Barbara (par Barbara), de Clémentine Deroudille et Arnaud Cathrine, présenté par Marie-Sophie Ferdane et Olivier Marguerit, Festival Les Singulier-es 2024, Au Cent Quatre, Paris
  © DR   ƒ article de Nicolas Brizault-Eyssette Comment dire, il faut l’avouer dès le départ, sans doute une immense partie du public était là POUR Barbara, pour faire comme si, pour trembler à Vienne, près du petit bois de Saint-Amand. Oui, et alors ? Eh bien alors il faut aussi bêtement dire que nous attendions en tremblant du velours noir, Pantin (juste à côté, frissons positifs en plus) et toute une tripotée de souvenirs lointains ou datant du matin même, pour cette huitième édition du festival Les Singulier-es 2024. Avant que tout ne débute, une question gourmande et curieuse se pose sur ce que va donner ce piano électronique, ce petit canapé bleu, à moitié couvert d’un grand foulard russe… On imagine des frissons, des larmes, oui, bien sûr, Barbara, vous comprenez ? Sauf que ce n’est pas elle qui est là ce soir, et que discrètement, on se gifle, pince ou gronde, les versions ont été multiples, pour redescendre sur terre et assister pour de vrai à Barbara (par Barbara), conçu par Clémentine Deroudille, Arnaud Cathrine. Barbara est morte et c’est un spectacle lié à elle, d’une façon ou d’une autre, avec du talent sans doute, alors il faut respirer et regarder, tout simplement. Ouvrir les yeux et les oreilles. D’accord, promis. Mais la première chose est tout bêtement le son… Il ressemble à celui d’une télévision qui aurait été laissée allumée à fond dans une pièce toute proche et que sur scène, Marie-Sophie Ferdanne se donne avec talent et fait croire que c’est elle qui parle, vraiment. Bon, il faut rester sage, se dire que ce n’est rien, la modernité galope et peut-être une nouveauté nous a échappée et que cette voix technique et aussi lointaine que trop proche, forte, là, devant nous, est tout à fait banale, évidente, normale. Ok. Cette femme en noir semble donc être Barbara et nous raconter ce qui lui plaît, déplaît, ce qu’elle a pu sentir en débutant, ce qu’est pour elle un public, qu’elle tente ici ou là d’amuser. Cela fonctionne sur une rangée, à droite, au milieu, six sièges résonnent régulièrement. Cette femme en noir donc suit son texte sur de jolies feuilles dactylographiées. Est-ce un clin d’œil, un lien puissant ou quelconque, ou bien une première légèrement amnésique ? Toutes ces questions danseront le flamenco jusqu’au bout, sans révélation aucune. Un spectacle qui se rode ? Ces jolies pages font-elles partie du spectacle ? Est-ce exprès ? Oui ou non ? On peut grogner donc, puis glisser vers ces ondes barbaresques qui finissent par nous séduire, nous amuser aussi, nous rappeler. La séduction fonctionne, le pardon arrive. Même si la musique est presque absente, le chant enfermé dans du « lalala » répété, sur plusieurs tons, c’est vrai, Barbara avait écrit des tas de chansons, donc vive les « lalala » multiples. Les questions pleuvent encore, que fait ce musicien, Olivier Marguerit ? A quoi sert-il ? Tiens, d’un seul coup la voix de Barbara, la vraie. Ouf ? On se sent coupable, là un petit tremblement face à tout le mal que s’est donné cette équipe pour un spectacle qui a peut-être besoin de s’améliorer, de se regarder dans une grande glace et s’apercevoir de ce qui manque, ici ou là, de ce qui ne fonctionne pas, et comment relier tout ça avec l’énergie présente ? Il faut dire en même temps, allez savoir pourquoi, que ce spectacle emporte aussi, que l’ennui ne pleut pas, les grognements s’évadent et le temps passe sans se montrer. Bref, Barbara (par Barbara) est une très bonne idée, pure et délicate, folle et périlleuse, avec du talent évident et ressenti, qui nous plonge dans un univers sérieux et amusant, mêlant souvenirs et réel plaisir, pur et créatif… Mais toutefois une seule envie en ressortant de là, mettre un disque (et devinez de qui ?). Est-ce bon signe ?     Barbara (par Barbara), de Clémentine Deroudille et Arnaud Cathrine Avec Marie-Sophie Ferdanne et Olivier Marguerit   Durée 1h Festival Les Singulier-es 2024, 8e édition Du 7 au 9 février 2024   CENTQUATRE-PARIS 5 rue Curial 75019 Paris Réservation 01 53 35 50 00 www.104.fr      Read More →
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Le Cabaret de la rose blanche, conception et chorégraphie de Radhouane El Meddeb, au Manège de Reims
  © Agathe Poupeney fff article de Denis Sanglard Ils entrent sur le plateau mains ouvertes, offertes. Un geste d’accueil, de bienvenue, accompagné d’un vaste sourire qui embrasse le public et d’emblée nous sommes conquis, troublés et bouleversés. Parce que ces mains sont vides, elles ne contiennent que l’espoir fragile d’un ailleurs heureux et la douleur du partir, de l’exil. Cet exil que porte Radhouane El Meddeb, une épine en plein cœur, en sautoir, et qui innerve depuis toujours son travail de chorégraphe. Avec Le Cabaret de la rose blanche, nouvelle approche d’une forme inconnue de lui jusqu’alors, Radhouane El Meddeb signe une création sensible, écorchée, à fleur de peau. Et de cette première fois, de ce premier exercice de style il se dégage une fragilité et une fébrilité, une perfectibilité prometeuse qui ajoutent à l’émotion nous traversant plus d’une heure durant. Piano et contrebasse accompagnent la chanteuse tunisienne Lobna Noomene, entourée de trois danseurs dont Radhouane El Meddeb, également maître de cérémonie, chaussé ici de lunettes roses et vêtu d’une jupe noire comme pour mieux disparaitre derrière sa créature chimérique. Ce cabaret, au titre éponyme d’un film égyptien de 1933, âge d’or du cinéma musical arabe dont il est ici rendu hommage pour sa liberté frondeuse, est d’une profonde délicatesse mais n’oublie jamais d’être en substance subversif et politique. Dans le contexte délétère qui est le nôtre, ou droite extrême et extrême droite ne cessent d’empoisonner le débat sur l’émigration, stigmatiser l’étranger, il est bon et urgent d’entendre une autre parole, poétique et engagée, n’exprimant rien d’autre que la réalité d’une souffrance, d’un déchirement, de ceux qui ont quitté leur pays et participé, et participent encore, à notre histoire commune. Certes il y a du queer et du camp’, un peu, juste pour souligner que nous sommes au cabaret mais aussi qu’une danse du ventre exécutée par un homme, même esquissée ou encore exacerbée, c’est un sacré pied-de-nez au rigorisme religieux, aux intégrismes de tout poil qui menacent les libertés individuelles dont Radhouane El Meddeb dénonçait déjà le danger dans Au temps où les arabes dansaient. Et ces bras qui ondulent avec sensualité, brusquement n’évoquent plus rien d’autre que d’autres bras, luttant contre les flots, corps se noyant en méditerranée dans l’indifférence cynique de l’Europe. Le cabaret est l’art du retournement, de la métamorphose, de la subversion, Radhouane El Meddeb y trouve là de quoi exprimer ses préoccupations et combats dans une forme plus ramassée et concentrée, directe, un art de l’esquisse franche et terriblement efficace… N’insistant pas plus que ça, et c’est bien, non qu’il esquive mais préfère se concentrer sur la chanson et convoquer le répertoire classique méditerranéen, celui des grandes divas populaires, de Saliha à Fairuz, d’Ismahan ou Dalida lesquelles ont exprimé la dévastation intime de l’exil qui du particulier devient celui d’un peuple. Et c’est bien de découvrir toute la richesse flamboyante et poétique de ce répertoire que Radouane El Meddeb prend le temps de traduire. Même Michel Polnareff y trouve sa place et chanter