakhine ni la vente de la propriété et ne feront que s’ennuyer ») sur l’utilité d’une traduction en français. Quand enfin les mythiques trompettes de Maurice Jarre retentirent, des cris de joie et des applaudissements nourris surgirent avec la spontanéité du soulagement mettant fin à l’attente, laissant le désir intact en dépit des premières critiques pour l’essentiel déçues ou compassées parues après la (première) représentation de la veille. Ce n’est donc qu’à 23 h que le public prenait place sur les nouveaux sièges en bois rabattables des gradins affrontant avec les moyens du bord la dernière fine ondée, et assistait à l’arrivée du premier comédien sur la scène qui paraissait plus immense que d’ordinaire. De fait, deux ans avaient passé, une éternité. Et durant quelques instants, le sourire aux lèvres, beaucoup pouvaient se dire : je suis là à nouveau, ici et maintenant ; je fais face aux sièges sur lesquels j’ai accueilli des émotions diverses les saisons passées. L’interruption de l’année 2020 n’était qu’un mauvais rêve. Que le spectacle continue ! La Cerisaie était l’un des spectacles rêvés pour tout recommencer et l’idée de placer sur le plateau une centaine des anciens sièges des gradins était, dans le contexte, symboliquement, une belle idée. Le passé et le présent qui s’affrontent, comme dans cette dernière œuvre (1903) de Tchekhov, oscillant entre comédie et tragédie. Le retour cinq ans après de l’aristocrate Lioubov dans son domaine. Le retour des spectateurs dans le leur, deux ans après. La comparaison a ses limites évidemment. Lioubov doit épurer ses dettes et vendre sa chère Cerisaie, son domaine, à la fois terre de bonheur familial et de drame intime, dont on ne verra scéniquement aucune trace. Si le texte en 4 Actes (dans la traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan) n’est pas suivi à la virgule près, il est néanmoins utilisé dans un respect beaucoup plus grand de l’auteur russe que ce que le metteur en scène portugais avait fait dans son précédent spectacle à Avignon (2015) avec l’Antoine et Cléopâtre de Shakespeare. La mise en scène à la fois dépouillée et grandiose dans son minimalisme osé au regard de la superficie de la Cour d’honneur, abandonne volontairement tout réalisme ou naturalisme, à quelques détails près (la fameuse scène de la tasse de café). On est bien loin de la rivière, du puits et de la massive maison en pierres souhaités par l’auteur et son premier metteur en scène, renoncement esthétique qui n’a rien de blâmable, même si les choix opérés ne sont pas tous éclairants. Aux rangées de chaises bien alignées qui seront amoncelées comme les pièces d’un bûcher (pour mieux faire table rase du passé ?), succèdent d’immenses structures métalliques (les cerisiers géants ?) affublées de lustres à pampilles (derniers vestiges du luxe d’antan ?), déplacées par des comédiens sur trois rails parallèles qui traversent, de jardin à cour, le plateau, servant notamment à bruiter le passage de la locomotive. Les comédiens parcourent également toute la longueur du plateau dans une longue et étrange chorégraphie consistant essentiellement en des mouvements souples des bras, dont on n’a pas vraiment saisi le sens. Deux musiciens (guitariste et percussions) en fond de scène rythment quelques moments forts des deux tiers de la pièce. Des costumes aux couleurs chatoyantes revêtent chacun des personnages, dans un esprit conforme aux didascalies de Tchekhov. Isabelle Huppert dans son pantalon vert, chemisier jaune et grand manteau couleur lie de vin est égale à elle-même, conquérante et espiègle, sautillant de joie ainsi que Stanislavski l’avait envisagé avec l’auteur (dans la première mise en scène de 1904), mais également souveraine dans sa position sociale d’aristocrate, quoique désargentée, y compris dans la nostalgie et la mélancolie. Une belle harmonie apparaît avec Adama Diop, parfait en Lopakine, ce fils de moujik qui a fait fortune et achètera contre toute attente le domaine dans l’idée d’y faire construire des datchas pour les estivants, mais aussi (et surtout ?) de mettre fin au servage. Le comptable de La Cerisaie joué par le fantasque Tom Adjibi s’accorde quant à lui très bien avec la femme de chambre interprétée par l’ingénue Suzanne Aubert. Le reste de la distribution est en revanche inégal ou peine parfois à convaincre, Marcel Bozonnet mis à part. Sa présence et sa voix occupent sans difficulté la scène entièrement vide, quand il se couche à terre dans son pathétique monologue final (« Ils m’ont oublié. Ça ne fait rien… ») et la remplit de la conclusion si défaitiste (« La