Critique d’Evariste Lago –
Vous n’étiez jamais allé au théâtre avant.
Qu’est-ce qui fait qu’une grande institution comme la Comédie Française en reste une ? Peut-être sa capacité à s’enrichir de tous les savoir-faire et styles théâtraux, à s’oxygéner.
Car c’est bien une bouffée d’air frais, venue de Flandre et des Pays-Bas, qui souffle en ce moment sur les planches de l’annexe du Vieux-Colombier. En laissant les commandes à Damiaan De Schrijver, Peter Van den Eede et Matthias de Koning, la Comédie Française offre aux sociétaires et pensionnaires, interprètes de cette pièce, de nouvelles perspectives dans l’interprétation et l’interactivité avec le public.
Bienvenue à la maison
Résumer une pièce. Dur exercice et qui plus est pour celle-ci. Car est-on vraiment sûr que celle jouée ce soir sera la même qu’hier ou que demain ?
Néanmoins, un point de départ : une arrivée. Un point d’arrivée : un départ. Paradoxal ?
Tout commence par l’arrivée d’invités dans une soirée. Mais ce pourrait bien être aussi votre arrivée que les comédiens attendent. Puis, une fois la soirée finie, le départ des dits invités (ou peut-être le vôtre). Entre les deux, des échanges (l’amitié, l’amour, la jalousie, …) entre des personnages -plus en nombre que les comédiens- aux noms aussi slaves qu’imprononçables.
Fiction / réalité
A l’heure du lancement de la télévision en trois dimensions et où certains « blockbusters » du grand écran tentent de nous faire pénétrer au plus profond des scènes, il convient de rappeler que le théâtre se vit en 3D depuis toujours et qu’il n’est point besoin de lunettes spécifiques pour appréhender tout le relief d’une œuvre. Et c’est particulièrement vrai lors de cette représentation où le spectateur, dont les acteurs ne sauraient plus que jamais se passer, se retrouve habilement impliqué, témoin (voire complice) à 360° d’une œuvre apparemment éphémère et unique. L’utilisation de l’espace scénique, d’une manière ancestrale oubliée et donc nouvelle et révolutionnaire, participe grandement à cet exercice d’inclusion du spectateur.
L’interactivité étant ici la règle d’or, tout événement extérieur (éclairage, musiques, problèmes techniques, réaction d’un spectateur, …) peut influer sur le jeu des comédiens, ou plutôt les jeux des comédiens, ces derniers accomplissant la prouesse de jongler entre leurs propres personnages, voire même de les échanger.
Mais il ne s’agit point d’une improvisation totale. Au delà d’une créativité spontanée, le texte est là, précis, touchant et les chamboulements scéniques admirablement réglés. Et si cette impression de chaos était finalement bien prévue …
Le théâtre néerlandophone apparaît au Moyen-âge et s’ouvre au cours du XIXe siècle aux influences étrangères. L’art de l’improvisation et la proximité avec le public métamorphose, dès 1970, l’espace scénique et son implantation urbaine, qui devient théâtre de bâches transparentes bâti temporairement, hangars ou usines sommairement aménagés en salle de spectacle. La scène doit surprendre le spectateur et l’acteur qui doit réinventer son jeu chaque soir. L’interactivité est primordiale.
Laissez vos lunettes 3D à la maison et soyez à l’heure. La soirée ne saurait commencer sans les invités…
Paroles, pas de rôles / Vaudeville
De : Damiaan De Schrijver, Peter Van den Eede, Matthias de Koning
Avec : Coraly Zahonero, Laurent Natrella, Julie Sicard, Nicolas Lormeau, Léonie Simaga
Décor, costumes, lumières et son par les collectifs TG STAN, DE KOE et DISCORDIADu 20 janvier au 28 février 2010
Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier, 75 006 Paris
www.comedie-francaise.fr