© Anoek Luyten
ƒƒƒ article de Paul Vermersch
Un vrai plaisir d’assister à ce travail à la fois vivifiant, joyeux et dont la réappropriation singulière et pourtant fidèle de l’œuvre de Molière ouvre sur des perspectives tout à fait actuelles. Oscillant entre une sorte de cabaret musical molièresque et une forme plus classique de théâtre à scènes, la Clinic Orgasm Society réinvestit la farce en toute modernité.
Personnages clownesques, théâtralité exubérante, musiciens live au plateau, la forme est très chargée et pourtant on ne suffoque pas. On avance petit à petit dans un décor barge (des cactus en fond de scène, voiture taille réelle, troupeau de moutons incarné pas des comédien.es amateur.ices de Lyon) en étant stupéfait et enthousiaste de la virtuosité à la fois des interprètes – qui construisent au plateau des partitions tout à fait farfelues mais saisissantes dans leur précision, leurs ruptures, leur engagement – et de la mise en scène, qui par des dispositifs très simples (et très drôles) vient nous faire comprendre tout l’autour de la fable. On rit de bon cœur, l’humour est un peu potache mais toujours amené avec intelligence, les personnages sont parfaitement dessinés, on remarque d’ailleurs à ce propos la performance saisissante de l’actrice jouant Madame de Sotenville, dont le travail autour de la langue, extrêmement net, vient faire apparaître une figure particulièrement étonnante. Les personnages ainsi renouvelés, on se laisse entraîner avec bonheur dans le classique, on ne résiste pas à ce George Dandin en jupe, trompé et trompé encore, on rit, on se moque, et c’est très plaisant.
Mais si le spectacle paraît si abouti c’est aussi parce qu’il ne se débarrasse pas du tout de Molière, qu’on sent que la forme travaille vraiment avec le texte classique sans chercher à s’en défaire. On a décidé de préserver l’enjeu du texte, des scènes, des situations et des rapports de pouvoir entre les personnages. La force de la fable s’épanouit pleinement dans l’excès des interprètes et l’on redécouvre l’espoir inépuisable de Molière : les jeunes filles gagnent toujours faces aux vieux messieurs. Un message qui, porté avec une formidable énergie, et ramené à cette esthétique toute étrange, vient raconter quelque chose de beaucoup plus actuel que l’on entend volontiers à l’endroit du féminisme contemporain.
Seule limite peut-être : la forme se laisse parfois embarquer elle-même dans son excès, au risque de venir produire des effets ou des tableaux commandés davantage par l’esthétique de la troupe (ou un désir de faire de l’effet) que par la véritable nécessité de ce qui se déploie au plateau. Les moments chantés et chorégraphiés notamment, bien qu’ils nous happent facilement par leur grande énergie et la joie qui advient sur scène, finissent finalement par brouiller un peu l’objet : on ne sait plus trop à quoi on assiste, on reçoit beaucoup d’informations dans tous les sens, il arrive qu’on ait du mal à relier les effets comiques à ce qui se poursuit dans la fable. Des moments à la marge, qui n’empêchent pas de sortir de salle de franchement bonne humeur, et ravis d’avoir traversé ce classique par cette entrée si gaie.
© Anoek Luyten
George de Molière, Textes de Molière
Mise en scène : Ludovic Barth, Mathylde Demarez
Assistant à la mise en scène : Hugo Favier assisté de Lorenzo Folco et Théo Réveillaud
Avec : Yoann Blanc, Raphaëlle Corbisier, Marion De Keyser, Adrien Desbons, Grégory Duret, Lorenzo Folco, Thymios Fountas, Florent Lanquetin, Théo Reveillaud, Eline Schumacher, Olivia Stainier, Clément Thirion
Figuration : Solenn Arnaud Joufray, Léo Delmar, Lucille Duchesne, Félix Fournier, Yaëlle Giraud, Lou Joly, Rachel Leca, Johanne Maiorino-Conte, Karl Picard, Ambroise Ract Madoux, Camille Skwarczek, Wiktor Vallet
Musique originale : Grégory Duret
Musique live : Frédéric Becker, Catherine de Biasio, Grégory Duret
Chorégraphies : Clément Thirion
Costumes : Nina Lopez le Galliard, Odile Dubucq, Ateliers du Théâtre de Liège, Fabienne Damiean des Ateliers du Varia assisté de Dolça Mayol, Tatiana Strobbe
Scénographie Zouzou Leyens
Construction : Guy Carbonnelle, Corentin Mahieu, Chloé Tempelhof, Louise Vacher weiss, Robinson Catelin, Zouzou Leyens
Lumière : Marc Lhommel assisté de Clara Bellemans
Son : Laurent Gueuning assisté de Lucie Bourdon
Régies lumière : Jean-François Philips, son Laurent Gueuning, plateau Ondine Delaunois et Christel Olislagers
Coaching vocal : Raphaële Germser
Coordination générale : Christel Olislagers
Couteau suisse : Victor Demarez
Du 28 janvier au 1er février 2025
Durée : 2h
Théâtre de la Croix-Rousse
Place Joannès Ambre
69004 Lyon
www.croix-rousse.com
comment closed