© Audrey Caume
ƒƒ article de Denis Sanglard
Tout n’est pas forcement pourri au royaume du Danemark. Preuve en est cette mise en scène de la tragédie d’Hamlet dans l’adaptation de Peter Brook au Théâtre Gérard Philipe de Saint Denis. Non dans la grande salle mais dans « le terrier », sise sous la scène principale. Ce qui dans une certaine mesure imprime sa marque crépusculaire dans ce travail épatant de maîtrise. Salle au plafond bas, mur de briques et piliers de soutènement divisant l’espace, c’est une crypte et c’est dans ce lieu idoine et brute de coffre, à peine encombré de quelques chaises, qu’Ido Shaked met en scène pour La troupe Ephémère cette adaptation du drame shakespearien par Peter Brook, une version épurée, à l’os, concentrée sur le désarroi du prince d’Elseneur. Ils sont neuf, âgés de 15 à 20 ans, amateurs et passionnés, lycéens de Saint-Denis composant cette troupe et qui pour quelques soirs s’emparent de cette tragédie avec concentration et ferveur. Ce n’est pas qu’ils soient toujours justes, et d’ailleurs on s’en fout un peu, mais il émane d’eux une telle sincérité à défendre ce texte et cette mise en scène que toutes préventions tombent et nous sommes bêtement emballés, fébrilement embarqués sans barguigner par ces jeunes qui sans esbrouffe, le plus simplement du monde, vous empoignent Shakespeare sans autres arguments et talents que leur conviction collective à défendre intelligemment ce texte. Et ce n’est pas un Hamlet mais plusieurs, qui sans souci de genre, se partagent le rôle éponyme. Un Hamlet ainsi protéiforme comme autant de figures possibles, de sensibilité, d’un même personnage. Pourtant nulle confusion mais une grande fluidité. C’est d’ailleurs la force de cette mise en scène, cette ligne claire, libre et rigoureuse tout à la fois, sans effets ni affects. Une mise en scène qu’on peut dire austère, imprégnée sans nul doute de ce lieu qui empêche tout éclat et force à la concentration. Une version épurée à l’extrême, privilégiant l’intime et la confession, voire l’ellipse. Et si Ido Shaked ancre résolument cet Hamlet dans une modernité comme allant de soi, il ose aussi l’enraciner dans la tradition. Ainsi surgissent en incise quelques extraits de Hamlet le film de Laurence Oliver (1948). Rien de gratuit ici. C’est nouer ensemble deux générations assurant à leur façon la pérennité du texte. C’est exprimer les possibles d’une mise en scène. Il y a même un pas de côté puisque Rimbaud est invité avec le poème Ophélie (in cahier de Douai).
© Audrey Caume
La tragédie d’Hamlet de William Shakespeare
Adaptation de Peter Brook
Mise en scène de Ido Shaked
Traduction Jean-Claude Carrière, Marie-Hélène Estienne
Collaboration artistique Delphine Bradier
Musique Michaël Dray
Scénographie Jeanne Boujenah
Costumes Sara Bartesaghi Gallo
Lumière Luc Muscillo, Ronan Fablet
Assistanat costumes, scénographie et vidéo Audrey Caume
Avec Telma Bello, Ikramme Benhammou, Michaël Dray, Nathan Hérin, Kamila Himene, Dorine Ollivier, Nour Sirot, Jules Taillasson, Liloé Turpault
Du 9 au 11 juillet 2021
Théâtre Gérard Philipe
Centre Dramatique National de Saint-Denis
56 Bd Jules Guesde
93200 Saint Denis
Réservations en ligne www.theatregerardphilipe.com
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