vie elle a passé, on a comme pas vécu ») de Tchekhov et le noir se fait. Il est 1 h 30 du matin. Ce ne sont pas les applaudissements des grands soirs qui retentissent dans la Cour d’honneur. On sent une frustration confuse parmi une majorité de spectateurs frigorifiés, comme celle d’un rendez-vous manqué ou simplement en deçà de l’espérance démesurée de vivre l’exceptionnel après le jeûne imposé. La Cerisaie a par ailleurs tant marqué l’histoire du théâtre par des mises en scène remarquées (de Stanislavski à Braunschweig en passant par Stein, Brook et Langhoff) que l’on aurait souhaité peut-être que celle du metteur en scène portugais soit la plus remarquable de ce siècle. On en avait sans doute trop attendu pour le démarrage de cette 75ème édition assurée par celui qui sera le chef d’orchestre de la 77ème et dont on attend déjà la programmation avec une irrépressible gourmandise. Comme dans La Cerisaie, la fin d’un monde, les promesses de nouveaux débuts.   © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon     La Cerisaie de Anton Tchekhov Mise en scène Tiago Rodrigues Avec : Isabelle Huppert, Isabelle Abreu, Tom Adjibi, Nadim Ahmed, Suzanne Aubert, Marcel Bozonnet, Océane Caïraty, Alex Descas, Adama Diop, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alison Valence Musiciens Manuela Azevedo, Hélder Gonçalves Traduction André Markowicz et Françoise Morvan Collaboration artistique Magda Bizarro Scénographie Fernando Ribeiro Lumière Numo Meira Costumes José António Tenente Son Pedro Costa Musique Hélder Gonçalves (composition) Tiago Rodrigues (paroles) Assistanat à la mise en scène Ilyas Mettioui   Durée 2 h 30 Festival d’Avignon – In Jusqu’au 17 juillet à 22 h     Cour d’honneur du Palais des Papes Festival d’Avignon In www.festival-avignon.com      Read More →
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Innocence, opéra de Kaija Saariaho, mise en scène de Simon Stone, Grand Théâtre de Provence / Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence
    © Jean-Louis Fernandez   ƒƒ article de Toulouse Création mondiale présentée au Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence, Innocence semble faire l’unanimité des festivaliers, en combinant l’écriture, la musique et la mise en scène dans un trio de génie. Figure star de la composition contemporaine, Kaija Saariaho accouche d’un véritable chef d’œuvre musical. Pour celles et ceux que la musique contemporaine pourrait effrayer, sachez que l’accessibilité de cette partition est une force, mais conserve pour autant une complexité incroyable et une certaine inventivité dans la recherche musicale. Innocence est une histoire imaginée dans la Finlande actuelle. L’histoire oscille parallèlement entre le temps présent d’un mariage sur lequel pèse de lourds et sombres secrets familiaux, et les scènes d’une tragédie survenue dans un lycée international nous ramenant dix ans en arrière. Dans cette mosaïque de fragments temporels, les récits et les témoignages des protagonistes s’entremêlent, et donnent à ce drame toute sa complexité. Là où la situation semble simple bien que glaçante et tout à fait effroyable, on découvre que chacun des personnages qui la composent a sa part de culpabilité dans l’histoire. Personne ne semble à la fin plaider une totale « Innocence ». Cet opéra est construit à la manière d’un récit d’anticipation qui suspend littéralement le souffle du spectateur cheminant pas à pas dans la reconstitution cette sordide affaire, glanant çà et là les indices d’une enquête au long court, dont on nous garde de nous révéler tout en même temps pour préférer au contraire l’accélération des coups de théâtre. Ce thriller opératique a le fabuleux mérite de dévoiler un thème, mais également un registre de genre, tout à fait ignoré de l’art lyrique. C’est l’autrice finno-estonienne et très engagée Sofi Oksanen, qui compose pour la première fois un livret d’opéra aussi poignant qu’inventif. La compositrice finlandaise Kaija Saariaho a, dans son processus de création, su magistralement mettre ces mots en musique en multipliant les langues de ces personnages (avec l’aide pour ce faire d’Aleksi Barrière), et en imaginant une singularité pour chaque voix et une manière de chanter ou de parler pour chaque interprète. On sent en toute logique la nécessité qu’était de mettre ces mots et cette histoire en musique, car il s’agit après tout du souffle des morts et des secrets enfouis venant ressurgir dans une musique glaçante et spectrale. Chacun des témoignages qu’on entend et qui se tissent tout au long de l’histoire révèle la voix singulière d’un