Critiques // Critique • « Diplomatie » de Cyril Gely au Théâtre de la Madeleine

Critique • « Diplomatie » de Cyril Gely au Théâtre de la Madeleine

Fév 01, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Diplomatie » de Cyril Gely au Théâtre de la Madeleine

Critique de Camille Hazard

Les lumières s’éteignent… les drapeaux nazis tombent.

Quelques secondes suffisent pour nous figer, nous glacer et nous transporter à l’époque où la « Propagandastaffel » (l’escadron de la propagande allemande) sévissait dans les théâtres parisiens. Époque où le drapeau nazi flottait sur la ville de Paris.

Tout un symbole donc…

© Dunnara Meas

Il n’est pas aisé de tenir les spectateurs en haleine lorsque tout le monde connait le dénouement de l’Histoire : Hitler avait ordonné au Général Von Choltitz de rayer Paris de la carte, on sait que celui-ci n’a pas exécuté l’ordre absurde du Führer malgré sa loyauté sans borne à l’égard du régime nazi. Personne ne sait en revanche ce qui a pu lui faire changer d’avis durant cette nuit du 25 août 1944. C’est alors qu’un deuxième personnage entre en scène : Raoul Nordling, consul général de Suède à Paris. Une rencontre a lieu entre les deux hommes dans la suite de l’hôtel Meurisse. Le spectacle naît : Raoul Nordling a une heure pour convaincre, argumenter, négocier le sauvetage de Paris.

« D’ici une heure, plus aucun rat ni chien, ne vivra dans cette ville. »
Von Choltitz

L’idée de ce huis-clos est originale mais risquée.
L’auteur, Cyril Gely, malgré des passages qui ne manquent pas d’humour et une fin saisissante, ne va pas vraiment au bout de son écriture. Si le texte est magnifié dans la bouche de Niels Arestrup, on aurait souhaité des dialogues plus intenses, plus complexes entre ces deux « cerveaux ».

© Dunnara Meas

Une direction est tout de même très intéressante : Il s’agira moins pour le consul suisse de convaincre l’autre, de changer sa vision des choses que de mettre à jour sa part d’humanité et de responsabilité. Il ne l’habille pas d’arguments, il l’épluche jusqu’à trouver l’Homme.
Quelques idées un peu simplistes, quelques images d’Epinal, viennent entacher le plaidoyer : Vous n’allez tout de même pas tuer des milliers d’enfants, ils ne vous vont ont rien fait ! – Mais je dois protéger d’abord les miens, eux non plus n’ont rien fait ! Si vous refusez l’ordre, vous pourrez revenir admirer Paris avec ses odeurs de croissants chauds, ses jupes légères qui batifolent sur la selle des vélos…
Quelques questions fondamentales sont soulevées sans être approfondies : la conscience individuelle, l’Homme sans sa fonction sociale, la survie, la peur de l’autre, la neutralité politique d’un pays…

Une bête fauve, au rythme de la corrida.

© Dunnara Meas

Grotowski appelait les acteurs « Ces sacrifiés que l’on verra encore du haut de leur bûcher flamboyant, nous faire des signes désespérés ».
Cette phrase prend tout son sens lorsqu’on voit Niels Arestrup sur scène. Il porte entièrement la tension du spectacle, jouant sa vie à chaque instant dans une urgence effrénée ; il palpite, transpire, tremble, se cogne à sa propre vie donnant un sentiment d’insécurité. Il humanise son personnage dans un combat acharné avec lui-même : Doit-il écouter l’homme ou le général ?
Enfin il porte la vie de ce Von Choltitz jusque dans ses plus infimes actions, ses intentions sont directes, franches et efficaces. Dans un jeu à la fois extrêmement contrôlé et  « brouillon », il intensifie chaque mot du texte en amenant poids et fragilité.
André Dussolier est très bien choisi pour interpréter ce diplomate, pour qui Paris n’a plus de secret. Son charme et son humour allègent parfois les situations. Mais le metteur en scène Stéphane Meldegg ne prend pas beaucoup de risques en le choisissant, on a même l’impression qu’il souhaite qu’André Dussolier « fasse » du Dussolier… La clarté et l’intelligence de son regard que l’on connait si bien au cinéma, sa finesse de jeu et sa voix suave si envoutante, se perdent parfois dans le lointain du théâtre.

La mise en scène et les décors sont conventionnels, sans surprise, ils laissent la place au jeu des comédiens, et ce n’est pas plus mal, nous ne sommes pas gênés par des effets indésirables et saugrenus !
Un effet délicat est produit à travers le décor de Paris ; la lumière dévoile petit à petit les toits, les rues et l’on ne découvre entièrement la ville que lorsque l’ordre est refusé et la capitale sauvée.
Même si la pièce manque de dangerosité et de tension, on reste tout de même captivé par la confrontation de ces hommes politiques et de ces deux grands comédiens.

Diplomatie
De : Cyril Gely
Mise en scène : Stéphane Meldegg
Conseillère artistique : Béatrice Agenin
Avec : Niels Arestrup, André Dussolier, Roman Kané, Olivier Sabin, Marc Voisin
Assistante mise en scène : Véronique Viel
Décor : Stéphanie Jarre
Costumes : Véronique Périer
Lumière : Roberto Venturi
Son : Michel Winogradoff
Accessoires : Nils Zachariasen

Du 15 au 16 avril 2011

Théâtre de la Madeleine
19 rue de Surène, 75 008 Paris – Réservations 01 42 65 07 09
www.theatremadeleine.com

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