Critiques // « Salieri, le mal-aimé de Dieu » de Jean Hache au Lucernaire

« Salieri, le mal-aimé de Dieu » de Jean Hache au Lucernaire

Juin 04, 2011 | Un commentaire sur « Salieri, le mal-aimé de Dieu » de Jean Hache au Lucernaire

Critique de Bettina Jacquemin

Il voulait être le seul…

Jean Hache réhabilite l’œuvre de Salieri sur la scène du Lucernaire. Un compositeur dont l’œuvre musicale est tombée dans l’oubli et pour lequel la mémoire retient l’unique légende selon laquelle il aurait empoisonné Mozart… Le comédien compose un personnage dont la jalouse folie reconnaît le génie manifeste de son audacieux concurrent. Haine et admiration dévoilent alors une réelle humanité.

Antonio Salieri, autrefois compositeur officiel à la Cour de Vienne est enfermé dans un asile. Une vie consacrée à la musique et un destin tragique, celui d’être oublié de tous. Dieu aurait-il trahi l’artiste renommé ? Salieri raconte celui que le ciel lui a préféré.

Tourments

Alors que la nouvelle d’Alexandre Pouchkine, Mozart et Salieri (1830), la pièce de Peter Schaffer et Amadeus, le film de Milos Forman (1984) entretiennent la légende selon laquelle Salieri aurait empoisonné Mozart, Jean Hache, à la fois auteur et comédien se concentre ici sur l’enfermement dans lequel se trouve le personnage. Un Salieri, oublié de tous, haineux parfois et convoquant Dieu, toujours. Le co-metteur en scène (collaboration avec Roland Hergault) capte ici notre attention grâce à quelques rares éléments de décors. Les barreaux d’une prison évoquent la solitude d’un compositeur, autrefois reconnu. Un jeu subtil de lumières souligne le dialogue engagé avec Dieu et oriente ainsi notre œil vers l’âme du personnage.

La musique des auteurs et la voix de Mozart (Emmanuel Ray) se font entendre. Comme pour mieux comprendre la rivalité évidente entre les deux compositeurs. Un « combat de notes » que Salieri raconte, exalté, passionné aussi par les « œuvrettes » d’un « gamin irrespectueux » qu’il compare à un « saltimbanque ».

Du cœur…

Au delà de l’être jaloux, Jean Hache compose un tendre Salieri, reconnaissant au jeune virtuose qu’est Mozart le génie de composer une musique capable de « dialoguer avec les anges ». La qualité du texte et le juste choix des mots rappellent qu’il ne suffit pas d’être au service des puissants pour mieux être reconnu. Les compositions musicales de Salieri, (elles sont sur la scène du Lucernaire un personnage à part entière) étaient essentiellement présentées comme des « musiques » de commandes.  Jean Hache fait alors parler Mozart : « du cœur » dira-t-il à Salieri…

A l’aspect historique et éclairé de la pièce s’ajoute une agréable ferveur dont fait preuve le comédien. Un bouillonnement communicatif, on se prend alors à savourer les musiques diffusées sur scène et pas seulement celles de Mozart…

Salieri, le mal-aimé de Dieu
De et par : Jean Hache
Avec la voix de : Emmanuel Ray
Mise en scène : Jean Hache et Roland Hergault
Concepteur lumières : Roland Hergault

Du 1er juin au 28 août 2011

Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs, Paris 6e
www.lucernaire.fr

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