Critiques // « Journée de Noces chez les Cromagnons » de Wajdi Mouawad à la Tempête

« Journée de Noces chez les Cromagnons » de Wajdi Mouawad à la Tempête

Jan 26, 2010 | Aucun commentaire sur « Journée de Noces chez les Cromagnons » de Wajdi Mouawad à la Tempête

Critique de Camille Hazard

Du spectacle pour oublier l’horreur, du spectacle pour combattre la guerre et colmater des blessures de famille.

Dans ce texte, Journée de noces chez les Cromagnons, Wajdi Mouawad ne prend pas partie dans le conflit qui incendie le Moyen-Orient. Quand la pièce commence, la guerre est là. Qu’importe les opinions sur cette guerre, qu’importe les souhaits, les rêves, les envies de départs vers une autre terre ; la guerre est bien là, tout autour et dans chaque maison. W.Mouawad nous montre l’instinct humain face à la mort, l’obligation de survivre et jusqu’òu  les Hommes sont capables d’aller. D’abord, dans les cœurs, il y a la colère, la révolte, puis la peur qui « engourdit » la vie quotidienne, ensuite arrivent les espérances après les prières, le rêve qui nous fait un peu oublier l’horreur des Hommes et enfin le dernier sursaut de vie : tenter coûte que coûte ce rêve, le rendre possible, on y a tellement pensé, on l’a tellement imaginé, cherché, que maintenant il s’impose à nous comme une évidence ; on repart vers l’enfance, là où tout est possible.

Ces merveilleux feux d’artifice que produit la guerre

En plein bombardements, les parents d’une famille préparent les noces de leur fille Nelly. Absence d’électricité, manque d’argent, légumes périmés, disputes familiales…Cette préparation de noces tourne au combat : combat contre la guerre. Mais tout doit être prêt, les gens viendront, les noces seront célébrées ! Et pourtant, il n’y aura pas de fiancé car ce mariage est une farce, un rêve que chacun tente de vivre. Le spectacle est entré dans la maison.

Les parents se haïssent autant qu’ils s’aiment, leur fils cadet Neel, trop idéaliste pour survivre à cette guerre tente de rester enfant, Walter, leur fils aîné, s’est engagé dans les combats sans savoir qui combattre ni qui protéger! et enfin, Nelly, qui souffre de narcolepsie,( « ce qui est une chance en temps de guerre » dit sa mère) et qui aime regarder par sa fenêtre les feux d’artifice que produisent les missiles et les mitraillettes.Dans cette famille, où tout le monde se déchire, où plus personne ne se parle, les noces sont un prétexte aussi pour se retrouver, et s’aimer. Faire semblant d’être heureux pour l’être vraiment ; vaine illusion ?

« Les gens de mon pays sont indéspérables, malgré tout leur désespoir et demain, vous les verrez remettre des vitres à leurs fenêtres, replanter des oliviers, et continuer, malgré la peine effroyable, à sourire devant la beauté »
Wajdi Mouawad.

La metteur en scène, Mylène Bonnet, arrive avec force, à nous montrer, dans ce marasme, cette mère de famille poignante qui ne laissera s’égarer personne. C’est d’abord son rêve, elle emmènera mari et enfants dans son obstination à préparer ces noces comme une louve qui protège ses petits. La mise en scène est simple et efficace, il y a de la vie sur le plateau mais aussi derrière les murs grâce aux bruitages, aux ombres qui se découpent…

Le salon d’une maison « basse » comme on peut en voir au Moyen-Orient, des draps en guise de séparation, entourent la chambre de Nelly ( celle ci nous apparaîtra comme un rêve en ombres chinoises, et on ne la verra qu’à la fin de la pièce) des vêtements, des tissus suspendus à des cordes à linge, des murs ébréchés, un passage suspendu qui surplombe l’habitation. Mylène Bonnet a souhaité un décor et un jeu réalistes qui collent parfaitement au texte poétique de W.Mouawad. Le jeu des comédiens, parfois inégale (mais Philippe Canales qui interprète Neel a dû remplacer Pierre Ascaride en trois semaines !), demeure solide. L’interprétation de Cantal Trichet dans le rôle de la mère et celui de Patrick Paroux dans le rôle du père est remarquable : leur jeu est nourri de ruptures, de plusieurs « couches » de personnalité, ils arrivent à rendre sur le plateau, des personnages complexes et vivants. Voilà une mise en scène qui accompagne le texte de Wajdi Mouawad avec simplicité en ayant compris les intentions de l’auteur, son langage, et qui parvient à nous donner des émotions par la représentation réaliste qu’elle fait de la guerre : bombardements, présence du sang…

C’est un joli travail et nous irons voir les prochaines mises en scène de Mylène Bonnet avec plaisir.

Journée de Noces chez les Cromagnons
De : Wajdi Mouawad
Mise en scène : Mylènne Bonnet
Avec : Sabrina Baldassarra, Philippe Canales, Céline Chéenne, Xavier Clion, Cyril Hames, Patrick Paroux, Chantal Trichet
Scénographie : Lisa Ternon
Lumières : Pascal Sautelet
Costumes : Josy Lopez
Conception sonore : Stéphanie Gibert
Collaboration artistique : Cécile Lehn

Du 21 janvier au 21 février 2010

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, Route du champ de manœuvre, 75 012 Paris
www.la-tempete.fr

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