ici lettre à France ne manque singulièrement pas d’ironie mordante. L’étole tissée de mille paillettes que porte Lobna Noomene est un manteau de larmes posé sur de frêles épaules qui se refusent à plier, il y a dans sa voix magnifique ancrée dans la grande tradition du chant arabe des sanglots étouffés, et derrière son éclatant sourire une sourde et prégnante mélancolie déchirante. On est happé, mordu par cette douleur transfigurée et la beauté assurée et pure d’un chant qui semble contenir, concentré là, toute la souffrance du partir et de l’abandon, la nostalgie d’un pays qui vous contraint au départ mais se refuse à l’oubli. Et pourtant il y a quelque chose de joyeux, de chaleureux, dans ce cabaret qui résiste, arc bouté et volontaire, à la tristesse et le lancinant poison du spleen. De ce venin il y a la volonté têtue de faire contre-poison, un baume pour apaiser la brûlure du manque. C’est toute l’ambivalence du sentiment d’exil. Radhouane El Meddeb se refuse à céder au désespoir, au désenchantement pour célébrer l’espérance. Pas celui d’un retour, sans espoir ou illusoire, non, mais d’une formidable résistance et résilience à cet exil devenu intérieur afin que « les larmes deviennent des éclats de rire » pour reprendre en partie le titre d’une de ses pièces chorégraphiques. Lieu d’accueil et d’intégration, interlope, sans frontière et effrontément libre sinon libertaire, le cabaret est aussi un refuge pour tous les exilés qui peuvent y offrir la richesse de leur culture, leur diversité, détournée ou non, dans un rapport direct et sans façon avec le public, libre ou non de recevoir. Radhouane El Meddeb a osé et réussi ce pari, accepter cette fragilité et friabilité, devenues un bel atout, offrant un autre aspect du cabaret, art en pleine mutation mais s’inscrivant dans une tradition, ici orientale. Et puis il y a cette dernière image pour conclure sans appel cette création, d’une troupe dos tourné au public, immobile soudain, fixant obstinément le lointain, l’horizon au-delà duquel la mémoire d’un pays, l’écho de l’orient tout entier, se rappelle à eux comme à nous. L’exil est contagieux affirme Radhouane El Meddeb, on ne peut, devant cette création réussie d’une douceur épineuse et la réaction spontanée et enthousiaste du public, qu’approuver.   © Agathe Poupeney   Le Cabaret de la rose blanche, conception et chorégraphie de Radhouane El Meddeb Création musicale : Selim Arjoun Interprètes danse, chant et musique : Radhouane El Meddeb, Philippe Lebhar, Guillaume Marie, Lobna Noomene, Sofiane Saadaoui Ecriture des textes : Marianne Catzaras Collaboration artistique : Philippe Lebhar Création costumes : Sari Brunel Direction technique : Manuel Desfeux Régie son : Clément Baysse Production, diffusion : Nicolas Gilles   Vu le 3 février 2024 Festival Faraway / Reims www.farawayfestival.eu   Le Manège 2 bd du Général Leclerc 51100 Reims www.manege-reims.eu   Tournée : 15 et 16 mai 2024, Pôle Sud, CDCN de Strasbourg 31 mai, Festival June Event / Paris      Read More →
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El Maestro d’Aziz Chouaki, regard extérieur de Jacques Séchaud, jeu Mouss Zouheyri, Théâtre de Nesle, Paris
  © Jean-Pierre Estournet   ƒƒ article de Corinne François-Denève « Aziz Chouaki, 1951-2019 ». Les dates mentionnées dans le dossier de presse sont forcément une erreur. Comment une voix aussi singulière aurait-elle pu s’éteindre ? Lui qui était le Verbe, un Verbe d’arabe, de berbère et de français mêlés ? Mais il faut bien s’y résoudre : il n’y aura plus de nouvelles pièces de Chouaki. Il ne reste qu’à espérer que son théâtre, plein de vigueur et de poésie, soit toujours joué. Dans la petite salle en pierre du théâtre de Nesle, Mouss Zouheyri, qui a connu Chouaki, reprend El Maestro, créé en 2001. Comme souvent chez Chouaki, le héros, ou plutôt l’anti-héros, se coltine un réel assez disloqué. On devine l’Algérie du temps des menaces. Mais quelle idée, aussi, dans un tel contexte, de vouloir se présenter à un concours de musique… Mais « El maestro » n’en démord pas : même avec son groupe brinquebalant, il va le créer, son morceau. Même si une visite inopportune vient interrompre sa répétition. « El Maestro », « le Maître », par dérision, a un but : que sa musique se fasse l’écho de celle d’Alger, ville-monde, ouverte sur la mer, hétéroclite et bariolée, tuante et vivante en même temps. Le Verbe de Chouaki, lui-même musicien de rock, déploie sa sorcellerie évocatoire pour faire revivre tel quartier, tel pittoresque personnage. Au coin d’une envolée lyrique, une pique acerbe, pleine de nostalgie douloureuse, sur le sort de son pays. La tâche de Mouss Zouheyri n’est pas aisée : donner souffle à ce poème, vie à ces différents personnages, couleurs à ces paysages. Le pari est assez réussi, le sac à malices de l’acteur recelant de nombreux sortilèges – dont un poireau, végétale baguette de chef d’orchestre. L’espace est très intelligemment exploité, avec une économie de moyens modeste et pudique. Le public, composé de fidèles, écoute avec joie et piété. Il ne reste plus qu’à espérer que Chouaki soit découvert par de nouveaux admirateurs.   © Jean-Pierre Estournet   El Maestro, d’Aziz Chouaki Mise en scène (regard extérieur) : Jacques Séchaud Jeu : Mouss Zouheiri Création musicale : Jean Luc Girard Création lumière : Vincent Papot-Libéral   Du 18 janvier au 2 mars 2024, du jeudi au samedi à 21h Durée : 1 h 15   Théâtre de Nesle 8 rue de Nesle 75006 Paris T+ 01 46 34 61 04   www.theatredenesle.com      Read More →
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Ex Machina, spectacle-performance de et avec Carole Thibaut, TNP Villeurbanne
  © Héloïse Faure   ƒƒƒ article de Corinne François-Denève « Ex machina » se retrouve par exemple dans l’expression « deus ex machina ». Au théâtre, désigne le dieu (genré au masculin) qui daigne faire son apparition à la fin de la pièce pour résoudre tous les problèmes, ceux du héros, et accessoirement de l’héroïne, qu’on marie ou envoie au couvent, si elle n’y est pas déjà. « Machina » car, pour apporter le dieu sur scène, il faut bien une « machine », un mécanisme, pour que le dieu descende des cintres, jaillisse d’une trappe, tombe du ciel, y retourne, etc. « Ex machina ». Littéralement : « sorti de la machine ». On remarquera que « machina » est nanti d’une terminaison en « a » qui fait pourtant très féminin. Avec Ex Machina, spectacle-performance créé au Théâtre des Ilets de Montluçon, qu’elle dirige depuis 2016, Carole Thibaut poursuit son travail d’exploration autofictionnelle. Sous la persona de Carole Thibaut, directrice de CDN, qu’elle est et n’est pas, elle continue à dévider le fil d’une enfance placée sous l’autorité d’un père qui ne sait pas forcément aimer, d’une jeune fille un peu godiche, qui tombe amoureuse d’intellos ou de mauvais garçons, d’une comédienne soumise au désir des autres, d’une femme en quête de la solution miraculeuse qui lui permettrait de sortir de ses assignations. Le personnage est elle-même et toutes les femmes. Le début la rêve en femme puissante, chevalière de conte, enfourchant un fier destrier, reine des Amazones ou des pommes. Mais le récit se déchire sous le poids de la réalité. La couronne est bien pesante et trompeuse, et les loups prompts à revenir. Ex Machina n’est pas résumable et n’a pas à l’être, puisqu’il faut absolument le voir. La pièce tient de la performance, du stand-up, du cabaret, du burlesque, du show comique, de la revue satirique. Carole Thibaut est tour à tour une caustique humoriste et une clownesse fatale. Son propos va des tailleurs pour dames à la litanie des agressions et violences qui émaillent les vies des femmes. Pour servir son texte puissant et inspiré, elle utilise une magnifique scénographie, qui crée des images entêtantes et mystérieuses. Une tête de cerf, une baignoire et des tentures pourpres, une longue robe noire… Le « giallo » et le gothique emballent, théâtralement, un récit tout en fulgurantes douleurs et en explosions de révolte. La comédienne se transforme un cyborg ubuesque, poupée gonflée pleine de « Daddy issues ». Ex Machina, comme « sorti de la machine ». Au terme de la pièce, le processus s’est accompli : naissance de Carole Thibaut à Carole Thibaut. Encombrée de prothèses et de perruques, de cagoules et d’artifices, comme une femme qui se cherche, la voici enfin nue devant vous, arrivée à sa vérité, tout aussi nue. « Ex machina » révèle bien une déesse, et la possibilité d’un dénouement ; celui de la sortie de la « machine » à broyer les femmes, et en particulier les femmes de théâtre. Manifeste de la créatrice, créatrice manifeste.   © Héloïse Faure     Le 3 février, le TNP proposait également une journée « Genre et Pouvoir ». En guise d’ouverture, une projection du film No Gravity, (2011), suivi d’un débat avec sa réalisatrice, l’ancienne astrophysicienne Silvia Casalino. Dans son film, Casalino s’est interrogée sur l’absence de femmes dans le monde de la conquête spatiale, si on excepte les « human calculators ». Vrai documentaire « à histoire », mais aussi plein d’humour, No Gravity convoque Star Trek pour se questionner sur le narratif blanc et viril du monde des fusées. Le débat a évoqué aussi Valentina Vladimirovna Terechkova, icône soviétique, qu’on a accusé d’être ivre lors de son vol spatial… faux ! si Terechkova a été malade lors de la phase de rentrée atmosphérique, c’est par un phénomène fort naturel. Elle n’a eu le tort que de vouloir… nettoyer ses vomissements, revenant dans sa capsule, mue par un réflexe atavique… Aurore Evain, pionnière du matrimoine, et femme puissante qui a réussi à imposer à nouveau à l’Académie le mot d’autrice, est ensuite venue parler de ses recherches, et aussi de son Laodamie (pièce de Catherine Bernard), bientôt créé (le 27 février) à la Ferme de Bel Ebat. Elle a ensuite échangé avec Eliane Viennot autour de reines, de loi salique, et de vision genrée de l’histoire. La journée s’est conclue par des ateliers, suivis d’une restitution, menés de main de maîtresse par Julie Rossello Rochet, Charlotte Fermand et Chloé Bégou.       Ex Machina, de Carole Thibaut Texte, mise en scène & jeu :  Carole Thibaut (éditions Lansman) Assistante à la mise en scène : Liora Jaccottet Création lumière : Yoann Tivoli Création sonore : Karine Dumont Création vidéo : Benoît Lahoz Création costumes : Malaury Flamand assistée d’Ophélie Reiller Dialogues artistiques & amicaux : Pascal Antonini, Caroline Châtelet, Marion Godon, Elsa Granat, Vanasay Khamphommala, Philippe Ménard… Régie générale : Guilhèm Barral   Créé au Théâtre des Ilets, Montluçon. Du 30 janvier au 3 février 2024 au TNP Villeurbanne-CDN, 20h ou 20h30 Durée : 1h35   Théâtre National Populaire 8 place Lazare-Goujon 69627 Villeurbanne cedex 04 78 03 30 00   www.tnp-villeurbanne.com    Read More →
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Papillon Noir, de et avec Solen Briand, dans le cadre du Festival Magic Wip, au Pavillon Villette, Paris
  © Compagnie la Subliminale   ƒƒ article de Hoël Le Corre Solen Briand nous reçoit autour d’une grande table noire, au milieu de peintures qui parsèment les murs d’une petite pièce qui a tout pour receler un moment intime. Magicien et mentaliste, il nous accueille, soudain convives d’un hommage à sa maman, décédée des suites d’une maladie foudroyante. Le temps d’un spectacle, Solen nous invite surtout à célébrer la vie, en nous racontant la femme qu’a été sa mère. En filigrane donc, le deuil et le récit d’une sédation profonde et de toute l’hypocrisie qui l’entoure, l’histoire d’un dernier souffle et la nécessité matérielle qui s’en suit de trier les objets et les souvenirs d’une mère. Le propos est grave, intime, et l’émotion affleure à de nombreuses reprises, notamment lorsque Solen lit sans fioriture des extraits de textes prononcés lors de la cérémonie funéraire. Comme les morceaux d’un puzzle qui accompagneront le deuil, ces textes surgissent comme les pages d’un journal intime et colorent le spectacle de touches de poésie. Mais la plupart du temps, le magicien contourne la noirceur du propos par l’humour et le pas de côté. Il taquine le fantôme de sa mère et se rit de lui-même pour nous faire entrer dans le charme de leur relation mère-fils. La narration est intelligemment servie par des effets spéciaux, entre magie et mentalisme et Solen Briand n’a de cesse de nous bluffer durant cette heure passée en sa compagnie. Parfois, l’effet spécial passe inaperçu au profit de la conduite du sens, quand d’autres fois, le récit s’incline tout bonnement devant le surgissement de l’impossible. Raconter les tours révélerait tout le sel de ce spectacle original et surprenant, mais c’est aussi déroutant que remarquable !   © Compagnie la Subliminale   Papillon Noir, de Solen Briand Écriture, magie et interprétation : Solen Briand Du 30 janvier au 1er février 2024 19h Durée : 1h Pavillon Villette Parc de la Villette 75020 Paris Réservations : 01 40 03 75 75    Read More →
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Le moment psychologique, texte de Nicolas Doutey, mise en scène d’Alain Françon, à La Scala
  © Christophe Raynaud de Lage ff article de Denis Sanglard Sortir d’une création bien perplexe et se demander si tout ça qu’on a entendu, vu, c’est au choix du lard ou du cochon… Le moment psychologique est une énigme qui laisse le spectateur dubitatif, dans une situation inconfortable, ne sachant pas très bien par quel bout prendre la chose. L’auteur Nicolas Doutey ayant l’outrecuidance de laisser son texte en l’état, ne s’excusant pas même de nous laisser dans une certaine panade, à cogiter pour tenter de comprendre quelque peu, à résister fermement aussi pour ne pas laisser tomber l’affaire. Le rire irrésistible qui monte devant non la situation exposée, somme toute presque banale, et tout est dans le presque, mais reposant dans la forme et surtout sa formulation participe néanmoins d’une certaine et légère gêne, paradoxalement jubilatoire, devant cet objet non identifié (qui n’est pas sans faire penser, avouons-le, à Roland Dubillard) qui nous ferait presque prendre des vessies pour des lanternes. Mais ne serait-ce pas justement le but ? Paul attend son ami Pierre quand arrive So, adjointe de Matt, une femme œuvrant en politique. Paul ne connait ni l’une ni l’autre. Mais Matt, ayant pris ses renseignements, est là pour proposer à Paul son engagement pour reformer l’objet et l’endroit du politique dans le monde. Paul qui n’y comprend rien, à la politique et à ce projet pour le moins incongru et à vocation utopiste, se laisse néanmoins tenter. Mais avant ça, il doit se préparer à faire une présentation… Se mêle à ça une histoire d’espionnage, de possible complot, un probable dysfonctionnement des services et les interventions de Pierre. Ce qui frappe c’est qu’on ne comprend de prime abord pas grand-chose, ni au projet exposé par Matt, encore moins aux éléments de langage utilisés. Bien pratique, oui, cet usage immodéré d’une langue technocratique au service du politique qui peut ainsi exprimer une pensée profonde, trop sans doute, comme masquer son vide