À l'affiche, Critiques // Les Bonnes, de Jean Genet, mise en scène Jacques Chambon, à l’Espace 44, Lyon

Les Bonnes, de Jean Genet, mise en scène Jacques Chambon, à l’Espace 44, Lyon

Oct 18, 2018 | Commentaires fermés sur Les Bonnes, de Jean Genet, mise en scène Jacques Chambon, à l’Espace 44, Lyon

 

© Marie Rubigny

 

ƒ Article de Victoria Fourel

 

Madame est absente. Ses bonnes s’empressent alors de jouer et de rejouer son trépas. D’imaginer comment venir à bout de leur maîtresse, celle qui les contraint, les domine, les assomme. De ce complot préparé dans une mansarde naît une intrigue à suspense, où les rôles sont sans cesse redistribués, et où la haine, l’admiration, et la lutte des faibles contre les forts se mêlent les unes aux autres.

Ce texte de Genet est aujourd’hui à la fois très populaire et toujours frappant d’originalité. Après le scandale retentissant que causa sa création, il est resté comme un vivier de rôles féminins forts et complexes. On comprend l’envie de jeunes troupes de travailler ce trio féminin. Mais assez rapidement, cet empressement à bien le jouer devient trop visible. La diction tente d’aller vite mais trébuche souvent, et l’interprétation ne parvient pas à rendre la modernité et le cynisme du texte. Les comédiennes y parviennent mieux dans les moments très concrets, mais ont plus de difficultés lorsqu’elles jouent des rôles dans leurs rôles.

La pièce, si elle n’est pas un plaidoyer pour les domestiques et contre les maîtres, renferment de nombreux thèmes tantôt poétiques et politiques. La bourgeoisie du siècle dernier et son mépris des classes inférieures, la hiérarchisation permanente des rapports, mais aussi la figure tragique, l’attirance dans la haine… Cette complexité n’est pas toujours lisible dans la mise en scène. Il y a des moments très savoureux dans le spectacle, comme l’arrivée de Madame et les échanges ambigus et sensuels des bonnes avec leur maîtresse. Mais le tout est un peu « premier degré », manquant d’invention. On pense notamment aux moments où Solange et Claire jouent Madame. A la fois catharsis, jeu de rôle, et préparation du meurtre, ces moments auraient mérité d’être plus inventifs, notamment visuellement.

Scéniquement, c’est la féminité qui l’emporte. Et c’est une idée intéressante, tant le plateau et les rapports sont féminins. Des robes suspendues sur le mur en pierre du théâtre nous rappellent l’importance de la beauté et de la séduction dans les rapports, et ce jusque dans les rapports entre femmes. Le climat au plateau est juste, à la fois intime et étouffant. On peut en revanche éventuellement regretter là aussi l’absence de décalage réel. On est dans un univers relativement moderne, mais qui peine à sortir de l’imagerie du boudoir avec boîte à bijoux et nuisette. On peut d’ailleurs se convaincre que c’est là le principal manque du spectacle, car dès que le décalage existe, par l’intervention d’une lumière, d’un changement de diction ou d’attitude, on est surpris et l’on se prend au jeu de rôle.

C’est un spectacle honnête et énergique, qui n’est ni ennuyeux ni frustrant. Simplement, on ne peut se défaire de l’impression que certaines répliques, certains doubles sens et certains moments troublants et poétiques nous sont passés sous le nez, dans un désir de bien faire. Dommage car l’intensité manquante n’était pas loin, dans le salon de Madame ou dans la mansarde des bonnes.

 

© Marie Rubigny

 

Les Bonnes, de Jean Genet

Mise en scène Jacques Chambon

Avec Justine Petitjean, Marion Germain, Lucie Gomez

 

Du 16 au 21 octobre 2018

Mardi, vendredi et samedi à 20h30, le mercredi et jeudi à 19h30 et le dimanche à 18h

Durée 1h15

 

Espace 44

44 rue Burdeau

69001 Lyon

 

Réservations 04 78 39 79 71

http://www.espace44.com

 

 

 

 

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