Lecture d’Hervé Mestron – Do Rin Mi Fa Sol La Si… Il y a des pièces que l’on ne résume pas. C’est tout simplement inutile. La quatrième de couverture est claire, elle reprend d’ailleurs un moment de la pièce : « Ecarts de nos langages, De nos mots bannissez Les voyelles bien rondes, Pour nos consonnes doter De piques zé de lances ! Faisez surgir la maigre armée De soliloques. » Un titre en anglais, des solos en allemand, ding ding. Longue et sensuelle robe rouge. On entend la musique cristalline du triangle, le déhanché de l’addiction, le martial de la beuverie, la poésie des bulles, le vibrato du désespoir assis sur un banc. Tout cela dans une pulsation qui ne faiblit jamais. One two, One two three four, fait partie de ces textes que l’on a absolument envie de voir sur une scène avec des interprètes dignes de la partition. Oui, car tout est musique chez Philippe Dorin : la flexibilité des mots et des phrases, l’architecture des sons, les silences et les respirations. Quand c’est réussi, rien de plus poétique que le quotidien désenchanté. Dans ce même livre figure également un autre texte Deux mots, écrit dans le cadre d’une résidence d’écriture, « une antenne, un auteur », mise en place par Aneth à la bibliothèque de la filature de Mulhouse. Ce texte fonctionne comme le précédent, avec la même ingéniosité verbale et la même poésie absurde du quotidien, fabriquant du sens jusqu’à l’interroger, et le distordre. One two one two three four De Philippe Dorin Les Solitaires Intempestifs 1 rue Gay-Lussac, 25000 Besançon www.solitairesintempestifs.com  Read More →
Le portail de l'emploi pour le spectacle vivant
  Le Centre National du Théâtre toujours au service des professionnels du spectacle vivant.   Le CNT (Centre National du Théâtre) prolonge sa mission d’accompagnement des professionnels du spectacle vivant, en proposant une plateforme gratuite de mise en relation et de conseils à l’emploi. Le site scene-emploi.fr constitue une véritable communauté d’emploi, offrant des services aussi bien aux candidats qu’aux employeurs. Une rubrique « conseils à l’emploi » aide et accompagne les personnes débutant dans la profession. Ecoute, conseils, coaching, mise à disposition de fiches-métiers et bien d’autres services sont proposés sur le site scene-emploi.fr www.cnt.asso.fr  Read More →
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Critique de Bruno Deslot – Cruelle fatalité ! Deux jeunes gens s’aiment, vont se marier. Mais les étranges révélations d’un vieil ami, portent en filigrane, l’étendue d’un désastre sans précédent. Nilos et Militssa partagent un amour emprunt d’une touchante réciprocité. Insouciants, l’exaltation de leurs sentiments les porte vers l’union candide de leur intimité. Ils vont se marier et rien ne semble contrarier leur projet guidé par la force de leur amour. Mais Nilos apprend la nouvelle à son vieil ami Philos qui le dissuade de fonder une famille, comme si Militssa incarnait soudainement une redoutable rivale. Fort de son projet, Nilos refuse d’entendre les prédictions effroyables de Philos à propos de sa future famille et convole en justes noces, pour son plus grand bonheur. Vingt ans plus tard, le couple a trois grands enfants, Emilios, Evgénios et Starlet, leur existence est paisible et il s’apprête à célébrer leurs noces de porcelaine auxquelles le vieil ami Philos est convié. Des tensions, des regards, des attitudes, des mots finissent par trahir l’imminence d’une catastrophe prophétisée, dont des voix mystérieuses se font l’écho. L’étourdissant massacre ! Nilos, le père de famille, est éprouvé par des évènements qui consacrent la déflagration de son quotidien et celui de sa famille. Après avoir connu l’opulence, le faste et l’abondance, la tendre filiation s’étiole au rythme féroce de la parole prophétique. Emélios avoue à son frère, avoir baisé une pute au cinéma et lui confesse son intention de tuer le Premier Ministre. Starlet rêve d’hommes nus pénétrant la matrice du chaos que son père honorera avec fougue. Militssa est attirée par son fils, Evgénios dont elle a un enfant qu’elle étouffera. Emélios initie son petit frère aux amitiés viriles, dormant près de lui chaque nuit. La catastrophe est amorcée, mettant à l’épreuve une famille qui accepte ces changements sans se poser de questions. Sur les chemins du dénuement, Nilos, à l’inverse de Job, est dans une forme d’acceptation pour laquelle ses interrogations le mènent à la mort. Tout vouloir posséder ou tout vouloir savoir dans une société où le divin n’a plus de légitimité, engage la pièce de Dimitris Dimitriàdis dans une enquête intransigeante sur le fondement même de l’existence humaine. Avec son obsession à vouloir retrouver l’ordre qu’il a lui-même détruit, Nilos échappe au salut, sa sagesse ne s’apparente pas à celle de Job qui accepte la question comme fondement de son existence humaine. Le mystère de la création est aux antipodes de ce que les personnages de cette pièce acceptent, et l’on passe de la lumière à l’obscurité dans le silence abstrait de l’aliénation familiale. Une chute vertigineuse Après, Je meurs comme un pays, le Théâtre de l’Odéon poursuit le cycle consacré à Dimitris Dimitriàdis avec Le vertige des animaux avant l’abattage, une pièce poignante, puisant dans toutes les richesses de la langue grecque pour donner à voir une vaste fresque qui emprunte à la tragédie grecque antique, son lot de destins absurdes et violents. Dans cette oeuvre, éminemment contemporaine, l’auteur entraîne ses personnages dans le tourbillon destructeur des passions extrêmes. La langue est utilisée comme une arme qui mène ses animaux à l’abattage. Une écriture tendue se permettant des incursions du côté du comique et se nourrissant du