abyssal et sa vacuité. Langage purement politique, voire technique, mais qui chez Nicolas Doutey n’est pas exempt, loin de là, de poésie et d’une douce folie. C’est bien ça qui sauve la mise et suscite l’intérêt et la curiosité, cette satire à peine voilée d’un dévoiement du langage et de sa contamination au service, on peut dire ça, d’un projet qu’on devine ici utopique et bienveillant. Les dialogues semblent totalement absurdes mais participent d’une logique sémantique imparable cultivant sciemment l’ambiguïté. Alain Françon signe une mise en scène minimaliste, rien de trop, et dirige les comédiens, tous excellents, comme d’habitude avec une précision maniaque toute horlogère. Surtout il se refuse à tout effet et laisse délibérément les dialogues aller à leur terme, sans jamais souligner d’un quelconque trait cette logorrhée singulière dite avec un naturel des plus confondant. Nul relâchement, les dialogues fusent, les réparties incongrues ne tombent jamais à plat, il y a même quelque chose de polissé et de courtois dans ces échanges où volent les coquecigrues, quelque chose vous rassurant dans toute cette étrangeté et provoquant de fait une certaine attention. Il y a une telle évidence dans ce qu’ils énoncent, une telle conviction et l’air de rien, qu’on est bluffé de leur art consommé de nous assener une vérité qui nous échappe de bout en bout, avec une langue qu’eux seuls maîtrisent, une vérité que béatement on finit par accepter à défaut de comprendre. C’est diablement efficace et retors sinon subversif. Nicolas Doutey, Alain Françon et ses comédiens ne nous donnent aucune prise dans ce vertige cocasse dans lequel nous tombons, qui ne montre rien d’autre et par l’absurde l’art de la manipulation.   © Christophe Raynaud de Lage   Le moment psychologique, texte et dramaturgie de Nicolas Doutey Mise en scène : Alain Françon Avec : Louis Albertosi, Pauline Belle, Rodolphe Congé, Pierre-Félix Gravière, Dominique Valadié, Claire Wauthion Scénographie : Jacques Gabel Lumières : Emilie Fau Regard costumes : Elsa Depardieu Régie générale : Marien Helmlinger   Jusqu’au 11 février 2024 Du mardi au samedi à 20h30 Le dimanche à 15h   La Scala 13 bd de Strasbourg 75010 Paris Réservations : 01 40 03 44 30 www.lascala-paris.fr    Read More →
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Les amours de la pieuvre, de Rebecca Journo, au Théâtre Le Colombier à Bagnolet, dans le cadre du festival Faits d’hiver
  © Rebecca Journo     ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot Les fonds marins augurent le royaume de l’invisible. Il nous faut tendre l’oreille pour y voir quelque chose. C’est un monde en soi. Dans une scénographie qui serait plus de l’ordre de l’installation que du décor, le public immergé dans le dispositif, Rebecca Journo œuvre à une sorte de laboratoire surréaliste, différentes paillasses disséminées alentour : une table patinée d’une matière dégoulinante et visqueuse, ses coulasses vitrifiées, un fauteuil gynécologique, un établi où vrombissent entre les mains d’une opératrice différentes fraiseuses, un aquarium, une table de mixage. L’éclatement de l’espace fusionne pourtant dans une production sonore unifiée et magnifiée comme un grand bain. Par un travail virtuose de sonorisation, amplification, réverbération, mémorisation et répétition en échos et boucles, les gestes prosaïques se déploient dans une autre dimension, vibratoire celle-là. Ainsi du roulement et frottement sans fin d’assiettes sur une table, le frottis de la porcelaine sur le bois convoquant le roulis des vagues, la houle instable et jusqu’aux mouvements des fonds marins. Les amours de la pieuvre est une pièce d’eau singulière, abyssale, amarrée à la physique des liquides, les mouvements des performers portés par ces mêmes courants. Cette étrangeté énigmatique, ces gestes spiralés, nous rincent immédiatement : lavés de nos attentes, déplacés dans notre regard qui se charge d’une écoute aux aguets, plongés dans un émerveillement sidérant. Rebecca Journo nous hypnotise car c’est bien à une phénoménologie d’un nouveau type à laquelle nous assistons. Les corps nimbés de cette production sonore acquièrent une sorte d’aura, une proximité immédiate enveloppée d’un lointain inaccessible. Les bras ondulent et s’activent dans un machinisme organique. Il y a bien sûr les tentacules affairés de la pieuvre, mais surgissent également des visions d’engrenages, de bielles mécaniques, d’accouplement de pièces. L’autonomisation du mouvement des extrémités dans le ballet des corps renvoyant à l’éclatement de l’espace travaillé concomitamment. On est bouche bée devant cette langue affamée, pareille à un lézard frétillant, entraînant dans son excitation l’entièreté du corps. La pieuvre est amour, délectation, et sans hiérarchie des plaisirs. C’est autant l’appétit des nourritures terrestres que le désir sexuel des corps qui créent son émoi. La pieuvre se colle au vivant, elle est succion infinie, comme un besoin inextinguible de dévoration. Dans ce déchaînement d’envies, la mécanique des fluides est la seule théorie qui vaille. La pieuvre aspire à tous les jus, mandarine, pastèque, eau circulant d’une bouche à l’autre lors d’un mémorable baiser assoiffé… Par le truchement de micros HF au plus près des corps, ce que l’on voit est superposé à ce que l’on entend. Un luxuriant écosystème, puisant ses ressources dans l’imaginaire sensible de l’auditeur, hybride matière visuelle et sonore. Un chant des baleines pour une main gantée de latex plongeant dans l’orifice d’une bouche, se frottant assidûment à l’émail des dents. L’accouplement de deux pieuvres pour la succion, déglutition, d’un performeur à la tête enfouie dans une pastèque. Les amours de la pieuvre fait dans la métaphysique des tubes, dans l’échange des fluides et par ce surgissement d’un paysage sonore vibrionnant de l’organicité la plus pure est bien volontiers transgressif. Le hiatus entre ce qui est vu et ce que l’on entend est ce même gouffre entre humanité et nature dont nous nous sommes irrémédiablement détachés. C’est cet écart qui effectue la poésie enivrante et burlesque de la pièce. Et, magistralement, pince-sans-rire comme une pince à crabe, propose un transhumanisme d’un nouveau genre. On ne peut manquer d’y adhérer, ventouses obligent, non plus cette exploitation sans fin du monde par l’homme se projetant et s’appropriant tout, mais au contraire l’ouverture de l’anthropocène à d’autres manières d’être vivants. Sous son sérieux facétieux, plus encore qu’une plongée en eaux profondes, Les amours de la pieuvre nous offre un bénéfique décentrement.     Les amours de la pieuvre, concept et chorégraphie de Rebecca Journo Création sonore : Mathieu Bonnafous Création et performance : Rebecca Journo, Mathieu Bonnafous, Véronique Lemonnier, Raphaëlle Latini, Jules Bourret Collaboration artistique et image : Véronique Lemonnier Conception et construction des objets et mise en lumière : Jules Bourret Fabrication accessoires métal : Florent Seffar Collaboration artistique et création sonore : Raphaëlle Latini Création costumes : Coline Ploquin   Durée : 1h Le 31 janvier 2024 à 19h30   Théâtre Le Colombier 20, rue Marie-Anne Colombier 93170 Bagnolet   www.lecolombier-langaja.com    Read More →
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Être Peintre, d’après la correspondance de Nicolas de Staël, mise en scène de Tatiana Vialle au Théâtre 14 à Paris
