ƒƒƒ article Camille Hazard
En quelques pages, Dieudonné Niangouna se livre à cœur ouvert et saignant sur l’enfant de Brazzaville qui est passé de l’autre côté de l’écriture, sur ces amoncellements de mots qui tambourinent en son ventre, sur son besoin d’écrire jusqu’à se perdre dans les affres de l’intime. Pourtant les premières pages porteuses d’évocations et de mémoires vont s’assombrir d’indignation et de rage…
Acteur, metteur en scène et écrivain reconnu par ses pairs, Dieudonné Niangouna s’est vu confié cette année, le rôle tant convoité d’artiste associé au Festival d’Avignon 2013.
« Et un matin on se réveille, et c’est un monstre, rapace et vorace, avec une conscience de macro-tracteur et des bras de chêne, une vieille carcasse de machine sortie de la terre. »
L’écriture de D. Niangouna est un enchevêtrement de passages poétiques teintés de lyrisme et de mots bruts comme échappés d’un animal qui ne peut s’arrêter de courir. Il se souvient, il tente de comprendre, il est en colère.
« Vous êtes une faute que vous écrivez. »
Il nous emmène sur les traces de sa « mémé australopithèque », qui parvenait à tenir éveillé tout un village africain avec ses histoires ancestrales et magiques. Puis l’école, ses cadres et son ennui mortel. Son envie d’écrire, son besoin d’écrire, la lente perdition au fond de soi.
« T’es à la frontière avec ta propre folie mais tu ne savais pas que c’était la tienne. »
Sa peur, son besoin d’avoir peur pour tout remettre en question et renaître neuf. Puis cette question :
« Pour quel théâtre militons-nous ? »
Le théâtre, comme nous le connaissons, est arrivé par bateau en Afrique, avec ses codes, ses formes, avec ce qu’il faut faire ou ne pas faire, avec son dictat. Le théâtre et ses « hommes providentiels » (dont eux-mêmes se sont octroyés le titre) ont pénétré les villes, ont « découvert » des artistes francophones (Bah oui, il faut parler français tout de même !). Il les ont ramenés en France avec un orgueil mal dissimulé, en se targuant d’avoir découvert un artiste africain: » le premier du genre… le plus… le moins… qui n’a jamais… » enfin toute une surenchère de superlatifs pour parler du malheureux artiste qui s’est pris les pieds dans le filet et maintenant prisonnier des griffes d’une partie de l’intelligentsia théâtrale occidentale.
Les organismes culturels, les centres dramatiques, les politiques, tous rassemblés ponctuellement pour parler du développement de la culture en Afrique, de leur rôle de saint sauveur pour éclairer la population, amener le théâtre. La colonisation perdure dans toute sa splendeur au travers de la langue et de la culture…
Derrière ces lignes écrites avec le sang de la révolte, on aperçoit une douleur et une tristesse infinie. Le texte un réquisitoire en forme de cri aigu.
Dieudonné Niangouna boxe avec les mots et nous recevons ses coups. À la fois poète et fauve, il lance un appel pour que revienne la liberté au théâtre.
Acteur de l’écriture
de Dieudonné Niangouna
Editions Les Solitaires Intempestifs
1 Rue Gay Lussac – 25000 Besançon
Téléphone: 03 81 81 00 22
www.solitairesintempestifs.com
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