Critiques // « Ubu Roi » d’Alfred Jarry, mise en scène Jean-Pierre Vincent à la Comédie Française

« Ubu Roi » d’Alfred Jarry, mise en scène Jean-Pierre Vincent à la Comédie Française

Juin 07, 2010 | Aucun commentaire sur « Ubu Roi » d’Alfred Jarry, mise en scène Jean-Pierre Vincent à la Comédie Française

Critique de Bettina Jacquemin

Du scandale à la farce

« A ta place, ce cul, je voudrais l’installer sur un trône ». Voilà que Père Ubu, « capitaine de dragons, officier de confiance du Roi Venceslas, décoré de l’ordre de l’Aigle Rouge de Pologne et ancien roi d’Aragon » et… « fort grand voyou », au demeurant se voit largement encourager par Mère Ubu, d’assassiner le roi Venceslas ainsi que tous ses descendants. Rapidement convaincu des « conséquences avantageuses » de l’acte, Ubu, en vaillant combattant qu’il est – « N’oublions pas que les militaires font les meilleurs soldats » dira-t-il – charge son fidèle capitaine Bordure de commettre le crime. Une fois couronné, il oublie alors de récompenser ses serviteurs et renonce à nommer Duc de Lituanie celui à qui il doit son titre. Nobles, magistrats et financiers sont spoliés puis assassinés. « Avec ce système, j’aurai vite fait fortune, alors je tuerai tout le monde et je m’en irai ». Ubu glisse rapidement vers l’anarchie. Mais, les vents prennent un sens contraire…

© Brigitte Enguérand

Au delà des limites…

Jean-Pierre Vincent met en scène la pièce scandaleuse et dérangeante d’Alfred Jarry à la Comédie française. Reprise « allégée » (2h), elle gagne en rythme et laisse la part belle au rire.

Quelques lenteurs se font sentir dès les premières scènes. Mais, aussitôt Michel Robin, digne représentant du roi Venceslas en scène, le spectacle démarre.

Ubu, vivement encouragé par sa femme, devient le tyran à l’anarchie « parfaite », indique le metteur en scène. Despotique et assassin, il bannit les nobles, rend la justice à la place des magistrats et réorganise les finances : « J’ai changé de gouvernement  et j’ai fait mettre dans le journal qu’on paierait deux fois tous les impôts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement ». Les scènes s’enchaînent, Ubu impose sa tyrannie.

© Brigitte Enguérand

Ubu, une « citrouille armée », roi de « nulle part »

Sur la scène de la Comédie française, l’atmosphère est jubilatoire. Les combattants aux allures de Jedi jouent sur des orgues Bontempi et le couronnement d’Ubu et de sa femme semble être un « remake » de Sissi. Le rire est franc même si le comique de situation lasse un peu à la longue. La pièce exige les excès. Inutile d’en rajouter.

La comédie s’appuie sur un fond tragique que l’on perçoit tout de même aisément grâce à la prestation exceptionnelle des comédiens. Ils ne manquent pas de souffle et déploient leur énergie ; Serge Bagdassarian en Ubu infantile et bien peu courageux en tête !

Bien décidé à régner sur la Pologne, Ubu poursuit l’objectif d’éliminer tous ses adversaires et s’attaque au « Czar ». Toujours plus loin. Toujours plus sombre. Et, pourtant, on rit toujours malgré l’image d’un Ubu… contemporain ?

La farce tragique perd sans doute un peu de son aspect dérangeant. Ah, qu’il est bon, pourtant, de se réjouir des bouffonneries du héros !

Ubu Roi
De : Alfred Jarry
Mise en scène : Jean-Pierre Vincent
Avec : Martine Chevallier, Anne Kessler, Michel Robin, Christian Blanc, Christian Gonon, Nicolas Lormeau, Clément Hervieu-Léger, Grégory Gadebois, Pierre Louis-Calixte, Serge Bagdassarian, Stéphane Varupenne, Adrien Gamba-Gontard, Gilles David et Imer Kutllovci
Dramaturgie : Bernard Chartreux
Décor : Jean-Paul Chambas
Costumes : Patrick Cauchetier
Lumières : Alain Poisson
Chansons : Pascal Sangla
Son : Benjamin Furbacco

Du 02 juin 2010 au 15 juillet 2010

Comédie française
Place Collette, 75 001 Paris
www.comedie-francaise.fr


Voir aussi :
L’article de Pauline Decobert

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