XXe siècle, constitue la force dévastatrice de la parole proférée qui creuse le monde jusqu’à en atteindre le coeur. De la lumière à l’obscurité, le rideau se lève sur des gens normaux confrontés à une situation extraordinaire. La sombre réalité du quotidien dialogue avec l’antique malédiction dans une proximité intimement liée. Dès le prologue, la fin de la fable est annoncée et chaque étape de la narration est mise en lumière de manière séquencée. Tout est dit et pourtant, rien ne semble être atteint ! A, B et C, personnages indéfinissables, permettant de mettre à distance l’enchaînement prévu des évènements, en font le commentaire de manière concise, précise et fonctionnent comme une énigme ! En costume de boucher, prompts à disséquer les animaux qui se gavent, ou en imperméable, constatant les faits avec évidence, ils s’immiscent sur scène de manière inattendue tout en imposant une omniprésence quasi mystique. Un fin rideau gris se lève sur le bonheur éphémère d’une famille qui mènera une véritable course vers l’abîme. Des panneaux coulissants, de part et d’autre de la scène, accentuent la perspective dont le point de fuite est un miroir, reflétant le public et inscrivant la représentation comme un théâtre dans le théâtre. Au centre, un plan incliné, permet aux personnages de se livrer à une parole expiatoire ou déraisonnable. Des images projetées sur les panneaux, figurent le faste de la demeure de la famille maudite, par des pilastres le long desquels la feuille d’acanthe s’entrelace pour finir en rinceaux, qu’illuminent des lustres à pampilles. Des pièces à l’enfilade, exhalant l’odeur éphémère de l’argent, ne tardent pas à s’assombrir pour rappeler la sobriété du palais de Cnossos afin de mieux ramener les personnages de la pièce, à leur tragique destin. Trois espaces clos, au sein desquels la famille se désagrège, sont placés à la suite comme les scènes de la pièce, proposant une lecture parfois un peu trop évidente de la situation. Les plans s’enchaînent selon un découpage scénique très lisible, imposant le propos comme une succession d’évènements inextricables. Décors à deux étages, panneaux coulissants et escamotables, de l’opulence à la sobriété, de la lumière à l’obscurité, Caterina Gozzi propose une scénographie astucieuse qui évite les temps morts pour représenter 47 scènes en 3h25. Une distribution de qualité et une direction d’acteurs au cordeau pour une oeuvre fleuve dont la dimension philosophique peut cependant laisser perplexe. Thierry Frémont, d’une étonnante justesse, rehausse son personnage d’une couleur dramatique particulièrement touchante. Il participe à l’inéluctable chute de Nilos pour laquelle son engagement est sans concessions. Tout comme Claude Perron, à la voix suave et chaleureuse, exprime par le corps, toute la désolation d’une Militssa dépassée par la fatalité de son destin. Fragile, attendrissant, au regard possédé, Laurent Charpentier interprète un Evgénios débordant de sensibilité. Sa soeur, Starlet (Faustine Tournan), en errance, se livre sans pudeur à la scène, comme sur l’autel du sacrifice, avec vérité et authenticité. La famille Lakmos, impose aux spectateurs une complicité partagée, celle, aliénante de la famille aux interdits transgressés. L’ensemble des comédiens portent à bout de bras une réalisation ambitieuse à l’écriture exigeante. Le Vertige des animaux avant l’abattage De : Dimitris Dimitriàdis Traduction : Olivier Goetz et Armando Llamas Mise en scène et scénographie : Caterina Gozzi Collaborateur artistique et dramaturgie : David Wahl Lumières : Joël Hourbeigt Musique et son : Antonia Gozzi Costumes : Rose-Marie Melka Images et collaboration à la scénographie : Jean-François Marcheguet Collaboration au décor : Adrien Paolini Assistant à la mise en scène : Simon Diard Avec : Pierre Banderet, Laurent Charpentier, Samuel Churin, Brice Cousin, Thierry Frémont, Thomas Matalou, Claude Perron, Faustine Tournan, Maria Verdi Du 27 janvier au 20 février 2010 Théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier Angle de la rue André Suarès et du Bd Berthier, 75 017 Paris www.theatre-odeon.fr Voir aussi : La rencontre avec Dimitri Dimitriàdis  Read More →
Critique de Monique Lancri – Une scénographie bien singulière ! Le spectacle a déjà commencé lorsque les gens s’installent dans la salle du théâtre des Abbesses. Sur la scène, un mur noir, nu, sur lequel se détache l’oculus d’une fenêtre ronde laissant apercevoir le gros plan d’un œil immense. Un œil qui clignote, regarde à droite, à gauche, les spectateurs en train de prendre place. Les jeux de miroirs ont débuté : tu me regardes, je te regarde. Voyeurisme? Derrière ce mur, Alcmène et Jupiter sont au lit, comme va nous l’apprendre le prologue. Au-dessus de cet œil, le néon rouge d’une ligne horizontale sépare le monde des mortels de celui des dieux. Ce rouge métaphorise l’ardeur des amants cachés par le mur au-dessus duquel Mercure demande à la Nuit de prolonger cette nuit d’exception. Exceptionnel est donc, également, ce dispositif scénique qui pourrait trouver place dans une exposition d’art contemporain. Exceptionnel et pertinent. Alors que Molière précisait : «La scène est à Thèbes, devant la maison d’Amphitryon», Bérangère Jannelle a choisi, en faisant pivoter son dispositif, de nous montrer alternativement le dehors , dans des tonalités sombres, et le dedans, avec des couleurs chaudes qui vont de l’orange au rouge. D’un côté, l’espace public où Sosie (Olivier Balazuc) et Amphitryon (Arnaud Churin) se heurtent à la «maison close» ; de l’autre, l’espace privé, voire érotique, où l’on se dénude ( les acteurs ôtent chaussures et chaussettes quand ils y pénètrent). Amphitryon, comédie ou tragédie ? De quoi s’agit-il ? Molière, après Plaute et Rotrou, reprend l’histoire fascinante de l’amour que Jupiter voue à Alcmène, simple mortelle. Mais alors que le maître de l’Olympe, pour triompher en ses amours terrestres n’hésitait pas à emprunter toutes les formes possibles (cygne, taureau, pluie d’or…), le voilà contraint, ici, de se transformer en Amphitryon, général en chef des armées thébaines, l’époux d’Alcmène, car celle-ci aime son mari plus que tout et ne se laisserait pas séduire même par le divin Jupiter. Mercure va aider ce dernier dans son aventure en prenant l’apparence de Sosie, le valet d’Amphitryon. S’ensuit une série de quiproquos cocasses ou de situations coquines : Sosie face à l’autre Sosie (Ismaël Ruggiero), Amphitryon revenu plus tôt que prévu faisant le pied de grue devant la porte close de sa chambre, porte derrière laquelle le faux Amphitryon (David Maisse) prend son (bon) plaisir avec son épouse. Travestissements, jeux de miroirs : tout cela devrait nous faire rire. Or ce n’est malheureusement pas le cas. Juste un sourire de temps en temps. Pourtant Molière qualifie sa pièce de «comédie». Si Bérangère Jannelle entend faire de la pièce une «comédie noire», et c’est son droit, peut-être insiste-t-elle trop sur «noir» et pas assez sur «comédie». Pourquoi avoir fait d’Amphitryon, à l’acte trois, ce personnage minable et ridicule qui, pourtant, ne fait pas rire ? Chez Molière, il est vrai, ridicules sont souvent les cocus, mais Amphitryon est un «cocu magnifique» : jamais cocufié que par une doublure, fût-elle divine, de lui-même. Ce général, par ailleurs, a de la prestance : si ce n’était le cas, comment aurait-il pu gagner le coeur d’Alcmène ? S’il est jaloux, en fin de compte n’est-ce pas lui qui triomphe ? Car Jupiter ne parvient à ses fins qu’en prenant son apparence, et c’est en vain que le dieu, au prix d’arguties qui portent la marque des «précieux» de l’époque, essaye de faire dire à Alcmène(Audrey Bonnet) qu’en sa personne, c’est l’amant et non le mari qu’elle préfère! Incapable de séparer l’un de l’autre, Alcmène ne commet pas d’adultère et c’est donc «sans pécher» qu’elle conçoit le fils de Jupiter ! Costumes, décor, tout nous transporte dans une époque imprécise car il s’agit d’une histoire intemporelle : ainsi l’a voulu Bérangère Jannelle. Les abus de pouvoir ne sont-ils pas encore d’actualité ? Molière, certes, ne les dénonce pas vraiment. Ecoutons Sosie, probable porte-parole de l’auteur, qui jouait le rôle : «Sur telles affaires, toujours / Le meilleur est de ne rien dire.» Amphytrion De : Molière Mise en scène : Bérangère Jannelle Assistante à la mise en scène : Luciana Bothelo Scénographie : Stéphane Pauvret Lumière : Christian Dubet Son : Jean-Daniel Ratel Costumes : Laurence Chalou Video : Florent Trochel Travail corporel : Sophie Gérard Maquillage : Fatira Tamoune Avec : Olivier Balazuc, Audrey Bonnet, Luciana Bothelo, Arnaud Churin, David Maisse, Maxime Mikolajczak, Sophie Neveu, Ismaël Ruggiero Du 27 janvier au 12 février 2010 Théâtre des Abbesses 31 rue des Abbesses, 75 018 Paris www.theatredelaville-paris.com  Read More →
Critique d’Evariste Lago – Vous n’étiez jamais allé au théâtre avant. Qu’est-ce qui fait qu’une grande institution comme la Comédie Française en reste une ? Peut-être sa capacité à s’enrichir de tous les savoir-faire et styles théâtraux, à s’oxygéner. Car c’est bien une bouffée d’air frais, venue de Flandre et des Pays-Bas, qui souffle en ce moment sur les planches de l’annexe du Vieux-Colombier. En laissant les commandes à Damiaan De Schrijver, Peter Van den Eede et Matthias de Koning, la Comédie Française offre aux sociétaires et pensionnaires, interprètes de cette pièce, de nouvelles perspectives dans l’interprétation et l’interactivité avec le public. Bienvenue à la maison Résumer une pièce. Dur exercice et qui plus est pour celle-ci. Car est-on vraiment sûr que celle jouée ce soir sera la même qu’hier ou que demain ? Néanmoins, un point de départ : une arrivée. Un point d’arrivée : un départ. Paradoxal ? Tout commence par l’arrivée d’invités dans une soirée. Mais ce pourrait bien être aussi votre arrivée que les comédiens attendent. Puis, une fois la soirée finie, le départ des dits invités (ou peut-être le vôtre). Entre les deux, des échanges (l’amitié, l’amour, la jalousie, …) entre des personnages -plus en nombre que les comédiens- aux noms aussi slaves qu’imprononçables. Fiction /  réalité A l’heure du lancement de la télévision en trois dimensions et où certains « blockbusters » du grand écran tentent de nous faire pénétrer au plus profond des scènes, il convient de rappeler que le théâtre se vit en 3D depuis toujours et qu’il n’est point besoin de lunettes spécifiques pour appréhender tout le relief d’une œuvre. Et c’est particulièrement vrai lors de cette représentation où le spectateur, dont les acteurs ne sauraient plus que jamais se passer, se retrouve habilement impliqué, témoin (voire complice) à 360° d’une œuvre apparemment éphémère et unique. L’utilisation de l’espace scénique, d’une manière ancestrale oubliée et donc nouvelle et révolutionnaire, participe grandement à cet exercice d’inclusion du spectateur. L’interactivité étant ici la règle d’or, tout événement extérieur (éclairage, musiques, problèmes techniques, réaction d’un spectateur, …) peut influer sur le jeu des comédiens, ou plutôt les jeux des comédiens, ces derniers accomplissant la prouesse de jongler entre leurs propres personnages, voire même de les échanger. Mais il ne s’agit point d’une improvisation totale. Au delà d’une créativité spontanée, le texte est là, précis, touchant et les chamboulements scéniques admirablement réglés. Et si cette impression de chaos était finalement bien prévue … Le théâtre néerlandophone apparaît au Moyen-âge et s’ouvre au cours du XIXe siècle aux influences étrangères. L’art de l’improvisation et la proximité avec le public métamorphose, dès 1970, l’espace scénique et son implantation urbaine, qui devient théâtre de bâches transparentes bâti temporairement, hangars ou usines sommairement aménagés en salle de spectacle. La scène doit surprendre le spectateur et l’acteur qui doit réinventer son jeu chaque soir. L’interactivité est primordiale. Laissez vos lunettes 3D à la maison et soyez à l’heure. La soirée ne saurait commencer sans les invités… Paroles, pas de rôles / Vaudeville De : Damiaan De Schrijver, Peter Van den Eede, Matthias de Koning Avec : Coraly Zahonero, Laurent Natrella, Julie Sicard, Nicolas Lormeau, Léonie Simaga Décor, costumes, lumières et son par les collectifs TG STAN, DE KOE et DISCORDIA Du 20 janvier au 28 février 2010 Théâtre du Vieux-Colombier 21 rue du Vieux-Colombier, 75 006 Paris www.comedie-francaise.fr  Read More →
Critique de Florian Fauvernier – « Voici venu l’hiver de notre déplaisir » Richard III, l’histoire sanglante du bancal et laid duc de Gloucester, qui va massacrer, un à un, tous les héritiers légitimes et ses rivaux pour prendre le pouvoir. Jean-Claude Fall nous présente un Richard III vivant dans notre siècle. Un roi-enfant, capricieux comme un adolescent élevé sans amour, qui ne ressent aucune compassion. Un vilain petit canard qui sait qu’aucune transformation de son état n’est possible, et qui le fait payer aux autres, à tous les autres. Ici, photos, micros, vidéos, costumes de mafieux italiens, lunettes noires “bling-bling”, tenues militaires fleurant salement le fascisme, robes de soirées, tout est présent pour nous rappeler que cette histoire de prise de pouvoir par la force, la ruse et la peur, pourrait être la nôtre. Richard III (David Ayala), prothèses sur un bras et une jambe, claudique de temps en temps, court, crache, saute, crache, rit, éructe, crache, grimace, fait des mines entendues vers le public… Et re-re-re-crache. Peut-être aurait-il été possible d’apporter une touche de séduction à ce personnage manipulateur ? Imitation de Chirac… Puis d’acteurs américains, de Niro, Al Pacino… Jean Claude Fall n’hésite pas à parasiter la traduction de Jean-Michel Déprats de gags, de répliques, de courtes scènes. Quand il lit son discours d’acceptation d’être enfin couronné Roi, Richard reprend un passage d’un discours électoral de Sarkozy… Si David Ayala/Richard III ,ici, est totalement rempli de son personnage vulgaire et obscène, malheureusement le reste de la distribution est très inégal et rend l’écoute du texte laborieuse, ce qui sur un spectacle 3h30 devient pénible. Peut-être peut-on conseiller à Jean-Claude Fall, amateur de farce et qui a su faire du beau et fin avec Lear, de monter la prochaine fois non pas Richard III mais Ubu Roi ? Richard III De : William Shakespeare Traduction : Jean-Michel Déprats Mise en scène : Jean-Claude Fall Avec : David Ayala, Marc Baylet, Jean-Claude Bonnifait, Hillal Bendra, Ludovic Duplessis, Corten Pérez-Houis, Julien Guill, Vanessa Liautey, Grégory Nardella, Patrick Oton, Alex Selmane Scénographie et dramaturgie : Gérard Didier Costumes : Marie Delphin, Gérard Didier Lumières : Martine André, Jean-Claude Fall Musique : Dimitri Chostakovitch Du 4 au 31 janvier 2010 Théâtre des Quartiers d’Ivry 1 rue Simon Dereure, 94 200 Ivry-sur-Seine www.theatre-quartiers-ivry.com  Read More →
Portraits d'acteurs de la Comédie-Française :
  Gisèle Casadesus                                                                                       Le samedi 30 janvier à 16h00   Gisèle Casadesus a marqué la Maison de Molière par son talent exceptionnel. Elle accepte, cette saison, de se livrer au jeu du « Grand Portrait ». Née en 1914 et ayant eu pour partenaires Raimu, Jouvet, Fresnay, Gabin ou Michel Simon, Gisèle Casadesus évoquera, lors d’un entretien public, son parcours et son métier avec la complicité des spectateurs du Théâtre du Vieux-Colombier. L’évènement sera animé par Pierre Notte, comédien et écrivain. Bruno Deslot Portraits d’acteurs de la Comédie-Française : Gisèle Casadesus Le samedi 30 janvier à 16h00 Théâtre du Vieux-Colombier 21 rue du Vieux-Colombier 75006 Paris www.comedie-francaise.fr      Read More →
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Cycle Dimitris Dimitriàdis
  Théâtre de l’Odéon                                                             Lecture enregistrée en public Le lundi 1er février à 20h00   Découverte d’une pièce inédite de l’auteur européen, Dimitris Dimitriàdis, auquel le Théâtre de l’Odéon consacre un cycle durant la saison 2009/2010. Les Remplaçantes de Dimitris Dimitriàdis                             « J’ai tué Mehmed. J’ai tué le Conquérant. Le siège est fini. Leur armée a été dispersée. Ils sont tous partis. Ils sont retournés à Kokkini Milia. La Ville ne tombera pas. La Ville est sauvée. » Cette pièce sera lue, entre autres, par Nada Strancar, Roland Bertin, Jany Castaldi, Audrey Bonnet et dirigée par Marcel Bozonnet. Bruno Deslot Les Remplaçantes de Dimitris Dimitriàdis Lecture enregistrée en public Le lundi 1er février 2010 à 20h00 En coproduction avec France Culture. Diffusion à l’antenne le dimanche 18 avril de 20h00 à 22h00. Réalisation Jacques Taroni Lecture dirigée par Marcel Bozonnet avec Roland Bertin, Audrey Bonnet, Nada Strancar, Marcel Bozonnet, Jany Castaldi (distribution en cours). Ateliers Berthier / Tarif unique 5 euros Réservation 01 44 85 40 40 www.theatre-odeon.fr  Read More →
