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Mais quelle comédie ! de Serge Bagdassarian et Marina Hands, Comédie-Française

Oct 13, 2021 | Commentaires fermés sur Mais quelle comédie ! de Serge Bagdassarian et Marina Hands, Comédie-Française

 

© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Epoustouflante Comédie-Française qui se lâche, avec grande maîtrise, dans une comédie-musicale, une revue de music-hall complètement barrée, où souffle dans ce décor de cabaret pourpre et pailleté un vent de folie, que dis-je un vent ? Une tornade, oui, un joyeux tohu-bohu et surtout, surtout soulève dans un formidable éclat de rire, beaucoup d’autodérision non moins teintée de sensibilité, une part de mystère, les coulisses, la vie quotidienne de cette ruche laborieuse, infatigable. Sous la houlette de Serge Bagdassarian et de Marina Hands, direction musicale et arrangements de Vincent Leterme et Benoît Urbain, la troupe mène ce show avec une énergie sans faille, danse, chante, fait des claquettes, joue sans temps mort, allegro vivace. Et que de surprises ! On ne s’attendait certes pas à cette version homoérotique de Big Spender, de Sweet Charity, sur des répliques bien choisies pour l’occasion de Cyrano de Bergerac. Encore moins au Cell Block tango, de Chicago, où les héroïnes du répertoire classique, Agnès, Lucrèce, Roxane, Arcadina, Lucette Gautier et consœurs, avouent le meurtre entre jouissance et exaspération qui d’Arnolphe, qui de Ragueneau, qui de Bouzin… Il n’y a pas que le petit chat de mort dans cette affaire. Et les numéros solo, sketchs ou chansons, respect de la convention du genre qui voit l’alternance avec les ensembles, sont l’occasion pour chacun de dévoiler un peu de leur âme, de leur regret, de leur bonheur, au sein de la troupe. Serge Bagdassarian déplorant de ne jamais être distribué dans la tragédie et qui pour l’occasion se lance dans un inénarrable et anthologique numéro, qui l’aurait cru ? sur Avant de nous dire adieu !, à faire se retourner dans sa tombe Madame Segond-Weber. Pour la tragédie, c’est bien foutu ! D’ailleurs, au niveau répertoire français y faire entrer Pierre Repp, illustre bafouilleur, magistralement revisité par Noam Morgensztern en pensionnaire émotif, il fallait oser. Et c’est tant mieux. Oui chacun des comédiens se livre ainsi, se met en scène et à nu. Julie Sicard et Florence Viala, cette dernière à l’occasion dresseuse de lucioles pour mon truc en plume, qui tentent de concilier, au bord du burn-out, vie de famille, enfants, et leur engagement dans cette maison industrieuse. Pas facile au vu de l’enfer parfois des cadences, cette alternance propre au lieu. Ainsi Elsa Lepoivre qui retrace avec beaucoup d’humour et de célérité, mais pas que, une journée particulière : 14 h 30 Les Damnés, 18 h 30 Les contes du chat perché, 20 h 30 Lucrèce Borgia. Minuit… la solitude et un téléphone désespérément muet. L’audition de Yoann Gasiorowski devant Éric Ruf en sandales − le détail qui tue − avant ses premiers pas dans la Maison avant de finir sur Gotta Danse déchaîné de Chantons sous la pluie, comme une évidence. Le burlesque tressé de mélancolie d’Anne Kessler, chantant Si maman si de France Gall, ou reprenant Mourir sur scène de Dalida. Oui, il faudrait les nommer tous, de Sylvia Berger, voix impériale, à Salomé Benchimol pour son gouailleur Avec mon tralala ou encore Gaël Kamilindi, si troublant travesti pour un I go to sleep, de Ray Davis, à fleur de peau… Chacun ici se dévoile, se raconte, joue son propre rôle, dans ce décor de cabaret propre à la confidence. Et c’est toute la force et la singularité de cette maison qui à travers ce show se révèle. Simulis et singulis, ensemble et soi-même, comme il est écrit au fronton de la Maison. Exprimant aussi ce bonheur d’être enfin là, sur ce plateau, et d’offrir encore une fois, comme un pied de nez après ces mois de confinement, le meilleur d’eux-mêmes, et un bien plus encore. Et ce qui commence par Anythings goes (Tout peut arriver) de Cole Porter, arrachant déjà des applaudissements nourris, se conclue dans un tonnerre de claquement de mains par Always look on the bright side of life (La vie de Brian, des Monty Python). Non, rien ne peut arriver de mieux en effet sur ce plateau à regarder la vie du bon côté.

 

© Vincent Pontet, coll. Comédie-Française

 

Mais quelle comédie ! conception et mise en scène Serge Bagdassarian et Marina Hands

Scénographie Chloé Bellemère (promotion 2021 de l’Académie de la Comédie-Française)

Costumes de la Troupe sous le regard de Christian Lacroix et Jean-Philippe Pons

Lumière Bertrand Couderc

Direction musicale et arrangements Vincent Leterme et Benoît Urbain

Son Julien Hulard

Travail chorégraphique Glysleïn Lefever

Assistanat à la mise en scène Alison Hornus

 

Avec Anne Kessler, Sylvia Bergé, Alain Lenglet, Florence Viala, Elsa Lepoivre, Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Nicolas Lormeau*, Jennifer Decker*, Noam Morgensztern, Gaël Kamilindi, Yoann Gasiorowski, Clément Bresson*, Marina Hands*

Et Salomé Benchimol (promotion 2021 de l’Académie de la Comédie-Française), Nicolas Verdier (promotion 2021 de l’Académie de la Comédie-Française)

Et les musiciens Vincent Leterme*, Benoît Urbain*, Pierre-Jules Billon, Philippe Briegh, David Douerain*, Pierrick Hardy*, Olivier Moret, Luce Perret

*en alternance

 

Du 1er octobre 2021 au 3 janvier 2022

 

Comédie-Française

Salle Richelieu

Place Colette

75001 Paris

 

Réservations 01 44 58 15 15

www.comedie-française.fr

 

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