Critique de Pauline Decobert

Dans le cadre des Dionysies 2012, festival soutenu par l’Université Paris-Sorbonne, la toute jeune compagnie « Allez Bacchante ! » nous propose une interprétation passionnée de la fameuse Hécube d’Euripide…  Un surprenant équilibre entre retour aux sources et création.

La beauté révélée par la violence d’un sort terrible.

Hécube est une pièce connue pour être d’une grande violence, mais l’ambition de la compagnie est plutôt de nous montrer la grande beauté des gestes tragiques, presque devenus incompréhensibles, insaisissables dans une société telle que la nôtre. C’est toute la culture grecque que veut nous faire revivre « Allez Bacchantes ! ». Après la guerre, Troie est détruite par les grecs et ceux-ci emmènent avec eux les femmes comme esclaves, dont la reine Hécube. Déchue de son titre royal, la reine est vouée à un avenir peu digne de son rang. Son malheur semble prendre la forme d’un flot implacable et sans fin : elle devra surmonter la mort des derniers enfants lui restant de la guerre, Polydore et Polyxène.

Le chœur retrouve toute sa puissance dans la mise en scène de Laure Petit, les cris stridents (supposés être ceux d’origine) trouvent leur place en faisant gronder le malheur, les percussions sont comme des coups de tonnerre. Mélanie Peyre incarne brillamment une Polyxène à la force étonnante : tendre enfant réclamée pour être sacrifiée sur la tombe d’Achille comme une vache,  elle devient femme forte qui préfère s’offrir plutôt que d’être volée. Polyxène nous apparaît comme un être taillé dans la douleur, surgissant d’elle comme d’une chrysalide. Le rôle et la grandeur des femmes sont effectivement au cœur de cette pièce, et particulièrement mis en valeur par les choix de mise en scène. Zoé Lemonnier donne à Hécube un caractère presque méchant plutôt que pitoyable, et évite ainsi la facilité du misérabilisme. Bien sûr, certains des comédiens ont quelques hésitations, parfois quelques difficultés à placer leur voix, certaines comédiennes du chœur se répètent de temps en temps ouvertement leur texte pour ne pas faire d’erreur…etc. mais pourtant leurs regards brillent d’une fougue que l’on croise de plus en plus rarement dans les théâtres, leur passion pour cette culture et pour cette pièce rayonne à travers eux tous. Les larmes sont difficiles à retenir lorsque Polyxène offre son corps au sacrifice. Les costumes de Annalinda De Rosa sont d’une simplicité efficace (on se demande quand même pourquoi les pieds sont nus), qui met en valeur le travail des comédiens. On se passe de décor, le chœur lui-même nous emporte avec lui d’une seule voix.

Bien que parfois l’individualité refasse surface, on sent que ce spectacle qui n’est pas encore achevé a les moyens de bouleverser certaines valeurs établies et de devenir réellement subversif. La compagnie « Allez Bacchantes ! » fait partie de ces rares jeunes compagnies que l’on a vraiment envie d’encourager

Hécube d’Euripide.
Mise en scène et traduction de Laure Petit
Assistant à la mise en scène : Nicolas Bertoldi
Scénographie et costumes de Annalinda De Rosa (réalisation collective des costumes)
Percussions de Yannick Monnot, Thibault Lepri, Pierre-Olivier Schmitt
Avec Zoé Lemonnier, Mélanie Peyre, Nicolas Schmitt, Jean Roux, Nicolas Bertoldi
Chœur avec Marie Astier, Louise Buléon, Marine De Gouvello, Néphéli Mauche, Salomé Paul, Laure Petit, Sara Ruiz Guevara, Roxane Sauvage, Pauline Schill, Yuka Shimizu

Dans le cadre des Dionysies 2012, festival de théâtre antique organisé par l’Université Paris 4-Sorbonne.

Les 30 et 31 mars

Réfectoire des Cordeliers
15 rue de l’école de médecine 75006 Paris
Réservation au 01 44 27 81 60
Métro Odéon
www.refectoire-cordeliers.paris-sorbonne.fr

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