  © Denise Colomb   ƒƒ Article de Sylvie Boursier Il faut écouter la correspondance de Nicolas de Staël pour réaliser à quel point l’homme aimait écrire. Tatiana Vialle compose un spectacle impressionniste, pas un biopic mais un portrait intime du peintre qui s’exprime par petites touches à travers un choix de lettres éminemment subjectif. Toutes témoignent de sa recherche du geste juste, du renouvellement continu, de sa quête d’espaces nouveaux, de ses rencontres avec des poètes comme René Char, des musiciens comme Stravinsky, des femmes qu’il a adorées. N’importe quel évènement l’inspire même un match de football comme en témoigne Parc des princes, une de ses œuvres majeures. L’argument dramatique est simple, une jeune peintre se cherche et guidée par son professeur, elle croise la route de Nicolas de Staël. À travers la lecture de ses lettres une transmission s’opère. En contrepoint des lectures, une artiste performeuse au travail réalise en direct, chaque soir, des aquarelles au feutre noir qui seront érigées sur la scène, rendant tangible la création plastique. La lumière au fort grain noir et blanc éclaire un bureau, des châssis, des pots de peinture, des planches et un écran. Bravo à Christian Pinaud et Stéphane Fritsch pour ces ombres feutrées qui balaient l’atelier silencieux aux antipodes des toiles fulgurantes exposées récemment au Musée d’Art Moderne. Pari osé de théâtraliser des écrits qui à l’origine ne sont pas faits pour cela même si le style est celui d’un véritable écrivain, et pari réussi. Les comédiens font apparaître très simplement la figure de ce peintre au charisme inouï et on comprend la fascination exercée encore aujourd’hui. Il y avait quelque chose de symbolique dans son habillement, avec cette stature aristocratique, cet air abandonné qui vous regarde de haut, ce visage d’orphelin désarmé. Mathieu Touzet a la verticalité qui convient lorsqu’il se laisse filmer par son élève faisant entendre de mémoire les derniers écrits rédigés à Antibes, d’une voix blanche presque détimbrée. L’émotion passe même si le niveau sonore est peu audible par moments en ce soir de première. Que vous connaissiez ou non Nicolas de Staël, lâchez prise comme devant les tableaux de Ménerbes ou de Sicile et à la fin de la représentation respirez, n’enchaînez pas immédiatement avec autre chose, lâchez vos SMS. Ensuite lisez Nicolas de Staël et si vous passez par Antibes, arrêtez-vous dans ce musée – vaisseau pierreux au bord de la mer où de Staël peignait seul à la fin de l’aube jusqu’à l’aube ; peindre et écrire, ces deux activités indissociables pour lui se rejoignaient à travers la poésie « je n’ai jamais gâché ma vie, ma seule préoccupation fut et sera toujours de peindre, quel que soit mon été moral et matériel ». Si ce n’est pas une passion fixe, ça y ressemble.   © Léa Mazzoni   Être Peintre d’après la correspondance de Nicolas de Staël Mise en scène de Tatiana Vialle, assistée de Léa Mazzoni Scénographie performée de Juliette Baigné Lumière de Stéphane Fritsch et Christian Pinaud Musique de Dominique Mahut et Sébastien Moreaux Avec Mathieu Touzé et Selma Bello Durée : 1h15 Jusqu’au 10 février du mardi au vendredi à 20h, samedi à 16h   Théâtre 14 20 avenue Marc Sangnier 75014 Paris Le 10 février au Théâtre 14 à 14h rencontre avec Pierre Watt, commissaire de l’exposition Nicolas de Staël au musée d’Art Moderne.   Réservation : 01 45 45 49 77 www.theatre14.fr    Read More →
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Cellule, de Nach, au Théâtre de la Bastille / festival Faits d’hiver
    © Dainius Putinas   ƒƒ article de Nicolas Thevenot D’abord la nuit noire, épaisse, comme une brusque étreinte à couper le souffle. C’est la première cellule, celle du repli en soi où l’ouïe fraye son écoute dans un dense labyrinthe sonore, rocailleux, reconnaissable mais non identifiable : s’en détache le grain du réel, comme celui qui affleure dans une photo argentique à force d’agrandissement. Dilatant les durées de ses séquences comme autant de cellules autonomes, Nach nous travaille autant qu’elle travaille, le temps est cet autre cul-de-basse-fosse dont personne n’échappe. La chorégraphe construit non pas un état d’âme mais une veillée d’armes. Un état de siège. Un qui-vive lancé nuitamment. Lorsqu’elle apparaît dans une lumière contrastée, bigarrée d’obscurité, c’est une narine frémissante qui nous saisit. Le K.R.U.M.P. (Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise), né dans les années 2000 dans les quartiers pauvres de Los Angeles, est autant une danse qu’un rapport au monde, une attente nerveuse, une puissance qui s’exprimerait autant qu’elle ne se retiendrait. Dans cette narine s’ouvrant et se refermant comme un point de fuite, c’est, rassemblée, toute l’énergie d’une rage prête à fondre dans le corps sec et nerveux de la danseuse. Il y a du frémissement et des prémisses, comme un muscle se préparant avant de lâcher son coup. L’attention spectaculaire se concentre dans les tensions musculaires. Nach revendique sa guerre, elle l’incarne non pas avec une crânerie déplacée mais avec une sincérité qui frappe. Corps et âme, son souffle est le piétinement d’une armée en souffrance autant que la soupape d’un vent de colère. Avec ses lumières au néon, ou celle, à l’arrache, d’un téléphone articulé à bout de bras, le règne de la zone, des parkings glauques, des sous-sols en déshérence, s’érige fragile sous nos yeux. C’est le lieu d’un peuple invisibilisé, ensauvagé si l’on veut bien faire de l’injure proférée par certains politiques la couronne d’une résilience en acte (et l’on repense également au geste que représentait la production récente des Indes galantes mise en scène par Clément Cogitore, reprenant krump, voguing…). On pense au Caravage, à ses clairs-obscurs, et à ses modèles pris dans les bas-fonds : Nach finalement porte sur scène cette « danse de rue » comme le maître porta sur les cimaises des églises un réel et une classe sociale que l’on abhorrait. La comparaison peut se poursuivre avec cette primauté de l’éclat, de la fulgurance saisie en plein vol, donnant à voir le tressaillement de la chair. La concaténation des cellules qui enchaînent Nach forme un chemin de ronde. A la fois danse et circulation de la sentinelle. Son parcours explore d’un même geste, indistinctement, intériorité et extériorité. La griffe des gestes déploie le paysage changeant d’un visage avec cette impression troublante d’une identité traversée par une multiplicité querelleuse. Si le KRUMP est une construction chorégraphique hyper codée, comme peut l’être le ballet classique, si ses battles donnent un cadre sous forme de dispositif à ses performances, Nach se l’approprie en le dépaysant vers d’autres territoires, notamment celui de l’intimité. L’incarnation, qu’il faut ici prendre au sens littéral tant l’engagement de la danseuse élimine toute distance, devient le medium d’une lutte en soi et des tensions qui l’innervent. Elle nous trouble profondément comme un geste osé peut le faire, interrogeant sur nos propres limites. C’est là le point clef d’une œuvre au noir, fascinante, fulgurante comme un hérétisme, souterraine comme un archaïsme.   © Dainius Putinas   Cellule, conception, danse, texte et images de Nach création lumière et décors : Emmanuel Tussore régie générale et régie son : Vincent Hoppe construction décors : Boris Munger et Jean-Alain Van   Durée : 45 minutes   Du 26 au 28 janvier 2024 à 18h30 sauf le 26 à 20h30   Théâtre de la Bastille 76 rue de la Roquette 75011 Paris Métro Bastille Réservation :  01 43 57 42 14 https://www.theatre-bastille.com  Read More →
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Les forteresses, texte et mise en scène de Gurshad Shaheman, au Théâtre de la Bastille