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Critique de Camille Hazard – Du spectacle pour oublier l’horreur, du spectacle pour combattre la guerre et colmater des blessures de famille. Dans ce texte, Journée de noces chez les Cromagnons, Wajdi Mouawad ne prend pas partie dans le conflit qui incendie le Moyen-Orient. Quand la pièce commence, la guerre est là. Qu’importe les opinions sur cette guerre, qu’importe les souhaits, les rêves, les envies de départs vers une autre terre ; la guerre est bien là, tout autour et dans chaque maison. W.Mouawad nous montre l’instinct humain face à la mort, l’obligation de survivre et jusqu’òu  les Hommes sont capables d’aller. D’abord, dans les cœurs, il y a la colère, la révolte, puis la peur qui « engourdit » la vie quotidienne, ensuite arrivent les espérances après les prières, le rêve qui nous fait un peu oublier l’horreur des Hommes et enfin le dernier sursaut de vie : tenter coûte que coûte ce rêve, le rendre possible, on y a tellement pensé, on l’a tellement imaginé, cherché, que maintenant il s’impose à nous comme une évidence ; on repart vers l’enfance, là où tout est possible. Ces merveilleux feux d’artifice que produit la guerre En plein bombardements, les parents d’une famille préparent les noces de leur fille Nelly. Absence d’électricité, manque d’argent, légumes périmés, disputes familiales…Cette préparation de noces tourne au combat : combat contre la guerre. Mais tout doit être prêt, les gens viendront, les noces seront célébrées ! Et pourtant, il n’y aura pas de fiancé car ce mariage est une farce, un rêve que chacun tente de vivre. Le spectacle est entré dans la maison. Les parents se haïssent autant qu’ils s’aiment, leur fils cadet Neel, trop idéaliste pour survivre à cette guerre tente de rester enfant, Walter, leur fils aîné, s’est engagé dans les combats sans savoir qui combattre ni qui protéger! et enfin, Nelly, qui souffre de narcolepsie,( « ce qui est une chance en temps de guerre » dit sa mère) et qui aime regarder par sa fenêtre les feux d’artifice que produisent les missiles et les mitraillettes.Dans cette famille, où tout le monde se déchire, où plus personne ne se parle, les noces sont un prétexte aussi pour se retrouver, et s’aimer. Faire semblant d’être heureux pour l’être vraiment ; vaine illusion ? « Les gens de mon pays sont indéspérables, malgré tout leur désespoir et demain, vous les verrez remettre des vitres à leurs fenêtres, replanter des oliviers, et continuer, malgré la peine effroyable, à sourire devant la beauté » Wajdi Mouawad. La metteur en scène, Mylène Bonnet, arrive avec force, à nous montrer, dans ce marasme, cette mère de famille poignante qui ne laissera s’égarer personne. C’est d’abord son rêve, elle emmènera mari et enfants dans son obstination à préparer ces noces comme une louve qui protège ses petits. La mise en scène est simple et efficace, il y a de la vie sur le plateau mais aussi derrière les murs grâce aux bruitages, aux ombres qui se découpent… Le salon d’une maison « basse » comme on peut en voir au Moyen-Orient, des draps en guise de séparation, entourent la chambre de Nelly ( celle ci nous apparaîtra comme un rêve en ombres chinoises, et on ne la verra qu’à la fin de la pièce) des vêtements, des tissus suspendus à des cordes à linge, des murs ébréchés, un passage suspendu qui surplombe l’habitation. Mylène Bonnet a souhaité un décor et un jeu réalistes qui collent parfaitement au texte poétique de W.Mouawad. Le jeu des comédiens, parfois inégale (mais Philippe Canales qui interprète Neel a dû remplacer Pierre Ascaride en trois semaines !), demeure solide. L’interprétation de Cantal Trichet dans le rôle de la mère et celui de Patrick Paroux dans le rôle du père est remarquable : leur jeu est nourri de ruptures, de plusieurs « couches » de personnalité, ils arrivent à rendre sur le plateau, des personnages complexes et vivants. Voilà une mise en scène qui accompagne le texte de Wajdi Mouawad avec simplicité en ayant compris les intentions de l’auteur, son langage, et qui parvient à nous donner des émotions par la représentation réaliste qu’elle fait de la guerre : bombardements, présence du sang… C’est un joli travail et nous irons voir les prochaines mises en scène de Mylène Bonnet avec plaisir. Journée de Noces chez les Cromagnons De : Wajdi Mouawad Mise en scène : Mylènne Bonnet Avec : Sabrina Baldassarra, Philippe Canales, Céline Chéenne, Xavier Clion, Cyril Hames, Patrick Paroux, Chantal Trichet Scénographie : Lisa Ternon Lumières : Pascal Sautelet Costumes : Josy Lopez Conception sonore : Stéphanie Gibert Collaboration artistique : Cécile Lehn Du 21 janvier au 21 février 2010 Théâtre de la Tempête Cartoucherie, Route du champ de manœuvre, 75 012 Paris www.la-tempete.fr  Read More →
Critique de Bettina Jacquemin – De Corinthe à New York New York, Manhattan, devant l’entrée de service d’une riche maison de la Cinquième Avenue, Médée attend seule. Vingt cinq siècles après la Corinthe d’Euripide, amoureuse du même Jason, elle est toujours rebelle, passionnée, utopiste même, au cœur d’un nouvel empire. Jason et Médée sont des immigrés. Comme dans l’antique histoire, leur amour est né d’un crime laissé derrière eux : ensemble ils ont tué. Mais pas question de se retourner : pour des clandestins, il n’est d’autre loi que survivre. Jason abandonne Médée pour échapper au feu qui le dévore et se refaire une nouvelle identité. A transposition originale, mise en scène d’exception Dea Loher retravaille le mythe de Jason et Médée et le situe au cœur de Manhattan. Tout y est : le meurtre du frère de Médée, l’abandon et la vengeance de l’héroïne, la passion et la mort de l’amour. Il se dégage de l’œuvre une puissance émotionnelle admirablement mise en scène par Sophie Loucachevsky. A peine entré dans la salle du Petit Théâtre, à la Colline, on est agréablement surpris par la