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Pollock, de Fabrice Melquiot, mis en scène par Paul Desvaux, La Manufacture, Festival d’Avignon (Off)

Juil 10, 2021 | Commentaires fermés sur Pollock, de Fabrice Melquiot, mis en scène par Paul Desvaux, La Manufacture, Festival d’Avignon (Off)

 

 

© Laurent Schneegans

 

ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Si le nom de Jackson Pollock est connu dans le monde entier, par le grand public (ou presque) compris, celui de Lee Krasner n’est passé à la postérité que pour les amateurs d’art. Paradoxalement bien que le spectacle soit sobrement intitulé Pollock, c’est autant d’elle dont il est question que de Jackson, mais aussi du couple qu’ils ont formé jusqu’à la mort prématurée du peintre américain.

La personnalité du peintre, ses travers, ses manies, son alcoolisme, son addiction sexuelle est bien soulignée dans le texte de Fabrice Melquiot lequel le rend odieux au spectateur, au contraire de Lee que la pièce met incontestablement en valeur, dont le talent semble avoir été minoré alors même qu’il avait été salué
par Mondrian. En dépit du discours féministe dont Lee Krasner se drapait, il n’était qu’un leurre pour être mieux dévouée à Jackson et ne vivre que dans l’ombre de ce mari dévorant, dont le génie unanimement salué a partiellement consumé la vie d’une artiste, mais aussi d’une femme.

Les deux excellents comédiens américains Jim Fletcher et Michelle Stern sont extrêmement crédibles à la fois à titre individuel et comme couple, débitant à un rythme soutenu leur texte en anglais, à l’accent new-yorkais et au timbre(s) rocailleux, hypnotisant, s’aimant et se déchirant, verbalement, psychiquement, gestuellement.

Pollock se déroule dans l’atelier du peintre, son studio est jonché de traces et de pots de peinture, une musique jazz égrène ses notes dès l’arrivée des spectateurs dans la salle. Le metteur en scène Paul Deveaux n’a pas cédé à la facilité en choisissant de ne pas projeter des images des tableaux du peintre, ou plutôt des peintres, mais en faisant interagir constamment les deux comédiens avec des pinceaux et de la peinture sur des panneaux en verre, pour mieux théoriser ou analyser l’acte créatif. Les fluides de couleurs sont projetés sur le sol selon la technique (qui n’en est évidemment pas une sur le plan académique) qui caractérisa Pollock, mais ils servent aussi à figurer une omelette dans un bol que Lee prépare pour Jackson entre deux gorgées d’alcool.

La pièce n’est pas didactique, il ne s’agit pas d’un biopic, mais simplement et d’une manière beaucoup plus intéressante d’une sorte de série d’instantanés très rythmés par un verbe saccadé, mettant en lumière la face sombre d’un génie qui a su trouver sa propre voie, celle de l’expressionnisme abstrait, après s’être nourri de grands maîtres, en particulier Picasso auquel la pièce fait référence et qui fut pour Pollock une rencontre esthétique déterminante.

Sa mort dans un accident de voiture est à l’image de sa vie : violente et entraînant des femmes dans sa perte. Si Lee survécut près de 30 ans après Pollock, c’est pour s’éteindre quelques mois avant une exposition qui lui fut consacrée au MoMa…

La pièce ne passionnera pas seulement les amateurs d’art, mais tous ceux qui sont fascinés par le caractère impénétrable de l’acte créatif et par les obscures et indéchiffrables dépendances affectives.

 

© Laurent Schneegans

 

 

 

Pollock de Fabrice Melquiot

Mise en scène Paul Desvaux (cie l’héliotrope)

Avec : Jim Fletcher et Michelle Stern

Assistanat à la mise en scène Amaya Lainez
Lumières Laurent Schneegans
Musique Vincent Artaud
Images des Etats-Unis Santiago Otheguy

 

Durée 1 h 10

 

Festival d’Avignon – Off

Jusqu’au 13 juillet à 23 h (relâche le 12 juillet)

En anglais (surtitré en français)

 

Manufacture

2 rue des Ecoles

Avignon

www.lamanufacture.org

 

 

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