  © Agnes Mellon   ƒƒƒ article de Denis Sanglard Trois monologues entrelacés en une trame serrée, les récits puissants et sans fard de trois femmes nées en Iran, à Mianeh, au sein des montagnes de l’Azerbaïdjan, au début des années 1960. La mère de Gurshad Shaheman et ses deux tantes. Elles ont connu, engagées de près ou de loin, la révolution de 1979, la désillusion amère, la répression de la République islamiste, la guerre avec l’Irak, l’exil pour deux d’entre elles, la troisième restant volontairement au pays. Récit d’une émancipation arrachée douloureusement avec la ferme conviction de trouver, dans cette volonté absolue d’affronter frontalement sans jamais céder, une vie dominée par la violence des hommes et l’oppression du pouvoir politique et l’obscurantisme religieux, leur liberté. Elles ont fait des études avant d’en être exclues, elles se sont mariées, elles ont eu des enfants, elles ont divorcé. Récit de vies qui auraient pu être ordinaires s’il n’y avait eu ce contexte singulier qui les obligeât à des choix radicaux, entrer en résistance jour après jour pour échapper aux violences domestiques, au patriarcat, au religieux. Et puis l’exil, en France pour la mère de Gurshad Shaheman et en Allemagne pour l’une de ses sœurs, à faire partie désormais de la cohorte des émigrés, à tout reconstruire, déracinées et seules avec leurs enfants. Gagner enfin sa liberté quel qu’en soit le prix. Et revenir en Iran, pour quelques échappées et reconnaître ne plus appartenir tout à fait à ce pays, ni tout à fait à celui qui vous a accueilli. Entre l’intime et le politique, chacune à leur façon, chacune en leur exil, intérieur ou géographique, raconte ce destin par force hors du commun, cette résilience qui en font des femmes, malgré elles, ou qu’elles s’en défendent, puissantes. C’est cru, violent, terrible dans les faits mais Gurshad Shaheman a cette élégance affirmée, dans l’écriture et la mise en scène, de ne jamais verser dans le sensationnel, la surenchère, d’en rester strictement au récit, à cette parole confiée et offerte avec une franchise bouleversante. La mise en scène participe de ça et désamorce avec justesse, avec une belle simplicité, une sensibilité à fleur de peau, tout effet pathétique et grossier. Trois comédiennes, en des points différents de la scène, racontent ces vies bouleversées avec sobriété, non sans gravité parfois, mais elles ne sont pas seules sur ce plateau métamorphosé pour l’occasion en salon de thé où les spectateurs sont invités à s’installer dans de profondes banquettes et qui bientôt les plongera sans échappatoire possible au sein même de ces destins fracassés. La mère et les deux tantes de Gurshad Shaheman sont là aussi qui vous accueillent, hospitalières et prévenantes. Présences muettes et chaleureuses, elles ne revivent pas précisément au long de ses récits les évènements. Non, ce sont des gestes quotidiens, préparer un repas, composer un bouquet… et parfois, c’est vrai, rejouer, comme au théâtre, maladroitement et non sans humour, une scène cocasse, l’histoire d’un chevreau non sevré. C’est montrer le paradoxe d’une vie ordinaire menée coûte que coûte, avec obstination, comme ultime et unique résistance, pour contrer la violence quotidienne pris en charge ici par ces récits sans concessions, portés avec une retenue remarquable, admirablement par les trois comédiennes. Et ça, ça vous arrache une indicible émotion, tenace et qui ne vous lâche plus au fil de la représentation. Et quand parfois ces trois sœurs chantent, accompagnées de leur fils et neveu veillant ici avec grande attention sur elles, des chansons populaires de chanteurs iraniens en exil, qu’elles amorcent ensembles quelques pas de danse, qu’on s’en défende viennent les larmes jusqu’alors retenues. La force immarcescible de ses femmes traversées de douleurs mais tenaces dans leur volonté émancipatrice et le lien indéfectible qui, malgré la séparation, les lie entre elles, sont là qui éclatent avec une joie libératrice et consolatoire. Et puis soudain, après trois heures d’un chemin de vie hors-norme, de récits exemplaires, chacune s’exprime à son tour, presque timidement, et en quelques mots simples conclue cette création sensible, donnant chacune la clé de ce courage têtu et que nous ne dévoilerons pas ici. Et c’est bouleversant.   © Agnes Mellon     Les forteresses, texte et mise en scène de Gurshad Shaheman Avec Guilda Chahverdi, Mina Kavani, Shady Nafar, Gurshad Shaheman et les femmes de sa famille Assistanat à la mise en scène : Saeed Mirzaei Création sonore : Lucien Gaudion Scénographie : Matthieu Lorry-Dupuy Lumière : Jérémie Papin Dramaturgie : Youness Anzane Régie générale : Pierre-Eric Vives Costumes : Nina Langhammer Régie plateau, accessoires : Jérémie Meysen Maquillage : Sophie Allégatière Coaching vocal : Jean Fürst   du 5 au 11 février à 19h30 samedi 10 et dimanche 11 février à 17h relâche le 8 février durée 2h50   Théâtre de la Bastille 76 rue de la Roquette 75011 Paris   Réservations :   01 43 57 42 14 www.theatre-bastille.com   création vue le 3 juin 2022 à la MC93 : Bobigny        Read More →
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L’Addition, texte et mise en scène de Tim Etchells au Théâtre Silvia Monfort
  © Christophe Raynaud de Lage   ƒƒƒ article de Sylvie Boursier Un peu rétro, presque ringard, le restaurant de L’Addition, on se croirait dans un film de Kaurismaki avec ses aplats de couleur vintage. Au bar, payez-vous un cocktail improbable avec un zest de Chaplin, une touche de Tati, le tout arrosé de Queneau, mélangez et goutez ce petit bijou d’humour anglais so sweet. Le metteur en scène Tim Etchells semble avoir pris un malin plaisir à mettre ses deux personnages – un serveur et un client – sur un tapis roulant instable pour en disséquer le comportement. Le client commande du vin, le serveur s’exécute mais le vin déborde, envahit la nappe, changement de nappe et rebelote. Le même thème répété à l’infini avec des micro variations, comme un rondeau, bref le genre d’expérience qui rend fou. Poussés à bout, le duo se cherche sans jamais se croiser, étire chaque mouvement, avance, rétropédale, rembobine, les mots affluent dans le désordre jusqu’à la catastrophe finale. Les spectateurs hallucinés assistent impuissants à l’engrenage diabolique dans cette quintessence du muet. Des mouvements insignifiants prennent une importance incroyable, la nappe se transforme en baluchon, en coiffe bretonne, les serviettes en castagnettes, les couverts en épaulettes, hommage délicat à la danse des petits pains de Chaplin, et on remet le couvert ! Nasi Voutsas, le flegmatique barbu à l’accent british fronce légèrement les sourcils, opine du chef, tour à tour ironique, méditatif, onctueux, face aux propositions triviales de son vibrionnant condisciple qui ne méritent pas une telle concentration. En bon commercial, il nous brade son spectacle et cherche à nous rassurer « non, pas si compliqué, en fait, c’est très simple », On est écroulés de rire à la vue de ce Candide au sourire béat face à une grande cigogne qui bat des ailes, relance avec enthousiasme, s’enflamme en vain ; le public sait d’avance qu’ils courent à l’échec puisqu’il leur est impossible de quitter leurs rôles. Condamnés à une rotation perpétuelle, ils sont faits comme des rats, puis brusquement ils nous confrontent au temps qui passe et trépasse, chef d’œuvre d’humour noir. Ne vous fiez pas à l’apparente superficialité de ce délire à deux. Les images ciselées torpillent les codes sociaux aberrants auxquels on se soumet, les rapports de classes entre dominants et dominés, qui paye au final ?  