disposition des fauteuils. Deux estrades se font face et laissent place à une scène improvisée à même le sol. Projections et lumières vous glacent dès le début. Loin d’être de simples artifices, elles sont ici un quatrième personnage à part entière. La version scénique de Sophie Loucachevsky est jouée par trois acteurs (six rôles sont établis dans la pièce originale). La Médée de Dea Loher est coléreuse. Sophie Loucachevsky mène le personnage vers une certaine hystérie. Un trait de caractère justifié pour une Médée, rappelons le, trahie et désespérée mais parfois un peu trop amplifié par les éclats de voix de la comédienne Anne Benoit (que, paradoxalement, on entend mal au début). A l’affiche également, Christophe Odent, en Jason et Sweatshop-Boss, le futur beau-père de Jason. Et enfin, Marcus BORJA. Celui-ci interprète un certain Velasquez… On le retrouve par la suite en Deaf Daisy ou Daisy la sourde. Une double interprétation séduisante de part l’intensité émotionnelle que procurent sa voix, son accent, sa manière d’être… « Ce sera une comédie, ce sera une tragédie, aucune importance », conclut ce travesti sourd qui semble être l’oracle de la cité moderne. Pour Dea Loher, auteur d’une quinzaine de pièces de plus en plus souvent mises en scène, raconter notre monde, c’est le débusquer au plus intime des relations entre les êtres. Manhattan Medea De : Dea Loher Traduction de l’allemand : Olivier Balagna et Laurent Muhleisen Avec : Anne Benoit, Christophe Odent, Marcus Borja Mise en scène : Sophie Loucachevsky Assistant à la mise en scène : Sébastien Chassagne Collaboration artistique : André Antebi Scénographie : Jean-Pierre Guillard Costumes : Christine Brottes Vidéo : Fred Koenig Lumière : Nathalie Perrier Musique : Marcus Borja Son : Sylvère Caton Coiffures et maquillages : Catherine Saint-Sever Du 21 janvier 2010 au 20 février 2010 Théâtre de la Colline 15 rue Malte Brun, 75020 Paris www.colline.fr  Read More →
Critique de Florian Fauvernier – Crise de Foi ; diagnostic et symptômes Une famille laïque : le père (origine musulmane), la mère (origine catholique), la fille et le fils, deux jeunes adultes d’une vingtaine d’années, et la soeur de la mère (résolument athée). Le père des deux femmes vient de mourir, les laissant orphelines. Contre toute attente, la mère décide d’organiser une cérémonie religieuse à l’église. Elle rencontre un curé. Réactions vives à l‘intérieur du groupe familial. Sous le ciel immense, chacun cherche le sens de son existence – Interroger le sens de la religion ; sa place au coeur d’un individu, sa place au coeur d’une famille, sa place au coeur d’une société. – Souligner l’écartèlement croissant entre ce qui est vécu à l’intérieur des êtres et l’affichage du dogme, de la transcendance et de la liberté. – Mettre face à face des personnages qui se passent de Dieu et des personnages qui passent par Dieu pour vivre. Le Ciel est pour Tous de Catherine Anne est directement inspiré du traité de la tolérance de Voltaire suite à l’affaire Calas et des alliances de religion avec les pouvoirs politiques qui grandissent au sein de notre république. Le 13 octobre 1761, Jean Calas est accusé d’avoir tué son fils, retrouvé mort, étranglé dans la maison familiale. Confondu par l’enquêteur, il revient sur son témoignage et avoue qu’il a en réalité dépendu son fils pour cacher un suicide qui l’aurait empêché d’être enterré religieusement. Mais les Calas sont protestants et une rumeur grandit : Le fils aurait eu le désir de se convertir au catholicisme et son père l’aurait assassiné. Jean Calas est alors condamné par le Parlement et exécuté le 10 mars 1762. La peur empêche de penser « … Et toutes les peurs sont bonnes pour renforcer le pouvoir. Nous vivons une époque malsaine. La peur est creusée sous nos pieds ». Au fil des dialogues, les acteurs (formidables sans distinction) constatent et s’interrogent simplement, sincèrement, furieusement. ur scène, sous des lambeaux de ciel qui tombe, les tableaux se succèdent, l’histoire avance, inexorablement. L’histoire passée de Jean Calas, et l’histoire présente, celle de la famille de cette jeune fille, famille qui pensait ne pas être concernée par les histoires de religions et qui se trouve soudain confrontée à la question de la Foi. Plus qu’une interrogation sur la nécessité de croire en un après, le texte très poignant de Catherine Anne nous confronte à la difficile question de la tolérance religieuse au sein même de notre société démocratique et laïque. Respect… Le Ciel est pour Tous Auteure et metteur et scène : Catherine Anne Avec : Jean-Baptiste Anoumon, Denis Ardant, Thierry Belnet, Azize Kabouche, Fabienne Luchetti, Stéphanie Rongeot, Marianne Téton Du 15 janvier au 19 février 2010 Théâtre de l’Est parisien 159 avenue Gambetta, 75020 Paris www.theatre-estparisien.net  Read More →
Rencontre avec l'auteur Pippo Delbono
un reportage de Camille Hazard – « Peut-on accepter de vivre sous la domination du mensonge ? » Dans le cadre de la nouvelle création de Pippo Delbono « La Menzogna » présentée au Théâtre du Rond Point du 20 janvier au 6 février 2010, Camille Hazard est allée à la rencontre de l’auteur. Dans ce nouveau spectacle, Pippo Delbono pousse un coup de gueule face au double langage des politiques et des médias. À l’origine de La Menzogna, il y a l’incendie de l’usine Thyssen-Krupp à Turin dans lequel périrent sept ouvriers. L’entreprise a refusé d’indemniser les familles en argumentant que les ouvriers étaient responsables de l’incendie. Pendant ce temps là, la télévision exploitait les images du drame pour faire pleurer les chaumières. Partout, constate Pippo Delbono, règne le double langage : on dit une chose et on en fait une autre. À quoi servent l’émotion, le pathétique, si personne n’assume ses responsabilités ? Du coup, la réalité prend des allures de labyrinthe kafkaïen et cela à tous les niveaux de la société. On encourage le racisme. L’Église condamne l’homosexualité… Alors avec un minimum de mots, entouré de ses fidèles comédiens, Pippo Delbono invente des stratégies poétiques libératrices. Histoire de réveiller le public afin que chacun réagisse et rompe le cercle de la passivité. » Voir l’article La Menzogna De Pippo Delbono Du 20 janvier au 6 février 2010 Théâtre du Rond-Point 2, bis rue D.Franklin Roosevelt 75 008 Paris www.theatredurondpoint.fr  Read More →
