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Samson, de Brett Bailey, mis en scène par Brett Bailey, Gymnase du lycée Aubanel, Festival d’Avignon (In)

Juil 10, 2021 | Commentaires fermés sur Samson, de Brett Bailey, mis en scène par Brett Bailey, Gymnase du lycée Aubanel, Festival d’Avignon (In)

 

© Nardus Engelbrecht

 

ƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

L’artiste sud-africain Brett Bailey entend proposer avec Samson une transposition du récit biblique du personnage éponyme dans l’époque actuelle.

Un groupe d’hommes et de femmes, en habits d’aujourd’hui, déambule sur le plateau tandis que les spectateurs s’installent dans les gradins sur un fond sonore du compositeur Shane Cooper créé devant eux tout au long du spectacle par 3 musiciens (batterie, guitare-basse, platine de mixage). Ils font cercle autour de l’un d’entre eux, le purifient et l’affublent d’une étrange coiffe. Un rite est en train de s’accomplir ou un cérémonial de transmission orchestré par un véritable sangoma (Elvis Sibeko). Tandis que s’affiche un extrait de l’Ancien Testament sur un écran en fond de scène, une première transe de type chamanique se déploie sur le plateau.

Samson aurait été choisi par Dieu pour libérer son peuple dominé par les Philistins. Il tient sa force extraordinaire de ses cheveux qu’il doit protéger. Promis à une fille du camp ennemi mais trahi et humilié par lui, il verra sa haine grandir et déchaîner sa violence.

Des images vidéo de Kirsti Cumming se succèdent sur l’écran qui oscillent entre une sorte d’art naïf, de collages et de scènes très illustratives, tandis que sur scène trois comédiens revêtus d’étranges costumes nous entraînent davantage dans un registre comique et de la farce que du mythe ou du tragique. Différentes danses extrêmement énergiques prennent le relai, sans que l’on parvienne toujours à en saisir le sens, non plus que la logique, ce qui n’est en soi pas rédhibitoire, en particulier parce que l’irrationnel fait partie de la proposition. Certes Brett Bailey n’est pas un dramaturge et en cela il est difficile de lui reprocher de ne pas avoir construit une trame narrative ou à proprement parler dramaturgique. Toutefois, même s’il revendique son geste artistique comme étant non conventionnel, réfutant absolument toute approche hégémonique du spectacle vivant et avide au contraire d’une approche transdisciplinaire, Samson produit parfois davantage l’impression d’une juxtaposition d’intentions qui nuit à la lisibilité de son propos.

Ainsi, un discours débité au micro à fil, de manière tellement accélérée qu’il est parfois à peine audible (au sens propre et figuré) par une sorte de prédicateur, énumère les préoccupations principales du monde contemporain, au premier rang desquelles toutes les formes d’asservissement qui ont succédé au colonialisme, les migrations, le terrorisme suscitant des discours racistes, sécuritaires et populistes. Tandis que sur la vidéo apparaissent aux arbres des pendus, des « strange fruits », allusion directe à la fameuse chanson de Billie Holiday dénonçant à la fin des années 30 les lynchages des Noirs, l’axiome biblique « Œil pour œil… » est énoncé et des mises en garde qui semblent s’adresser aux populations occidentales sont hurlées : « enfermez vos filles, vos fils… (…) notre République est en danger (…) ».

Vient ensuite le temps de la vengeance contre Samson exercée par Dalila qui est « toujours présentée comme traitresse et jamais comme courageuse ». La comédienne qui endosse le rôle entonne le célèbre extrait (« Mon cœur s’ouvre à ta voix ») de l’opéra de Saint-Saëns avec un très beau timbre de mezzo-soprano, qui vient donc s’ajouter contre toute attente encore aux percussions africaines, à la batterie et à la table de mixage occidentales, créant ainsi une hétéroclite accumulation de sons, images, références.

Samson tel le Phénix renait de ses cendres. Humilié, torturé, enfermé, il sert d’allégorie aux martyrs de l’histoire. Sa force n’en sera que décuplée et fera à nouveau sortir sa rage hurlante et fascinante.

C’est donc un spectacle singulier que Brett Bailey présente à nouveau à Avignon (mais qui avait été créé au Cap en 2019) qui n’a pas la force polémique de son Exhibit B. de 2013, lequel avait laissé des traces judiciaires lors de sa tournée parisienne, mais qui peut laisser une impression mitigée. Une partie du public applaudit à tout rompre comme subjuguée, une autre sort les yeux écarquillés verbalisant dès la sortie son incompréhension, voire sa réprobation et frustration de n’avoir rien compris. Il n’est pas toujours nécessaire de tout déchiffrer pour être touché ou ému par le spectacle vivant auquel on a la chance d’assister. Et de fait les danses rituelles ont provoqué des émotions vives, parfois même corporellement bouleversantes, que l’on peut emporter ensuite avec soi comme des présents reçus comme des offrandes.

 

©Nardus Engelbrecht

 

 

Samson, mise en scène Brett Bailey

Avec : Shane Cooper, Mikhaela Kruger, Mvakalisi Madotyeni, Zimbini Makwethu, Marlo Minnaar, Hlengiwe Mkhwanazi, Apollo Ntshoko, Elvis Sibeko, Jonno Sweetman, Abey Xakwe

Chorégraphie Elvis Sibeko

Musique Shane Cooper

Scénographie Brett Bailey, Tanya P. Johnson

Lumière Kobus Rossouw

Vidéo Kirsti Cumming

Son Marcel Bezuidenhout

Traduction en français pour le surtitrage Hélène Muron

Spectacle en anglais, xhosa et zoulou (partiellement surtitré en français)

 

Durée 1 h 40

Jusqu’au 13 juillet à 15h00

 

 

Festival d’Avignon – In

Gymnase du lycée Aubanel

14 rue Palapharnerie

Avignon

 

 

En tournée

Les 18 et 19 juillet au GREC Festival de Barcelone

 

 

 

 

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