Qui tire la couverture (la nappe plus exactement) à lui ? Qui a le beau rôle ? Si Tim Etchells a voulu nous montrer que nous sommes condamnés à répéter les mêmes échecs, incapables d’évoluer, c’est réussi. Avec trois fois rien, il rend la redondance performative sur une écriture dramatique ultra rigoureuse. Respect aux deux performeurs, Bert et Nasi pour les intimes, avec en cuisine un chef anglais, digne fleuron avant gardiste de l’heureuse Albion et comme disaient les Monty Pythons, « Some things in life are bad, they can really make you mad, don’t grumble, give a whistle ways look on the light side of life ! (Des choses sont mauvaises dans la vie et peuvent vraiment te rendre fou, ne râle pas, siffle un coup, regarde toujours le côté illuminé de la vie ! ». Tchin, tchin ! à boire sans modération !   © Christophe Raynaud de Lage   L’Addition, théâtre performance de Tim Etchells avec la collaboration de Bertrand Lesca et Nasi Voutsas Conception, texte et mise en scène : Tim Etchells avec la collaboration de Edward Fortes Interprété et créé en collaboration avec Bertrand Lesca, Nasi Voutsas Assistanat à la mise en scène : Edward Fortes, Nicki Hobday Scénographie : Richard Lowdon Musique : Graeme Miller Lumières : Alex Fernandes Traduction : Aurélie Cotillard   Durée : 1h20 Jusqu’au 3 février, jeudi et vendredi à 20h, samedi 18h   Théâtre Silvia Montfort 106 rue Brancion 75015 Paris   Réservation : 01 56 08 33 88 reservation@theatresilviamonfort.eu   Tournée : 13 03 2024 : Théâtre de Choisy-le-Roi 20 03 2024 : Centre culturel André Malraux, Vandœuvre-les-Nancy 26 03 2024 : Grrranit, Scène Nationale de Belfort      Read More →
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Sentinelles, texte et mise en scène de Jean-François Sivadier, au Théâtre du Rond-Point
  © Jean-Louis Fernandez fff article de Denis Sanglard  Ils sont trois amis, trois pianistes virtuoses à l’aube d’une carrière et d’un destin qui se dessinent pendant leurs années d’apprentissage. Inséparables malgré leurs divergences ou de par leurs divergences sur l’appréhension de leur art, de cet engagement absolu fait de solitude et de complicité, ne pouvant avancer que seuls face à eux-mêmes et pourtant ici toujours solidaires. Swan, Raphaël et Mathis, jamais d’accord sur rien mais tenus fermement par ce lien irréfragable, la musique et sa pratique. Trois caractères, trois couleurs, trois mouvements irréconciliables, trois façon d’être au monde et d’exercer leur art. Mouvements contradictoires qui pourtant exacerbent leur amitié faite d’admiration et de rivalité. Swan qui ne jure que par la beauté pure, la transcendance, l’émotion et la poésie seules capables de changer le monde. Raphaël pour qui l’art ne peut être que politique, un engagement frontal pour soulager les maux de notre humanité. Pour Mathis, rien de tout cela mais la nécessité de se retrancher, de se couper du monde. Rien d’autre ne compte que la partition seule, l’arracher aux clichés et concepts abscons, le détachement volontaire, les profondeurs introspectives pour une quête intérieure se moquant de tout jugement, se gaussant de l’émotion, pour enfin « Arracher la musique à la négation du monde. » Mathis est le pivot subversif de ces trois-là. Intransigeant et tranchant, cynique parfois, dans sa quête d’absolu il est le génie du groupe quand les deux autres ne sont « que » virtuoses. Swan et Raphaël, chacun à leur manière, seront anéantis par Mathis. Jean-François Sivadier signe là une création virtuose, elle aussi, étourdissante et passionnante. Une partition jubilatoire, érudite, sans fausse note ni faux semblant, d’une intelligence incandescente. Mise en scène lumineuse d’une apparente simplicité, d’une grande clarté, et pourtant si sophistiqué dans son dépouillement volontaire, qui ne s’embarrasse de rien. Trois chaises, pas même un piano. La musique jouée ici est avant tout transcription organique, passant par les corps. « Un corps debout qui danse ». Chaque partition dans son interprétation devient ici une danse singulière et la musique traverse, foudroie, consume chacun, pure intériorité, pur ressenti indicible. Comme dans l’accordéoniste chanté par la môme Piaf, ça leur rentre par le haut, pas le bas, c’est physique. Jean-François Sivadier évite ainsi l’écueil du play-back inutile, d’une littéralité factice et illusoire, pour ne s’attacher qu’au rapport purement charnelle entre le musicien et la partition, ce que cette dernière provoque intimement chez le premier et sa transcription purement instinctive. Et c’est d’une justesse imparable qui vous fiche un sacré frisson. C’est une conversation menée à bâton-rompu par trois comédiens complices, fébriles, habités corps et âmes par leur personnage. Ca s’engueule sec et sans ménagement, ça se console aussi vite, comme de vrais amis, comme de vrais artistes dans l’exigence de leur art. C’est vachard, lucide mais non sans tendresse et admiration. Les dialogues sont percutants, brillants, savants et pourtant jamais pédants. Parce qu’on ne disserte pas, on échange, on se bat, on éprouve, convaincu ou non jusque dans sa chair comme dans son esprit de ce qui est énoncé, voire vécu intimement. Voilà, c’est vivant parce que c’est la vie qui se joue, l’art qui se vit. Et révèle incidemment les failles et les blessures intimes. Formidable de les entendre se prendre le chou sur Mozart, à hurler de rire même, quand Mathis le déclare chiant et devenu médiocre et de fait mort trop tard alors que Swan le voue au pinacle pour sa simplicité qui confère au génie. Passionnant de découvrir derrière l’œuvre de Chostakovitch non la beauté prôné par Swan mais la vérité d’une écriture qui n’est que la violence d’un cri, la finalité d’un acte de résistance inquiète au régime de Staline comme l’explique si bien Raphaël. Et Bach, bien sûr, Bach un sommet inégalé de rigueur pour Mathis. Et l’on songe inévitablement à Glen Gould, qui inspire, c’est dit, on pourrait même dire insuffle, son personnage. Plus loin on fustige la musique contemporaine, enfin presque toute, et c’est irrésistible de mauvaise foi et de finesse. Ce dialogue est aussi une partition en soi, percussive et jubilatoire, jouée par trois comédiens d’une grande profondeur, d’un talent démesuré et qui prennent ce texte à bras-le-corps, convaincants de bout en bout avec un sacré nuancier de jeu qui les mène au bout d’eux même et de leur personnage. On est saisi, troublé, de tant de vérité, l’impression qu’ils jouent là leur peau et la nôtre tant ils nous embarquent dûment avec eux. Et loin. Il est évident que ce texte leur parle plus que de raison. Et nous sommes bluffés de voir l’art du comédien porté ainsi à cet extrémité, son acmé. Car oui, c’est du théâtre, et du grand malgré sa mise modeste, en ce qu’il ne s’embarrasse de rien, nulle scorie, juste ces trois, dans une mise en scène qui se plie à eux et à ce qui est proféré. Sans doute parce que ce qui est exprimé là de façon si prégnante et crûment, cette vérité comme une heureuse épiphanie, avec autant de causticité que de souffrance, d’intelligence et d’à-propos, au-delà de cette histoire d’amitié singulière, c’est le rapport fragile et ambivalent de tout artiste avec son art et de sa relation parfois disruptive au monde, les ressorts parfois secrets, les rhizomes souterrains qui lient les deux ensembles. Ce qui est affirmé et de trois façon différentes mais complémentaires, qui vous tue, vous fait renoncer ou avancer avec la toujours même exigence au rsique de la perte, c’est bien cette quête première d’être avant tout soi, ne jamais faire semblant, ne pas céder aux faux-semblant, même devant la dévoration de votre art, même devant la surdité du monde à votre égard. En cela être sentinelle.   © Jean-Louis Fernandez     Sentinelles, texte, mise en scène et scénographie de Jean-François Sivadier Avec Vincent Guédon, Julien Romelard, Samy Zerrouki Collaboration artistique : Rachid Zanouda Son : Jean-Louis Imbert Lumières : Jean-Jacques Beaudouin Costumes : Virginie Gervaise Regard Chorégraphique : Johanne Saunier Régie générale : Marion Le Roy Régie son : et vidéo : Elric Pouilly Régie lumière : Chloé Biet   Du 30 janvier au 10 février 2024 Du mardi au vendredi à 20h30, samedi à 19h30 Relâche les 4 et 5 février   Théâtre du Rond-Point 2bis av. Franklin D. Roosevelt 75008 Paris   Réservations : 01 44 95 98 21 www.theatredurondpoint.fr  Read More →
