Critiques // « La Leçon » d’Eugène Ionesco, mise en scène Samuel Sene au Théâtre du Lucernaire

« La Leçon » d’Eugène Ionesco, mise en scène Samuel Sene au Théâtre du Lucernaire

Août 15, 2010 | Aucun commentaire sur « La Leçon » d’Eugène Ionesco, mise en scène Samuel Sene au Théâtre du Lucernaire

Critique de Bettina Jacquemin

Une nouvelle élève sonne à la porte…

Une bachelière, désireuse de préparer le « Doctorat total » se présente chez un professeur afin d’y suivre une première leçon. La jeune fille, sage et polie entre en scène dans son habit d’écolière. Plis repassés et collerette laissent pourtant deviner la fin de l’adolescence… L’élève, sûre d’elle fait face à un professeur, timide, bégayant et à la diction retenue.

Rappel des notions élémentaires de calcul et cours magistral de linguistique. Une seconde discipline à éviter, selon l’employée de maison. Aux échanges cordiaux, succède alors une situation délirante…

Drame… comique

Il y a du côté du Lucernaire une proposition scénique fidèle aux intentions de l’auteur. Claire Baradat, l’élève, Jacques Verzier, le professeur et Marie-France Santon, la bonne partagent la scène, ce soir là. Tous les trois participent à cette montée en puissance menant vers le déraisonnable. Une progression vers l’horreur d’autant plus subtile qu’il s’agit là d’un drame comique. Les comédiens respectent avec simplicité la dimension naturellement humoristique du texte de Ionesco. Pari réussi pour celui qui les dirige. Samuel Sené nous permet de savourer un texte qui se suffit à lui même :

« …Vous avez donc dix doigts.
Oui, Monsieur.
Combien en auriez-vous, si vous en aviez cinq ?
Dix, Monsieur.
»

« La philologie mène au pire »

Si le professeur s’émerveille rapidement des qualités intellectuelles de la jeune fille, il ne tarde pas à être exaspéré par son air enjoué. Une tension rendue palpable grâce à celui qui réalise sur scène un véritable travail d’orfèvre. Jacques Verzier réussit à faire disparaître minutieusement sa timidité au profit d’un comportement autoritaire. La diction se veut plus rapide et le regard du comédien traduit progressivement… l’impensable. Une transformation loin d’être physique. Subtile. Une montée en puissance toute en finesse. Un glissement vers l’horreur auquel l’élève succombe. Claire Baradat abandonne sa fraîcheur du début et adopte la souplesse nécessaire à la jeune poupée passive qu’elle va devenir. Une situation annoncée à maintes reprises par la bonne dont la présence angoissante est admirablement incarnée par Marie-France Santon.

La bonne surprise

Les lumières et le décor sont à la hauteur de la subtile progression vers l’issue fatale. En révélant leurs secrets lors du tableau final, les éléments du décor, notamment participent à la compréhension du dénouement. La bonne surprise ! Inutile, alors de sexualiser autant l’acte final… Une excellente prestation des comédiens et une réelle inventivité scénique, il n’en fallait pas plus pour accompagner un texte suffisamment clair : une nouvelle élève sonne à la porte…

La Leçon
De : Eugène Ionesco
Mise en scène : Samuel Sene
Avec : Claire Baradat, Christian Bujeau ou Jacques Verzier, Isabelle Ferron ou Marie-France Santon
Décor et costumes : Isabelle Huchet
Lumières : Franck Seigneuric

Du 30 juin au 11 septembre 2010
Prolongations du 12 septembre au 17 octobre 2010

Théâtre du Lucernaire
53 Rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris – Réservations 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr

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