Critique de Bruno Deslot – Une oeuvre de charité ! Soixante-dix saynètes, portant chacune un numéro, fusionnent comme les comptes des entreprises frauduleuses qui participent à la survie de ceux, qu’elles endettent sereinement. « Pas le droit de craquer » lorsque Atac casse les prix ou quand Lidl fait ses offres spéciales ! Le rendez-vous bi-mensuel pris chez le coiffeur pour 11 euros, se réduit à une entrevue rapide et conviviale chez une amie qui sait utiliser ses ciseaux, et gratuitement ! Pas de prothèse dentaire ni de lunettes, un luxe qu’il n’est pas nécessaire de posséder ! Pas de vêtements d’apparat, la simplicité est de mise et plus convenable en société ! Pas de quoi encore ? On finit par ne plus savoir et alors dans un élan, qu’encourage la privation, on franchit, candide, les portes semi-opaques d’un établissement de crédit. Les marchands du Temple y sont accueillants, aimables et complaisants ! Ils comprennent la situation pour laquelle ils proposent des solutions sur 10, 20, ou 30 ans ! Dès lors, pris dans la spirale infernale de la consommation virtuelle, les cartes de crédit flambent comme les prix, les taux d’intérêts ne pratiquent plus la pitié et la publicité abusive encourage le consommateur à croire qu’il peut accéder à un Eldorado jusque là infranchissable ! Acheteuse compulsive, utilisateur de téléphone portable, joueur de casino et bien d’autres encore, se font happer par la dette qu’ils accumulent sournoisement. La lente descente aux enfers s’opèrent comme prévu et le scénario du surendettement offre le champ lexical de la complainte du progrès ! Une mise en voix de l’infortune ! Kathrin Röggla mène une série d’enquêtes à Berlin, Vienne et Linz auprès de personnes endettées de différents milieux sociaux ainsi qu’auprès d’établissements bancaires et conseillers en rachat de crédit. Toutes ces données lui ont permis de cerner et représenter, la réalité économique et sociale moderne du surendettement. Un foisonnement de point de vue se croise, pour faire résonner la fabuleuse aliénation de la consommation à outrance, qu’encourage l’aventure grisante et malheureuse du crédit. Donnant voix et corps à l’infinie variété des comportements humains face à l’argent, elle restitue avec empathie et dans une langue singulière, la cruelle réalité des laissés-pour-compte de la société de consommation. Soixante-dix saynètes, caractérisées par un humour acerbe, sont mises en voix par l’Interlude T/O qui, fidèle à ses engagements, restitue un « théâtre/oratorio » qu’il ne cesse d’inventer au fil de ses créations. Une partition chorale pour cinq comédiens sans personnages, construisant un parcours tout au long d’une mise en scène qui, allant d’une parole individuelle à une parole collective, fait jaillir les stances d’une poésie de la modernité, entre espace intime et univers de bureaux aseptisés. Des silhouettes s’animent derrière un mur de portes semi-opaques, d’un établissement bancaire. Intérieur/extérieur, la peine est la même, de l’intime au sordide, les corps se courbent, s’amoindrissent, tentent de se redresser et d’affronter la douloureuse réalité de leur quotidien. Un jeu de fauteuils en simili cuir, permet d’asseoir la confession ou de convertir les propos de « ces gens là » qui n’ont pas échappé au rêve américain de la consommation indexée au coût de la vie. Les paroles se croisent, se choquent, se répondent puis s’évanouissent dans le tumulte bruyant du chiffre noir qui peste ! Une écriture polyphonique pour un opéra rock dont les résonances métalliques de la guitare d’Ivann Cruz éprouvent l’oreille, tout comme ces verticalités lumineuses agressives et éblouissantes, aveuglant le spectateur qui finit par voir ou ne plus voir ce qu’il accepte d’affronter. Une parole saine et salvatrice pour dire et raconter la vie de ces surendettés devenus les parias d’une société qui en a pourtant consacré l’émergence ! Eva Vallejo et Bruno Soulier fabriquent une partition aussi étonnante que dérangeante avec un sens du rythme déconcertant pour parler avec force de notre monde. Ils mêlent le texte et le son dans une harmonie du désespoir dont surgit, en demi-teinte, une réalité déconcertante portée par la cruauté des mots, que Kathrin Röggla restitue dans ses saynètes. Le violon de Léa Classens, compose la mélodie du bonheur achetée à prix coutant pendant que Bruno Soulier, au piano et clavier, parcourt les notes d’un univers musical aliénant. Les cinq comédiens, soumettent leur corps et leur voix à la dictature elliptique de l’argent facile, obtenu par la philanthropie déguisée des escrocs qui le prête avec compassion. L’Interlude T/O réalise une composition remarquable, fine et poignante, proposant, avec un engagement sans concessions, un travail rythmique étonnant dans lequel se mêlent voix, instruments, textes et sons dans une forme réaliste époustouflante. Dehors Peste le Chiffre Noir De : Kathrin Röggla Traduction : Hélène Mauler et René Zahnd Conception : Eva Vallejo et Bruno Soulier Mise en scène : Eva Vallejo Musique : Bruno Soulier Avec : Catherine Baugué, Lucie Boissonneau, Alexandre Lecroc, Pascal Martin-Granel, Bruno Soulier (piano et claviers), Léa Classens (violon), Ivann Cruz (guitare éléctrique) Scénographie : Hervé Lesieur Lumières : Xavier Boyaud Costumes : Dominique Louis Régie son : Olivier Lautem Du 20 janvier au 21 février 2010 Théâtre du Rond Point 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75 008 Paris www.theatredurondpoint.fr  Read More →
