ƒƒ critique Camille Hazard

© Bruno Bléger

Deux pans de mur sur lesquels sont projetés à tour de rôle, quatre visages, un espace vide habité par deux comédiens, des voix-off et une bande son provoquant une atmosphère pesante… Un dispositif scénique simple qui met en exergue toute la subtilité du texte d’Alexandra Badea.

Le capitalisme et ses effets néfastes se tapissent derrière chaque aliment que nous absorbons, derrière chaque vêtement que nous revêtons, derrière chaque produit que nous consommons… Ça nous le savons. Mais nous prenons rarement conscience de l’étendue monstrueuse de ce corps tentaculaire qui avale pays et peuples.

Le temps d’une journée et d’une nuit, nous assistons au destin de quatre personnes habitant Lyon, Dakar, Budapest et Shanghai. Les identités de ces personnes n’existent plus que dans leur fonction au sein la multinationale qui les emploie ; noms barbares pour masquer l’esclavage moderne. « Responsable Assurance Qualité Sous-traitance, Superviseur de plateau, Opérateur de fabrication, Ingénieur d’études et de développement ».

Bien-sûr le responsable et le superviseur semblent jouir d’un statut social plus élevé, plus gradé et plus donc plus confortable mais on s’aperçoit rapidement qu’ils sont tout autant victimes de la même matrice planétaire ; pris au piège par l’obligation de rendement, de résultats, de chiffres positifs, d’abaissement du prix de la main d’œuvre… Autant de directives qui font partie de notre quotidien de travailleurs français, européens, mondiaux.

Aucun décor, aucun costume présent pour mettre en lumière ce texte sans concession. Les comédiens, Agathe Molière et Stéphane Facco, incarnent les quatre personnages avec finesse et grande conviction.

Souvent sous forme de monologues, parfois de dialogues, les mots frappent avec violence, en direct de ce qui se passe maintenant, tout de suite dans le monde pendant que nous assistons à cette représentation ; car les multinationales ne dorment jamais… Un sentiment de rage et d’impuissance nous envahit, puis un sursaut de vie happe un personnage : Tout claquer ! Fuir ! Prendre un avion pour le bout du monde !! « Attention Madame nous ne vendons que des billets aller-retour »… Et le piège se referme. Le personnage ne s’évadera sur une île déserte que le matin en respirant l’odeur du Tahiti douche, seul moment de douceur avant une journée de cauchemar…

Un caisson noir au centre de l’espace prend différents visages et rôles au fil des tableaux ; d’une valise, le voilà lit, mallette, dossier. Puis immergés dans le texte, on le perçoit aussi de manière symbolique comme le capitalisme indétrônable, le monolithe moderne, la nouvelle religion…

Pulvérisés est fort car les mots sont vrais, simples et sans détour. La mise en scène d’Aurélia Guillet et Jacques Nichet avance sur les pas de l’auteur. Aucun fard, juste deux corps présents pour rendre vivants les mots de papier.

Pulvérisés
D’Alexandra Badea
Mise en scène Aurélia Guillet et Jacques Nichet
Scénographie Philippe Marioge
Musique originale Nihil Bordures
Création vidéo Mathilde Germi
Création lumières Jean-Pascal Pracht
Costumes Elisabeth Kinderstuth
Assistante à la mise en scène Ariane Boumendil
Régie générale et vidéo Pierrick Lenormand
Photographies projetées de Alfredo Caliz / Rea, Denis Darzacq / Agence Vu, Toru Ukai
Construction des décors et réalisation des costumes Ateliers du TNS
 
Avec : Stéphane Facco et Agathe Molière
 
Voix-off : Dominique Baux, Bruno Bléger, Ariane Boumendil, Mata Cases, Sarah Chaumette, Adama Diop, Martha Evonuk, Jérôme Ferchaud, Rui Gao, Cécile Garcia-Fogel, Bénédicte Guérin, Nina Jankovic, Laila, Khaidouri, Martina Klausmann, Sabrina Kouroughl, Wayan Lenoir, Xiofan Molinier, Nina NKundwa, Valérie Ollivier, Jeanne Piponnier, Pierre-François Pommier, Magda Radecka, Marie-Cécile Remy, Marion Trémelot, Laszlo Trouillet, Nathalie Trouvé, Hélène Schwaller, Olivier Werner, Zhuoer Zhu, Sabine Zovighian
 
Du 19 mars au 5 avril 2014
Mardi et jeudi à 19h30, mercredi et vendredi à 20h30, samedi à 18h, dimanche à 16h – durée 1h30
 
Théâtre de la Commune
Centre Dramatique National d’Aubervilliers
 2, rue Edouard Poisson – 93304 Aubervilliers
M° Aubervilliers-Pantin-Quatre chemins
Réservations 01 48 3 16 16
www.theatredelacommune.com

voir l’article sur Pulvérisés d’Alexandra Badea

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