Critiques // « Toby » par la Cie Asanisimasa aux Ateliers Berthier / Festival Impatience

« Toby » par la Cie Asanisimasa aux Ateliers Berthier / Festival Impatience

Juin 25, 2010 | Aucun commentaire sur « Toby » par la Cie Asanisimasa aux Ateliers Berthier / Festival Impatience

Critique de Pauline Decobert

Saut dans le vide

Toby ou le saut du chien, est présentée dans le cadre du Festival Impatience. Ce Festival créé par le Théâtre de l’Odéon, nous permet de découvrir ce qui se fait dans les jeunes compagnies de théâtre. Ici, tout tourne autour de Toby. C’est une super star vers laquelle se tournent tous les regards, comme autant de tournesols vers le soleil. Oui mais voilà, qui est Toby ? C’est la question que se pose Toby lui-même tout au long de la pièce. S’il est « sorti de la foule », il n’en est pourtant pas indépendant. Il ne vit que pour elle, que par elle. Toby ou le saut du chien, c’est l’histoire d’un jeune homme qui se prend pour un demi-dieu, et qui, ouvrant enfin les yeux, se rend compte qu’il n’est finalement que le chien de son propre public, entretenu par lui, dirigé par lui et totalement dépendant de lui et de ses désirs.

Il ne s’agit pourtant pas d’une sorte de parcours initiatique (un être réalise qu’il a pris le chemin de l’erreur et oriente alors sa vie dans une autre direction). L’histoire commence au moment où Toby a déjà commencé à dévier de son chemin. On devine sa vie passée comme pleine d’orgueil, d’arrogance, de mépris pour les autres. Toby ne reconnaît même pas sa première femme, épousée en deux jours, sur un coup de tête. Mais Toby ne peut pas changer pour devenir meilleur, il n’y a pas de rédemption possible, et encore moins d’issue. Toby est en effet devenu Toby pour le monde entier désormais, partout il est reconnu: « Il n’y a pas d’extérieur ». Sa vie pré-décidée, toute tracée, n’est plus la sienne. Ainsi nous assistons à ce que l’on pourrait appeler le déraillement de l’étoile filante, vers sa fin, inéluctable. Toby a des remords, sa conscience se réveille par la voix d’une mystérieuse petite fille. On ne sait pas si elle est un fantôme ou une voix intérieure, ou peut-être encore bien réelle. Si cette histoire prend l’allure d’une tragédie, elle est pourtant parsemée de moments comiques. Plusieurs personnes veulent se venger de Toby, et pistolets à la main, se disputent pour passer en premier. Toby finit par recevoir une balle quand même, et sa mort est jouée au ralenti, ce qui produit un effet particulièrement grotesque (on pense à un moment similaire dans L’Armée des douze singes, de Terry Gilliam). La critique ne vise pas seulement notre culte actuel des stars (sacrifices de sommes folles pour certains concerts, curiosité avide pour la vie privée des stars dans la presse people etc. ) mais aussi nos sociétés occidentales contemporaines dans lesquelles l’ennui paraît comme le pire ennemi qui soit. Aujourd’hui, tout nous pousse constamment à nous amuser, à nous distraire, coûte que coûte. La mise en scène de Frédéric Sonntag évoque au tout début l’ambiance des boites de nuits, à coup de fumigènes et de lumière saccadée. Un énorme canapé doré connote les ambiances kitsch d’appartements luxueux de stars ou d’émissions télévisées ridicules (Star Academy, Loft Story… etc. où de parfaits inconnus visent à se faire connaître en passant à la télé). La vie de Toby est une farce, une farce ridicule. On ne peut pas nier que l’ambition de départ de cette pièce est bonne, mais elle finit par se vautrer elle-même dans l’enchaînement des clichés qu’elle dénonce. La fillette blanche aux cheveux roux et en robe rose s’avère être une sorte d’envoyée du diable prenant sa revanche sur Toby, qui n’a pas cessé durant sa vie de promettre justement sa tête au diable. Celle-ci jubile de l’accident de voiture de Toby, et récupère sa tête sanglante qu’elle embrasse, couvrant son petit corps à l’allure innocente d’un rouge épais… Le beau doute initial tourne au scénario fantasque digne d’un mauvais film de série b, le tout dans un ton mélodramatique. Bien sûr, il faut prendre tout cela au second degré (voire au douzième degré) mais encore faut-il vouloir suivre les acteurs dans leur jeu souvent outré (comme par exemple lors d’une interminable fausse remise de prix). En bref, on aurait pu s’attendre à un spectacle très réfléchi, à de vraies questions modernes autour de thèmes comme la scission entre Moi et les Autres, le place d’un dieu ou des dieux modernes, l’idéal, la différence, les rapports du maître et de l’esclave, etc. Finalement, on se trouve devant un spectacle plutôt divertissant, dont l’humour attendu nous laisse parfois de marbre.

Toby
ou le saut du chien

De et mise en scène : Frédéric Sonntag
Par : la Compagnie Asanisimasa
Avec : Alexandre Cardin, Anaïs Chapuis, Laurent Charpentier, Amandine Dewasmes, Carole Labouze, Paul Levis, Mounir Margoum, Vidji Sabarros, Lisa Sans, Jérémie Sonntag, Fleur Sulmont, Karine Texier-Drieux, Olivier Waibel

Les jeudi 24 et vendredi 25 juin 2010
Dans le cadre du
Festival Impatience

Théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier
Angle de la rue André Suarès et du bd Berthier, 75 017 Paris
www.theatre-odeon.fr

www.asanisimasa.net

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