Critique de Bruno Deslot – En quête d’un bonheur illusoire Yaacobi et Leidental, deux amis de toujours, tentent de mettre un terme à leur relation fusionnelle car l’un d’entre eux est fermement décidé à faire l’expérience de la vie. D’inlassables parties de dominos, engagées sur le balcon de Leidental qui arrose le jeu de son thé favori, rythment le quotidien des deux amis. Mais la quarantaine, sonnante et trébuchante, encourage Yaacobi à tenter l’expérience de la vie et surtout celle du bonheur. Les dominos sont mis au placard et l’ami avec. Yaacobi s’aventure sur les chemins sinueux d’un bonheur fantasmé et y croise une musicienne saisie par la passion du piano. Ruth, jeune femme aux formes callipyges, à la poitrine maternelle et à la croupe charolaise, s’empiffre de sucreries de manière compulsive. Elle est le bonheur pour Yaacobi à qui elle ouvre le champ des possibles. Image hystérique et séduisante de la femme manipulatrice, Ruth hante les pensées de Yaacobi qui décide de l’épouser. Tous deux reçoivent Leidental, qui s’offre en cadeau de mariage le jour de la noce. Difficile d’envisager un ménage à trois lorsque chacun y cherche sa place et réclame sa part de bonheur. De la légèreté et du rythme ! Auteur d’une cinquantaine de pièces de théâtre, Hanokh Levin invente un langage théâtral qui lui est propre. Un style incisif, acerbe et parfois violent, avec Yaacobi et Leidental, il lève le voile sur les petites gens, confrontés à leur incapacité d’être heureux. Dans cette quête du bonheur illusoire, l’auteur propose une oeuvre qui travaille entre la pensée et la farce dans un discours sur l’humain ironique et tout particulièrement violent. Le théâtre de Levin est une déclinaison de l’impuissance à vivre qui nous renvoie à la farce de certaines de nos angoisses. Bourreau ou victime, dans Yaacobi et Leidental, les personnages sont en quête d’un bonheur qu’ils s’évertuent à détruire, consistant seulement à se donner le sentiment d’exister. Des dominos et un ami au placard, qui s’offre tout de même en cadeau, le jour des noces de Yaacobi et Ruth. Une musicienne se passionnant davantage pour le contenu de son freezer que pour ses gammes et un Yaacobi, tourbillonnant, cherchant sa place dans cet eldorado de comédie où Leidental, devenu l’homme à tout faire, semble l’avoir trouvée. Dans cette course haletante aux déconvenues existentielles des uns et des autres, Frédéric Bélier-Garcia, balise le terrain en respectant une dramaturgie du minuscule dans laquelle chacun circule de la chambre à la rue pour finalement se retrouver coincé à trois, dans un espace clos par la prégnance de leurs angoisses. De la légèreté et du rythme, voilà ce qui caractérise la mise en scène de Bélier-Garcia. Une lutte délirante, entre trois personnages aux désirs frustrés, s’enchaînant comme les rounds d’un match de boxe où les répliques fusent comme des coups de poing. Des gags grotesques, prévisibles et attendus sont savamment amenés de manière à ne pas alourdir le propos et faire croire au spectateur qu’il assiste à la fable rieuse du grand auteur israélien. Frédéric Bélier-Garcia affirme n’être « ni dans le cabaret, ni dans le théâtre, ni dans le café-théâtre mais face à une obsession en marche. » La dimension obsessionnelle fonctionne car l’ensemble de la mise en scène s’apparente davantage à une bande dessinée avec de lourds clins d’oeils à de Funès et d’autres protagonistes du rire, qu’à une véritable course au bonheur, perdue d’avance. Avec sans doute moins de citations à une culture trop consensuelle, le metteur en scène aurait pu se rapprocher du propos de l’auteur, mais ici, le rire et le tour de chant sont à l’honneur et noient l’aventure dans un tourbillon étourdissant d’effets comiques manquants de légitimité. Dans un décor aussi kitch qu’étouffant, récréant fidèlement l’intérieur des petites gens, que Levin évoque si bien, les comédiens s’ébrouent, s’essoufflent et se courent après avec une justesse incroyable. Un canapé, entouré d’un meuble d’angle sur lequel reposent des bibelots, jouxte une estrade, de l’autre côté de laquelle se trouve un escalier rouge rappelant celui d’un cabaret de fortune. Des meubles hauts servant de bar, des plantes vertes, un micro autant d’objets insolites et pourtant si réalistes, contribuent largement à souligner ce sentiment d’étouffement. David Migeot (Leidental), imperturbable et déterminé, poursuit sa course éprouvante après son ami Yaacobi (Manuel Le lièvre) qui excelle dans un rapport scène/salle quelque peu forcé. Agnès Pontier (Ruth), hystérique et imprévisible, utilise son corps comme sa voix selon une courbe asymétrique. Une direction d’acteurs irréprochable pour une réalisation exigeante et tonitruante qui sert le texte d’Hanokh Levin avec force et persuasion. Yaacobi et Leidental Comédie en 30 tableaux et 12 chansons De : Hanokh Levin Mise en scène : Frédéric Bélier-Garcia Avec : Manuel Le Lièvre, David Migeot, Agnès Pontier Musique : Reinhardt Wagner Scénographie : Sophie Perez Costumes : Petitpierre Régie son : Hervé Coudert Régie lumière : Guillaume Parra Habilleuses : Gwénaëlle Noal et Pilar Ballester Du 19 janvier au 26 février 2010 Théâtre du Rond Point 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris www.theatredurondpoint.fr Voir aussi : La critique du livre Yaacobi et Leidental  Read More →