© Arnaud Bertereau
ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia
Détaché.e.s est un véritable coup de cœur dans le off. C’est une pièce courageuse, au propos exigeant, jouée à une heure tardive et qui dans la jungle concurrentielle d’Avignon, ne se met pas dans la facilité.
A l’arrivée des spectateurs, un face à face est déjà en place sur le plateau. Un jeune homme à jardin, une femme, semble-t-il âgée, à cour. Ils sont assis, s’observent, se mesurent, se reniflent presque. Et la joute verbale commence. On ne comprend pas tout, tout de suite, juste l’essentiel. On est au parloir. Jean est en prison depuis longtemps, sa mère qui lui fait face lui rend sa première visite en 12 ans. Il a attendu ces 12 années et n’en fait pas reproche, du moins au début. Car il attend cette mère comme on attend Noël. Plein d’espoir et plein d’amour, espérant en recevoir enfin.
C’est une pièce sur l’amour. Mais l’amour manqué, l’amour violent, l’amour tronqué. L’amour de ceux qui ne savent pas aimer.
C’est une pièce sur la violence. La violence conjugale, la violence familiale, la violence sociale.
C’est une pièce sur le détachement. Le détachement affectif, le détachement sociétal, le détachement psychique.
Après les retrouvailles manquées entre un fils et sa mère dont le détachement s’était construit au fil des années, on remonte dans le temps, celui de l’enfance, passée à se protéger des crises de Claude la mère subissant la violence de Michel le père, l’adolescence fuyant toute relation affective, la vie amoureuse prometteuse de jeune adulte, mais vite anéantie par si ce n’est la conjuration familiale, le dérangement de la mère et la reproduction de la sauvagerie paternelle.
La pièce n’offre pas de répit. Elle n’offre pas vraiment d’espoir non plus. L’inventive et très élaborée mise en scène, extrêmement dynamique et même enjouée, permet le temps du spectacle de recevoir un message qui est de fait d’une grande noirceur, qui poursuit le spectateur une fois sorti dans les rues désertées du centre-ville. Certes, ce n’est pas un spectacle pour tous les spectateurs. C’est un spectacle qui se mérite, que les festivaliers venus à Avignon pour assister à un vrai moment de théâtre doivent placer dans leur programme. Les comédiens sont en outre excellents, en particulier Bryan Chivot dans le rôle de Jean, totalement habité par son rôle.
On apprendra après la rédaction de cette critique que la pièce est notamment le résultat de rencontres avec des détenus et d’un travail d’ateliers en prison.
© Arnaud Bertereau
Les détaché.e.s de Manon Thorel
Mise en scène Stéphanie Chêne, Yann Dacosta, Manon Thorel
Avec : Stéphanie Chêne, Bryan Chivot, Jade Collinet, Yann Dacosta Aurélie Edeline, Martin Legros
Chorégraphie Stéphanie Chêne
Création lumière Sam Steiner
Création sonore Mathieu Leclere
Scénographie et construction Grégoire Faucheux et Olivier Leroy
Costumes Elsa Bourdin
Régie générale Marc Leroy
Durée 1 h 30
Jusqu’au 29 juillet à 22h15
Relâche les 19 et 26 juillet
Tournée en 2022 à Evreux-Louviers, Mont-Saint-Aignan, Canteleu, Mondeville, Saint-Valery-en-Caux, Dieppe
Festival d’Avignon – Off
11.Avignon
Salle 3
11 boulevard Raspail
84 000 Avignon
www.11avignon.com
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