traumatisme partagé. Il y aura donc par exemple la voix de Markéta  sortie d’un autre monde, aux accents folkloriques et filtrée par la réverbération de la mort interprétée remarquablement par Vilma Jää. Ou encore la lente diction d’Iris dont Julie Hega fait une interprétation aussi juste qu’effrayante. La mise en scène qu’en fait Simon Stone exacerbe la tragédie pour basculer dans l’horreur des images, que certains des protagonistes essaient d’oublier et que d’autres au contraire ne veulent pas « laisser partir ». Tout cela est soutenu par la prouesse technique et l’inventivité spectaculaire de la scénographie que signe Chloé Lamfort, un cube rotatif nous faisant passer d’un banquet de mariage à l’arrière cuisine, d’un placard à balais à une vaste classe, une première fois tout à fait chaleureuse puis plus tard baignant le sang d’un carnage. Le travail des corps initié par le chorégraphe Arco Renz est aussi à souligner et vient apporter à l’histoire beaucoup de relief ainsi que des jeux de tensions tout à fait saisissant entre les interprètes. On trouve ainsi, à tous les niveaux, une équipe tout fait investie dans cette création, et dont l’harmonie des talents voire des génies de chacun a permis d’accoucher d’un chef-d’œuvre d’opéra contemporain.   © Jean-Louis Fernandez   Innocence opéra de Kaija Saariaho Composition : Kaija Saariaho Livret original en finois : Sofi Oksanen Interprétation : Magdalena Kožená (Waitress), Sandrine Piau (Mother-in-Law), Tuomas Pursio (Father-in-Law), Lilian Farahani (Bride), Markus Nykänen (Groom), Jukka Rasilainen (Priest), Lucy Shelton (Teacher), Vilma Jää (Student 1 – Marketa), Beate Mordal (Student 2 -Lilly), Julie Hega (Student 3 – Iris), Simon Kluth (Student 4), Camilo Delgado Díaz (Student 5- Jerónimo), Marina Dumont (Student 6) Chœur : Estonian Philharmonic Chamber Choir Chef de Chœur : Lodewijk van der Ree Orchestre : London Symphony Orchestra Figurantes et figurants : Helene Beilvaire, Maëlle Desclaux, Paul Escamez, Elie Gautron, Hagop Kalfayan, Mathilde Melero, Ælfgyve Parry Courtier, Lucile Signoret Version multlingue du livret : Aleksi Barrière Direction musicale : Susanna Mälkki Mise en scène : Simon Stone Scénographie : Chloe Lamford Costumes : Mel Page Lumière : James Farncombe Chorégraphie : Arco Renz Assistant à la direction musicale : Clément Mao-Takacs Chefs de chant : Frédéric Calendreau, Alain Muller Assistants à la mise en scène : Sybille Wilson, Robin Ormond Assistante à la scénographie : Blanca Añón García Assistante aux costumes : Elisa Penel, Angèle Mignot Ingénieur du son : Timo Kurkikangas   Du 3 au 12 juillet 2021 à 20 heures     Grand Théâtre de Provence / Festival International d’Art Lyrique d’Aix en Provence 380 Avenue Max Juvénal 13100 Aix en Provence Téléphone 08 20 922 923 https://festival-aix.com/fr      Read More →
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Tristan et Isolde, opéra de Richard Wagner, mise en scène de Simon Stone, Grand Théâtre de Provence / Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence
  © Jean-Louis Fernandez   ƒ article de Toulouse  S’inscrivant dans l’épopée arthurienne, la célèbre tragédie de Tristan et Isolde nous compte la passion adultère de deux amants légendaires. En 1865, Wagner interrompt la composition longue et fastidieuse du Ring, pour que sa musique puisse enfin être entendue à la cour de Bavière. C’est alors qu’il s’empare de ce récit celtique qui cristallise son projet de tourner l’opéra en drame musical. Dans cette version présentée au Festival d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence, on y entend l’audace wagnérienne comme jamais. La direction musicale de Simon Rattle donne à cet opéra mille nuances, réveillant à la fois la force des éléments et les passions humaines. C’est un véritable orchestre cosmique et déchaîné qui nous ébranle de plein fouet. La subtilité et la finesse musicale de Simon Rattle nous fait à la fois entendre le souffle du vent, le gémissement de la tempête, le murmure de ces amants au cœur de la nuit, et fait raisonner toute cette « volupté de l’enfer », pour reprendre les mots de Nietzsche à l’égard de l’œuvre de son contemporain dont il admirait particulièrement le génie musical. Les voix des chanteurs s’inscrivent elles aussi dans cette puissance cosmique et sont, dans l’entièreté de la distribution, de grande qualité. On distinguera néanmoins Nina Stemme qui touche l’excellence par sa force vocale, aussi subtile qu’explosive. Très distribuée dans le répertoire wagnérien, elle fait d’Isolde un personnage aux figures plurielles, dont la voix envoûte