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Innocence, opéra de Kaija Saariaho, mise en scène de Simon Stone, Grand Théâtre de Provence / Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence

Juil 08, 2021 | Commentaires fermés sur Innocence, opéra de Kaija Saariaho, mise en scène de Simon Stone, Grand Théâtre de Provence / Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence

 

 

© Jean-Louis Fernandez

 

ƒƒ article de Toulouse

Création mondiale présentée au Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence, Innocence semble faire l’unanimité des festivaliers, en combinant l’écriture, la musique et la mise en scène dans un trio de génie.

Figure star de la composition contemporaine, Kaija Saariaho accouche d’un véritable chef d’œuvre musical. Pour celles et ceux que la musique contemporaine pourrait effrayer, sachez que l’accessibilité de cette partition est une force, mais conserve pour autant une complexité incroyable et une certaine inventivité dans la recherche musicale.

Innocence est une histoire imaginée dans la Finlande actuelle. L’histoire oscille parallèlement entre le temps présent d’un mariage sur lequel pèse de lourds et sombres secrets familiaux, et les scènes d’une tragédie survenue dans un lycée international nous ramenant dix ans en arrière. Dans cette mosaïque de fragments temporels, les récits et les témoignages des protagonistes s’entremêlent, et donnent à ce drame toute sa complexité. Là où la situation semble simple bien que glaçante et tout à fait effroyable, on découvre que chacun des personnages qui la composent a sa part de culpabilité dans l’histoire. Personne ne semble à la fin plaider une totale « Innocence ».

Cet opéra est construit à la manière d’un récit d’anticipation qui suspend littéralement le souffle du spectateur cheminant pas à pas dans la reconstitution cette sordide affaire, glanant çà et là les indices d’une enquête au long court, dont on nous garde de nous révéler tout en même temps pour préférer au contraire l’accélération des coups de théâtre. Ce thriller opératique a le fabuleux mérite de dévoiler un thème, mais également un registre de genre, tout à fait ignoré de l’art lyrique. C’est l’autrice finno-estonienne et très engagée Sofi Oksanen, qui compose pour la première fois un livret d’opéra aussi poignant qu’inventif.

La compositrice finlandaise Kaija Saariaho a, dans son processus de création, su magistralement mettre ces mots en musique en multipliant les langues de ces personnages (avec l’aide pour ce faire d’Aleksi Barrière), et en imaginant une singularité pour chaque voix et une manière de chanter ou de parler pour chaque interprète. On sent en toute logique la nécessité qu’était de mettre ces mots et cette histoire en musique, car il s’agit après tout du souffle des morts et des secrets enfouis venant ressurgir dans une musique glaçante et spectrale. Chacun des témoignages qu’on entend et qui se tissent tout au long de l’histoire révèle la voix singulière d’un traumatisme partagé. Il y aura donc par exemple la voix de Markéta  sortie d’un autre monde, aux accents folkloriques et filtrée par la réverbération de la mort interprétée remarquablement par Vilma Jää. Ou encore la lente diction d’Iris dont Julie Hega fait une interprétation aussi juste qu’effrayante.

La mise en scène qu’en fait Simon Stone exacerbe la tragédie pour basculer dans l’horreur des images, que certains des protagonistes essaient d’oublier et que d’autres au contraire ne veulent pas « laisser partir ». Tout cela est soutenu par la prouesse technique et l’inventivité spectaculaire de la scénographie que signe Chloé Lamfort, un cube rotatif nous faisant passer d’un banquet de mariage à l’arrière cuisine, d’un placard à balais à une vaste classe, une première fois tout à fait chaleureuse puis plus tard baignant le sang d’un carnage. Le travail des corps initié par le chorégraphe Arco Renz est aussi à souligner et vient apporter à l’histoire beaucoup de relief ainsi que des jeux de tensions tout à fait saisissant entre les interprètes.

On trouve ainsi, à tous les niveaux, une équipe tout fait investie dans cette création, et dont l’harmonie des talents voire des génies de chacun a permis d’accoucher d’un chef-d’œuvre d’opéra contemporain.

 

© Jean-Louis Fernandez

 

Innocence opéra de Kaija Saariaho

Composition : Kaija Saariaho

Livret original en finois : Sofi Oksanen

Interprétation : Magdalena Kožená (Waitress), Sandrine Piau (Mother-in-Law), Tuomas Pursio (Father-in-Law), Lilian Farahani (Bride), Markus Nykänen (Groom), Jukka Rasilainen (Priest), Lucy Shelton (Teacher), Vilma Jää (Student 1 – Marketa), Beate Mordal (Student 2 -Lilly), Julie Hega (Student 3 – Iris), Simon Kluth (Student 4), Camilo Delgado Díaz (Student 5- Jerónimo), Marina Dumont (Student 6)

Chœur : Estonian Philharmonic Chamber Choir

Chef de Chœur : Lodewijk van der Ree

Orchestre : London Symphony Orchestra

Figurantes et figurants : Helene Beilvaire, Maëlle Desclaux, Paul Escamez, Elie Gautron, Hagop Kalfayan, Mathilde Melero, Ælfgyve Parry Courtier, Lucile Signoret

Version multlingue du livret : Aleksi Barrière

Direction musicale : Susanna Mälkki

Mise en scène : Simon Stone

Scénographie : Chloe Lamford

Costumes : Mel Page

Lumière : James Farncombe

Chorégraphie : Arco Renz

Assistant à la direction musicale : Clément Mao-Takacs

Chefs de chant : Frédéric Calendreau, Alain Muller

Assistants à la mise en scène : Sybille Wilson, Robin Ormond

Assistante à la scénographie : Blanca Añón García

Assistante aux costumes : Elisa Penel, Angèle Mignot

Ingénieur du son : Timo Kurkikangas

 

Du 3 au 12 juillet 2021 à 20 heures

 

 

Grand Théâtre de Provence / Festival International d’Art Lyrique d’Aix en Provence

380 Avenue Max Juvénal

13100 Aix en Provence

Téléphone 08 20 922 923

https://festival-aix.com/fr

 

 

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