Critiques // « Manhattan Medea » de Dea Loher à la Colline

« Manhattan Medea » de Dea Loher à la Colline

Jan 25, 2010 | Aucun commentaire sur « Manhattan Medea » de Dea Loher à la Colline

Critique de Bettina Jacquemin

De Corinthe à New York

New York, Manhattan, devant l’entrée de service d’une riche maison de la Cinquième Avenue, Médée attend seule.

Vingt cinq siècles après la Corinthe d’Euripide, amoureuse du même Jason, elle est toujours rebelle, passionnée, utopiste même, au cœur d’un nouvel empire.

Jason et Médée sont des immigrés. Comme dans l’antique histoire, leur amour est né d’un crime laissé derrière eux : ensemble ils ont tué. Mais pas question de se retourner : pour des clandestins, il n’est d’autre loi que survivre. Jason abandonne Médée pour échapper au feu qui le dévore et se refaire une nouvelle identité.

A transposition originale, mise en scène d’exception

Dea Loher retravaille le mythe de Jason et Médée et le situe au cœur de Manhattan. Tout y est : le meurtre du frère de Médée, l’abandon et la vengeance de l’héroïne, la passion et la mort de l’amour. Il se dégage de l’œuvre une puissance émotionnelle admirablement mise en scène par Sophie Loucachevsky.

A peine entré dans la salle du Petit Théâtre, à la Colline, on est agréablement surpris par la disposition des fauteuils. Deux estrades se font face et laissent place à une scène improvisée à même le sol. Projections et lumières vous glacent dès le début. Loin d’être de simples artifices, elles sont ici un quatrième personnage à part entière.

La version scénique de Sophie Loucachevsky est jouée par trois acteurs (six rôles sont établis dans la pièce originale).
La Médée de Dea Loher est coléreuse. Sophie Loucachevsky mène le personnage vers une certaine hystérie. Un trait de caractère justifié pour une Médée, rappelons le, trahie et désespérée mais parfois un peu trop amplifié par les éclats de voix de la comédienne Anne Benoit (que, paradoxalement, on entend mal au début). A l’affiche également, Christophe Odent, en Jason et Sweatshop-Boss, le futur beau-père de Jason.
Et enfin, Marcus BORJA. Celui-ci interprète un certain Velasquez… On le retrouve par la suite en Deaf Daisy ou Daisy la sourde. Une double interprétation séduisante de part l’intensité émotionnelle que procurent sa voix, son accent, sa manière d’être…

« Ce sera une comédie, ce sera une tragédie, aucune importance », conclut ce travesti sourd qui semble être l’oracle de la cité moderne. Pour Dea Loher, auteur d’une quinzaine de pièces de plus en plus souvent mises en scène, raconter notre monde, c’est le débusquer au plus intime des relations entre les êtres.

Manhattan Medea
De : Dea Loher
Traduction de l’allemand : Olivier Balagna et Laurent Muhleisen
Avec : Anne Benoit, Christophe Odent, Marcus Borja
Mise en scène : Sophie Loucachevsky
Assistant à la mise en scène : Sébastien Chassagne
Collaboration artistique : André Antebi
Scénographie : Jean-Pierre Guillard
Costumes : Christine Brottes
Vidéo : Fred Koenig
Lumière : Nathalie Perrier
Musique : Marcus Borja
Son : Sylvère Caton
Coiffures et maquillages : Catherine Saint-Sever

Du 21 janvier 2010 au 20 février 2010

Théâtre de la Colline
15 rue Malte Brun, 75020 Paris
www.colline.fr

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.