Critiques // Critique • « Frida Kahlo, attention peinture toujours fraîche » de Lupe Velez au Théâtre Déjazet

Critique • « Frida Kahlo, attention peinture toujours fraîche » de Lupe Velez au Théâtre Déjazet

Juil 18, 2011 | 3 commentaires sur Critique • « Frida Kahlo, attention peinture toujours fraîche » de Lupe Velez au Théâtre Déjazet

Critique de Dashiell Donello

« Son art est un ruban autour d’une bombe »
André Breton

Le 17 septembre 1925 va sceller le destin de Frida Kahlo (1907-1954). Un tramway heurte violemment l’autobus dans lequel elle se trouve. La main courante du véhicule l’a traverse de part en part. Ce terrible accident va briser son bassin, ses côtes et sa colonne vertébrale. Elle passe de longs mois à l’hôpital et porte un corset en plâtre. C’est alors qu’elle commence à peindre. Mais la position allongé l’entrave. Alors ses proches placent un baldaquin au-dessus de son lit avec un miroir pour ciel. Elle peut alors se servir de son reflet comme modèle. Ce qui sera le début d’une longue série d’autoportraits qu’elle réalisera par la suite. Ce mauvais coup du sort, a fait que sa peinture ne sera jamais rêvée, mais vécue.

« On me prenait pour une surréaliste. Ce n’est pas juste. Je n’ai jamais peint de rêves. Ce que j’ai représenté était ma réalité ».

Frida Kahlo se différencie du surréaliste par sa réalité quotidienne. Elle vit sa “mexicanité” en mêlant une partie de son moi et de sa tradition culturelle dans une peinture d’avant-garde. Elle est la femme moderne par excellence, libre et indépendante dans sa vie comme dans ses choix. La beauté de son corps meurtri s’habille de jupes paysannes à volants de dentelle, ses épaules sont ornées de châles à fleurs, avec au bras, des bracelets d’argent et aux doigts des bagues d’émeraude. Elle dit de ses vêtements : « ils étaient une façon de s’habiller pour le paradis, de se préparer à la mort ».

Cette peinture fraîche rêvée par Lupe Velez nous colle au cœur de l’émotion et nous fait frissonner les neurones, car c’est avec poésie et intelligence qu’elle met en scène ce roman d’une vie venue de la réalité. L’écueil d’une biographie qui tournerait en nécrologie de comptoir est évité. Le Mexique de Frida est convié à la fête de… Frida. Car, dès le lointain, on la voit apparaître et sortir du cadre d’un de ses tableaux. L’action est située dans une galerie d’art en attente du vernissage de la grande exposition sur le Mexique. Elle est en scène. C’est à Paris en 1939. Frida, l’hôte d’André Breton, rencontre les peintres Vassili Kandinsky, Ernst, Duchamp, Derain, Miro, Picasso etc. Ce dernier dira à Diego Rivera, grand peintre muraliste et mari de Frida : « Ni Derain, ni toi Diego, ni moi ne sommes capables de peindre une tête comme celle de Frida ».

Tout ce qui se passe autour de l’exposition la scandalise, elle ne mâche pas ses mots : « je suis envahie par cette bande de fils de putes lunatiques que sont les surréalistes ». Dans une lettre à Nickolas Muray (le photographe de Frida), elle écrit son antipathie pour les intellectuels parisiens : « ils ont tellement de foutus intellectuels pourris que je ne peux plus les supporter. Ils sont vraiment trop pour moi. J’aimerais mieux m’asseoir par terre dans le marché de Toluca pour vendre des tortillas que d’avoir quoi que ce soit à voir avec ces connards artistiques de Paris… Je n’ai jamais vu Diego ni toi perdre leur temps à ces bavardages stupides et ces discussions intellectuelles. C’est pour ça que vous êtes de vrais hommes et non des artistes minables — Bon sang ! Ça valait la peine de venir jusqu’ici juste pour comprendre pourquoi l’Europe est en train de pourrir, pourquoi tous ces incapables sont la cause de tous les Hitler et les Mussolini ».

Pour ceux qui ne connaîtraient pas Frida Kahlo et sa peinture, cette pièce vaut le déplacement. Car Lupe Velez ne joue pas Frida, elle est Frida. Tant est grande sa passion pour l’artiste peintre. Sa présence sur le plateau est d’une troublante vérité. Elle nous conte cette histoire en occupant l’espace avec cette magie chère aux Mexicains (apparitions, disparitions). Un personnage sorti tout droit d’un dessin de José Guadalupe Posada (1852-1913) hante les lieux (on aurait aimé le voir évoluer de manière plus discrète), les tableaux volent, pendant que des marionnettes rejouent le drame de Frida au son de la musique populaire du Mexique. Les éléments semblables à des piňatas (boîtes à surprises) se meuvent pour dévoiler un des nombreux corsets de plâtre que Frida a peint et porté durant son existence. In fine de nombreux bravos fusent d’un public satisfait d’avoir passé une heure vingt d’un plaisir partagé.

Frida Kahlo a terminé sa vie dans la « Maison Bleue » (la casa azul), actuel Musée Frida Kahlo, à Coyoacán, au sud de Mexico. Ses cendres sont dans cette magnifique demeure. L’urne où elle repose a la forme de son visage. Si vous passez par là un jour, entrez ! Vous sentirez sa présence. Le choix d’être incinérée n’est pas hasardeux, elle disait : « Même dans un cercueil, je ne veux plus jamais rester couchée ! »

Attention Peinture Toujours Fraîche
Frida Kahlo

De et mise en scène : Lupe Velez
Avec : Lupe Velez, Edouard Funck

Du 29 juin au 15 septembre 2011

Théâtre Déjazet
41 boulevard du Temple,  75 003 Paris – 01 48 87 52 55
www.dejazet.com

www.fridakahlo.fr

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