Critique de Camille Hazard
-« On y va ? Tu verras ça va aller »
-« Tu verras ça va aller »
-« Jamais ça ira »
-« Jamais ça va aller ! »
Quatre adolescents, assis et couchés jonchent le plateau.
Quatre marionnettes, plus grandes que la taille humaine, sont restées figées dans leur posture dans un sous-sol qui leur sert de lieu de répétition de musique.
La compagnie Trois-six-trente et Marguerite Bordat propose une mise en scène et un parti pris tout à fait inattendu et efficace jusqu’au malaise…
Le texte de Jon Fosse sur l’adolescence, inspecte tous les travers de cet âge au combien dangereux. Le narcissisme de l’individu, le comportement en groupe, l’inertie du désabusement, la maladresse des corps en plein épanouissement, l’amour bien sûr et le désespoir qu’il fait naître. L’écriture de Fosse ne met jamais le doigt pleinement sur la plaie, elle tourne autour à coups de phrases piquées, de quelques mots lancés, qui reviennent comme une obsession. Le sens et la beauté du texte transparaissent dans les silences, dans ces mots quotidiens vaguement adressés à l’autre, banals, lourds et qui reviennent à la charge avec l’espérance naïve de pousser ces adolescents à l’action.
Afin de percer à jour la poésie et la violence du texte, les adolescents-marionnettes sont manipulés par les comédiens. Un labyrinthe de jeu se forme entre les regards chargés des êtres vivants qui jouent la pièce et les visages inexpressifs des poupées. Les comédiens forment un carcan, emprisonnent ces grands corps pantelants; ils les guident, contrôlent leurs expressions, leurs états d’âme…A moins que parfois ce ne soit l’inverse… !
On bascule très vite dans l’ambiguïté et dans le surnaturel. Le malaise se crée, nous perdons tout repère tranquillisant pour s’engouffrer dans leur complexité à vivre.
C’est bien le destin de ces adolescents qui se joue devant nous; une lutte dans laquelle se mêlent l’urgence et l’inertie. Emprisonnés par l’arrière goût encore présent de l’enfance et la peur de grandir, d’être au monde, ces marionnettes semblent parfois se débattre de ces mains qui les guident pour s’échapper.
Les comédiens vêtus de noir sont parfois cachés, volontairement inexistants puis ils quittent leur « simple » rôle de manipulateur pour participer au jeu, pour vivre avec leurs marionnettes.
Un va et vient de visible et d’invisible, de conscient et d’inconscient, de réel et de fantasme, à chacun de voir ce qu’il a envie de voir !
Violet
De Jon Fosse
Traduction Terje Sinding
Mise en scène Bérangère Vantusso
Compagnie trois-six-trente
Avec Anne Dupagne, Junie Monnier, Guillaume Gilliet, Christophe Hanon, Sébastien Lenthéric et Philippe Rodriguez-Jorda
Conception marionnettes de marguerite Bordat et Bérangère Vantusso
Sculpture et peinture de Marguerite Bordat
Moulage, réalisation et montage des corps d’Einat Landais, assistée de Cécile Boivert, Elsa Maurios, Michel Ozeray et Claire Rabant
Costumes Sara Bartesaghi Gallo
Perruques Nathalie Régior
Scénographie et costumes Marguerite Bordat
Lumière Olivier Irthum
Création sonore d’Arnaud Paquotte
Création musicale Cheresse
Du 5 au 15 avril 2012
Lundi, mercredi, jeudi et vendredi à 20h30, samedi à 18h00, dimanche à 16h00, relâche le lundi (durée 1h00)
Théâtre Gérard Philippe
59 Boulevard Jules Guesde – 93200 Saint Denis
Réservation au 01 48 13 70 00
www.theatregerardphilippe.com
www.troissixtrente.com