comme celle d’une sorcière, crie et enrage comme la guerrière, et exulte d’extase comme l’amoureuse dans les bras de l’amant. Elle fait avec Stuart Skelton un duo d’un âge avancé (et c’est là tout l’intérêt de la relecture de ce mythique adultère), qui conserve cependant toute la fougue et l’ardeur des passions d’un amour juvénile et naissant. Le philtre d’amour, objet du drame faisant basculer l’histoire, opère ici à merveille autant pour eux que pour le spectateur qui les écoute langoureusement s’extasier. Il n’est pas de même, malheureusement, de la mise en scène de Simon Stone. Tout semble en effet orchestré pour aplatir l’action, les enjeux, la beauté musicale, et la tension qui se joue dans les corps. La modernité qu’il transpose dans le récit, qui a souvent le mérite de faire redécouvrir les chefs-d’œuvre de la musique classique sous un nouvel angle, dessert ici, du début à la fin, le fil dramaturgique de l’opéra. Tout son concept et sa stratégie dramaturgique a sans doute été mal pensé et très peu travaillé. Le premier acte, dans cette transposition, marche à peu près avec l’histoire, quoi qu’elle rend parfois anecdotique certaines scènes jouissant à l’origine de bien plus d’éclats et de relief. Mais à partir du deuxième acte, et ce jusqu’à la fin de l’opéra (4 h 40 en tout avec entracte, faut-il préciser ?), tout est là pour nous faire trépigner d’ennui. La scénographie, monumentale et coûteuse, s’avère ici un désastre qui bloque le corps des chanteurs de toute organicité, et impose au spectateur (en fonction de sa place dans le théâtre) la réduction scandaleuse et quasi-totale de son champ de vision. Les interprètes ne sont pas dirigés et semblent stationner, comme perdus dans l’espace, à la manière de statues qui attendent que les heures passent… Un des rares, voir le seul, geste de mise en scène intéressant, reste celui d’avoir dupliqué plusieurs duos de Tristan et Isolde, par le biais de figurants représentants les différents âges de l’amour. Tristan et Isolde les contemplent au milieu d’un open-space, et cela rend vaguement moins ennuyeux le plus long des duos d’extase amoureux de l’histoire du répertoire lyrique. Simon Stone, pour cette fois, semble manquer cruellement d’inventivité. Cela n’est pourtant pas le cas dans sa mise en scène d’Innocence (une création mondiale de Kaija Saariaho), qu’il présente en parallèle dans cette même édition du Festival d’Aix et qui, précisons-le, s’avère remarquable et que nous encourageons grandement à aller applaudir. Ainsi, acclamé pour une mise en scène d’opéra et huée le soir de la première pour une autre, Simon Stone fait décidément la balance des deux extrêmes dans ce festival. En ce qui concerne Tristan et Isolde, on y est bien en fermant les yeux pour y savourer la magie de la direction musicale et des voix. Peut-être alors aurait-il mieux fallu en faire une version concert ou léguer ce chef-d’œuvre dans les mains de quelque autre metteur en scène.   © Jean-Louis Fernandez     Tristan et Isolde opéra de Richard Wagner Direction musicale : Sir Simon Rattle Mise en scène : Simon Stone Interprétation : Stuart Skelton (Tristan), Nina Stemme (Isolde), Jamie Barton (Brangäne), Josef Wagner (Kurwenal), Franz-Josef Selig (König Marke), Dominic Sedgwick (Melot), Linard Vrielink (Ein Hirt / Stimme eines jungen Seemanns), Ivan Thirion (Ein Steuermann) Figurantes et figurants : Clément Amézieux, Sarah Anthony, Laetitia Beauvais, Elia Ben Nafla, Sidney Cadot-Sambosi, Edgar Chermette (enfant), Céline Deest, Latifa Elatrassi, Laurent Ernst, Antoine Fichaux, Jean-Marc Fillet, Ali Himene, Samuel Karpienia, Inès Latorre, Laurie Ravaux, Timothé Rieu (enfant), Leila Saadali, Franck Soussou, Ruddy Sylaire, Emile Yebdri Chœur : Estonian Philharmonic Chamber Choir Chef de Chœur : Lodewijk van der Ree Orchestre : London Symphony Orchestra Scénographie : Ralph Myers Costumes, concept original : Mel Page Costumes, créations additionnelles : Ralph Myers, Blanca Añón García Lumière : James Farncombe Vidéo : Luke Halls Chorégraphie : Arco Renz Assistant à la direction musicale : Gregor Amadeus Mayrhofer Chefs de chant : Levi Hammer, Rupert Dussmann Assistants à la mise en scène : Robin Ormond, Ewa Rucinska Assistante à la scénographie : Blanca Añón García Assistante aux costumes : Angèle Mignot     Du 2 au 15 juillet 2021 à 18 heures   Grand Théâtre de Provence / Festival International d’Art Lyrique d’Aix en Provence 380 Avenue Max Juvénal, 13100 Aix en Provence Téléphone 08 20 922 923 https://festival-aix.com/fr        Read More →
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