Critiques // « Et l’Enfant sur le Loup » de Pierre Notte au Théâtre du Rond-Point

« Et l’Enfant sur le Loup » de Pierre Notte au Théâtre du Rond-Point

Jan 17, 2011 | Aucun commentaire sur « Et l’Enfant sur le Loup » de Pierre Notte au Théâtre du Rond-Point

Critique de Bettina Jacquemin

L’affaire Josef Fritzl, l’histoire de ce père autrichien qui séquestre (et plus encore…) sa fille pendant vingt cinq ans trouble suffisamment Pierre Notte pour qu’il couche sur le papier l’illustration de la cruauté humaine. Dans Et l’enfant sur le loup, on reconnaît la griffe originale de l’auteur. On apprécie, doublement car l’écrivain est aussi sur scène. Le loup, c’est lui…

© Giovanni Cittaddini Cesi

Ils sont assis là, tous les deux, et il y a bien longtemps qu’ils ne se voient plus. Elle ne se supporte plus « j’en ai marre de ma gueule », lui ne la regarde plus depuis que leur fille a atteint l’âge d’être… une femme. Alors, il défonce la porte de la chambre de l’adolescente et la mère chante, chante et ferme les yeux. Le loup est là, aussi. C’est lui qui raconte l’histoire de ce conte cruel. Les rôles sont inversés, le méchant n’est pas celui auquel on pense.

Patrice Kerbrat met en scène ces parents monstrueux. Judith Magre et Jean-Jacques Moreau campent les visages pâles de l’horreur humaine. Leur discours est incisif et leurs vêtements sont faits de lambeaux de chair. Elle, qui se prend pour une pute arbore un maquillage outrancier. Son regard est invisible… Son âme aussi.

Drôle de cruauté

© Giovanni Cittaddini Cesi

Ici, il n’est question que « d’enfance confisquée… et d’abominables supplices » raconte le metteur en scène. Et pourtant, le sourire est au coin des lèvres. Il s’agit là d’un conte, et chez Pierre Notte, le dérangeant devient fable. Les caractéristiques des contes de notre enfance sont ici représentées, les parents monstrueux, la jeune fille esseulée et le symbole de notre imaginaire, le loup.

C’est l’auteur lui-même qui endosse la peau de la bête. Vêtu d’un manteau de fourrure, il se dote d’une gestuelle propre à lui et son phrasé nous happe et nous embarque dans ce conte. Sa voix haut perchée attire notre oreille et notre regard, elle suscite notre curiosité maladive ; on entend et on écoute la bête, pas si bête que cela.
 Pierre Notte s’amuse et apaise ainsi un regard agité sur l’âme humaine (le nôtre ?). Un clin d’œil à sa pièce parue en 2005, « Moi aussi je suis Catherine Deneuve » (le loup lit un magazine sur l’actrice !) succède à la chanson. Humour et poésie transfigurent les souffrances indescriptibles ; « cela ne répare pas, cela ne console pas », écrit Pierre Notte, « cela soulage ».

Vingt ans plus tard, l’enfant né de l’inceste (Julien Alluguette) vient à la rencontre de ses grands-parents, échoués dans un cirque minable. Va-t-il devenir à son tour un monstre et condamner ses bourreaux par la vengeance ? Pierre Notte lui préfère le « tranquille débarbouilleur des mensonges familiaux ». Quand la patte du loup apaise les âmes…

Et l’enfant sur le loup
Texte : Pierre Notte
Mise en scène : Patrice Kerbrat
Avec : Judith Magre, Jean-Jacques Moreau, Pierre Notte et Julien Alluguette
Collaboratrice artistique : Céline Billès-Izac
Décorateur : Edouard Laug
Créateur lumière : Laurent Béal
Costumière : Pascal Bordet assistée de Caroline Martel

Jusqu’au 13 février 2011

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin-Roosevelt, 75 008 Paris – Réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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