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Deux mains la liberté, texte et mise en scène d’Antoine Nouel, au Studio Hebertot
  © Christelle Billault  ff article de Pulcritude Au studio Hébertot, nous pénétrons d’emblée dans le bureau de Heinrich Himmler : banderoles arborant la croix gammée, poignard SS posé sur le bureau et une sorte de table de massage, car le chef des hommes à l’uniforme noir souffre quasiment en permanence de maux de ventre intenses. Seul le Docteur Kersten, qui exerce la thérapie manuelle et lui prodigue des massages profonds parvient à le calmer temporairement. Les spectateurs sont, dès leur entrée dans la salle, plongés dans cet antre où se décide le sort d’une partie de l’humanité. « Le bon Docteur », comme l’appelait son patient, n’est pas homme à exiger des honoraires exorbitants… quoique… Avant chaque séance, alors qu’Himmler est en pleine souffrance, il lui remet une liste de personnes à sauver d’un transfert vers les camps de travail ou de déportation. Au fur et à mesure des rendez-vous ces listes deviennent de plus en plus longues, « le Monstre » se montre réticent et il faut l’aide complaisante de l’aide de camp pour satisfaire aux généreuses exigences du médecin. Le Docteur Kersten a ainsi sauvé d’une mort certaine plus de 300 000 personnes juives ou non. Cet homme méritait, sûrement, le titre de « Juste » qui ne lui fut pas attribué après la guerre, car il a également profité d’une protection personnelle, essentiellement en ce qui concernait ses biens personnels. Les acteurs, Philippe Bozo (Himmler), Eric Aubrahn (Aide de camp), et Antoine Nouel (Kersten), tous trois « as » du doublage, trouvent, ici sur scène, une dimension dense et intime : jeu sincère et tout en retenue, mettant en lumière la dualité des personnages. Malgré la gravité du sujet, leur plaisir de se retrouver ensemble sur le plateau est palpable et transporte avec eux le spectateur dans ce passé trouble et nauséeux. Chacun se trouve concerné par les décisions à prendre et voyage dans le temps en se posant cette question : « et moi, comment aurais-je réagi en cette époque d’horreur ? » Antoine Nouel, l’auteur (aidé à l’écriture par Franck Baugin), prend la parole après le spectacle, avec beaucoup d’émotion, pour développer encore son sujet et converser avec un public très investi après cette représentation. Joseph Kessel traitait déjà le sujet, en le romançant, dans son ouvrage « Les mains du miracle ». Au sortir du théâtre, retrouver l’air frais de Paris devrait nous donner un soupçon d’espoir en l’être humain, mais on ne peut s’empêcher de penser que la barbarie demeure encore bien vivante et que les Docteur Kersten ne sont pas assez nombreux.   © Christelle Billault     Deux mains la liberté, texte et mise en scène d’Antoine Nouel Avec Antoine Nouel, Philippe Bozo, Éric Aubrahn Lumière : Denis Schlepp   Depuis le 14 octobre 2023 Du jeudi au samedi à 21h, le dimanche à 14h30   Studio Hébertot 78 bd des Batignolles 75017 Paris   Réservations : 01 42 93 13 04 www.studiohebertot.com  Read More →
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Parce qu’on a toustes besoin d’un peu d’espoir, par le CNAC 2024, mis en scène par Sophie Perez, de la Compagnie Cabas, à l’Espace Chapiteaux de la Villette
  © Christophe Raynaud de Lage     ƒƒ article de Hoël Le Corre  Iels sont douze : douze futur.e.s ancien.ne.s élèves de l’Ecole Nationale du Cirque. Après avoir passé trois années de formation ensemble, iels rêvent et enflamment la piste une dernière fois ensemble le temps d’un spectacle, sous la houlette de Sophie Perez de la Compagnie Cabas (elle-même sortie du CNAC en 2004). Ensuite, il sera temps pour ces jeunes circassien.ne.s de voler de leurs propres ailes, dans leurs propres projets, sous les chapiteaux du monde entier. Dans une création au plus proche des enjeux de la société actuelle, les douze artistes déploient leurs disciplines, leurs individualités, leurs énergies dans un spectacle débridé aux confins des préoccupations de cette jeune génération. De jolis numéros de cirque mettant en lumière les spécialités de chacun.e alternent avec des scènes chorales chorégraphiques ou parlées où les corps s’entremêlent habilement aux convictions, aux doutes, aux espoirs portés par cette jeunesse en feu. L’écriture est simple mais percutante, et soutenue par une mise en scène où la fluidité permet à chacun.e d’être mis.e en valeur tout en donnant la part belle au collectif, qui semble être la valeur la plus précieuse pour ces artistes en herbes qui ont vécu et appris aux contacts les un.e.s des autres pendant leur formation. Dans une esthétique résolument queer et un paysage multilingue, les artistes portent des questionnements sur l’état du monde et le futur mais font aussi résonner de forts engagements sociaux, écologiques, politiques, « et plein de ces trucs en -isme… » comme l’une d’entre elle le revendique. Car oui, iels sont bel et bien le futur, pas seulement de la scène circassienne, mais aussi de ce monde qui vacille de partout, mais où le groupe, la solidarité, l’entraide et la liberté sont des lieux de refuge autant que des tremplins pour oser agir, essayer, rater, s’engager, aimer, se construire et se dépasser. Et tout cela est définitivement prometteur !   © Christophe Raynaud de Lage   On a toustes besoin d’un peu d’espoir, par le CNAC 2024 et la Compagnie Cabas Mise en scène : Sophia PEREZ Mise en mouvement : Karine NOËL Soutien mise en scène : Tom NEAL et Marthe RICHARD Création sonore et musicale :  Colombine JACQUEMONT Création lumière : Victor MUÑOZ Costumes : Maïlis MARTINSSE Soutien régie : Vincent VAN TILBEURGH Production : Maude TORNARE Administration : Béatrice ALEXANDRE Régie générale : Julien MUGICA Régie plateau : Guillaume BES Régie lumière : Vincent GRIFFAUT ou Laura MOLITOR Régie son : Gregory ADOIR Les interprètes de la 35e promotion Thomas BOTTICELLI, trapèze danse, France Sonny CROWDEN, cerceau aérien, Suisse  Isaline HUGONNET, jonglage, France/Suisse  Carlotta LESAGE, Mât chinois, France Yu-Yin LIN, jonglage, Taïwan Faustine MORVAN, acro danse, France Mats OOSTERVELD, acro danse, Pays-Bas/Suède  Antonia SALCEDO DE LA O, équilibres, Chili  Cassandre SCHOPFER, roue Cyr, Suisse Nina SUGNAUX, Plateforme, Suisse Matthis WALCZAK, acrobate au sol, France Anouk WEISZBERG, acro danse, France   Du 24 janvier au 18 février 2024 Du mercredi au vendredi à 20h Le samedi à 18h Le dimanche à 16h Durée : 1h15   Espace Chapiteaux de la Villette Parc de la Villette 75020 Paris Réservations : 01 40 03 75 75      Read More →
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